En direct de Gaza
PALESTINE – Les 10 plaies de Gaza
Ziad Medoukh
Mercredi 6 janvier 2016
2015 s’est achevée
et une nouvelle année dramatique
s’annonce déjà pour Gaza.
Depuis plus de dix ans, et à la fin
de chaque année, les habitants de la
bande de Gaza espèrent un changement de
leur situation marquée par la
souffrance, le maintien du blocus
israélien, la poursuite des attaques
contre leur prison à ciel ouvert, et son
isolement comme région oubliée.
Depuis le retrait israélien et
l’évacuation des colonies israéliennes
en 2005, et depuis le début du blocus
israélien imposé en 2006, la bande de
Gaza vit une situation difficile qui
complique de plus en plus le quotidien
de presque deux millions d’habitants.
En dix ans, la population civile a
subi trois offensives militaires
israéliennes qui ont fait des milliers
de morts et des milliers de blessés,
outre la destruction massive de toute
une région.
Dix années se sont écoulées, mais il
est impossible pour les Palestiniens de
Gaza d’oublier la guerre, la souffrance,
les massacres et les crimes commis par
une armée d’occupation, contre leurs
femmes et leurs enfants, contre leurs
maisons et leurs écoles, contre leurs
usines et leurs routes…
L’année 2015 a connu la poursuite de
ces événements tragiques pour les
habitants de cette région enfermée et
laissée à son sort, une région
abandonnée par une Communauté
internationale silencieuse et complice…
Premièrement, le maintien du
blocus israélien inhumain imposé de
façon illégale par les forces
d’occupation depuis plus de neuf ans, et
la fermeture permanente des passages qui
relient la bande de Gaza à l’extérieur.
Concernant les passages commerciaux :
actuellement, par jour, 250 à 300
camions seulement entrent à Gaza par le
seul passage commercial, ouvert cinq
jours par semaine ; ce passage se situe
au sud de la bande de Gaza, mais la
moitié de ces camions sont à destination
des organisations internationales et de
leurs projets de reconstruction d’écoles
et de stations de distribution d’eau.
Parmi ces camions, 5 ou 6 seulement
contiennent des matériaux de
construction, notamment le ciment. Ce
passage se ferme sous n’importe quel
prétexte, par décision israélienne, sans
que soient pris en considération les
besoins énormes de la population civile.
Gaza n’a droit qu’à 130 produits,
pour la plupart de première nécessité,
contre une liste de 950 produits avant
le blocus ; plusieurs produits
nécessaires à la vie quotidienne et
médicaments n’entrent plus, ce qui a
aggravé la situation. Selon les
estimations des organisations
internationales, la bande de Gaza a
besoin de plus de 1.300 camions par jour
pour répondre aux besoins énormes d’une
population en augmentation permanente.
Cette fermeture empêche aussi
l’exportation des biens produits à Gaza,
essentiellement des matières premières
et des produits semi-finis, ce qui grève
de matière catastrophique le
redéveloppement économique de cette
région palestinienne.
Deuxièmement, aucun projet de
reconstruction public ou privé n’a
commencé.
Il faut faire un effort d’imagination
pour se rendre compte de la réalité
quotidienne des Gazaouis : aucune maison
n’a été reconstruite un an et demi après
la fin de la dernière attaque meurtrière
contre Gaza, à l’été 2014. Le comité
national de la reconstruction de Gaza a
annoncé que seules des réparations aux
maisons partiellement endommagées par
les bombardements israéliens ont pu être
réalisées.
Après un an et demi, aucun véritable
projet de reconstruction n’a pu être mis
en œuvre.
Seulement 15% de l’argent promis lors
de la conférence sur la reconstruction
de la bande de Gaza, les 11 et 12
octobre 2014 au Caire (5,6 milliards de
dollars avaient été promis), ont été
versés, soit directement à l’Autorité
palestinienne (qui se heurte à
d’énormes difficultés pour mener des
projets de reconstruction dans la bande
de Gaza et qui, réellement, n’y exerce
aucun pouvoir, à cause des mesures
israéliennes d’une part et des
divergences politiques entre les
différents partis palestiniens d’autre
part), soit aux organisations
internationales (qui s’intéressent
surtout à distribuer des aides
alimentaires aux sans-abris plutôt que
de commencer la reconstruction des
maisons détruites).
Le plan Siry (du nom du responsable
des Nations-Unies), qui prévoit l’entrée
de quelques camions de ciment par jour à
Gaza sous contrôle israélien (un plan
qui a dès lors, de facto, donné une
légitimité internationale au blocus et a
permis à Israël d’engranger des profits
supplémentaires), n’est pas appliqué par
les autorités israéliennes, qui, sous
n’importe prétexte, renient leurs
engagements.
En réussissant à forcer la
persistance de cette situation
catastrophique, le gouvernement
israélien a réussi à faire passer la
bande de Gaza d’une économie familiale
non-violente à une économie dépendante
d’Israël.
Troisièmement, la poursuite des
incursions, bombardements, malgré une
trêve respectée par les factions de
Gaza. On compte ainsi plus de 100
violations israéliennes en 2015 : 40
bombardements, 20 incursions dans
différentes zones frontalière au sud et
au nord de la bande de Gaza, 40 attaques
contre les pêcheurs et leurs bateaux de
pêche. 25 Palestiniens ont trouvé la
mort à Gaza suite à ces attaques et
bombardements.
Quatrièmement, le maintien de la
division inter-palestinienne, malgré la
création d’un gouvernement d’union
nationale dans les territoires
palestiniens. Il n’y a pas d’unité
nationale en Palestine, que se partagent
deux gouvernements, un à Gaza et un en
Cisjordanie. Leur divergences de vues et
leurs décisions contradictoires
empêchent l’amélioration des conditions
de vie des habitants de Gaza.
Par exemple, l’autorité palestinienne
verse leur salaire à 70.000
fonctionnaires de Gaza, via les
banques ; mais elle ne contrôle pas tous
les secteurs économiques, ni les
passages dans cette région dominé
jusqu’à maintenant par le Hamas.
Cinquièmement, la dégradation de la
situation économique et le taux de
chômage, qui dépasse les 65% de la
population civile active. Le phénomène
le plus dangereux est la hausse du
chômage chez les jeunes de moins de 30
ans, qui a atteint 85%, en 2015.
65% de la population de Gaza vit
ainsi en dessous du seuil de pauvreté
L’augmentation du nombre de personnes
qui dépendent des organisations
humanitaires : 75% des Gazaouis vivent
d’aides alimentaires. Selon les sources
du bureau des Nations-Unies pour les
réfugiés palestiniens (UNRWA), dans la
bande de Gaza, plus de 970.000 personnes
ont bénéficié du programme de l’aide
alimentaire géré par le bureau en 2015,
ce programme a élargi ses services pour
cibler les citoyens et non plus
seulement les réfugiés.
L’économie de la bande de Gaza
souffre d’une crise très grave due aux
agressions israéliennes et au blocus.
Cette situation empêche tout
développement d’une économie en faillite
qui ne trouve pas les ressources
nécessaires pour sortir d’une crise
qui touche tous les secteurs.
Pour beaucoup d’économistes, l’année
2015 est considérée comme la plus
catastrophique pour l’économie
palestinienne depuis 20 ans.
Sixièmement, le soulèvement populaire
en Cisjordanie, commencé en octobre 2015
et qui entre dans son quatrième mois, a
détourné l’attention de Gaza ; les
problèmes et les difficultés affrontés
par les Gazaouis intéressent moins
l’Autorité palestinienne et le reste du
monde.
Septièmement, la fermeture des
passages qui relient la bande Gaza à
l’extérieur, notamment le passage de
Rafah au sud de la bande de Gaza, et le
passage d’Iretz au nord de la bande de
Gaza, a rendu presqu’impossible le
déplacement des Palestiniens de Gaza. Le
passage de Rafah a n’a été ouvert que 50
jours seulement en 2015, tandis que le
passage d’Iretz, contrôlé par l’armée
israélienne, n’est autorisé qu’à 5 % de
la population gazaouie, principalement
aux malades, aux hommes d’affaires et à
quelques cas humanitaires.
Huitièmement, l’eau, l’électricité,
les infrastructures civiles diverses
font toujours défaut, sans qu’aucune
solution ne soit envisagées dans le
court terme.
La seule centrale électrique de la
bande de gaza a été bombardée à l’été
2014 ; elle ne fonctionne plus qu’à 30%
de sa capacité initiale, et chaque foyer
à Gaza a droit à 8 heures de courant
électrique par jour, pas davantage.
Concernant l’eau : les dommages
causés aux canalisations et aux
infrastructures d’assainissement ont été
immenses. En décembre 2015, plus de la
moitié des Gazaouis n’avaient plus aucun
accès à l’eau.
Neuvièmement, la situation et les
événements qui se déroulent dans les
pays arabes, en particulier en Syrie, en
Irak et au Yémen, focalisent l’attention
des dirigeants arabes ; la cause
palestinienne est passée aux oubliettes
de l’histoire…
Dixièmement, enfin, l’immobilisme :
aucun changement ; rien ne change ; rien
ne bouge ; la vie civile est presque
paralysée. Et ça dure depuis longtemps,
sans aucune réaction nationale,
régionale ou internationale.
La population civile se bat
quotidiennement pour simplement exister
encore.
L’aspect le plus grave de cette
situation difficile pour les habitants
de la bande de Gaza et qui marque
l’esprit de la majorité des habitants,
c’est l’absence de perspectives pour ces
gens qui ne voient aucun changement, qui
constatent que les choses n’avancent
pas : réconciliation, fin de division,
amélioration de leur condition de vie,
ouverture, fin d’occupation ; sentiment
horrible qui va influencer l’avenir de
cette génération, surtout celle des
jeunes, qui commencent à perdre espoir
en un avenir immédiat meilleur.
Les questions qui se posent au début
de cette nouvelle année : quand la
reconstruction de Gaza
commencera-t-elle ? Jusqu’à quand ce
blocus israélien inhumain contre la
population civile de la bande de Gaza ?
Jusqu’à quand cet impunité d’Israël ? Et
jusqu’à quand le silence international
officiel ? Jusqu’à quand cette
injustice ?
Publié sur
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