Tunisie-Politique
Ces Tunisiens
nostalgiques de Ben Ali :
«Au secours, les islamistes nous
désespèrent !»
Yüsra N. M'hiri
Vendredi 22 novembre 2013
Alors
que plus rien ne va et que le pays
s'enfonce dans la crise et se retrouve
dans une impasse politique, des
Tunisiens se tournent vers leur ancien
dictateur, délogé comme un malfrat, et
qu'ils appellent, aujourd'hui, à leurs
secours.
Par
Yüsra N. Mhiri
Le 14 janvier prochain, les Tunisiens
célébreront le 3e anniversaire de la
révolution de 2011, mais l'immense
soulagement ressenti après la fuite de
l'ancien dictateur et la chute de son
régime répressif a laissé la place,
peu-à-peu, à un lancinant sentiment de
désespoir.
Les élections du 23 octobre 2011, qui
ont ramené les islamistes d'Ennahdha au
pouvoir, semblent avoir mis fin à
l'euphorie.
Les deux gouvernements islamistes (Hamadi
Jebali et Ali Larayedh) ont échoué
lamentablement. Aucune promesse
électorale n'a été respectée. Pas
développement dans les régions
défavorisées, ni de création d'emploi.
Mais une inflation galopante, une
raréfaction de l'investissement et une
montée de la violence et du terrorisme.
Pire encore : les libertés, chèrement
acquises, sont remises en question et
menacées. La justice est
instrumentalisée et les nouveaux
dirigeants se partagent les rares
richesses du pays comme un butin de
guerre.
Trop c'est trop... Le désespoir délie
les langues et beaucoup de Tunisiens,
face à l'impuissance de l'opposition et
au renforcement de la dictature des
islamistes au pouvoir, se tournent vers
leur ancien dictateur. Sous son règne,
ils n'étaient pas libres, mais en
sécurité. Ils n'étaient pas riches non
plus, mais ils vivaient relativement
bien. Tant qu'ils ne se mêlaient pas de
politique, ils pouvaient s'amuser et
profiter de la vie. Aujourd'hui, ils ont
peur et sont angoissés face à un avenir
incertain.
Pour exprimer leur ras-le-bol,
certains ont créé d'abord des pages
Facebook, telles que
«Pardon monsieur le président»,
ou encore «Vous
nous manquez monsieur le président, vous
et votre sécurité», faisant la
louange de l'ancien dictateur, lui
demandant pardon ou, ironie du sort,
reprenant la fameuse phrase prononcée
par Ben Ali deux jours avant sa fuite en
Arabie saoudite : «Je vous ai
compris»! , réplique un internaute.
Le
commerçant de Sfax affiche fièrement les
portraits de l'ex-tyran
Il y a eu, ensuite, ce commerçant de
Sfax qui a posé fièrement à côté d'un
portait de Ben Ali, qu'il avait pris
soin d'accrocher dans son local... La
photo qui fait un buzz monstre sur la
toile et dans les médias.
Dans les cafés, les salons de
coiffure ou les facultés, on n'a plus
honte d'exprimer ouvertement leurs
regrets d'avoir poussé Ben Ali à fuir le
pays. Florilège: «Si seulement on
avait su qu'Ennahdha allait prendre le
pouvoir, on n'aurait jamais fait la
révolution»... «On paie notre
intransigeance à l'égard de Ben Ali, il
avait dit ''je vous ai compris'', on
aurait du lui laisser une chance»...
«Lui, au moins, a su combattre
efficacement le terrorisme»...
Il y a quelques jours, sur
la chaîne Al-Janoubia, des citoyens
se sont totalement lâchés. A l'annonce
«Ben Ali sera bientôt de retour»,
les réactions ont été pour moins
surprenantes: «Qu'il soit le
bienvenue, on votera pour lui»...
«Franchement, sous son règne, c'était
mieux. Nous étions au moins en
sécurité»... «Je serais heureux si cela
s'avérait vrai»... «Je lui dirais merci
monsieur le président, que Dieu vous
bénisse. Les Trablesi ont certes volé,
mais nous n'en avons pas été directement
affectés. Et puis, de toute façon,
s'agissant de la corruption, cette
pratique existe encore aujourd'hui»...
«Du temps de Ben Ali, le sang n'avait
pas coulé à flot et il n'y avait ni
guerre civile, ni terrorisme, ni haine
entre les Tunisiens. Le gouvernement
actuel a divisé le peuple et c'est son
plus grand tort»... «Avec ceux là
(par allusion aux islamistes, NDLR),
les pauvres se sont appauvris et c'est
eux qui ramassent tout, absolument tout,
sans se soucier de nous»... «Ben Ali
peut revenir à tout moment, mais sans
les Trabelsi»... «Aujourd'hui, nous
n'avons de toute façon pas de président,
mais où est-il ? Il est abonné aux
absents. Il ne sert à rien, c'est comme
si nous étions sans Etat. Et puis la
démocratie, n'est pas faite pour les
peuples arabes, voyez par vous-même le
résultat»... «J'aimerai aller le voir en
Arabie Saoudite accompagné de Raouf
Kouka pour lui dire ''monsieur Ben Ali,
c'était une caméra cachée''»...
Faut-il blâmer ces gens parce qu'ils
regrettent leur ancien oppresseur?
Peut-être, mais il faut aussi essayer de
les comprendre. Quand on perd l'espoir
et qu'on ne voit plus d'issue à
l'impasse actuelle dans ce pays, on ne
peut éviter de faire des comparaisons.
Et ces comparaisons sont,
malheureusement, pour le moment, à
l'avantage de... Ben Ali.
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Publié le 22
novembre 2013 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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