P.A.S.
Le Maroc perturbe la donne
Yahia Gouasmi
Jeudi 26 mai 2016
Un
coup de tonnerre a éclaté récemment dans
la diplomatie internationale. La visite
du Roi du Maroc Mohammed VI chez le
Président de la Russie Vladimir Poutine,
marque un tournant sans précédent, et
rebat les cartes dans le concert des
nations.
Le Maroc saura-t-il saisir ce
virage pour le moins historique?
Quels évènements ont permis
ce revirement? Quelles seront les
conséquences de cette nouvelle
orientation?
La nouvelle est passée plutôt
inaperçue dans l’actualité main stream…Pourtant,
le 15 mars 2016, cinquante ans après, la
Royauté marocaine chérifienne se rend de
nouveau au pays des Tsars.
Symbole qui aurait pu alimenter
aisément la chronique des BFM TV
et consorts, et pourtant…
Il faut dire que cette visite
dérange, en Europe, et ailleurs.
Cette rencontre est le
point d’orgue d’une nouvelle
orientation inattendue dans la
diplomatie marocaine.
Du discours affirmé du 20 avril 2016
(d’aucuns diront complotiste), à
l’occasion du sommet Maroc-CCG [Conseil
de Coopération du Golfe] à Riyad,
jusqu’à la visite au Président chinois
Xi-Jinping le 11 mai, Mohammed VI semble
chercher de nouvelles alliances au
détriment de ses alliés traditionnels
tels que l’Union européenne, la France,
les États-Unis…
Il faut dire que ces derniers
semblaient jusqu’à présent se comporter
avec le Maroc comme en terrain conquis,
un reliquat conscient ou inconscient du
statut de protectorat du siècle dernier,
euphémisme pour ne pas désigner une
colonie partagée entre plusieurs
anciennes puissances coloniales
(Espagne, France..).
Le déclic semble s’être produit lors
de deux évènements qui ont clairement
remis en cause le train-train des
alliances post-independances du royaume
chérifien.
En effet, le 10 décembre 2015, la
Cour de justice européenne rejette
l’accord de libéralisation des échanges
agricoles et de pêche entre le Maroc et
le Conseil de l’Union européenne, suite
à une requête du Front Polisario
(mouvement politique et armé du Sahara
occidental, créé en 1973 pour lutter
contre l’occupation espagnole et opposé
depuis 1975 au Maroc pour le contrôle du
Sahara occidental).
Le Maroc réagit alors par la voix du
porte-parole du gouvernement en ces
termes :
« Le Maroc rejette
cette décision. Nous demandons aux
responsables européens de prendre
une position claire et ferme. Sinon,
cette décision d’annulation nous
poussera à revoir l’ensemble de nos
relations bilatérales et aura un
impact sur tous nos accords. »
Une grave crise s’en suivit. C’est
alors l’amorce du virage de la
diplomatie du royaume, bien décidé à se
faire respecter en tant qu’état libre et
indépendant dans ses choix.
L’autre événement qui a confirmé que
le Maroc était de moins en moins
considéré dans les relations
internationales (en tout cas parmi ses
« alliés »), est la visite de
Ban Ki-Moon, Secrétaire général de l’ONU
à Alger, du 5 au 7 mars dernier.
Lors de cette dernière,
celui-ci s’est rendu dans les camps
de réfugiés sahraouis près de
Tindouf, dans le sud-ouest de
l’Algérie, mais il s’est aussi
déplacé, et c’est sans précédent,
dans une zone contestée et gérée par
les indépendantistes du Polisario.
Ban Ki-Moon évoqua un « référendum
sur l’autodétermination » et
utilisa le terme « occupé » pour
qualifier la présence marocaine dans
le Sahara.
La réaction marocaine ne
tarda pas.
Le royaume argua que « l’utilisation
de ce terme est une insulte envers le
peuple marocain et une ineptie juridique
et une erreur politique grave », rappelant
qu’« aucune résolution du Conseil de
sécurité n’a utilisé une telle
terminologie. »
Ban Ki-Moon n’aurait pas fait
mieux pour mettre la pression sur le
Maroc, une semaine exactement avant la
visite en Russie… Coïncidence ?
C’est peu probable, notamment quand
on connait l’alignement de Ban Ki-Moon
sur les États-Unis en tout point. Ces
derniers verraient d’un très mauvais œil
le Maroc rejoindre le bloc mené par la
Russie. Il faut savoir que même si le
Maroc n’a pas de bases américaines sur
son sol, il leur accorde néanmoins
certaines facilités.
Dans la ligne de mire des
États-Unis, la Russie.
La Russie, sous embargo américain et
européen, doit trouver d’autres
partenaires, et le Maroc représente d’un
point de vue stratégique, un intérêt
primordial (notamment à cause du détroit
de Gibraltar). En revanche, sur le plan
économique, Rabat a peu à y gagner, la
balance commerciale étant nettement à
l’avantage des Russes.
L’intérêt des Marocains
se situe surtout dans le droit de
veto russe au Conseil de sécurité,
annihilant, le cas échéant, toute
résolution négative à son égard dans
le conflit du Sahara.
Lors de cette visite en terre russe,
pas moins de quinze conventions en tout
genre (économique, culturelle,
religieuses, etc.) ont été signées et
montrent à quel point le Maroc cherche
de nouveaux partenaires afin d’éviter
toute dépendance envers ses alliés
traditionnels.
Ces démarches sont un jeu
d’équilibriste et Mohammed VI marche sur
des œufs.
Il essaie de résoudre une
équation extrêmement complexe :
Chercher le soutien de
Moscou et soutenir l’intervention
des pays du Golfe en Syrie contre
Bachar al-Assad, allié des Russes,
eux-mêmes alliés historiques de
l’Algérie, qui elle, soutient le
Polisario…
Participer à la Coalition de
son allié traditionnel l’Arabie Saoudite
au Yémen contre les Houtis chiites
soutenus par l’Iran, allié des Russes,
même si le Maroc affirme « compter
sur la sagesse des responsables
saoudiens et iraniens afin d’éviter que
la situation actuelle ne s’étende à
d’autres pays de la région. »
Ainsi va la diplomatie, des alliances
qui semblent apparemment contradictoires
mais aux implications et aux intrigues
inextricables pour le commun des
mortels.
Le Maroc est à un carrefour
historique tant au niveau de ses
relations internationales qu’au niveau
de son intégrité territoriale
revendiquée.
Cette tentative courageuse de
s’extraire de la mainmise
américano-européenne sioniste, à travers
cette nouvelle diplomatie tous azimuts,
n’est-elle qu’un feu de paille destiné à
s’éteindre rapidement sous les pressions
occidentales, ou le Roi maintiendra-t-il
ce nouveau cap procurant à son pays
grandeur, fierté et indépendance ?
Le Parti Anti Sioniste ne
peut qu’encourager toute action du
Maroc visant à sortir de la sphère
d’influence occidentalo-sioniste.
Il est plus que temps que
les peuples du Maghreb sortent des
querelles internes et s’unissent
afin de faire face à leur véritable
ennemi.
Yahia Gouasmi
Président du Parti Anti Sioniste
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