Opinion
Aux rives de la Transcendance
Tariq Ramadan
© Tariq
Ramadan
Vendredi 3 février 2017
Pour les femmes et les hommes
d’Occident, l’Islam paraît réfractaire à
toute idée de modernité. On a pu lire en
première page de certains magazines
américains, anglais ou français –parlant
de la montée de l’islamisme – des titres
du type : L’islam ou la modernité,
L’islam ou la démocratie … quand les
formulations n’étaient pas plus
exclusivistes ou sentencieuses. Ce qui
se dessine en toile de fond, c’est
l’expression d’une sorte de face à face
entre l’Islam et l’Occident dans lequel
ce dernier se voit attribuer la qualité
positive, le principe d’ouverture et de
respect des valeurs humanistes et
démocratiques. L’islam apparaît, à
l’inverse, comme marqué négative-ment
par l’archaïsme et la tradition,
l’enfermement dans les anciennes
catégories dogmatiques, la
discrimination des femmes, la barbarie
du code pénal (traduit par la sharî’a),
et l’impossible liberté des peuples. Au
seuil du troisième millénaire de l’ère
chrétienne, les termes de l’alternative
sont clairs.
À considérer l’état des sociétés
musulmanes, il est impossible d’annuler
d’un trait de plume la portée des
critiques qui nous sont faites. Elles
sont fondées quand elles mettent en
évidence un certain nombre de
ré-flexions ou de comportements des plus
sidérants et que l’on justifie au nom de
l’islam : le privilège des rois et des
présidents, la justice expéditive,
l’analphabétisme des femmes avec un
éventail de discriminations plus
douloureuses les unes que les autres, le
traditionalisme étroit de certains
oulémas (savants) qui décident et qui
tranchent hors de toute réalité humaine,
dans un absolu que Dieu sait et connaît.
Les faits sont là, il faut les
reconnaître et en rendre compte.
Il faut pourtant demander à ce que le
débat sur l’islam soit lancé sur des
bases méthodologiques saines et claires.
Considérer et prendre en compte les
seuls événements choquants du quotidien
ou, plus largement, l’état des sociétés
musulmanes pour conclure de façon
définitive que l’islam ne peut répondre
aux problèmes contemporains est, en
terme d’analyse, erroné et réducteur.
C’est limiter les études islamiques
(l’islamologie) aux sciences sociales,
c’est faire des spécialistes de ces
dernières, des spécialistes de l’Islam
contemporain. Plus clairement, cela
revient à faire l’économie d’une étude
approfondie des fondements de l’islam
(dont on ignore souvent tout, mais qui
apparaissent si évidents tellement on en
parle… sans rien en dire pourtant) qui
nous permettrait de mesurer s’il existe
vraiment une incompatibilité entre
l’Islam et l’acceptation des principes
de la modernité tels qu’ils se sont
actualisés en Occident. Cette étude,
pourtant, serait seule à même de nous
donner les moyens de comprendre la
richesse et le foisonnement des idées
qui mobilisent aujourd’hui les esprits
dans les sociétés musulmanes afin de
donner le jour à une société qui, sur
les quatre plans économique, politique,
social et culturel, puisse vivre avec
son temps sans renier ni trahir ses
références.
L’étude de ces références s’impose donc
pour pouvoir s’engager dans une
discussion sérieuse sur le sujet qui
nous occupe.
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