Opinion
Un livre pour mieux comprendre
Cuba
Sébastien Madau
Mercredi 2 décembre 2015
La
Marseillaise
http://www.lamarseillaise.fr/culture/livres/44032-un-livre-pour-mieux-comprendre-cuba
Au fil des
conversations qui forment une unité, le
livre de Salim Lamrani suscite le débat
sur l'histoire, l'actualité et l'avenir
de l'île.
En dix
entretiens, l'universitaire et
journaliste Salim Lamrani évoque dans
« parole à la défense ! » les grands
débats qui traversent la société
cubaine.
Docteur en
études ibériques et latino-américaines
de l’Université Paris-Sorbonne et maître
de conférence à celle de La Réunion,
Salim Lamrani s’est spécialisé sur Cuba
et notamment les relations de l’île avec
les Etats-Unis.
Dans ses
divers ouvrages, l’auteur assume une
pensée à contre-courant des regards ou
des discours sur Cuba. Salim Lamrani ne
déroge pas à la règle dans «Cuba: parole
à la défense !» publié aux éditions
Estrella et préfacé par le député
communiste André Chassaigne, président
du groupe d’amitié France-Cuba à
l’Assemblée nationale.
Choix a été
fait de donner la parole, à travers dix
entretiens à des personnalités qui font,
vivent, connaissent, approchent Cuba.
L'aiment. Des journalistes, hommes et
femmes politiques, intellectuels,
diplomates... prêts à répondre à des
questions que beaucoup se posent.
« Malgré
son indéniable statut de victime
assiégée par la grande puissance
étasunienne aux prétentions hégémoniques
qui refuse d’accepter la réalité d’une
Cuba souveraine et libre de choisir sa
propre destinée, cette nation se
retrouve régulièrement sur le banc des
accusés » déplore Salim
Lamrani. « La rhétorique ressassée à
son encontre par les grandes puissances
occidentales et leurs relais médiatiques
opposés au processus révolutionnaire est
connue».
Société
socialiste dans un monde globalisé,
système à parti unique, droits de
l’homme... Cuba est régulièrement
attaquée sur plusieurs de ses
particularités sociales, politiques et
sociétales. En revanche, «Cuba est
systématiquement privée de son droit de
répondre aux attaques, de répondre aux
arguments et d’exprimer sa vérité»
soulève l’auteur.
Dès qu’il
s’agit d’aborder la question cubaine, en
effet, plateau télé et colonnes sont
occupés par des «opposants» de
l’extérieur au discours souvent connu
d’avance et parfois si épris de
certitudes qu’ils en viennent à
minimiser voire nier des faits pourtant
indiscutables, tels la politique
agressive des Etats-Unis, illustrée par
le blocus ou les succès dans les
domaines de la santé, l’éducation,
l’accès à la culture, etc.
L’ouvrage ne
souhaite pas monter Cuba comme un
paradis, là où d'autres le dépeignent
tel un enfer. Il interroge et laisse la
place aux réponses. Sans interprétation.
Il débute par un entretien avec Mariella
Castro, certes «fille de» Raul Castro,
mais surtout investie dans la cause pour
l’égalité des droits entre les sexes. La
conversation n’élude pas les heures
sombres de la place des minorités
sexuelles dans la société du début de la
Révolution. «Il est curieux que le
processus émancipateur de la Révolution
cubaine qui revendiquait dans son
programme la lutte contre les
inégalités, les différentes formes de
discrimination contre les femmes, le
racisme, et qui tentait d’éliminer les
injustices (...) ne se soit pas
intéressé au sort des homosexuels et ne
les ait pas considérés comme étant
victimes de discriminations»
répond-t-elle tout en soulignant
aujourd’hui les avancées. «Il existe
un consensus au sein de la société
cubaine pour considérer l’homophobie et
la transphobie comme étant des formes de
discriminations qui ne sont pas
cohérentes avec le projet émancipateur
de la Révolution».
Cette
conversation, argumentée, allant au-delà
du prêt-à-penser, est à l’image de
l’ensemble du livre où l’on retrouve
tour à tour l’ancien ministre Ricardo
Alarcon sur la question du pouvoir, des
institutions cubaines, de l’opposition;
Max Lesnik, ancien compagnon de lutte de
Fidel Castro ayant quitté l’île pour
Miami quand la Révolution a adopté son
caractère socialiste; l’intellectuel
Miguel Barnet qui évoque les liens entre
culture et socialisme...
On y trouve
également des témoignages d’étrangers
ayant eu ou ayant toujours un lien avec
l’île. Wayne Smith, un temps dernier
diplomate américain ayant oeuvré sur
l’île (avant le retour d’une Ambassade
en 2015) explique les liens entre les
deux pays. Jean-Pierre Bel, ancien
président (PS) du Sénat et conseiller du
président François Hollande sur les
questions latino-américaines souligne,
lui, les liens historiques, culturels et
économiques entre l’Hexagone et la perle
des Caraïbes. Quant à Alvaro Colom,
ancien président du Guatemala
(2008-2012), il traite de la place de
Cuba dans l’espace latino-américain et
des relations tissées avec l’ensemble
des nations du continent. Une manière de
rompre avec le discours ambiant et de
souligner une différence de perception
vis-à-vis de Cuba selon qu'elle
provienne de pays du Nord ou du Sud.
Bien loin de l’image d’une île fermée
sur elle-même.
Sébastien
Madau
Cuba,
parole à la défense !
Paris,
Editions Estrella, 2015
20€
Ouvrage
disponible en librairie.
Pour les
copies dédicacées et commandes,
contacter Salim Lamrani :
lamranisalim@yahoo.fr
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