LE CRI DES PEUPLES
Séisme politique en Russie : Medvedev
démissionne,
Poutine planifie son départ du Kremlin
Bryan Mac Donald
Vendredi 17 janvier 2020
Source :
RT
Traduction &
édition :
lecridespeuples.fr
On ne sait jamais
ce que la vie nous réserve. Un discours
sur l’état de la nation apparemment
routinier de Vladimir Poutine s’est
transformé de manière inattendue en
l’une des après-midi les plus mémorables
de l’histoire politique russe récente.
Mercredi, le
gouvernement russe a démissionné. Dmitri
Medvedev a quitté la première ligne
politique, Vladimir Poutine a confirmé
qu’il quittera la présidence à la fin de
son mandat actuel, et Mikhail Mishustin
est devenu le nouveau Premier ministre
russe. Comme Van Morrison l’a chanté
jadis, il y aura des jours comme
celui-ci.
Et on n’est que le
15 janvier. Une semaine après que les
Russes ont célébré le Noël orthodoxe, et
quinze jours après le Nouvel An, il n’a
pas fallu longtemps pour que les
affaires sérieuses reprennent.
Au matin, Mishustin
était tellement inconnu en dehors de la
Russie qu’il n’avait même pas de page
Wikipédia en anglais. Et son profil à
l’intérieur du pays était mineur,
au-delà du monde des responsabilités
politiques et administratives.
Le chef du
Service fédéral des impôts, Mikhaïl
Mishustin, choisi par le Président russe
Vladimir Poutine pour devenir le
prochain Premier ministre russe
Mais il ne fait
aucun doute qu’il s’agit d’un
gestionnaire efficace. En tant que chef
des services fiscaux russes, il a connu
un énorme succès. Les revenus ont
augmenté d’environ 20% sous sa direction
malgré une augmentation de 2% seulement
de la charge fiscale. En effet, l’année
dernière seulement, le Financial Times
l’a surnommé «l’agent du fisc du futur»
pour son rôle dans la reconstruction du
système de perception des taxes de la
Russie, qu’l a transformé en l’un des
plus avancés et des plus efficaces au
monde.
Pas une mince
affaire dans un pays où l’évasion
fiscale était autrefois une sorte de
sport national.
Un Moscovite natif,
Mishustin, comme Poutine lui-même, est
un passionné de hockey. Il a été décrit
comme «une figure politique peu connue
en Russie… un bureaucrate, quelqu’un de
capable de faire le boulot ».
Mais le même genre
de description aurait pu être appliqué à
Poutine lui-même en 1999, et voyez où
nous en sommes 21 ans plus tard.
Un long au
revoir
Aujourd’hui, le
Président a établi la feuille de route
pour sa sortie du Kremlin, donnant plus
ou moins le coup d’envoi de la marche
vers la transition du pouvoir. Il
démissionnera en 2024, ou peut-être même
plus tôt, et il entend démanteler le
système «hyper-présidentiel» qui lui a
permis d’exercer un tel contrôle au
pouvoir. Cela a été introduit par Boris
Eltsine en 1993 avec le soutien
américain, après qu’il a utilisé des
chars pour tirer sur le Parlement.
Poutine prévoit de
donner plus de pouvoirs à ce dernier
organe, le Premier ministre en
particulier jouissant de plus
d’autorité. Il souhaite également
renforcer le rôle du Conseil d’État. En
effet, il finira probablement là-bas
lui-même après avoir quitté ses
fonctions, dans une sorte de rôle
«d’homme d’État doyen». L’organe sera
composé de chefs de régions russes et de
membres de l’administration
présidentielle. Il semble qu’il remplira
une fonction consultative.
Pour atteindre ces
objectifs, Poutine souhaite réduire les
pouvoirs présidentiels et introduire une
limite de deux mandats. Cela
signifierait un maximum de 12 ans au
Kremlin; il y est déjà depuis 16 ans. La
vision générale est d’avoir plus de
freins et de contrepoids au pouvoir
exécutif, avec une présidence plus
faible et d’autres branches du
gouvernement renforcées.
Ne vous y trompez
pas, l’objectif de Poutine est de
préserver le système qu’il a hérité
d’Eltsine, puis peaufiné. Malgré tous
ses défauts, après une naissance
difficile, ce système a donné aux Russes
la plus grande liberté et prospérité
qu’ils aient jamais connues. Même s’il
reste encore beaucoup à faire pour
répartir plus équitablement les gains
économiques.
Précédent
historique
La place de Poutine
dans l’histoire serait alors à peu près
la même que celle de Franklin Delano
Roosevelt en Amérique, un Président
unique à quatre mandats qui a réparé le
pays après une catastrophe financière et
sociale (dans le cas de la Russie,
l’effondrement soviétique et les années
1990 désastreuses). Cela correspond
également à ce que les initiés de Moscou
soulignent fréquemment : Poutine veut
que l’histoire garde un bon souvenir de
lui. Un statut dont jouissent
relativement peu de dirigeants russes.
Une suggestion
notable dans ses propositions de
révision constitutionnelle est que les
futurs présidents doivent avoir résidé
en Russie pendant 25 années consécutives
avant de prendre leurs fonctions, et ne
jamais avoir détenu de passeport ou de
permis de séjour étranger. Cela
empêcherait une grande partie de
l’opposition moscovite pro-occidentale
de se présenter. Sans parler d’une
grande partie des libéraux russes, dont
un grand nombre a vécu à l’étranger à un
moment donné. Fait intéressant, si cette
règle avait existé en 2000, Vladimir
Poutine lui-même n’aurait pas pu devenir
Président de la Russie. Il a vécu en
Allemagne de 1985 à 1990 (mais au
service de l’État).
Les modifications
constitutionnelles proposées seront
probablement mises en œuvre après que le
peuple aura voté en leur faveur, afin
d’assurer un large consensus. Même si
elles pourraient être directement
adoptées par la Douma. Des rumeurs
suggèrent qu’un référendum pourrait
avoir lieu en septembre.
Poutine a également
abordé de nombreuses préoccupations
intérieures dans son discours
d’aujourd’hui. Il a promis une
augmentation des salaires des
enseignants et plusieurs mesures visant
à favoriser la natalité : davantage de
services de garde d’enfants, repas
chauds gratuits pour tous les enfants au
cours des quatre premières années
scolaires (sans aucune considération des
revenus, ce pour éviter toute
stigmatisation des foyers modestes) et
extension des allocations familiales de
36 à 48 mois.
Quant à Medvedev,
il n’a pas été mis de côté. Au lieu de
cela, l’ancien Président a été transféré
dans un rôle semi-cérémoniel, mais
toujours prestigieux (Secrétaire Général
adjoint au Conseil de Sécurité russe),
mettant fin à un « tandem » de douze ans
où il a gouverné la Russie avec Poutine.
Ce serait une erreur de rayer Medvedev
de la carte politique, mais il serait
surprenant qu’il exerce à nouveau le
même poids.
Alors qu’ils se
serraient la main et que Medvedev
quittait le Kremlin pour la dernière
fois en tant que Premier ministre,
Poutine lui a dit : « Tout n’a pas
fonctionné, mais ce n’est jamais le cas
nulle part. »
Néanmoins, Poutine
espère que « tout ira bien » pour
l’inévitable transition de pouvoir en
Russie. Un processus qui a maintenant
commencé.
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