LE CRI DES PEUPLES
Norman Finkelstein commente
les manifestations aux Etats-Unis
Lundi 8 juin 2020 Devine qui vient
dîner ce soir
Source :
http://normanfinkelstein.com/2020/06/03/guess-whos-coming-to-dinner,
3 juin 2020
Traduction :
lecridespeuples.fr
J’ai assisté aux
rassemblements de protestation contre
les violences policières chaque jour. Il
y a beaucoup à dire, mais le plus
frappant est qu’au moins la moitié, et
souvent plus, des manifestants sont
Blancs (voir la photo ci-dessous). Dans
ma jeunesse, seule une minorité de
Blancs participait aux manifestations
militantes en faveur des Noirs. C’était
toujours un peu gênant. Un orateur
remerciait invariablement les « frères
et sœurs Blancs » d’être venus.
Maintenant, personne ne remercie les
Blancs d’être là, notamment parce qu’ils
sont la manifestation, alors que
les relations entre Noirs et Blancs dans
les jeunes générations (hélas, on peut
compter sur les doigts d’une main le
nombre de personnes de plus de 40 ans
participant aux manifestations) semblent
plus à l’aise, normales. Je soupçonne
que cela a beaucoup à voir avec la
disparition de la classe moyenne
blanche, la prolétarisation /
marginalisation de la jeunesse blanche
(pas d’emploi, pas d’avenir, quatre
jeunes de différentes origines ethniques
partageant des appartements, etc.). Même
après le couvre-feu, lorsque le risque
d’arrestation se profile, les Blancs
marchent dans les rues en nombre égal
avec les Noirs. Ce n’est pas la noblesse
libérale blanche obligée, ce n’est même
pas la solidarité ; c’est parce que «
C’est NOTRE combat (à tous). »
Rage contre le
système
Source :
http://normanfinkelstein.com/2020/06/04/rage-against-the-machine,
4 juin 2020
Traduction :
lecridespeuples.fr
La manifestation
d’hier soir a pris une tournure violente
assez tôt, vers 21h30. De grandes
phalanges de policiers ont chargé et
battu à deux reprises des manifestants
dans le centre-ville de Brooklyn. Je ne
peux pas dire si un incident a déclenché
les agressions ou si les policiers
essayaient juste de faire respecter le
couvre-feu de 20h00. La peur était moins
d’être arrêté ou battu que d’être
piétiné à mort. Il n’y a pas de
dirigeants physiquement identifiables
lors de ces manifestations, et même s’il
y en avait, il est impossible de savoir
(du moins pour une simple quidam comme
moi) si on peut leur faire confiance.
Ils pourraient tous être des agents
provocateurs. Donc quand les problèmes
commencent, on ne sait pas exactement
quoi faire : « Sauvez-vous à toutes
jambes » ou (comme certains le supplient
frénétiquement) « Restez sur vos
positions ! »
Cela indique un
problème plus important. Il n’y a pas
d’agenda politique discernable. Les
slogans vont des plus primitifs, comme «
Police de New York (NYPD), sucez-moi la
*** » (crié vigoureusement par les
manifestantes) et « Pas de Justice, Pas
de paix / N*** la Police ! »), aux plus
ou moins politiques, comme « Comment
s’écrit racisme ? / NYPD » et « Quelles
rues ? / Nos rues. » Les hordes de
policiers (dont de nombreux
afro-américains visiblement mal à l’aise
d’être du mauvais côté des barricades)
sont priés de « Mettre un genou à terre
» (très peu probable car, dans ces
circonstances, cela ne signalerait pas
l’expiation mais la faiblesse), ou de «
Quitter votre emploi » (également très
peu probable, car ils ont eu du mal à
obtenir ces emplois). Vers la fin de la
nuit, on a entendu les anciens slogans
de gauche « Le monde entier regarde »
(probablement plus vrai maintenant que
lorsque nous l’avons crié dans les
années 60) et « Le peuple uni ne sera
jamais vaincu » (crié, hélas, quand nos
chiffres avaient déjà diminué).
En rentrant chez
moi en métro, j’ai eu l’occasion de
parler à une jeune manifestante
haïtienne-américaine articulée et
respectueuse qui étudie la psychologie à
la City University de New York. Comme la
plupart des manifestants que j’ai
rencontrés, elle était moralement
intense ; ce qui se passe n’est
certainement pas un simple accès de
colère juvénile. À un moment donné, je
lui ai demandé ce qu’elle pensait de la
présence écrasante des Blancs lors de
ces manifestations. « Ça me rend triste.
» « Triste ? », ai-je demandé à voix
haute, incrédule. » Oui, triste, parce
que les Blancs se soucient plus de notre
cause que nous. » Mais, ai-je répliqué,
« chaque groupe n’est-il pas représenté
à peu près proportionnellement à son
nombre à New York ? » Elle n’était pas
d’accord. Que ce soit elle ou moi qui
ait raison, une chose semble certaine.
Ces manifestations ne sont pas dirigées
uniquement contre les policiers
racistes. On ne peut qu’être frappé par
la rage des jeunes blancs contre les
policiers. C’est de la haine distillée.
Mais pas uniquement, je pense, parce que
beaucoup de ces flics sont des racistes
pervers. C’est parce qu’ils sont les
bataillons armés, les exécuteurs
physiques d’un système qui a détruit la
vie de tous les jeunes et qui bloque
toute sortie du cauchemar qu’ils
endurent quotidiennement et qui va
certainement s’aggraver. On estime que
plus de 40% des personnes licenciées
pendant la pandémie de Covid-19 ne
seront pas réembauchées. Et cela se
traduira, pour ces jeunes qui n’ont pas
d’épargne et qui joignent à peine les
deux bouts, par une expulsion (car ils
n’auront plus de quoi payer leur loyer).
La plupart des manifestants ont
probablement assisté aux rassemblements
pro-Bernie Sanders. On oublie souvent
que le slogan officiel de la Marche de
1963 à Washington (où Martin Luther King
a prononcé son discours « J’ai un rêve
») était « Emplois et liberté pour tous
! » Il faut espérer qu’une direction, si
elle émerge, exigera la « Fin de la
brutalité policière ! » et « Des
emplois pour tous ! »
Quand je suis
descendu du métro à 22h30, j’étais seul
dans les rues. Deux policiers m’ont
arrêté poliment mais fermement : «
Savez-vous qu’il y a un couvre-feu ? » «
Oui, je rentre chez moi. » « Où
habitez-vous ? » « A quelques pâtés de
maisons. » « D’accord. » Je ne pouvais
pas m’empêcher de me dire que si j’avais
été Noir, je ne m’en serais pas tiré si
facilement.
Voir également
: Après
Youtube & Facebook, Vimeo bannit les
vidéos de Nasrallah et ‘Le Cri des
Peuples’
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