Alahed
Le «Light fooprint»,
la nouvelle stratégie de domination
américaine
Samer Zougheib
Vendredi 19 décembre 2014
Les Etats-Unis ont mis au point une
nouvelle stratégie de domination du
monde, appelée «Light footprint».
Mais de nombreux pays continuent de
résister aux visées hégémoniques
américaines.
Le président de la
Fédération de Russie, Vladimir Poutine,
a dénoncé, lors de sa conférence de
presse annuelle, jeudi, les visées
impérialistes de l'Occident et ses
pratiques hégémoniques. «Nos partenaires
ont décidé qu'ils étaient les
vainqueurs, qu'ils étaient désormais un
empire et que les autres étaient des
vassaux qu'il faut faire marcher au
pas», a-t-il fustigé. Il a accusé les
Occidentaux, Etats-Unis en tête, de
vouloir «arracher les crocs et les
griffes de l'ours russe». 25 ans après
la chute du mur de Berlin, ils dressent,
selon lui, un nouveau mur entre la
Russie et l'Europe. «Il s'agit d'un mur
virtuel, mais il commence déjà à être
construit», a déclaré le chef de l'État,
rappelant l'élargissement de l'Otan
jusqu'aux portes de la Russie (pays
baltes) et le bouclier antimissile en
Europe orientale.
La volonté des Etats-Unis de vouloir
dominer le monde n'est pas un secret,
mais la nouvelle méthode de Washington
pour arriver à ses desseins est moins
connue. Il s'agit de la stratégie du
«Light footprint» -ou l'empreinte
légère-, qui s'articlue autour d'une
panoplie d'outils militaires, politiques
et économiques, qui ont commencé à être
mis en œuvre ces derniers mois à
l'échelle planétaire. Cette stratégie se
base sur le concept de l'intervention
dans l'ombre, moins coûteuse en
ressources humaines et financières mais
non moins pernicieuse.
Le «commandement par l'arrière»
Cette nouvelle
stratégie est le résultat de l'échec du
concept du président George W. Bush de
la «guerre globale contre la terreur»
(global war on terror ou GWOT), qui
s'est terminée par des échecs militaires
en Irak et en Afghanistan, qui ont fait
des dizaines de milliers de morts et de
blessés dans les rangs de l'armée
américaine, un désastre économique avec
la crise financière de 2008, et un
déclin moral, illustré par la violation
des valeurs prétendument défendues par
l'Amérique. La décennie de l'an 2000 a
en effet été marquée par les mensonges
américains, la torture dans les prisons,
les détentions extra-judiciaires de
milliers de personnes à Guantanamo ou
dans des prisons secrètes de la CIA
(pratiques toujours en cours
aujourd'hui) etc...
Fini donc les «boots on the ground»
(forces au sol), les interventions
massives et classiques, et place au
«Light footprint». Caroline Galactéros,
docteur en sciences politiques, explique
à merveille les tenants et les
aboutissants de cette nouvelle
stratégie, orientée vers l'Asie (the
shift towards Asia), et dont l'objectif
prioritaire est l'endiguement de la
Chine, perçue comme le principal rival
des Etats-Unis à moyen terme.
Le «Light footprint» repose sur «le
commandement depuis l'arrière» (the
leadership from behind), c'est-à-dire
confier à des auxiliaires les tâches les
plus visibles -et souvent les plus
ingrates-, en les dirigeant de derrière
la scène. Et Washington réussit à
trouver des Etats supplétifs qui
acceptent de faire à sa place le sale
boulot. «Le commandement par l'arrière»
est apparu lors de l'intervention de
l'Otan en Libye et s'illustre
parfaitement dans la crise ukrainienne,
où l'Union européenne est aux premières
lignes dans la bataille engagée contre
la Russie pour l'affaiblir et l'empêcher
de constituer, avec la Chine et ses
autres alliés, une nouvelle force
montante sur la scène internationale.
Ce principe s'illustre également,
quoiqu'avec moins de succès, dans la
prétendue guerre contre les terroristes
du soi-disant «Etat islamique». Bien
qu'ayant rassemblé une coalition d'une
quarantaine de pays, c'est l'aviation
américaine qui fait le gros du travail
en Irak et en Syrie.
Forces spéciales, drones,
cyberguerre
La «Light footprint»
repose sur une mutation de la stratgégie
militaire américaine, qui s'articule
désormais sur l'emploi de forces
spéciales, l'usage massif de drones et
la cyberguerre. On l'a constaté lors de
la cyberattaque contre le programme
nucléaire iranien, des opérations
spéciales menées en Somalie et au Yémen
contre Al-Qaïda, et le déploiement de
drones au Yémen et au Pakistan. Il
s'agit surtout, comme l'a résumé David
Sanger, correspondant en chef du
Washington Post à la Maison-Blanche,
d'instaurer en silence un «hard power
secret», de substituer aux guerres
conventionnelles militairement
aléatoires, médiatiquement envahissantes
et politiquement coûteuses, des guerres
de l'ombre, dont seuls quelques faits
d'armes spectaculaires seront rendus
publics, bon gré, mal gré, explique
Caralonie Galactéros.
Selon le sénateur républicain de
Caroline du Sud, Lindsay Graham, qui a
malencontreusement brisé en 2013 la loi
du silence, ce mode d'action aurait fait
près de 5000 victimes depuis 2004,
souligne-t-elle.
Le «Leadership from behind» fonctionne
assez bien en Afrique, où Washington a
laissé la France et la Grande-Bretagne
diriger les opérations en Libye et
soutient aujourd'hui Paris dans son
intervention militaire directe au Mali
et en République centrafricaine, via sa
base du Niger. Mais cela ne signifie
aucunement que les Etats-Unis ont laissé
le continent noir à leurs allies
européens. Africom, le nouveau
commandement régional américain mis en
place en 2008, compte déjà 5000 soldats
américains. Essentiellement dédié à la
«lute contre le terrorisme» dans la
Corne de l'Afrique et au Sahel, «il sert
aussi de tête de pont aux intérêts
économiques américains dans la région
notamment face à la présence commerciale
massive de la Chine», écrit Caroline
Galactéros.
Le rôle subalterne de l'Europe
Le fait marquant est
que l'Europe a abandonné ses rêves de
grandeur et a accepté le rôle subalterne
de sous-traitant pour le compte des
Etats-Unis. Mais le plus frappant et que
ce rôle se fait parfois au dépens de ses
intérêts stratégiques, comme on l'a bien
vu dans la crise ukrainienne. La France,
l'Allemagne et d'autres pays européens
ont cédé aux exigences américaines
d'isoler la Russie et de l'affaiblir
économiquement, tout en sachant que cela
aurait de graves repercussions sur leurs
propres économies.
Pire encore, les Etats-Unis ont décidé
de faire partager le fardeau financier
-«burden sharing»-, en faisant payer à
ses «alliés» le prix des interventions
militaries ici et là dans le monde.
C'est contre cette nouvelle forme
d'impérialisme moins visible mais tout
aussi nuisible que la Russie, l'Iran et
la Syrie luttent depuis des années pour
préserver leur droit d'exister en tant
que nations libres et indépendantes.
Source :
French.alahednews
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