Alahed
La rencontre d’Astana marginalise
Washington
et décrédibilise les extrémistes
Samer R. Zoughaib

Mercredi 25 janvier 2017
La rencontre inter-syrienne d’Astana, au
Kazakhstan, s’est achevée mardi 24
janvier, par un communiqué conjoint
entre la Russie, l’Iran et la Turquie
annonçant un accord sur un mécanisme de
surveillance du cessez-le-feu. Le texte
souligne aussi l’engagement des
participants envers la souveraineté,
l’indépendance, l’unité et l’intégrité
territoriale de la Syrie, en tant que
pays démocratique, multiethnique,
multiconfessionnel et non sectaire.
Après deux jours de négociations, la
rencontre inter-syrienne d’Astana,
organisée sous l’égide de la Russie, de
l’Iran et de la Turquie, a été couronnée
par la publication d’un communiqué
conjoint. Le document, lu par le
ministre kazakh des Affaires étrangères,
Kaïrat Abdrakhmanov, comporte les
principaux points suivants:
-(L’Iran, la Russie et la Turquie)
soulignent leur engagement envers la
souveraineté, l’indépendance, l’unité et
l’intégrité territoriale de la Syrie en
tant que pays démocratique,
multiethnique, multiconfessionnel et non
sectaire, éléments qui ont reçu
l’approbation du Conseil de sécurité de
l’ONU.
-Téhéran, Moscou et Ankara estiment que
la crise syrienne ne sera jamais réglée
par une solution militaire et que seul
un processus politique, basé sur la mise
en œuvre de la résolution 2254 du
Conseil de sécurité, pourra mettre fin à
cette guerre de six ans.
-Ces trois pays ont décidé de créer un
mécanisme tripartite afin de superviser
et garantir le respect du cessez-le-feu,
empêcher tout acte provocateur et
définir les modalités de sa mise en
œuvre.
-Ils insistent sur leur volonté de mener
une lutte conjointe contre «Daech» et le
«Front al-Nosra» (rebaptisé le «Front
Fatah al-Cham») et faire une distinction
entre les groupes d’opposition et les
terroristes.
Le chef de la délégation gouvernementale
syrienne et représentant permanant de la
Syrie auprès de l’Onu, Bachar
al-Jaafari, a déclaré dans un
commentaire que les parties aux
négociations étaient parvenues à un
accord portant sur la lutte conjointe
contre le terrorisme.
«Nous évaluons positivement les
négociations, a-t-il dit à la presse.
Tous les efforts, déployés au profit du
peuple syrien et de son gouvernement
dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme, sont fructueux et nous
sommes reconnaissants. Nous verrons
comment mettre en pratique les résultats
annoncés», a ajouté M. Jaafari.
L'envoyé spécial de Vladimir Poutine
pour la Syrie, Alexandre Lavrentiev,
s’est également félicité du «succès» de
la rencontre d’Astana. Il a précisé que
la partie russe a «donné à des fins
d'étude à l'opposition armée un projet
de Constitution syrienne préparé par les
spécialistes russes, afin d'accélérer le
processus».
Les extrémistes insatisfaits
Les groupes extrémistes présents dans la
capitale kazakh étaient plutôt
insatisfaits des résultats de la
rencontre. Mohammad Allouche, le chef de
la délégation des groupes armés, a
accusé Damas et Téhéran d’être
responsables de l'absence de «progrès
tangible dans les négociations».
«Jusqu'à présent, il n'y a eu aucun
progrès tangible en raison de
l'intransigeance de l'Iran et du
régime», a-t-il dit.
Une source proche de la délégation
«rebelle» a annoncé à la presse que les
groupes armés avaient soumis «un
document, qui doit être examiné par les
Russes et l'Onu, sur la mise en place
des mécanismes visant à renforcer le
cessez-le-feu». «S'il est approuvé, ce
sera un très bon résultat en vue du
renforcement du cessez-le-feu», a estimé
M. Allouche.
Cette annonce signifie que les groupes
extrémistes n’ont pas officiellement
accepté le «mécanisme tripartite» dont
il est question dans le communiqué
conjoint, sinon ils n’auraient pas
soumis leur propre projet.
Même attitude négative vis-à-vis du
projet de Constitution avancée par la
partie russe. «Les Russes ont posé un
projet sur la table mais nous ne l'avons
même pas pris. Nous leur avons dit que
nous refusions de discuter de cela», a
déclaré une source des groupes armés à
l'AFP.
Montée en puissance des acteurs
régionaux
Au-delà des résultats immédiats, la
rencontre d’Astana va accélérer le
processus de délitement des groupes
armés, qui ont montré qu’ils n’avaient
aucune marge de manœuvre à l’égard de
leurs opérateurs régionaux. Ils ont
d’ailleurs dérogé lors des deux jours de
négociations à toutes les règles de la
bienséance et de la diplomatie, faisant
preuve d’un amateurisme sans limite et
d’une irresponsabilité affligeante.
Leurs déclarations sont en contradiction
totale avec le ton du communiqué
conjoint et leur discours était destiné
à la consommation médiatique plutôt qu’à
la recherche de moyens de mettre un
terme à la guerre et d’alléger les
souffrances du peuple syrien. Prise
entre le marteau de leurs opérateurs
régionaux et l’enclume des groupes
ultra-extrémistes, la délégation de
l’opposition armée n’avait ni la volonté
ni la force de négocier un vrai accord.
D’ailleurs, la première conséquence de
la participation de cette délégation à
la rencontre d’Astana s’est manifestée à
Idleb, où les terroristes d’«al-Nosra»
ont lancé une campagne de liquidation
des groupes rivaux, pour prendre le
contrôle du terrain, en prévision d’un
éventuel accord. Les combats entre
extrémistes ont fait des dizaines de
morts et de blessés ces deux derniers
jours et «al-Nosra» a pris le contrôle
de la ville de Sarmada. Ce qui signifie
que les groupes présents aux
négociations n’ont pratiquement aucun
moyen de mettre en œuvre un quelconque
accord.
La rencontre d’Astana a donc fini par
décrédibiliser des groupes armés minés
par leurs dissensions, et qui ont depuis
très longtemps perdu toute légitimité
populaire.
Sur un autre plan, la rencontre
d’Astana, qui s’est déroulée sans la
participation des Etats-Unis
(représentés uniquement par leur
ambassadeur au Kazakhastan), consacre la
marginalisation de Washington. De
négociateur principal –on se souvient
des réunions marathon entre John Kerry
et Sergueï Lavrov- les Etats-Unis sont
passés au rôle subalterne d’observateur.
Cette marginalisation s’est faite au
profit de la Russie et des puissances
régionales, notamment l’Iran et la
Turquie, qui sont maintenant les
principaux acteurs en Syrie.
L’isolement de l’Amérique devrait
s’accentuer dans les mois à venir,
surtout que le nouveau président, Donald
Trump, a une vision différente de son
prédécesseur Barak Obama, qui s’articule
sur d’autres priorités, parmi lesquelles
ne figure pas le renversement du
président Bachar al-Assad… sauf si le
lobby militaro-sécuritaire parvient à
imposer sa volonté au président.
Source: french.alahednews
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