Alahed
Contacts avec Assad:
la France invente la diplomatie de
l’hypocrisie
Samer R. Zoughaib
Photo:
D.R.
Mardi 17 mars 2015
En
affirmant que les Etats-Unis devaient
«au final» négocier avec le président
syrien Bachar al-Assad pour trouver une
solution politique à la crise, le
secrétaire d’Etat américain, John Kerry,
reconnait implicitement l’échec de tous
les paris occidentaux sur la chute du
régime et le renversement des rapports
de force en Syrie.
Il avait été précédé, le 9 février, par
l’émissaire des Nations unies, Stafan De
Mistura, qui avait déclaré, à Vienne,
que le président Assad faisait partie de
la solution.
Ce revirement de la politique
occidentale a été confirmé, lundi 16
mars, par la chef de la diplomatie
européenne, Federica Mogherini, qui a
rappelé la position de l'Union
européenne, indiquant que «travailler à
une solution durable» au conflit syrien
passait «évidemment par des
représentants du régime d'Assad».
«J'imagine que Kerry s'est exprimé dans
ce sens. Je ne pense pas qu'il faisait
référence à al-Assad lui-même», a-t-elle
ajouté.
Ces précisions sémantiques font sourire
les observateurs, car de toute manière
le président syrien ne fait représenter
lors de toute négociation par des
«représentants» qu’il choisit lui-même,
et qui sont porteurs de ses instructions
et de ses recommandations.
Ces observateurs soulignent que le
retournement des Occidentaux n’est pas
un geste de générosité de leur part mais
un changement imposé par les réalités du
terrain, nées de la résistance de
l’Armée arabe syrienne à la guerre
universelle lancée contre la Syrie avec
la participation d’une coalition
internationale qui a recruté, entrainé,
armé et financé des dizaines de milliers
d’extrémistes envoyés en Syrie.
La surenchère de Fabius
Après les propos de John Kerry, la
France a réagi comme une vierge
effarouchée. Le ministre français des
Affaires étrangères, Laurent Fabius, a
affirmé que négocier avec le président
Bachar al-Assad reviendrait à «faire un
cadeau absolument scandaleux» au groupe
terroriste «Etat islamique».
Evidemment, le chef de file des faucons
de François Hollande n’a pas expliqué en
quoi cela consiste en un cadeau à «Daech»,
surtout que l’Armée arabe syrienne est
la seule force capable d’affronter sur
le terrain cette organisation
terroriste. M. Fabius s’est également
lancé dans un jeu sémantique, en
estimant que «la solution au conflit
syrien, c'est une transition politique
qui doit préserver les institutions du
régime, pas Bachar al-Assad». «Toute
autre solution qui remettrait en selle
Assad serait un cadeau absolument
scandaleux, gigantesque aux terroristes
de Daech», a-t-il ajouté.
Les propos du chef de la diplomatie
française sont de la pur surenchère et
n’ont aucune valeur politique, affirme
une source diplomatique à Beyrouth.
«D’abord, ce n’est pas la reconnaissance
occidentale qui remet en selle le
président Assad mais les victoires de
son armée sur le terrain. Ensuite, la
France n’a aucune marge de manœuvre et
finira par accepter bon gré mal gré les
nouvelles orientations politiques
américaines», poursuit la même source.
L’attitude de Laurent Fabius est
d’autant plus bizarre que les milieux
militaires et du renseignement français
insistent auprès du leadership politique
pour une reprise des contacts et de la
coopération avec la Syrie pour combattre
le fléau terroriste.
A cet égard, le quotidien Le Figaro a
révélé, il y a quelques jours, qu’un
émissaire français a rencontré le patron
des renseignements syriens, le général
Ali Mamlouk, en marge de la visite à
Damas des quatre parlementaires
français. «Patrick Barraquand,
contrôleur général au ministère de la
Défense et ancien officier de réserve,
aurait évoqué avec son interlocuteur
syrien les mesures à prendre pour
rétablir un certain niveau de
coopération sécuritaire, malgré la
rupture des relations diplomatiques»,
écrit Le Figaro.
S’attirer les faveurs du Golfe
Des sources bien informées à Beyrouth
assurent que l’hostilité de Laurent
Fabius et d’une partie de
l’establishment politique français à
l’égard du président Assad est due à
deux facteurs:
-Défendre les intérêts «israéliens»,
même aux dépens des intérêts supérieurs
de la France. En effet, «Israël»
participe de diverses façons à la guerre
contre la Syrie pour tenter de renverser
le président Assad et son régime, dans
l’espoir d’affaiblir l’axe de la
Résistance. Mais pour Paris, la priorité
devrait être de coopérer avec Damas
contre les extrémistes français
combattants dans les rangs de «Daech» et
qui rentre en France pour commettre des
attentats.
-S’attirer les faveurs des pays du
Golfe, plus particulièrement de l’Arabie
saoudite, dans l’espoir de décrocher
quelques contrats d’armements afin de
faire créer quelques emplois dans une
économie française en faillite… même au
détriment des intérêts français à moyen
et long termes.
Le président Assad, toujours égal à
lui-même, a réagi aux propos des
responsables occidentaux en rappelant
que seul le peuple syrien est habilité à
trancher la question du président et que
tout commentaire ou déclaration venant
de l’extérieur des frontières «n’est
qu’une bulle de savon». Il a invité les
Etats-Unis à joindre les actes à la
parole après les propos de John Kerry.
«Nous écoutons toujours les
déclarations. Nous devons attendre les
actes, et à ce moment-là on décidera», a
affirmé M. Assad. «Tout changement
international qui intervient à ce niveau
sera une chose positive s'il est sincère
et effectif», a-t-il ajouté.
Source: french.alahednews
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