Palestine
Le sel ne perdra jamais son goût
Dr Samah Jabr
Des
manifestants participent à une
manifestation contre le Président US
Donald Trump et le
Premier ministre israélien Benjamin
Nenayahu lors d’une protestation
place de la République à Paris,
France, le 9 décembre 2017. (Nedim/Anadolu
Agency)
Jeudi 28 décembre 2017
Dr Samah Jabr – 24 décembre 2017
Les dernières
calomnies religieuses et raciales
incarnées dans la décision de
l’Administration Trump de transférer
l’ambassade US à Jérusalem ont jeté du
sel dans la blessure toujours ouverte de
l’occupation par Israël de la Palestine.
Cette manœuvre est une preuve
supplémentaire de l’absence de toute
légitimité morale, sociale et légale de
la position politique des États-Unis sur
l’occupation.
Dans la situation
actuelle du peuple palestinien et des
nations arabes et islamiques, Trump a
trouvé exactement ce dont Israël avait
besoin pour atteindre ses objectifs : le
despotisme arabe est le partenaire
approprié pour accomplir cette tâche
dangereuse.
Cependant, la
décision de Trump, aussi choquante
qu’elle puisse être, ne devrait pas être
une surprise. En 1990, le Congrès US a
accepté de déplacer l’ambassade
états-unienne de Tel Aviv dans la
Jérusalem occupée ; ceci s'est répété
sous le Président Bill Clinton en 1995.
La décision comporte trois volets :
l’unification de la ville de Jérusalem ;
la reconnaissance de toute la ville
comme étant la capitale d’Israël ; et le
transfert « au bon moment » de
l’ambassade. L’Autorité palestinienne a
fourni le « bon moment », et de ce fait,
elle se trouve dans situation
extrêmement embarrassante.
La direction
palestinienne est responsable pour avoir
accepté la décision reportée sur le sort
de Jérusalem quand elle a signé l’accord
d’Oslo. Abbas et ses officiels ont été
incapables de s’opposer à la politique
d’Israël qui consolidait l’occupation et
la colonisation par le fait accompli
d’une ville de Jérusalem judaïsée, et de
l’expansion des colonies de peuplement
en Cisjordanie en général, et à
Jérusalem en particulier.
Même à ce
moment-là, après que la décision de
procéder conformément aux souhaits du
Congrès a été prise, la réponse de
l’Autorité palestinienne n’a pas réussi
à aller plus loin que de rejeter la
décision de Trump et de l’inviter à
faire marche arrière. Aucune mesure
concrète visant à faire pression sur
Israël ou l’Administration US n’a été
prise. Et pourtant, la décision de Trump
est basée sur le mensonge et la
violation de la législation
internationale, elle devrait donc nous
fournir l’occasion d’invalider les
Accords d’Oslo. C’est le moment de nous
dresser contre la vague de la
normalisation israélienne du processus
d’occupation ; c’est le moment de
résister au plan US-israélien qui
défigure la région avec leur « accord du
siècle ».
Le niveau toujours
plus haut du danger pour les
Palestiniens – en particulier pour les
Jérusalémites – les oblige à lutter pour
leur survie ; cette fois, quand même,
les dirigeants palestiniens ne doivent
pas se cacher derrière les écoliers pour
s’engager dans la bataille pour
Jérusalem. Nous avons besoin de clarté
d’esprit et de développer des directives
précises pour mettre en œuvre un
programme cohérent de libération
nationale. Nous avons besoin de nous
fixer de nouveaux objectifs pour œuvrer
à la fin de l’occupation et au retraits
des colonies, et pas seulement à
l’abandon de la décision états-unienne
de reconnaître Jérusalem comme la
capitale des autorités de l’occupation.
Nous ne pouvons pas
faire front aux exigences de cette
période dangereuse sans avoir le courage
d’admettre nos erreurs passées. Afin de
réussir à nous forger une voie nouvelle
et efficace, il nous faut analyser notre
comportement passé et en tirer les
leçons. Les Palestiniens doivent
reconnaître qu’Israël n’a jamais voulu,
et ne veut toujours pas, s’engager dans
un accord politique avec eux impliquant
une forme ou autre de retrait d’une
quelconque partie de la Palestine
occupée. Il nous faut reconnaître que
les États-Unis n’ont jamais été, et ne
seront jamais, un intermédiaire neutre.
L’Autorité palestinienne doit
reconnaître l’échec de son approche des
négociations au cours des 26 années
passées ; reconnaître, effectivement,
que ces négociations n’ont servi qu’à
légitimer l’occupation et à servir ses
buts, ne débouchant sur aucun acquis
national, seulement sur de nouveaux
abandons des droits et de la morale des
Palestiniens.
Les dirigeants
palestiniens qui ont été les pionniers
de cette approche ratée doivent à
présent annuler tout ce qui peut l’être
et tout ce qui en découle ; cela inclut
la coordination de la sécurité avec les
Israéliens, de même que les institutions
et les accords, notamment les Accords
d’Oslo. Ces dirigeants doivent demander
pardon au peuple palestinien avant de
quitter leur poste. À l’heure actuelle,
il faut que le peuple réactive et
réforme l’Organisation de libération de
la Palestine de sorte qu’elle puisse
prendre les rênes et conduire au but qui
doit être le sien d’une véritable
libération nationale. Alors c’est
seulement quand la direction
palestinienne aura pris une direction
claire, en considérant Israël tel qu’il
est, un ennemi occupant, que nous
pourrons faire honte aux autres régimes
arabes et musulmans qui parlent d’Israël
comme d’un « voisin » ou d’un « allié ».
Ce n’est qu’alors que nous serons
capables de résister à toutes les
initiatives et pressions qui viennent du
monde arabe et veulent nous imposer un
accord politique injuste.
Les ambassadeurs de
l’OLP ont la responsabilité de mobiliser
les communautés palestiniennes dans la
diaspora et de les inciter à recruter
des militants de solidarité dans tous
les pays où elles vivent. Avec une bonne
direction, cette vague de solidarité
sera bientôt soutenue massivement par
beaucoup de gens justes dans la
communauté internationale.
Nous ne pouvons pas
compter sur les régimes officiels. Notre
espoir se situe sur le terrain de la
volonté populaire et du rôle de la
société civile internationale à travers
le monde arabe, musulman et libre, pour
soutenir une révolte durable. Cette
révolte doit partir de la Palestine,
mais elle peut se propager
internationalement avec le symbolisme de
Jérusalem pour impacter directement
l’occupation et l’Administration US. Une
telle action internationale ne peut se
limiter à des manifestations, des
ralliements et des protestations ; elle
doit englober tous les aspects d’un
engagement populaire venant des
syndicats, des organisations
professionnelles et des autres
institutions de la société civile, afin
d’intégrer une action parlementaire
efficace, au nom de Jérusalem et de la
Palestine. Les objectifs de ce mouvement
doivent aller au-delà de la mobilisation
initiale visant à annuler la décision de
Trump sur Jérusalem, vers un vaste
programme pour accroître la
sensibilisation et rassembler une
influence politique pour la libération
de la Palestine.
Il ne s’agit pas
d’un fantasme héroïque ; l’action qui
découle du peuple a déjà fait ses
preuves en matière de changements
politiques et des pratiques de
l’occupation ; l’exemple le plus récent
est la décision concernant les portes
électroniques de la mosquée Al-Aqsa, où
les Israéliens ont dû faire marche
arrière, cédant devant la révolte
populaire.
La liberté ne
concerne pas seulement les opprimé-es,
tout comme la santé ne concerne pas
seulement les malades et la pauvreté ne
concerne pas seulement les pauvres.
Jérusalem n’est pas seulement une
question palestinienne mais elle
concerne aussi tous les Arabes,
musulmans et chrétiens, et toutes les
personnes justes et généreuses à travers
le monde. La communauté internationale a
tendance à attribuer la responsabilité
de Jérusalem aux Palestiniens, mais tous
les mouvements arabes, islamiques et de
libération doivent continuer à agir en
commun, à se mettre en réseau et à
mobiliser pour cette cause. Le but n’est
pas seulement de prouver que Trump et
ses conseillers ont tort dans leur
présomption que la résistance sera
temporaire et transitoire, mais aussi de
soutenir la révolte populaire
palestinienne et de faire pression sur
leurs gouvernements pour influencer la
politique états-unienne.
De par sa valeur
symbolique, la question de Jérusalem
peut isoler Israël et les États-Unis,
comme nous venons de l’observer dans le
vote aux Nations-Unies. Si la
colonisation a été établie avec la
Déclaration de Balfour, alors qu’elle
soit démantelée avec la déclaration de
Trump.
La ferveur des
Palestiniens ne sera pas altérée par la
décision de Trump. Nous avons vu comment
Ibrahim Abu Thurayya, ce Palestinien qui
a perdu ses deux jambes durant le
bombardement israélien de Gaza en 2008,
s’est dressé pour protester contre le
vol de Jérusalem. Les Palestiniens n’ont
pas perdu leur salinité ; en effet, leur
sel ne perdra jamais son goût. Nous ne
partirons pas de Jérusalem à cause de la
décision de Trump ; l’hégémonie
US-israélienne n’ébranlera pas notre foi
dans notre cause et dans nos droits
légitimes à notre patrie. La décision de
Trump ne fera qu’accroître notre
détermination à affronter la politique
israélienne avec tout notre potentiel.
Nous inspirerons le sel de la terre pour
relever le goût d’une révolution
mondiale contre l’occupation israélienne
et la domination des États-Unis, jusqu’à
ce que toutes les deux soient vaincues.
La docteure Samah Jabr dirige l’unité
psychiatrique du ministère de la Santé.
Elle est psychiatre et
psychothérapeute. Elle est l'auteure du
livre "Derrière les fronts - Chroniques
d'une psychiatre psychothérapeute
palestinienne sous occupation" -
http://www.pmneditions.com/?p=463
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fronts - Samah Jabr
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Derrière les fronts :
chroniques d’une psychiatre
psychothérapeute palestinienne sous
occupation En coordination
https://www.middleeastmonitor.com/20171224-the-salt-will-never-lose-its-taste/
Traduction : JPP
pour les Amis de Jayyous
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