Amérique latine
Conversations avec Manuel Zelaya
Salim Lamrani
Mercredi 29 avril 2015
Al Mayadeen
http://espanol.almayadeen.net/...
José Manuel Zelaya Rosales est né le 20
septembre 1952 dans la ville hondurienne
de Catacamas, dans le département
d’Olancho. En 1970, il s’implique dans
la vie politique et devient membre du
Parti Libéral du Honduras. Il occupe
alors la fonction de conseiller
départemental.
En 1985, Zelaya est élu député et occupe
successivement plusieurs fonctions au
sein du Congrès national, telles que la
présidence de la commission des
ressources naturelles et la commission
du Pétrole. Il devient également
secrétaire du bureau exécutif du
Parlement.
En 1994, il
est nommé par le Président Carlos
Roberto Reina directeur du Fond
hondurien pour l’investissement social.
Quelques années plus tard, en 1999,
Zelaya devient conseiller du Président
Carlos Roberto Flores Facussé.
En tant que
candidat du Parti Libéral, Zelaya est
élu Président de la République du
Honduras en 2005 et triomphe de son
adversaire Porfirio Lobo Sosa du Parti
National. Il assume ses fonctions le 27
janvier 2006. Dès le premier jour de sa
présidence, il fait adopter la Loi de
participation citoyenne qui permet des
consultations populaires sur les
principales questions nationales, afin
de renforcer la démocratie
participative.
Sa bonne
gestion a été saluée en 2006 par la
Commission économique pour l’Amérique
latine et la Caraïbe des Nations unies
qui a classé le Honduras au premier rang
des nations à forte croissance
économique de la région, avec le taux
d’inflation le plus bas des quinze
dernières années.
Le Président Zelaya ne
privilégie pas pour autant l’économie au
détriment de l’écologie. En effet, en
2007, il lance un programme de
protection des forêts dans la zone du
fleuve Plátano.
En 2008, le
Honduras intègre l’Alliance bolivarienne
pour les peuples de notre Amérique
(ALBA) fondée par le Venezuela et Cuba.
Le pays peut ainsi bénéficier du
programme Petrocaribe qui permet
d’acquérir à crédit 40% du pétrole
acheté avec un taux d’intérêt de 1% sur
25 ans. Les économies réalisées dans le
secteur énergétique ont permis à Zelaya
d’entreprendre un politique sociale
destinée à améliorer le niveau de vie
des secteurs les plus défavorisés avec
des investissements massifs dans les
domaines de la santé et de l’éducation.
De la même manière, le salaire minimum
augmente de 11% en 2007 et de 60% en
2008.
En 2009, le
Président Zelaya propose une
consultation populaire pour le mois de
juin au sujet de l’éventuelle élection
d’une Assemblée constituante afin de
modifier la Constitution de 1981. En cas
de réponse positive, une quatrième urne
serait ajoutée lors des élections de
novembre 2009 afin de ratifier la
volonté populaire.
Néanmoins,
Zelaya se heurte à l’hostilité du
Tribunal suprême électoral, du Procureur
de la République, de la Cour suprême de
Justice et du Congrès national, sous le
contrôle des conservateurs qui
s’opposent à toute réforme
constitutionnelle. Tous considèrent
comme illégale la consultation. L’armée
refuse distribuer les urnes lors de la
consultation prévue le 28 juin,
contraignant le Président à importer le
matériel du Venezuela et engendrant une
crise politique avec les démissions du
Ministre de la Défense, et des chefs
d’Etat-major des trois armées.
Le 28 juin
2009, le Président Zelaya est victime
d’un coup d’Etat orchestré par
Washington et l’oligarchie hondurienne,
opposés au rapprochement avec la gauche
latino-américaine. Expulsé au Costa
Rica, il est remplacé par Roberto
Micheletti à la tête du pays jusqu’à la
fin de son mandant en janvier 2010.
Aucun gouvernement au monde ne reconnait
la junte putschiste.
La
communauté internationale condamne de
manière unanime la rupture de l’ordre
constitutionnel au Honduras, y compris
les Etats-Unis. En juillet 2009, Zelaya,
accompagné de plusieurs personnalités,
tente de rentrer au Honduras, sans
succès. L’armée empêche l’avion
d’atterrir et tire même sur la foule
venue accueillir son président, faisant
de nombreux morts et blessés.
En
septembre 2009, il se réfugie dans
l’ambassade du Brésil à Tegulcigalpa en
tant que Président légitime en exil. La
représentation diplomatique est alors
assiégée par les forces putschistes
jusqu’à son départ vers la République
dominicaine le 27 janvier 2010.
Suite à une
négociation avec le nouveau pouvoir
dirigé par Porfirio Lobo, élu en 2009
dans un pays sous état de siège, sans
aucune garantie constitutionnelle,
Zelaya est autorisé à retourner au
Honduras et à réintégrer la vie
politique nationale. De la même manière,
la Cour Suprême décide d’annuler les
poursuites ouvertes à son encontre par
les autorités putschistes dans le cadre
de cet accord.
Elu député
en septembre 2010, Zelaya fonde un
nouveau mouvement politique appelé
Liberté
et Refondation. En 2013, son épouse
Xiomara Castro de Zelaya se présente aux
élections présidentielles, gagnées par
l’actuel Président Juan Orlando
Hernández, malgré des accusations de
fraude.
Au cours de
ces conversations, José Manuel Zelaya
dresse un rapide bilan de son
gouvernement et revient sur le coup
d’Etat. Il aborde également la situation
politique nationale au Honduras et
conclut cet entretien en soulignant
l’importance de la Révolution cubaine et
de la Révolution bolivarienne en
Amérique latine.
Salim
Lamrani : Monsieur le Président,
pourriez-vous ébaucher un bilan de votre
mandat à la tête de la République du
Honduras ? Quelles ont été les mesures
emblématiques de votre gouvernement ?
José Manuel
Zelaya : Au XXIe siècle, la colonne
vertébrale de l’économie est l’énergie
car tout y est rattaché. Ce n’était pas
le cas au XIXe siècle, ni dans la
première moitié du XXe siècle. Lors de
mon arrivée au pouvoir, nous avons été
confrontés au monopole énergétique
imposées par les multinationales
étasuniennes et européennes dans le
domaine du pétrole. Notre énergie
électrique était la plus chère
d’Amérique centrale et nos entreprises
étaient peu compétitives en raison des
coûts élevés engendrés par cette
situation.
La
principale mesure que nous avons prise
au début de mon mandant a été de
corriger ce problème du monopole
pétrolier. Nous avons donc intégré
l’organisation Petrocaribe créée
par le Président Hugo Chávez du
Venezuela et nous avons pu bénéficier de
facilités de paiement.
SL : Quelle a été la réaction des
multinationales pétrolières ?
JMZ : Les
multinationales pétrolières étasuniennes
et européennes m’ont déclaré la guerre
et m’ont qualifié d’ennemi du secteur
privé. A l’évidence, ma politique ne
plaisait pas aux conservateurs du
secteur privé, car j’ai mis en place des
règles de marché, j’ai créé de la
concurrence et j’ai mis fin au monopole.
J’ai fait en sorte que la demande régule
l’offre et j’ai mis un terme à la
situation où l’offre régulait la
demande, à cause de ces monopoles. Cela
est une réalité dans nos pays où les
monopoles et les concessions de l’Etat
aux entreprises privées perturbent les
règles du marché.
Ma
politique de rupture du monopole a été à
la source du différend qui a opposé mon
gouvernement aux Etats-Unis. Le secteur
privé, qui était contraire à la
concurrence et qui souhaitait conserver
le contrôle de l’économie, s’est
également opposé à mon autorité. Les
entreprises privées ont donc planifié un
coup de force pour m’expulser du pouvoir
et les multinationales étrangères l’ont
financé. Cela a débouché sur le coup
d’Etat de juin 2009 qui a mis un terme à
la légalité constitutionnelle et a rompu
par la force le mandat que m’avait
confié le peuple.
SL : En terme de politique sociale,
quelles mesures a pris votre
gouvernement ?
JMZ : D’un
point de vue économique, notre
gouvernement était très stable. Durant
les trois années de mon mandat, nous
avons eu une croissance soutenue de
6,7%, malgré la crise de 2008. Notre
croissance a été largement supérieure à
la croissance moyenne du continent.
Pour la
première fois de l’histoire du Honduras,
nous avons réduit la pauvreté. Nous
avons mis en place des programmes
sociaux dans le secteur de l’éducation
avec un accès gratuit à l’école pour
tous les enfants du pays. Nous avons
créé le Réseau solidaire avec une
couverture de santé pour des secteurs
les plus fragiles. Nous avons réduit la
pauvreté extrême de 16 points et nous
avons fait baisser de 6 points la
pauvreté en à peine deux ans. C’est
quelque chose d’inédit dans l’histoire
de notre nation.
SL : Vos difficultés étaient donc plutôt
d’ordre politique.
JMZ : Oui,
car nous avons irrité les Etats-Unis.
Ils ont déclaré qu’ils ne permettraient
pas que le Honduras intègre l’Alliance
bolivarienne pour les peuples de Notre
Amérique fondée par Cuba et le
Venezuela. Plusieurs personnalités
étasuniennes sont à l’origine du coup
d’Etat tels qu’Otto Reich, Pedro Carmona
ou Roger Noriega. Elles ont planifié le
coup de force qui m’a renversé avec les
faucons de Washington et l’oligarchie
hondurienne. Le coup d’Etat a plongé le
pays dans la violence et la misère.
SL : Comment est survenue cette rupture
de l’ordre constitutionnel ?
JMZ : Ils ont utilisé un argument
précis. Lors de ma première année de
gouvernement, j’ai fait voter la « Loi
de participation citoyenne » qui permet
de consulter le peuple par referendum.
La démocratie représentative a atteint
ses limites partout dans le monde, car
les représentants du peuple trahissent
souvent leurs engagements, sombrent dans
la corruption. Il n’est pas possible
d’acheter un peuple. En revanche, il est
aisé de soudoyer un député, un sénateur
ou un ministre. Nous avons donc décidé
de favoriser la démocratie
participative.
Lors des
élections de 2009, j’avais décidé de
consulter le peuple le 28 juin pour
savoir s’il était favorable à un vote
sur l’opportunité d’une convocation
d’une Assemblée constituante. En cas de
résultat positif, nous aurions ajouté
une urne lors des élections de novembre
2009 afin de réaliser le referendum. Un
juge a décidé de déclarer illégale cette
initiative purement consultative. Nous
n’avons même pas eu le temps
d’interjeter appel de la décision. Le 28
juin 2009, les putschistes ont pris les
armes et nous ont expulsés du pays.
On avait renversé l’Etat et le
Honduras a été expulsé de l’Organisation
des Etats américains. Depuis cette date,
le pays est touché par une grave crise à
tous les niveaux. Nous sommes devenus le
pays le plus violent au monde, le plus
pauvre d’Amérique latine et notre dette
externe n’a jamais été aussi élevée.
SL : Qui sont les
auteurs intellectuels du coup d’Etat ?
JMZ : A l’évidence,
les Etats-Unis ont orchestré le coup
d’Etat. Je dissocie le peuple américain
de ses dirigeants. Je fais référence au
lobby militaro-industriel et médiatico-financier
qui tient les rênes du pouvoir à
Washington, dont les pratiques
impériales sont rejetées à travers le
monde, y compris au sein de la société
étasunienne. De nombreuses personnalités
étasuniennes s’opposent à l’invasion de
pays, aux bombardements de population, à
la réalisation de coups d’Etat et aux
ingérences de la CIA.
Le coup d’Etat a été planifié à Miami
avec le soutien de Washington et du
Commando Sud, par le biais des personnes
que j’ai mentionnées telles qu’Otto
Reich, Roberto Carmona et Roger Noriega,
en collusion avec l’oligarchie
hondurienne et certains parlementaires
du pays.
SL : D’un point de
vue factuel, comment s’est déroulé le
coup d’Etat ?
JMZ : J’ai été
expulsé de ma propre maison, par la
force des mitraillettes, au petit matin.
J’étais encore vêtu de ma chemise de
nuit. On m’a séquestré et emmené sur une
base militaire américaine et ensuite
j’ai été transféré au Costa Rica.
SL : Quelles
furent les premières mesures prises par
les autorités putschistes juste après le
coup d’Etat ?
JMZ : Permettez-moi
d’abord d’apporter un petit éclairage.
Il y a un auteur italien, Curzio
Malaparte, qui a jeté les bases
théoriques du coup d’Etat. Il explique
qu’un coup d’Etat est le renversement
d’un pouvoir de l’Etat par un autre
pouvoir de l’Etat qui se déroule dans la
surprise et la violence. Un coup d’Etat
est une conspiration qui se prépare
durant des mois. On organise une
situation de pré-coup d’Etat afin de
créer une crise qui ouvrirait la voie à
la rupture de l’ordre constitutionnel
qui se fait par le biais des forces
armées. Ensuite, le nouveau pouvoir de
facto essaye d’installer son autorité en
écrasant l’opposition. C’est ce qui
s’est passé au Honduras.
SL : Vous n’avez
pas de doute quant à la participation
des Etats-Unis dans le coup d’Etat.
JMZ : Lors d’une
conversation avec Tom Shannon, alors
sous-secrétaire d’Etat des Etats-Unis,
alors que la crise politique avait déjà
commencé, je me souviens lui avoir dit
la chose suivante : « On est en train
d’appliquer au Honduras le manuel du
coup d’Etat du Département d’Etat des
Etats-Unis ». Sa réponse a été
édifiante : « Non, Monsieur le
Président, vous vous trompez car le
Département d’Etat ne dispose pas d’un
manuel sur le coup d’Etat, mais de trois
manuels ». Plusieurs témoins ont assisté
à la scène et peuvent corroborer mes
dires. Face à une telle confession, les
preuves deviennent inutiles.
SL : Comment
évaluez-vous la réaction de la
communauté internationale face au coup
d’Etat ?
JMZ : Je dois dire
qu’elle a été assez extraordinaire. Pour
la première fois, la communauté
internationale dans son ensemble, y
compris les Etats-Unis, s’est opposée au
coup d’Etat.
Néanmoins, après cette condamnation
formelle, la réalité a rapidement pris
le dessus. La justice supranationale est
inexistante dans les faits. Le Conseil
de sécurité des Nations unies, la Charte
démocratique de l’Organisation des Etats
américains, la Commission
interaméricaine des droits de l’homme ou
la Cour pénale internationale
fonctionnent dans des circonstances bien
précises. Ce ne fut pas le cas pour le
Honduras.
Permettez-moi de vous donner un exemple.
La Commission interaméricaine des droits
de l’homme parle de coup d’Etat dans
tous ses rapports et déclarations,
condamne le coup d’Etat contre la
démocratie hondurienne, mais refuse
d’accepter notre plainte en tant que
victimes du coup de force, ce qui
permettrait l’ouverture d’une enquête.
C’est la preuve évidente que certains
intérêts très puissants ne souhaitent
pas que la lumière soit faite sur cet
attentat contre la démocratie
hondurienne.
De la même manière, l’Organisation des
Etats américains a condamné le coup de
force et le Honduras a été expulsé de
cette entité, mais l’OEA a été incapable
de restaurer le système démocratique
dans notre pays.
La Cour pénale internationale refuse
d’enquêter sur les crimes de masse
commis suite au coup d’Etat. Il y a eu
des milliers de morts suite à la rupture
de l’Etat de droit. Le pays se trouve
entre les mains du crime organisé et les
groupes paramilitaires pullulent sur
notre territoire.
Il n’y a pas de justice internationale
ni supranationale. Les peuples se
trouvent abandonnés à leur sort. Les
Etats-Unis se prennent toujours aux
gouvernements qui essayent de changer la
société. Prenez le cas du Venezuela qui
est assiégé par Washington et souffre
d’une guerre économique sans nom.
Regardez Cuba qui est sous état de siège
depuis plus d’un demi-siècle.
SL : Quelques
semaines après le coup d’Etat, vous êtes
revenu au Honduras. Comment s’est
déroulé cet épisode ?
JMZ : En réalité,
j’ai essayé de retourner au Honduras dès
le lendemain du coup d’Etat. Mais José
Miguel Insulza, secrétaire général de
l’OEA, m’avait demandé un délai de sept
jours afin de résoudre la crise. Il
s’est donc rendu au Honduras et a imposé
un ultimatum. Son rôle a été honorable
mais l’entreprise n’a pas été couronnée
de succès car le gouvernement militaire,
officiellement condamné par les
Etats-Unis, mais clandestinement soutenu
par Washington, n’a pas cédé.
J’ai donc annoncé que j’allais retourner
au Honduras en tant que Président du
peuple hondurien. Chávez m’avait prêté
son avion. Le peuple s’est manifesté et
les crimes ont commencé. L’armée a
imposé un état de siège et la répression
a été terrible.
Nous étions accompagnés dans un autre
avion par la Présidente argentine
Cristina Kirchner, le Président de
l’Equateur Rafael Correo, le Président
Fernando Lugo du Paraguay, entre autres.
Mais nous n’avons pas atterrir car les
putschistes ont menacé de détruire les
avions avec des missiles.
Quinze jours plus tard, j’ai tenté de
rentrer au Honduras par la frontière
nicaraguayenne grâce au soutien dont je
disposais du Président Daniel Ortega.
Mais l’opération a été un échec car la
junte militaire avait placé toute
l’armée en état d’alerte près de la
frontière. Mon épouse, ma fille et mes
petits-enfants ont été arrêtés. Le
mouvement populaire de résistance, qui
nous avait rejoints à la frontière, a
subi une répression terrible, avec des
tortures et des assassinats en masse.
SL : Vous vous
êtes ensuite réfugié à l’ambassade du
Brésil.
JMZ : Trois mois plus
tard, je suis entré clandestinement au
Honduras, à la barbe de la CIA et des
services de sécurité de la dictature. Le
Président Lula a été informé par
téléphone de ma présence à Tegucigalpa
et m’a offert l’asile politique. Je me
suis réfugié dans l’ambassade du Brésil
de la capitale. Mon épouse m’a rejoint.
Nous avons été reçus par l’attaché
commercial car le Brésil avait retiré
son ambassadeur en signe de condamnation
du coup d’Etat.
Nous avons vécu un cauchemar pendant
plus de quatre mois. Cela a été le début
d’un calvaire psychologique. La junte
putschiste a tout tenté pour nous faire
sortir de l’ambassade : des bruits
infernaux, des gaz insupportables, une
lumière aveuglante la nuit, etc.
Après plusieurs mois, nous avons pu
quitter l’ambassade grâce à un
sauf-conduit remis par le Président de
facto Porfirio Lobo Sosa et nous nous
sommes réfugiés en République
Dominicaine.
SL : Par la suite,
vous avez été autorisé à retourner au
Honduras.
JMZ : Le Président
Hugo Chávez du Venezuela et le Président
Juan Manuel Santos de Colombie ont
réussi à obtenir un accord des nouvelles
autorités honduriennes afin que je
puisse rentrer au pays et fonder un
nouveau parti politique qui est
aujourd’hui la première force
d’opposition de la nation.
SL : Quel regard
portez-vous sur les dernières élections
présidentielles au Honduras ?
JMZ : J’ai une grande
foi vis-à-vis du peuple. Les peuples,
s’ils disposent de liberté, ont les
gouvernements qu’ils méritent. Au
Honduras, le Parti National, qui est
actuellement au pouvoir, a obtenu deux
victoires : la première, lors des
élections organisées par les putschistes
en pleine dictature en 2009, et la
seconde, en 2013 il a accédé au pouvoir
grâce à la fraude. C’est sa seule
manière d’arriver au pouvoir. Mais il ne
durera pas longtemps car il est
unanimement rejeté par le peuple.
Il y a 18 départements au Honduras. Dans
mon département, qui est le plus grand
du pays avec près de 24 000 kilomètres
carrés, un territoire plus grand que le
Salvador, nous avons vaincu la fraude.
Nos suffrages ont été supérieurs à ceux
de l’actuel Président Juan Orlando
Hernández. Je suis arrivé en tête lors
des élections législatives. Mon épouse
Xiomara a recueilli plus de voix lors du
scrutin présidentiel. Mais dans le reste
du pays, nous n’avons pas pu éviter la
fraude qui a dépassé les 10%, car nous
n’avions pas la réserve politique
suffisante pour cela. Mais nous
gagnerons lors des prochaines élections.
SL : Vous êtes
donc optimiste.
JMZ : Si les
dictatures de droite étaient
infaillibles, elles seraient partout au
pouvoir en Amérique latine. Mais elles
ne peuvent pas écraser éternellement le
peuple. Les peuples sont capables de
s’en débarrasser et il faut avoir
confiance en eux.
SL : Vous
représentez 30% des élus au sein de
l’Assemblée nationale. Pouvez-vous
exercer votre mission de représentant du
peuple dans des conditions convenables ?
JMZ : Nous sommes
confrontés à de très sérieuses
limitations. Il n’y a aucun traitement
égalitaire. L’agenda politique du
Congrès n’est jamais débattu. Il y a une
improvisation totale. Nous ne savons
jamais quels vont être les projets de
loi débattus. Nous sommes constamment
bafoués dans notre dignité. La
protestation, qui est un droit de tout
parlementaire, est réprimée.
Le sommet de l’ignominie a été atteint
en mai 2014 où nous avons été expulsés
par la force du Parlement, par la police
et les militaires. Nous avons été roués
de coups. On a lancé des gaz
lacrymogènes à l’intérieur du Congrès.
Rendez-vous compte, un député, Président
de la République, expulsé par la force
du Congrès. Tout cela parce que nous
protestions pacifiquement contre le fait
que l’on refusait de donner la parole à
notre groupe politique qui est, je le
répète, la première force d’opposition
du pays.
SL : Quelle est
l’actuelle politique du gouvernement ?
JMZ : C’est un
désastre complet. Il s’agit d’une
politique néolibérale sauvage. On
privatise l’économie. On refuse les
droits sociaux au peuple. On augmente
les impôts les plus injustes. La dette
externe a atteint des niveaux
insupportables. On est en train de
démembrer la nation hondurienne.
Bien entendu, l’actuel gouvernement
dispose du soutien des Etats-Unis.
SL : Que
représentent Hugo Chávez et la
Révolution bolivarienne pour l’Amérique
latine ?
JMZ : Chávez est la
figure la plus importante et symbolique
de la démocratie révolutionnaire et du
socialisme pacifique du XXIe siècle. Il
a créé un nouveau paradigme et a inspiré
toute une génération de
Latino-américains car il a su interprété
la volonté des peuples. Le capitalisme
sauvage néolibéral qui a dévasté notre
continent est insoutenable. Chávez a
proposé une alternative démocratique à
ce désastre et a indiqué la voie à
suivre.
SL : Dernière
question, que symbolise Cuba pour
l’Amérique latine ?
JMZ : Cuba est un
symbole de résistance. Dans l’histoire
de l’humanité, aucun peuple n’a réalisé
ce qu’a fait le peuple de Cuba. C’est le
peuple le plus courageux et le plus
généreux de l’histoire de l’Humanité.
Fidel Castro en est l’exemple. Il a
dédié sa vie à construire un monde
meilleur et on ne pourra jamais effacer
son nom de l’histoire.
Docteur ès Etudes
Ibériques et Latino-américaines de
l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage
s’intitule Cuba. Les médias face au
défi de l’impartialité, Paris,
Editions Estrella, 2013 et comporte une
préface d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
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