Analyse
Amnesty International,
le Venezuela et les droits humains
Salim Lamrani
Salim
Lamrani
Mardi 25 mars 2014
Opera
Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...
L’organisation de défense des droits
humains a adopté une position partisane
sur le Venezuela où le gouvernement
constitutionnel et l’opposition
putschiste responsable des violences
meurtrières sont mis dos à dos.
Depuis février 2014, le Venezuela
est en proie à des manifestations
violentes, limitées aux quartiers huppés
de certaines villes dont la capitale
Caracas. Ces actes qui ont coûté la vie
à plus de 30 personnes, dont plusieurs
membres des forces de l’ordre, ont été
orchestrés par le secteur putschiste de
l’opposition, qui vient d’essuyer quatre
revers électoraux en un an et a perdu 18
sur les 19 qui se sont tenues depuis
1998, au cours de scrutins reconnus
comme irréprochables par l’ensemble des
institutions mondiales, de
l’Organisation des Etats américains
(OEA) à l’Union européenne[1].
Incapable de prendre le pouvoir
par la voie légale et démocratique,
l’opposition a décidé de revenir aux
méthodes violentes utilisées en 2002 qui
avaient débouché sur un coup d’Etat
contre le président légitimement élu
Hugo Chávez. Ces nouvelles attaques
contre l’ordre constitutionnel ont été
condamnées par l’ensemble de la
communauté internationale qui a apporté
son soutien au gouvernement légitime de
Nicolas Maduro.
Ainsi, l’OEA a
exprimé, à la majorité absolue de ses 35
membres – moins trois voix (Etats-Unis,
Canada et Panama) – son « plein appui
[…] au gouvernement démocratiquement élu
du Venezuela[2] ». De la
même manière, les 12 pays composant
l’Union des nations sud-américaines ont
unanimement fait part de leur
« solidarité » vis-à-vis du
« gouvernement démocratiquement élu de
cette nation » et ont condamné « les
récents actes de violences » de
l’opposition[3].
Amnesty International est une
organisation qui défend les droits
humains, la démocratie et l’Etat de
droit à travers le monde. Il aurait
semblé naturel et logique qu’elle
dénonce les atteintes à la démocratie
vénézuélienne orchestrées par l’extrême
droite du pays et apporte son soutien
aux autorités légitimes de la nation.
Or, il n’en a rien été.
Pis encore, le 12
mars 2014, Amnesty International a
publié un communiqué sur le Venezuela
dans lequel elle demande au gouvernement
et à l’opposition de « garantir le
respect des droits humains[4] ». Elle
met ainsi dos à dos les autorités
légitimes, qui subissent des violences
et qui tentent de restaurer l’ordre dans
le cadre défini par la loi, et l’extrême
droite putschiste, dont les actes ont
causé la mort de 31 personnes et des
dégâts matériels s’élevant à plusieurs
dizaines de millions de dollars
(magasins alimentaires destinés aux
couches populaires incendiés, bureaux de
la chaîne publique de télévision VTV
saccagés, sièges ministériels attaqués,
etc.)[5].
Pour illustrer son communiqué,
Amnesty International publie une photo
d’un jeune étudiant interpellé par la
garde nationale. L’organisation aurait
pu choisir de publier également l’une
des nombreuses photos montrant ces mêmes
étudiants, cocktails Molotov à la main,
en train d’incendier des édifices
publics, ou armés de pistolets et
défilant encagoulés dans les rues,
semant la terreur parmi les habitants,
afin d’apporter une image équilibrée de
la situation au Venezuela. Il n’en a
rien été. Ce choix partisan jette une
ombre sur l’impartialité de AI, et par
conséquent sur sa crédibilité[6].
Amnesty International, par la
voix de Guadalupe Marengo, directrice
adjointe du programme Amériques, va même
plus loin. Elle dénonce « les
proclamations toujours plus violentes
des autorités », lesquelles « menacent
de mettre fin au respect des droits
humains et de l’Etat de Droit ». A aucun
moment, Amnesty ne cite les propos en
question ni ne désigne nommément ces
autorités. Il est une raison à cela : la
réalité est à l’opposé de l’image qu’en
présente l’organisation de défense des
droits humains[7].
En effet, tous les
dirigeants vénézuéliens, sans exception
aucune, du Président Nicolas Maduro, en
passant par les ministres et les
parlementaires, ont lancé des appels au
dialogue et au calme, et ont conjuré
l’opposition d’exprimer ses désaccords
par la voie démocratique. Ainsi, Maduro
a multiplié les appels à la concorde et
a exprimé son rejet de toutes les
violences : « Notre victoire sera la
paix et nous consoliderons la justice.
Nous devons rester unis et vaincre avec
la paix[8] ».
L’OEA ne s’y est pas
trompée et a exprimé, au contraire
d’Amnesty International, son « plein
appui ainsi que son encouragement des
initiatives et des efforts du
gouvernement démocratiquement élu du
Venezuela […] pour qu’il continue […]
d’avancer dans un processus de dialogue
national[9] ».
L’UNASUR, de son côté, a exprimé son
soutien et décidé de « soutenir les
efforts du Gouvernement de la République
Bolivarienne du Venezuela pour établir
un dialogue[10] ».
Amnesty International fait fi de
toutes les déclarations du gouvernement
légitime en faveur du dialogue et du
respect des institutions et exige « aux autorités d’indiquer de manière absolument claire
que leur priorité est le respect des
droits humains et de l’Etat de droit[11] »,
inversant ainsi les rôles entre les
auteurs des actes de violences et le
Président Maduro qui tente de rétablir
l’ordre dans le cadre prévu par la loi,
accomplissant ainsi son devoir exécutif.
Pourtant, en plus des appels à la
résolution pacifique des différends
politiques, le pouvoir bolivarien a
répété à maintes reprises – et dès le
début des manifestations que la
Constitution prévaudrait. « Rien ne nous
écartera du chemin de la Patrie et de la
voie de la démocratie », a-t-il déclaré[12].
Amnesty International a délibérément
choisi d’occulter ces déclarations.
Le communiqué d’Amnesty
International dédie une phrase
diplomatique à l’opposition qui
contraste avec la virulence utilisée à
l’égard des autorités légitimes : « Nous
exhortons par ailleurs les dirigeants de
l’opposition à lancer un appel à leurs
partisans en leur recommandant de ne pas
employer la violence, notamment contre
les personnes dont les opinions
politiques diffèrent des leurs ». A
aucun moment, Amnesty International ne
mentionne ni ne condamne les
déclarations des principaux dirigeants
de cette même opposition qui ont
publiquement appelé à rompre l’ordre
constitutionnel[13].
Ainsi, l’Organisation de défense
des droits humains aurait pu citer les
propos de
Leopoldo López,
leader du parti Voluntad Popular,
qui avait déjà participé au coup d’Etat
d’avril 2002, et qui a lancé un appel au
soulèvement dès janvier 2014 : « Nous
voulons lancer un appel au soulèvement
aux Vénézuéliens […]. Nous appelons le
peuple vénézuélien à dire ‘ça suffit’
[…]. A partir de maintenant, nous
discuterons d’un objectif : ‘La sortie !
Comment sortir de ce désastre[14]’ ? ».
Alors que les actes de violence ont
causé la mort de 31 personnes, le 19
mars 2014, López a de nouveau encouragé
ses partisans à poursuivre les
violences : « Je lance à un appel à tout
le pays pour maintenir et augmenter la
pression jusqu’au renversement de la
dictature[15] ».
Amnesty aurait pu condamner cet appel
public à renverser un gouvernement
démocratiquement élu. Il n’en a rien
été.
Amnesty International aurait
également pu mentionner les déclarations
de la députée de l’opposition Maria
Corina Machado qui a exhorté les
Vénézuéliens à la révolte : « Le peuple
du Venezuela a une réponse :
‘Rébellion ! Rébellion ! ». Corina
Machado a également lancé un appel à la
rupture de l’ordre constitutionnel :
« Certains disent que nous devons
attendre les élections dans quelques
années. Est-ce que ceux qui n’arrivent
pas à alimenter leurs enfants peuvent
attendre ? Est-ce que les
fonctionnaires, les paysans, les
commerçants, a qui on ôte leur droit au
travail et à la propriété peuvent
attendre ? Le Venezuela ne peut plus
attendre[16] ».
Amnesty a-telle condamné de tels
propos ? En aucun cas.
En soutenant l’opposition
putschiste vénézuélienne, en passant
sous silence les crimes commis par
l’extrême droite, en manipulant la
réalité factuelle, en se prononçant
ouvertement contre le gouvernement
légitime de Nicolas Maduro, contre la
démocratie vénézuélienne et contre la
volonté majoritaire du peuple
vénézuélien exprimée à travers les
urnes, Amnesty International bafoue ses
principes et sa raison d’être, à savoir
la lutte pour les droits humains,.
L’organisation internationale trompe
délibérément l’opinion publique et
trahit les valeurs auxquelles ont adhéré
des centaines de milliers de militants
de l’émancipation humaine à travers le
monde.
Docteur ès Etudes Ibériques et
Latino-américaines de l’Université Paris
IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de
conférences à l’Université de La
Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba.
Les médias face au défi de
l’impartialité (Paris, Editions
Estrella, 2013) et comporte une préface
d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1]
Agencia Venezolana de Noticias,
« Fallece otro efectivo de la
GNB por violencia fascista en
Táchira », 19 mars 2014.
[5]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« Grupo fascista encapuchado
atacó sede del Ministerio del
Ambiente en Táchira », 20 mars
2014.
[6]
Amnesty International,
« Climat de violence au
Venezuela : le gouvernement et
l’opposition doivent garantir le
respect des droits humains »,
op. cit.
[7]
Ibid.
[8]
Agencia
Venezolana de Noticias,
« Maduro : Nuestra victoria será
la paz », 19 mars 2014.
[9]
Organisation
des Etats américains,
« Consejo permanente aprobó
declaración sobre la situación
en Venezuela », op. cit.
[10]
Union des nations
sud-américaines, « Resolución »,
op. cit.
[11]
Amnesty International,
« Climat de violence au
Venezuela : le gouvernement et
l’opposition doivent garantir le
respect des droits humains »,
op. cit.
[12]
Salim Lamrani,
« 25 verdades sobre las
manifestaciones en Venezuela »,
Opera Mundi, 23 février
2014.
[13]
Amnesty International,
« Climat de violence au
Venezuela : le gouvernement et
l’opposition doivent garantir le
respect des droits humains »,
op. cit.
[14]
Salim Lamrani,
« 25 verdades sobre las
manifestaciones en Venezuela »,
Opera Mundi, op. cit.
[15]
EFE,
« Opositor Leopoldo López pide a
venezolanos aumentar presión
‘hasta quebrar la dictadura’ »,
19 mars 2014.
[16]
Salim Lamrani,
« 25 verdades sobre las
manifestaciones en Venezuela »,
Opera Mundi, op. cit.
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