Amérique latine
La communauté internationale exhorte les
Etats-Unis à mettre fin aux sanctions
contre Cuba
Salim Lamrani
Photo: Operamundi
Jeudi 18 décembre 2014
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/...
Partout
dans le monde, des voix s’élèvent pour
réclamer à Washington la fin de l’état
de siège économique contre Cuba et
l’adoption d’une politique plus
rationnelle.
Lors du
sommet régional de la Communauté des
Caraïbes tenu à La Havane en décembre
2014, les quinze Etats-membres ont
unanimement réclamé aux Etats-Unis la
fin des sanctions contre Cuba. Par son
président Gaston Browne, premier
ministre d’Antigua-et-Barbuda, la
CARICOM a exhorté Washington à
abandonner la mentalité de la Guerre
Froide : « J’appelle le président Obama
à lever immédiatement cet embargo
absurde [1] ».
Depuis plus
d’un demi-siècle, les Etats-Unis
imposent des sanctions économiques
extrêmement sévères qui affectent toutes
les catégories de la population cubaine
et tous les secteurs de la société.
Dotées d’un caractère extraterritorial
et rétroactif, elles constituent une
grave violation du Droit international
et représentent le principal obstacle au
développement économique de l’île.
En octobre
2014, pour la 23ème année
consécutive, 188 pays ont voté pour la
levée des sanctions contre Cuba lors de
la réunion annuelle de l’Assemblée
générale des Nations unies. Washington
s’est une nouvelle fois vu infliger un
camouflet politique cinglant, se
retrouvant isolé sur la scène
internationale. Seul Israël a apporté
son soutien aux Etats-Unis.
De
nombreuses voix se sont élevées aux
Etats-Unis pour réclamer un changement
de politique à l’administration
démocrate. Hillary Clinton, secrétaire
d’Etat durant le premier mandat de
Barack Obama, avait exhorté l’actuel
président à assouplir l’état de siège
contre Cuba, et même à éliminer
complètement les sanctions en raison de
leur caractère anachronique, cruel et
inefficace. « L’embargo n’a pas atteint
ses objectifs », a-t-elle souligné dans
son ouvrage Hard Choices,
ajoutant que l’hostilité vis-à-vis de
l’île était très mal perçue en Amérique
latine et constituait un obstacle au
développement des échanges avec les pays
du Sud [2].
Charlie
Crist, ancien gouverneur démocrate de la
Floride, où réside la plus grosse
communauté cubano-américaine des
Etats-Unis, a également fait part de sa
circonspection quant au maintien des
sanctions. « Je suis arrivé à la
conclusion que nous devons lever
l’embargo. La définition de la folie est
de refaire la même chose est d’espérer
un résultat différent », a-t-il
souligné, en rappelant le caractère
irrationnel de la politique étrangère
des Etats-Unis vis-à-vis de Cuba [3].
La Chambre
de commerce des Etats-Unis, qui
représente le monde des affaires et près
de 3 millions d’entreprises, a appelé la
Maison-Blanche à établir une nouvelle
relation avec La Havane. Thomas Donohue,
son président, s’est rendu à Cuba et a
lancé un appel aux responsables
politiques étasuniens : « Trop
longtemps, la relation entre nos nations
a été définie par nos différences.
Il est temps d'ouvrir un
nouveau chapitre des relations entre les
Etats-Unis et Cuba, et ce moment, c'est
maintenant […]. Il est temps d'éliminer
les barrières politiques établies de
longue date et de gommer nos
différences.
C'est dans l'intérêt du peuple américain
et des entreprises américaines [4] ».
Donohue a été charmé la beauté de
l’île : « Cuba est un endroit
merveilleux ». Il a appelé Obama à lever
les restrictions qui pèsent sur les
citoyens étasuniens, lesquels sont
interdits de séjour à Cuba, alors qu’ils
peuvent se rendre dans n’importe quel
autre pays du monde : « Nous souhaitons
que les Américains qui n’ont pas de
famille à Cuba puissent également
voyager [5] ».
Dans un
long éditorial, le
New York Times
a enjoint Washington à changer de
politique et à établir une relation plus
apaisée avec La Havane [6] :
« Pour la première
fois depuis plus de 50 ans, un
changement de politique aux Etats-Unis
et à Cuba rend politiquement possible le
rétablissement de relations
diplomatiques formelles et le
démantèlement de cet embargo insensé.
[…] M. Obama devrait saisir
l’opportunité de mettre un terme à une
longue ère d’inimitié et aider la
population qui a énormément souffert
[…]. Le gouvernement [cubain] a fait
part de sa disposition à rétablir les
relations diplomatiques avec les
Etats-Unis sans conditions. En guise de
premier pas, l’administration Obama
devrait éliminer Cuba de la liste du
Département d’Etat des nations soutenant
le terrorisme […]. Le gouvernement des
Etats-Unis reconnait que La Havane joue
un rôle constructif dans le conflit en
Colombie en accueillant des pourparlers
entre le gouvernement et les leaders de
la guérilla. Depuis 1961, Washington a
imposé des sanctions pour se débarrasser
du régime castriste. Au fil du temps, il
est devenu évident pour de nombreux
responsables américains que l’embargo
est un échec cinglant. […]. Un sondage
récent montre qu’une ample majorité de
Cubains-américains de Miami sont
désormais opposés à l’embargo. Une
majorité significative d’entre eux est
favorable au rétablissement de relations
diplomatiques, reflétant ainsi le point
de vue de l’ensemble des Américains ».
Même l’Eglise
catholique cubaine a fortement critiqué
la politique des Etats-Unis lors de la
Conférence des Evêques catholiques de
Cuba (COCC). « La population souffre de
l’isolement dont est l’objet Cuba de la
part des Etats-Unis car cette politique
contribue à accroitre les difficultés
des plus faibles [7] ».
En persistant à
appliquer une politique obsolète datant
de la Guerre froide, qui affecte les
secteurs les plus fragiles de la société
cubaine, Washington se retrouve isolé au
sein de la communauté internationale qui
ne comprend pas cet acharnement à
maintenir un état de siège inefficace et
contreproductif. Désormais, le seul pays
d’Amérique à ne pas disposer de
relations diplomatiques et commerciales
normales avec Cuba sont les Etats-Unis.
A deux ans de la fin de son second
mandant, Barack Obama serait avisé de
prêter une oreille attentive à cette
exhortation unanime et d’accepter le
rameau d’olivier tendue par La Havane.
Docteur ès Etudes
Ibériques et Latino-américaines de
l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage
s’intitule Cuba. Les médias face au
défi de l’impartialité, Paris,
Editions Estrella, 2013 et comporte une
préface d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1]
Le Monde,
« Les pays des Caraïbes
appellent à lever l’embargo
‘absurde’ contre Cuba », 8
décembre 2014.
[2]
Matthew Lee, « Hillary Clinton
pidió fin de embargo a Cuba »,
The Associated Press, 6
juin 2014.
[3]
Agence
France Presse,
« Charlie Crist critica el
embargo y desea viajar a Cuba »,
17 mai 2014.
[4]
RTL,
« La Chambre de commerce
américaine souhaite une nouvelle
relation USA-Cuba », 30 mai
2014 ; AFP, « La relation
USA-Cuba doit changer
maintenant, selon le président
de la Chambre de commerce
américaine », 30 mai 2014.
[6]
The New
York Times,
« Obama Should End the U.S.
Embargo on Cuba », 11 octobre
2014.
[7]
Nora Gámez Torres, « Iglesia
Católica cubana critica política
de EEUU hacia la isla », El
Nuevo Herald, 9 septembre
2014.
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