Opinion
Cuba, les Etats-Unis et la traite
d’êtres humains (2/2)
Salim Lamrani
Photo:
Opera Mundi
Lundi 14 juillet 2014
Opera Mundi
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Selon Human Rights Watch, les Etats-Unis
sont le seul pays développé à permettre
légalement l’exploitation des enfants au
travail dès l’âge de 12 ans.
La traite d’êtres
humains aux Etats-Unis
Les
Etats-Unis affirment considérer comme
prioritaire la lutte contre la traite
d’êtres humains. Selon John F. Kerry,
les Etats « ont une obligation morale de
relever ce défi [car] la traite d’êtres
humains est une attaque contre nos
valeurs les plus chères comme la liberté
et la dignité humaine[1] ».
Néanmoins, sur
cette question, le rapport du
Département d’Etat lui-même est
accablant pour Washington. En effet,
« les Etats-Unis sont un pays source, de
transit et de destination pour des
hommes, des femmes et des enfants – à la
fois citoyens étasuniens et résidents
étrangers – victimes de trafic sexuel et
de travaux forcés[2] ».
Selon ce même rapport,
« Les medias ont
fait part d’abus dont ont été victimes
les ressortissants étrangers travaillant
pour l’Armée américaine en Afghanistan.
Des ONG ont rapporté que des détenteurs
de visa travaillant en tant que
domestiques ont été soumis à des travaux
forcés par le personnel des missions
diplomatiques et des organisations
internationales présentes aux
Etats-Unis. Des femmes et des filles
indiens-américains ont été soumises au
commerce sexuel et la jeunesse LGBT a
été particulièrement vulnérable auprès
des trafiquants[3] ».
Le rapport de Human Rights Watch
Par ailleurs, les
Etats-Unis sont sans doute le seul pays
développé où les enfants peuvent être
exploités au travail dès l’âge de 12
ans. Human Rights Watch, organisation de
défense des droits de l’homme, a ainsi
dénoncé l’exploitation des enfants dans
les champs de tabac. Selon cette
organisation, ces derniers sont en
moyenne âgés de 13 ans et travaillent
jusqu’à 60 heures par semaine. Selon une
enquête de HRW, 53% d’entre eux sont
exposés aux pesticides, 66% souffrent de
symptômes récurrents telles que
« des nausées, vomissements, maux de
tête, vertiges, et
perte d’appétit » dus à
l’exposition à la nicotine et 73% ont
déjà été malades, atteints de « nausées,
maux de tête, maladies respiratoires,
problèmes de peau et autres symptômes ».[4]
Selon HRW, les
enfants « travaillent de longues
journées sans que les heures
supplémentaires ne soient rémunérées,
souvent sous une chaleur extrême sans
zone ombragée ou pauses suffisantes, et
sans protection adéquate ». Ils sont
ainsi « exposés à une nicotine nocive
sans avoir fumé une seule cigarette ».
Les enfants sont également contraints de
manipuler « des outils et des machines
dangereux, de soulever de lourdes
charges, de grimper sur plusieurs
niveaux sans protection pour suspendre
le tabac dans les granges[5] ».
L’organisation ajoute que « les
tracteurs ont versé des pesticides près
des zones de travail », affectant
gravement la santé des enfants, lesquels
ont souligné que « le spray les
atteignait directement, les faisant
vomir, leur donnant des vertiges, et
leur provoquant des difficultés à
respirer et une sensation de brûlure au
niveau des yeux ». De plus, la plupart
des pesticides utilisés dans la
production de tabac sont « des
neurotoxiques notoires, du poison qui
altère le système nerveux ». Une telle
exposition peut provoquer à long terme
« le cancer, des problèmes cognitifs et
d’apprentissage et la stérilité ». HRW
souligne que « les enfants sont
particulièrement vulnérables car leurs
corps et leurs cerveaux n’ont pas encore
complété leur croissance ». Par
ailleurs, « la plupart des enfants
interviewés par Human Rights Watch ont
déclaré qu’ils n’avaient pas accès aux
toilettes ou à un endroit pour se laver
les mains sur leur lieu de travail,
restant ainsi avec des résidus de tabac
et de pesticides sur leurs mains, y
compris durant les périodes de repas[6] ».
En 2012, 70% des enfants âgés de moins
de 18 ans décédés d’un accident de
travail étaient des travailleurs
agricoles. Aucune protection suffisante
n’est offerte par le code du travail des
Etats-Unis. Ainsi, les enfants peuvent
être exploités dans l’agriculture dès
l’âge de 12 ans et travailler « durant
plus d’heures, à un salaire inférieur,
dans des conditions plus dangereuses que
dans tout autre industrie[7] ».
Le
classement de Cuba dans la liste des
pays impliqués dans la traite d’êtres
humains est, semble-t-il, davantage
motivé par des considérations politiques
et idéologiques, que par une base
factuelle précise et vérifiable. En
effet, les organisations
internationales, notamment celles
chargées de la protection de l’enfance
telle que l’UNICEF, contredisent les
affirmations de Washington au sujet de
l’exploitation des mineurs. Au
contraire, elles font l’éloge de la
politique sociale en faveur de la
protection des personnes de l’île de la
Caraïbe. Par ailleurs, les Etats-Unis,
plaque tournante de la traite d’êtres
humains selon leur propre rapport, est
le seul pays développé à autoriser
l’exploitation des enfants dès l’âge de
12 ans, jetant ainsi une ombre sur leur
crédibilité dès lors qu’il s’agit de
défendre les droits humains.
Docteur ès Etudes
Ibériques et Latino-américaines de
l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba.
Les médias face au défi de
l’impartialité, Paris, Editions
Estrella, 2013 et comporte une préface
d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1]
Le Monde,
« Le rapport américain sur la
traite d’humains provoque un
tollé », 20 juin 2013.
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