Opinion
Ordre moral vs fanatisme
(variations sur
"l'esprit du 11 janvier")
Rudolf Bkouche
Photo:
D.R.
Vendredi 27 février 2015
7, 8, 9 janvier, des attentats font dix
sept morts ; des journalistes, des
policiers et les clients d'un
supermarché cachère sont assassinés par
des Français se réclamant de ce que l'on
appelle l'islamisme radical mais qu'il
serait plus pertinent d'appeler
islamisme théologico-politique pour
rappeler qu'il considère que sa doctrine
politique est définie par son rapport à
Dieu. Nous reviendrons ci-dessous sur le
terme "théologico-politique".
Grande émotion dans le pays, mais, comme
souvent, une émotion, aussi grande
soit-elle, si elle n'est pas contrôlée,
peut conduire à des outrances et se
prête aisément aux manipulations. Parmi
les outrances, le succès d'un slogan qui
rencontrera un grand, trop grand,
succès, le fameux "je suis charlie". Si
ce slogan veut marquer un soutien à la
liberté d'expression après le meurtre
d'une partie de l'équipe de
Charlie-Hebdo, il conduit à plusieurs
contresens que nous nous proposons
d'analyser ci-dessus.
Quant au gouvernement, il va s'employer
à transformer l'émotion populaire en un
instrument à son service. D'une part il
rigidifie un mouvement populaire en
inventant un "esprit du 11 janvier" qui
caractériserait les manifestations qui
ont répondu aux attentats, dont la
grande manifestation du 11 janvier,
"esprit du 11 janvier" sur lequel
s'appuiera le président de la République
lors de sa conférence de presse de
janvier. D'autre part, au nom de la
défense de la liberté d'expression et de
la laïcité réunies, ce même gouvernement
va mettre en place les conditions d'un
retour à l'ordre moral, lequel va se
manifester dans le discours de la
ministre de l'Education Nationale,
réduisant la laïcité à un ensemble de
règles morales, ce qu'elle n'est pas ;
il s'agit ici d'un détournement de la
notion de laïcité, point sur lequel nous
reviendrons.
Ainsi, loin de répondre à la question du
développement de l'islamisme
théologico-politique et à ses
répercussions en France, se met en place
un renforcement de l'ordre moral qui
s'appuie, d'abord sur une réduction de
la laïcité à un ensemble de règles
morales, ensuite sur une réduction de
l'Islam à l'islamisme
théologico-politique, réduction qui ne
peut conduire qu'au développement d'un
sentiment de méfiance envers les
Musulmans
"Je suis charlie", un slogan pernicieux
Le slogan "je suis
charlie" est vite devenu populaire
jusqu'à devenir un signe de ralliement.
Mais ce slogan quelque peu simpliste a
conduit à quelques contresens qui sont
loin d'être sans conséquences
Premier contresens : c'est moins le
meurtre qui est condamné en tant que tel
que le choix des victimes, des
journalistes qui sont mises au premier
plan, les autres victimes paraissant
quelque peu oubliées. C'est cela qui
explique ce besoin de s'identifier aux
victimes et par conséquent de reprendre,
explicitement ou implicitement, leurs
idées. C'est cela qui conduit au
contresens.
Second contresens : il est question
moins de défense de la liberté
d'expression que de soutenir
l'expression des journalistes
assassinés. Mais c'est peut-être ici que
se situe l'ambiguïté de la défense de la
liberté d'expression.
Il est difficile, affectivement
et politiquement, de défendre le droit
de s'exprimer de ceux dont on ne partage
pas les idées, encore plus si on les
condamne [1]. C'est cela qui conduit à
confondre le principe de la liberté
d'expression et le contenu des
expressions que l'on défend. C'est cela
qui a conduit à soutenir les idées des
journalistes assassinés et à considérer
que ne pas soutenir ces idées revient à
prendre le parti des assassins. C'est
cela qui a fait la force du slogan "je
suis charlie" et qui a conduit à un
premier détournement de l'émotion. Cela
ne pouvait que faciliter la tâche du
pouvoir dans sa tentative de
récupération de l'émotion. La
réprobation, voire la condamnation, dans
les écoles, de ceux qui, élèves ou
professeurs, refusaient de répéter le
slogan, est une conséquence de ce
contresens et on sait l'appel aux
sanctions lancé par la ministre de
l'Education Nationale.
Cela pose une question rarement abordée.
Devant une manipulation, il ne suffit
pas de dénoncer les manipulateurs, il
faut encore tenter de comprendre les
raisons pour lesquelles la manipulation
marche. Mais il est classique de
s'intéresser essentiellement aux
manipulateurs et d'éviter de poser la
question : "pourquoi ça marche ?".
Pourtant cet évitement est une bonne
façon de ne pas comprendre.
Résultat de cette
incompréhension, on n'a pas compris ou
pas voulu comprendre qu'une façon de
refuser la manipulation, c'est de crier
"je ne suis pas charlie" au risque
d'apparaître comme un approbateur des
attentats. Cela ne pouvait que renforcer
la manipulation avec le risque de mettre
en place une chasse aux sorcières, ce
qui s'est effectivement passé.
Troisième contresens : les attentats
sont condamnables, donc pas besoin de
chercher à comprendre, pis, chercher à
comprendre devient une justification,
voire une approbation, de ces attentats.
C'est dans ce cadre qui refuse toute
approche rationnelle des attentats que
peut se développer la manipulation du
pouvoir.
A travers ces contresens, le slogan,
s'il exprime l'émotion, permet d'éviter
toute analyse sur l'événement, mais
c'est peut-être cet aspect primaire qui
a fait son succès. Ce qui importe, c'est
la condamnation, il devient alors
inutile de comprendre d'autant que,
suivant une interprétation trop
classique, comprendre c'est justifier
voire légitimer. Ainsi se développe
l'obscurantisme.
Liberté
d'expression et droit au blasphème
La liberté
d'expression signifie le droit de dire
et par conséquent le droit de
contredire. C'est ici que se trouve une
ambiguïté inhérente à la liberté
d'expression.
Ce droit de dire et de contredire a-t-il
des limites, et si oui, comment les
définir ?
Il ne s'agit pas ici de répondre à cette
question, mais d'en aborder un point
particulier, celui qui est lié à la
question des caricatures. Nous
n'aborderons pas ici la question de la
représentation figurée du Prophète,
laquelle relève d'une interprétation
religieuse. Nous aborderons une question
plus générale, celle du droit au
blasphème. Une première remarque, si ce
droit est reconnu, il doit être
universel, c'est-à-dire concerner toutes
les croyances.
La question des caricatures danoises,
qui est l'une des origines de l'affaire,
avait été précédée d'un autre blasphème.
Quelque temps avant les caricatures, il
y eut une publicité qui était un
pastiche de la Cène, pastiche dans
lequel Jésus et les Apôtres étaient
représentées par des femmes court-vêtues
et dans des positions lascives. Notons
aussi que cette affiche, une
photographie, était belle et bien faite.
Une association catholique a porté
plainte contre ce qu'elle considérait,
avec raison, comme blasphématoire.
C'était son droit. Mais ce qui pose
problème, c'est moins sa protestation
que le fait qu'un tribunal lui a donné
raison en interdisant l'affiche. On n'a
pas entendu de grandes protestations des
défenseurs de la liberté d'expression ni
vu la presse, à quelques exceptions
près, reproduire l'affiche contestée.
Lorsque, pour soutenir l'auteur des
caricatures danoises, Charlie Hebdo
décida de reproduire ces caricatures,
provoquant le tollé que l'on sait,
l'affaire fut portée en justice mais
Charlie Hebdo fut acquitté. Ainsi la
Justice reconnaissait qu'une caricature
d'un événement essentiel de l'histoire
chrétienne constituait un délit alors
qu'une caricature représentant le
Prophète de l'Islam comme un terroriste
était acceptable. Ainsi en terre
chrétienne, caricaturer une scène des
Evangiles était un délit punissable
alors qu'une caricature du Prophète de
l'Islam était acceptable.
Incohérence juridique, mais cette
incohérence s'inscrit dans une prise de
position politique.
C'est cette différence de traitement qui
pose problème. Si le droit au blasphème
se restreint au seul droit de blasphémer
les croyances de celui d'en face, ce
droit n'a plus de sens et on comprend
que celui d'en face n'apprécie pas et se
rebelle. C'est un point fondamental,
autant sur le plan du droit, la loi
n'étant pas la même pour tous, que sur
le plan politique, rappelant que le long
conflit entre le monde chrétien et le
monde musulman continue, y compris sous
la sécularisation apparente du monde
occidental.
De la laïcité
Qu'est-ce que la
laïcité ? Une erreur classique consiste
à définir la laïcité comme une morale ce
qui conduit à parler de morale laïque en
l'opposant aux morales fondées sur la
religion. Encore un contresens qui
conduit à considérer la laïcité comme un
système de valeurs, par conséquent à
rejeter tout autre système de valeurs.
Il est plus important de comprendre
comment la notion de laïcité est apparue
dans l'histoire contemporaine. La
laïcité peut être définie comme une
opposition au théologico-politique,
c'est-à-dire à l'intervention des
valeurs religieuses dans la définition
du politique ; la laïcité apparaît ainsi
comme une volonté d'émancipation du
politique de toute contrainte
religieuse. La laïcité a ainsi une
signification essentiellement politique.
Par extension, on peut considérer la
laïcité comme une prise de distance par
rapport à toute forme de transcendance ;
cela ne signifie pas nécessairement le
rejet de toute forme de transcendance,
mais cela implique de considérer toute
forme de transcendance, religieuse ou
non, comme une construction humaine, et
par cela même lui ôter tout caractère
d'absolu indépendant des hommes.
La laïcité n'est
pas un système de valeurs et c'est en ce
sens qu'elle permet, dans une société,
d'assurer la coexistence de différents
systèmes de valeurs, religieux ou non.
Ainsi la laïcité est une notion
essentiellement négative [2]. Lui donner
un autre sens revient à la dénaturer ;
si la laïcité se présente comme un
système de valeurs, elle n'est plus
qu'un dogme parmi les autres et à ce
titre, comme tout système de pensée
dogmatique, qu'il soit religieux ou non,
il n'assure plus la coexistence des
divers courants de pensée qui circulent
dans une société.
C'est justement parce que la
laïcité n'est pas un système de valeurs
qu'elle permet la tolérance,
c'est-à-dire la coexistence de système
de valeurs divers voire contradictoires,
l'acceptation, par chacun, que d'autres
ne pensent pas comme lui. La seule
limite reste celle de cet impératif
catégorique, pour employer un langage
kantien, qui exige que la liberté de
chacun n'empiète pas sur la liberté des
autres. C'est cela qui conduit à dire,
comme l'explique Catherine Kintzler, que
la laïcité est un code de bonne conduite
au sens où on parle du code de la route.
De l'islamophobie
Dans son Histoire
de l'antisémitisme, Léon Poliakov
distingue deux types d'antijudaïsme [3].
On distingue ainsi l'antijudaïsme
théologique et l'antijudaïsme antijuif,
le premier désignant la critique de la
doctrine juive, le second désignant la
haine ou le mépris envers les adeptes de
cette doctrine. Il est vrai que cette
distinction est difficile dans la mesure
où l'on identifie, tant du côté des
adeptes de la religion juive que du côté
des détracteurs, les adeptes à la
doctrine elle-même. Reste que cette
distinction est nécessaire si on veut
éviter toute confusion, d'un côté le
droit de critiquer une doctrine, de
l'autre les agressions, tant verbales
que physiques, contre des personnes.
Cette distinction peut être utilisée
pour toute position antireligieuse, en
particulier pour ce qu'on appelle
aujourd'hui l'islamophobie. On pourrait
ainsi distinguer une islamophobie
théologique qui est une critique de
l'Islam comme doctrine et une
islamophobie antimusulmane qui se
manifeste par des agressions, tant
verbales que physiques, contre les
Musulmans.
La critique d'une
doctrine participe du débat d'idées et
elle a sa place dans la société. Par
contre les atteintes aux personnes,
qu'elles soient verbales ou physiques,
ne sont pas acceptables, à la fois sur
le plan politique et sur le plan moral.
Sans oublier que cela conduit au racisme
comme cela a été le cas avec
l'antijudaïsme devenu l'antisémitisme
racial et comme c'est aujourd'hui le cas
avec une islamophobie qui mélange Arabes
et Musulmans considérés comme des
étrangers dont il faut se méfier. Il
faut aussi rappeler le rôle que peut
jouer la critique théologique pour
conforter les atteintes aux personnes,
cette critique pouvant apparaître comme
une justification de ces atteintes,
comme on peut le voir à travers certains
discours, l'objectif étant moins une
critique intellectuelle de la doctrine
qu'une volonté de rejet des adeptes
considérés comme des personnes
dangereuses justement parce qu'adeptes
des religions contestées : la critique
du judaïsme ou de l'Islam n'est plus
qu'une justification du rejet des
adeptes. On peut noter que ces
justifications s'appuient souvent sur
une méconnaissance de la doctrine
critiquée ; il s'agit alors moins de
critique théologique que de caricature
de la doctrine. En contrepoint, il faut
ajouter le fanatisme de certains
adeptes, fanatisme qui peut devenir une
menace pour les autres considérés comme
Infidèles, fanatisme que l'on retrouve
dans les trois formes du monothéisme,
fanatisme qui n'est que l'une des formes
extrêmes de la foi : "si la foi est la
connaissance de la Vérité, il est
légitime d'imposer cette Vérité et de
punir ceux qui la
refusent" [4].
Il faut alors distinguer lorsque
l'on parle d'islamophobie entre diverses
formes.
- Une critique de
l'Islam en tant que doctrine, ce qui
relève de la liberté d'expression. En
cela, ce que nous pouvons appeler une
islamophobie théologique ne saurait être
condamnable.
- Une attaque contre les
Musulmans qui peut se traduire par des
agressions verbales ou physiques. C'est
cette forme d'islamophobie qui est
condamnable, moins parce qu'elle
s'attaque à des Musulmans que parce
qu'elle se traduit par des agressions
verbales ou physiques contre des
personnes. S'il est vrai que cette forme
d'islamophobie cherche une légitimation
dans l'islamophobie théologique, il faut
donc apprendre à distinguer la critique
d'une doctrine et les agressions contre
ses adeptes, cette distinction concerne
autant les critiques que les adeptes de
la doctrine, les uns et les autres
mettant sur le même plan critique de la
doctrine et agressions contre les
personnes. C'est bien l'un des objectifs
de la laïcité que de permettre les
critiques doctrinales, aussi dures
soient-elles, et de s'opposer aux
affrontements entre les personnes.
- Mais il faut distinguer ici une
islamophobie essentiellement d'ordre
religieux et une islamophobie à
caractère raciste. Il est fréquent, en
France, de confondre Arabe et Musulman,
ce qui conduit à considérer comme de
l'islamophobie ce qui est d'abord un
racisme anti-arabe. Comme tout racisme,
celui-ci s'appuie d'abord sur
l'ignorance et sur une forme primaire
d'essentialisme. Ignorance double dans
la mesure où on ignore, volontairement
ou non, d'une part que les Arabes ne
sont pas tous musulmans et d'autre part
que la grande majorité des Musulmans ne
sont pas arabes. Ignorance aussi
puisqu'on ne veut pas savoir, d'une part
que l'Islam est, comme la Chrétienté,
divisé en plusieurs courants, d'autre
part que le monde arabe est divisé entre
plusieurs Etats aux idéologies et aux
intérêts différents voire
contradictoires.
- Il faut ajouter que l'islamophobie est
entretenue par un double fanatisme.
D'une part le fanatisme des
anti-musulmans qui voient dans tout
Musulman un dangereux terroriste,
fanatisme qui s'appuie sur la longue
histoire du conflit entre le monde
chrétien et le monde musulman, conflit à
la fois politique et religieux et dont
le caractère politique est souvent
occulté sous le discours religieux.
D'autre part le fanatisme de certains
groupes musulmans qui s'appuient sur ce
qu'ils déclarent être le "vrai Islam"
pour imposer leur loi, particulièrement
aux Musulmans. L'objectif de ceux qu'on
appelle islamistes est moins d'imposer
l'Islam au monde que d'imposer leur
conception de l'Islam et leur pouvoir au
monde musulman, que ce soit les pays
musulmans (et pas seulement arabes) ou
que ce soit les populations musulmanes
qui vivent dans le monde occidental, ces
dernières étant des proies d'autant plus
faciles qu'elles sont l'objet de
discriminations dans le monde où elles
vivent. Il ne faut pas oublier que la
majorité des victimes de l'islamisme
théologico-politique sont musulmanes.
De la diversité de
l'Islam
Si on revient à
l'Islam et à l'islamophobie, il faut
noter le rôle de la méconnaissance,
méconnaissance de la doctrine d'une
part, méconnaissance aussi des divers
courants qui parcourent l'Islam, ce qui
conduit à considérer l'Islam comme un
bloc monolithique, ce qu'il n'est pas.
Pour comprendre les raisons de cette
islamophobie, nous noterons deux points.
Le premier renvoie à la longue histoire
des rapports entre le monde chrétien et
le monde arabo-musulman, histoire où
s'entremêlent conflits et relations
politiques ou culturelles. Il est vrai
qu'on a tendance à rappeler les conflits
et à oublier les relations politiques ou
culturelles comme si on voulait ignorer
que monde chrétien et monde musulman
s'abreuvent aux mêmes deux sources, le
rationalisme grec et le monothéisme
biblique. Mettre l'accent sur les
conflits permet de justifier un
antagonisme considéré comme structurel.
Le second point renvoie à l'histoire
récente, celle de la colonisation et de
l'hégémonie européenne des derniers
siècles.
Si on parle de la
France, il ne faut pas oublier que les
Musulmans de France sont originaires des
anciennes colonies françaises et qu'à ce
titre, même lorsqu'ils sont français,
ils ne sont pas pour autant acceptés
comme le montre le numérotage des
générations. Que signifie de dire à un
citoyen français qu'il est de seconde
voire de troisième génération, si ce
n'est lui rappeler qu'il n'est pas
complètement français. Cette
numérotation semble avoir été inventée
pour les Français originaires des
anciennes colonies françaises, une façon
de remettre en cause leur qualité de
Français. Il ne faut alors pas s'étonner
de certaines réactions de méfiance
envers la France [5].
Cela nous amène aux quelques
remarques suivantes.
L'Islam est divers ce qui demande de ne
pas confondre les divers courants.
L'Islam que nous
avons appelé théologico-politique
représente une partie de l'Islam et est
lui-même divers. Il ne faut pas
confondre des mouvements comme celui des
Frères Musulmans qui, bien que
s'appuyant sur la loi religieuse, la
Charia, cherchent à convaincre les
Musulmans d'accepter les règles de cette
loi, et des mouvements comme Al Qaïda ou
DAESH dont l'objectif est d'imposer leur
conception de l'Islam [6]. Ce qu'on
appelle, à tort, les "djihadistes"
[7]
sont les adeptes de cette seconde
conception autoritaire. Il ne faut pas
oublier aussi que cette forme
autoritaire n'est pas le seul fait de
quelques groupes extrémistes mais
qu'elle est à l'œuvre dans certains
Etats comme l'Arabie Saoudite. Reste que
pour des raisons géopolitiques les mêmes
qui condamnent les agissements des
mouvements comme Al Qaïda et DAESH
acceptent des agissements analogues dans
les Etats comme l'Arabie Saoudite
arguant que ces Etats sont des alliés.
Rappelons que l'Islam,
comme avant lui le judaïsme, ne
distingue pas le religieux et le
politique. On ne retrouve pas dans les
textes sacrés du judaïsme et de l'Islam
la distinction exprimée par Jésus entre
ce qui appartient à Dieu et ce qui
appartient à César, même si le
christianisme une fois arrivé au pouvoir
a su jouer sur les relations entre
religion et politique, imposant le
christianisme aux populations de
l'Empire Romain. Plus tard, les
souverains chrétiens, proclamant leur
souveraineté "de droit divin",
imposeront leurs religions à leur sujet.
Il a fallu attendre la sécularisation
issue de l'humanisme des Lumières
pour que soit pensée, dans le monde
chrétien, une distinction entre
politique et religieux, ce qui a abouti
en France à la séparation de l'Eglise et
de l'Etat.
On dit souvent que
l'Islam n'est pas compatible avec la
laïcité. Mais on pouvait dire la même
chose du catholicisme lorsque l'Eglise,
opposée aux Lumières, montrait sa
volonté de conserver son pouvoir comme
le montre par exemple le Syllabus
du pape Pie IX [8]. C'est au pouvoir de
l'Eglise que s'est opposé
l'anticléricalisme qui marque le refus
de l'intervention de l'Eglise dans la
conduite de la politique et qui a
conduit, en France, à la loi de
séparation de 1905 [9].
On peut donc dire que l'Islam
théologico-politique s'inscrit dans une
tradition, tradition que l'on retrouve
dans les sociétés marquées par les
religions monothéistes tradition remise
en cause par la critique du
théologico-politique. En ce sens, la
critique du théologico-politique
constitue une rupture et les oppositions
à cette critique sont d'abord une
défense non seulement du religieux, mais
du pouvoir religieux. La critique
théologique des religions, en
particulier des religions monothéistes,
ne peut oublier cela ; bien au contraire
c'est en prenant en compte ces
oppositions qu'on peut d'une part
préciser la critique et d'autre part
éviter le glissement vers les agressions
contre les adeptes.
Cela conduit à refuser une certaine
critique de l'Islam théologico-politique
qui renvoie celui-ci à une manipulation
de l'impérialisme pour conserver son
hégémonie. On oublie ainsi le rôle joué
dans toutes les religions monothéistes
par la recherche d'un "retour aux
sources" permettant de retrouver la
"vraie doctrine". Et on ne peut
oublier le rôle du wahhabisme dans le
développement de l'Islam
théologico-politique, doctrine qui s'est
développée au XVIIIe siècle
et qui joue un rôle autant dans des
Etats constitués comme, par exemple,
l'Arabie Saoudite que dans des
mouvements non étatiques comme Al Qaïda
ou DAESH. Et l'on sait que le wahhabisme
peut à la fois s'allier avec l'Occident
comme le montre l'Arabie Saoudite et
combattre l'Occident comme le montrent
Al Qaïda et DAESH, même si des alliances
peuvent se nouer lorsque nécessaire
comme le montrent les alliances nouées
contre l'URSS en Afghanistan. La
géopolitique ne saurait se réduire à la
question : qui manipule qui ?
Il faut aussi
relier la question de l'islamophobie à
l'invention, dans la seconde moitié du
XXe siècle, de ce qu'on
appelle la tradition judéo-chrétienne.
Cette invention apparaît comme une façon
de répondre à la Shoah, une forme
de retrouvailles entre Juifs et
Chrétiens après des siècles
d'antijudaïsme chrétien
[10] ; mais
à côté de cet aspect purement religieux,
la notion de tradition judéo-chrétienne
a une signification politique qui
s'insère dans ce que Huntington a appelé
le choc des civilisations [11],
la tradition judéo-chrétienne marquant
la civilisation occidentale qui
s'opposerait à la civilisation
islamique. Ainsi se mêle encore une fois
le religieux et le politique[12].
De la judéophobie
Nous reprenons le
terme de judéophobie employé par Maxime
Rodinson pour parler des diverses formes
de haine des Juifs [13]. On peut citer
aujourd'hui deux formes de judéophobie.
D'abord
l'antisémitisme classique toujours
véhiculé par l'extrême droite, même si
son usage ne se limite pas à la seule
extrême-droite, antisémitisme racial qui
s'appuie d'une part sur une notion
inventée de race juive et d'autre part
sur le fantasme d'un pouvoir juif qui
voudrait régenter le monde comme le
proclame le faux inventé par la police
tsariste Le Protocole des Sages de
Sion. Dans sa version moderne, cet
antisémitisme s'appuie sur une unité
supposée de la pensée juive qui
engloberait la Torah, le Talmud et le
sionisme. C'est cette unité supposée qui
alimente le discours antijuif, mêlant à
la fois une version théologique fondée
sur une lecture partielle et partiale
des écrits religieux juifs et une
version politique marquée par ce que
certains appellent l'axe
américano-sioniste [14]. Cet
antisémitisme s'est donné une belle
image en soutenant les Palestiniens
contre le sionisme comme le montre par
exemple le discours d'Alain Soral qui se
veut le théoricien de l'antisémitisme
contemporain. Notons d'ailleurs que,
pour renforcer cet image d'un
antisémitisme luttant contre la volonté
de domination juive, Alain Soral propose
une alliance entre Catholiques et
Musulmans, une façon de répondre à
l'invention de la tradition
judéo-chrétienne citée ci-dessus.
Ensuite un discours antijuif arabe et
musulman qui s'est développé en réaction
au sionisme [15]. S'il y a eu, en terre
d'Islam, un antijudaïsme religieux
analogue à celui qui s'est développé
dans le monde chrétien, il n'y a pas eu
de mouvement analogue à l'antisémitisme.
Celui-ci est essentiellement européen et
s'il est apparu dans le monde musulman
c'est essentiellement en réaction au
sionisme. Certains Arabes ont vu dans le
discours antisémite européen une façon
de critiquer le sionisme ; on pourrait
parler ici d'un effet de l'impérialisme
culturel, les antisémites arabes
reprenant à leur compte une partie du
discours raciste européen. On peut y
voir ce que Maxime Rodinson appelle un
racisme de guerre, analogue à
celui du discours antiboche français. Il
a pu ainsi devenir un puissant moteur
idéologique ce qui explique que l'Islam
théologico-politique l'ait repris à son
compte. C'est cet antisémitisme arabe
qui a conduit aux récents attentats
antijuifs en Europe, que ce soit celui
de Mohammed Merah à Toulouse, de Mehdi
Nemmouche à Bruxelles ou celui contre le
magasin cachère de Vincennes. Ces
attentats doivent être condamnés, mais
la condamnation ne doit pas empêcher de
les replacer dans leur contexte, celui
d'un mélange d'antijudaïsme et
d'anti-occidentalisme sur lequel
s'appuie l'islamisme
théologico-politique de groupes comme Al
Qaïda ou DAESH. On retrouve ainsi le
refus du sionisme considéré comme une
agression contre les Musulmans et une
réponse à une tradition dite
judéo-chrétienne qui cherche à unifier
Juifs et Chrétiens contre l'Islam devenu
le danger commun. On pourrait dire, non
sans quelque cynisme, que les Juifs sont
passés du statut d'ennemis de la
Chrétienté au statut d'alliés de cette
même Chrétienté contre l'ennemi commun,
l'Islam. Ironie de l'histoire, les Juifs
qui ont été massacrés avec les Musulmans
par les Croisés lors de la prise de
Jérusalem sont aujourd'hui considérés
comme des Croisés par les islamistes
théologico-politiques. On est ici en
pleine confusion.
Ainsi le sionisme, loin d'être le
mouvement libérateur dont rêvait Herzl,
n'est plus qu'un piège pour les Juifs et
l'alliance entre l'Etat d'Israël
et l'Occident se retourne contre les
Juifs. Ce piège est d'autant plus fort
que les Etats occidentaux considèrent
l'Etat d'Israël comme un des leurs, ce
qu'il est effectivement.
Si on revient en France, on voit combien
les représentants de la communauté
juive, représentants au sens qu'ils sont
reconnus comme représentants moins par
l'ensemble des Juifs que par une partie
de l'Establishment politique et
médiatique français, contribuent, par
leur soutien au sionisme et à l'Etat
d'Israël, à refermer le piège. On peut
citer ici cette grande manifestation
communautariste que constitue le Banquet
du CRIF, manifestation qui attire nombre
de politiques et de journalistes
soucieux de montrer leur judéophilie ;
ainsi se mêlent, pour le plus grand
plaisir du sionisme, le refus de
l'antisémitisme et le soutien à l'Etat
d'Israël.
On peut alors noter le point commun
entre les formes actuelles de la
judéophobie et le discours sioniste,
savoir l'équation juif = sioniste" et
par conséquent l'équation "antisionisme
= antisémitisme". Pour les uns, cela
renvoie à l'idée que les Juifs sont de
toujours les ennemis du genre humain,
pour les autres, l'antisémitisme permet
de rassembler les Juifs autour du
sionisme et de leur patrie retrouvée.
Sans oublier l'aspect pratique de cette
confusion : renforcer la démographie
juive sur le terre d'Israël aux fins
d'occuper le maximum de terre
palestinienne ; c'est le sens des appels
récurrents des dirigeants israéliens
demandant aux Juifs de rejoindre enfin
leur "vrai pays" qui a nom Israël.
Le retour de
l'ordre moral
Qu'est-ce qu'un ordre
moral ? C'est d'abord la recherche d'une
morale universelle, une morale "vraie"
que chacun doit observer. C'est bien
cela qu'apportent les religions
lorsqu'elles énoncent les principes
fondateurs de leurs croyances. La morale
relève alors de l'ordre du transcendant
et on ne peut remettre en cause cet
ordre moral sans bouleverser ce qui le
fonde, savoir la croyance en la vérité
des principes.
Si la laïcité
marque une prise de distance avec toute
forme de transcendance, il ne saurait y
avoir d'ordre moral dans un cadre laïc.
C'est donc un contresens que de chercher
dans la laïcité les principes d'un ordre
moral, mais c'est pourtant ce que
propose le gouvernement et que la
ministre de l'Education Nationale est
chargée de mettre en œuvre [16].
L'école devient ainsi le point central
de ce retour à l'ordre moral. Il s'agit
moins d'instruire que de transmettre ce
que l'on appelle les valeurs de la
République. L'enseignement devient ainsi
une espèce de catéchisme que l'on
pourrait appeler "séculier" au sens où
il se veut en dehors de toute religion ;
il s'agit de substituer au
théologico-politique ce que l'on
pourrait appeler un idéologico-politique
dont l'objectif reste analogue : amener
les élèves à entrer dans un système de
pensée bien cadré défini autour de ce
qu'on appelle les valeurs républicaines
[17].
A la
fonction purement technico-économique
qui est assignée à l'école de la société
dite de la connaissance, fonction qui a
pour objectif de former les rouages de
la machine économico-sociale, s'ajoute
ainsi un renforcement de la fonction de
catéchèse, celle de la formation
d'individus adaptés à la société [18].
C'est dans ce cadre
que le ministère de Education
Nationale organise une formation à la
laïcité chargée de transmettre aux
professeurs le catéchisme qu'ils devront
ensuite transmettre aux élèves. On est
bien loin de l'école laïque. Et pour
bien marquer sa volonté de catéchiser
professeurs et élèves, le ministère a
chargé de la "formation à la laïcité et
aux valeurs républicaine" une
association, comme si le ministère ne
faisait pas confiance aux enseignants
pour assurer cet enseignement
idéologique. Ici la manœuvre est double.
D'une part le ministère se décharge sur
une association d'une partie de la
formation des maîtres, ce qui constitue
une première atteinte à la laïcité.
D'autre part, on comprend mieux la
politique ministérielle lorsqu'on sait
que l'association choisie est la LICRA
(Ligue Internationale contre le Racisme
et l'Antisémitisme) association marquée
par ses positions pro-sionistes. Et pour
enfoncer le clou, on peut trouver sur le
site Eduscol du ministère de
l'Education Nationale un opuscule publié
par la LICRA, "100 mots pour se
comprendre contre le racisme et
l'antisémitisme". La lecture des
rubriques est édifiante [19]. Ainsi, non
seulement le ministère de l'Education
Nationale confie à une association la
nouvelle "formation à la laïcité et aux
valeurs républicaines" mais il lui
offre, via le site Eduscol,
une vitrine officielle.
Comme on peut le voir, la laïcité
prônée par le ministère, et plus
généralement par le gouvernement, se
porte bien. On est en plein contresens
mais c'est un contresens volontaire.
Si on revient aux attentats de
janvier, le fait important, à la fois
trop occulté et trop prégnant pour être
considéré comme anecdotique, est que les
auteurs des attentats sont des Français
formés par l'école française. Ce fait
marque un certain échec de l'école : si
des élèves de l'école républicaine
s'engagent dans le mouvement "djihadiste"
jusqu'à commettre des attentats en
France contre des Français, c'est que
l'école n'a pas rempli sa mission.
Plutôt que de chercher les diverses
raisons de cet échec, on va chercher à
renforcer le rôle de catéchèse assigné à
l'école et comment mieux renforcer ce
rôle en accroissant le côté "ordre
moral" de l'enseignement, ce que, dans
la langue de bois pédagogique, on
appelle l'école citoyenne. Et quoi de
mieux pour assurer ce renforcement que
d'en appeler aux valeurs républicaines
et à ce qui est censé les fonder, la
laïcité, mais une laïcité dévoyée au
sens que nous avons dit ci-dessus, une
laïcité définie comme le nouveau dogme
qui doit s'opposer au
théologico-politique. Attitude classique
de qui, pour s'opposer aux dogmes, ne
sait qu'ajouter un nouveau dogme
proclamé au dessus des autres.
Une fois de plus, on demande à l'école
de résoudre des problèmes de société,
d'une part la question des inégalités
sociales, comme si ces inégalités
relevaient de l'ordre scolaire, d'autre
part la question des discriminations, en
particulier "ethniques", comme si la
lutte contre ces discriminations ne
relevait que de l'enseignement. Une fois
de plus on réduit les problèmes de
société à une simple question morale que
l'on cherche à résoudre par
l'introduction d'un "bon" catéchisme
dans l'école. On comprend alors pourquoi
tout signe non conforme de la part des
professeurs ou des élèves doit être
puni. On comprend aussi pourquoi le
ministère préfère travailler avec une
association que de laisser le champ
libre aux enseignants.
En 1932, le
ministère de l'Instruction Publique
devenait le ministère de l'Education
Nationale. Ce changement de dénomination
pouvait sembler anodin, ce qu'il fut
tant que l'instruction restait le pilier
de l'école. Avec le développement des
techniques et l'apparition de ce qu'on
appelle la société de la connaissance,
l'instruction a perdu de son importance
[20] au profit de ce qu'on appelle la
formation citoyenne, laquelle est
essentiellement l'adaptation des
nouvelles générations à l'ordre social.
Le retour à l'ordre moral prôné par la
ministre de l'ordre moral en réponse aux
attentats de janvier s'inscrit dans
cette transformation de l'école.
[1]Rappelons
que cette question apparaît déjà
avec la loi Gayssot qui condamne
le négationnisme, comme si la
question de la Shoah
relevait plus d'une décision
politique et juridique que de
l'histoire. On demande au droit
de dire ce qu'il est bon de
penser
[2]Négative
au sens où l'on parle de
théologie négative. Dire ce que
la laïcité n'est pas importe
plus que de donner une
définition illusoire.
[3]Dans
son ouvrage Poliakov parle
d'antisémitisme, mais il
vaudrait mieux aujourd'hui
parler d'antijudaïsme pour
distinguer l'antijudaïsme
religieux et l'antisémitisme
comme idéologie raciale.
[4]Exemple
emblématique de ce fanatisme, le
massacre des adorateurs du Veau
d'Or ordonné par Moïse revenant
de son dialogue avec Dieu sur le
Sinaï.
[5]Si
on revient à ce que l'on appelle
l'esprit du 11 janvier et à son
slogan emblématique "je suis
charlie", l'adhésion à ce slogan
est apparue comme un brevet de
citoyenneté. En contrepoint,
ceux qui refusent ce slogan
deviennent des suspects opposés
à l'unité nationale, voire des
complices des terroristes.
[6]Pour
comprendre les divers courants
que l'on appelle islamisme nous
renvoyons à l'ouvrage d'Olivier
Roy, Le croissant et le chaos,
"TAPAGE", Hachette, 2007.
[7]Rappelons
que le terme "djihad"
désigne l'effort sur soi-même
pour fortifier sa foi. C'est par
extension qu'il signifie "guerre
sainte". En ce sens
l'interprétation guerrière du
terme "djihad" est un
contresens, même si elle est
utilisée autant par les
critiques de l'Islam que par les
partisans de l'islamiste
théologico-politique. Rappelons
aussi que l'expression "guerre
sainte" a été inventée par les
Croisés partis conquérir
Jérusalem pour rendre la ville
aux Chrétiens.
[8]Paul
Christophe et Roland Minnerath,
Le Syllabus de Pie IX,
préface de Mgr Dagens, Editions
du CERF, Paris 2000
[9]Notons
qu'en 1905, les religions
minoritaires en France, le
protestantisme et le judaïsme,
se sont situées dans le camp
laïque, mais ce choix était lié
à leur caractère minoritaire. Ce
sont les religions majoritaires
qui soutiennent un
théologico-politique qui leur
est favorable.
[10]Ce
discours est illustré par le
Concile de Vatican II. Une
lecture des textes du Concile
montre le caractère paulinien de
ce discours ; les Juifs ont à la
fois l'olivier franc qui a
ouvert la voie à Jésus-Christ et
les futurs Chrétiens qui
rejoindront le Verus Israël à la
fin des temps. Ainsi se
développe un profond malentendu
qui permettra de célébrer les
retrouvailles entre Juifs et
Chrétiens quelques années après
la Shoah.
[11]Samuel
P. Huntington,
Le Choc
des civilisations
(1996), traduit de l'anglais
(Etats-Unis) par Jean-Luc Fidel
et Geneviève Joublain, Patrice
Jorland, Jean-Jacques Pédussaud,
Odile Jacob, Paris 1997.
Si Huntington met à part ce qui
serait une civilisation juive,
le discours occidental
contemporain place les Juifs et
l'Etat d'Israël dans le camp
occidental. Notons que
Huntington n'utilise pas le
terme "judéo-chrétien" mais
désigne sous le nom de
civilisation occidentale "ce
que l'on appelait jadis la
chrétienté occidentale". Le
terme "judéo-chrétien"
marquerait ainsi la volonté
d'intégrer le judaïsme dans
cette chrétienté occidentale,
intégration au sens où les Juifs
devenus européens participent,
via l'Etat d'Israël, à la
lutte de la civilisation
occidentale contre la
civilisation musulmane.
[12]Pour
comprendre le lien entre
l'aspect politique et l'aspect
religieux, on peut lire
l'ouvrage de Jacques Ellul,
Islam et judéo-christianisme
(1991), "Interventions
Philosophiques", PUF, Paris 2004
[13]Maxime
Rodinson, "Antisémitisme éternel
ou judéophobies multiples" in
Peuple juif ou problème juif ?
(1981) p. 264-327
[14]La
notion d'axe américano-sioniste
a l'avantage de mêler, chez les
antisémites qui se réclament du
catholicisme, un discours
antijuif et un discours
antiprotestant.
[15]Sur
cet antijudaïsme arabe, nous
renvoyons à l'ouvrage de Gilbert
Achkar, Les Arabes et la
Shoah, (la guerre
israélo-arabe des récits), "La
Bibliothèque Arabe", Sindbad,
2009
[16]On
peut lire sur le site Eduscol
du ministère de l'Education
Nationale les "onze mesures pour
une grande mobilisation pour les
valeurs de la République".
[17]Parmi
les onze mesures, nous noterons
l'observance des rites
républicains. On voit ici
combien l'idéologico-politique
et le théologico-politique sont
proches.
[18]Rappelons
que cette fonction de catéchèse
est ancienne et a été rappelée
par le ministre Peillon à propos
de l'enseignement de ce qu'il a
appelé un enseignement laïc de
la morale.
[19]On
peut citer les rubriques
"Israël" et "sionisme". On peut
aussi citer la rubrique
"laïcité" moralisant.
[20]Contrairement
à une croyance fort répandue,
une société techniquement
développée a besoin de peu de
savants. Exit donc le rôle
émancipateur de l'école.
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