Proche-Orient
Liban / Syrie :
Aoun et Assad dans le même collimateur
Rosanna Rammal
Dimanche 27 septembre 2015
Désormais, empêcher la candidature
du créateur du Courant Patriotique Libre
[CPL], le Général Michel Aoun, à la
présidence de la République libanaise
relève de tentatives presque aussi
implacables que celles qui cherchent à
se débarrasser du président syrien
Bachar al-Assad, sans doute parce que le
combat qu’ils mènent chacun de son côté,
depuis des années, risque de les
rapprocher encore plus à l’avenir ;
tentatives vouées à l’échec jusqu’ici.
Ceci étant
dit, la comparaison des deux cas en tant
que modèle d’une ingérence régionale et
internationale sur la scène
moyen-orientale, doit tenir compte du
point de vue stratégique et des cartes
du camp adverse, jusqu’à ce que la
situation devienne plus claire et que
les paris cessent.
Dans le cas
du président syrien où le jeu régional
consiste à intervenir directement pour
le changement systémique d’un État
souverain et indépendant, l’ingérence
est « stratégique ». En revanche, dans
le cas du Général Aoun l’ingérence des
États régionaux est « tactique et
interne », d’où la possibilité de
manœuvres, de pauses et de
contournements à répétition, mais
toujours dans un cadre restreint et
limité.
En effet, les
paris qui ont empêché le processus
politique en Syrie sont, dans une
moindre mesure, les mêmes paris qui
empêchent l'accession du Général Aoun à
la présidence. Dans les deux cas, le
facteur régional est présent, avec la
différence que le jeu est direct sur la
scène syrienne mais indirect sur la
scène libanaise, les acteurs étant les
alliés locaux des mêmes États avides
d’un changement à Damas.
Par
conséquent, l’accession du Général Aoun
à la présidence est une carte hostile
pour l’ensemble de la coalition ennemie,
car elle signifie qu’il n’inquiétera pas
le Hezbollah et respectera la relation
avec la Syrie ; cette même Syrie dont il
a exigé le départ quand elle était au
Liban, mais à l’égard de laquelle il
s’est conformé aux normes diplomatiques
et internationales entre pays voisins
une fois partie, mettant fin à des
années d’affrontements ; alors que
d’autres n’ont pas démontré son sens des
réalités et lui ont déclaré une guerre
ouverte dès son retrait.
En d’autres
termes, l’accession du Général Aoun à la
présidence serait une nette victoire
d’une coalition contre l’autre,
situation rarement atteinte au Liban du
fait qu’elle pourrait mener, par étapes
successives, à échapper aux
compromissions et à la distribution des
rôles entre inféodés aux influences
régionales.
Les États
régionaux exerçant leur influence au
Liban savent que l'accession à la
présidence d’un chef chrétien signifie
l’espoir et la consécration de la
présence des chrétiens au Moyen-Orient ;
ce que les grandes puissances ne veulent
pas depuis qu’elles ont étudié et
planifié les avantages de leur exode
pour leur projet de partition des pays
de la région, dès que le moment sera
opportun, au profit d’Israël et de ses
tentatives de judaïsation revenues sur
le devant de la scène, ainsi qu’au
profit d’une escalade militaire dans des
zones de combat où la présence
chrétienne s’est révélée embarrassante
vu la sympathie qu’elle a suscitée à
travers le monde.
Ceci, sans
oublier l'image civilisée et démocrate
que donnera le Liban en tant que modèle
de coexistence aux pays arabes du monde
dit islamique, une image que ces grandes
puissances travaillent à détruire dans
tous les pays arabes pour la remplacer
par celle du terrorisme ; lequel sera,
de surcroit, l’unique souci des
gouvernements des pays ainsi sinistrés.
Parier sur la
chute du président Bachar Al-Assad s’est
révélée inutile du fait de sa solidité
et de la solidité de ses alliés
déterminés à le soutenir et convaincus
de sa réelle assise populaire, de sorte
que le crédit politico-militaire qu’ils
lui ont accordé est largement justifié.
C’est en tout cas en ces termes que
s’est exprimé un diplomate russe de haut
niveau : « Ce fut une erreur
d’abandonner la Libye devenue un foyer
du terrorisme. Il n’est pas question que
cela se répète en Syrie forte de son
armée, de son président et de son
peuple ».
Il en est de
même au Liban où les alliés du Général
Aoun le soutiennent en raison de la
forte adhésion populaire qu’il suscite
dans tout le pays, au point que son
principal allié, qui n’est autre que le
Hezbollah, considère que ne pas céder à
ce qui empêcherait sa candidature ou
toute autre candidature qu’il
approuverait en personne, est une
affaire personnelle.
Dernièrement,
la ténacité des alliés de Bachar al-Assad
a amené les acteurs internationaux à
admettre qu’il était la seule force
sérieuse en Syrie. Les déclarations de
John Kerry invitant à ne pas insister
sur son départ « dans un délai précis »,
suivi par Laurent Fabius, et avant eux
les prises de position espagnole,
autrichienne et britannique, confirment
que la solution politique approche en
Syrie.
Le Général
Aoun, sûr de ses alliés et conscient que
leur adhésion est d’ordre moral, reste
serein. Cependant, comme le président
Al-Assad, il devra peut-être attendre
qu’on reconnaisse sa valeur, ses droits
ainsi que sa réelle popularité, et donc
la légitimité de sa candidature, à
partir du moment où le changement de la
donne internationale en faveur de la
Syrie se sera concrétisé.
D’ici là, il
semble que se débarrasser du Général
reste à l’ordre du jour et que les
séries de tentatives pour l’écarter de
la présidence continuent de plus belle.
Récemment des informations, fuitées à
partir de pays du Golfe, ont indiqué que
le « Groupe du 14 Mars » avait suggéré
l’idée de la candidature de M. Sleiman
Frangié, faisant valoir que ce choix
serait plus acceptable et plus réaliste,
car il serait capable de rassembler
toutes les voix contestataires des
adversaires du CPL et du Général Aoun ;
suggestion qui ne tient pas la route
puisque, sur l’échelle régionale, M.
Frangié est encore plus proche du
Hezbollah et du président Al-Assad.
Le Général a
parfaitement compris que cette diversion
cherchait non seulement à torpiller
l’unanimité des forces en faveur de sa
candidature dans le but de démoraliser
ses partisans, mais aussi pour éliminer
plus facilement M. Frangié lui-même et
proposer une autre alternative, une fois
qu’ils auraient réussi à les diviser.
Une
initiative intelligente de la part du
Groupe du 14 Mars qui semble ne pas
avoir échappé à M. Franjié non plus,
puisqu’il a déclaré qu’il n’était pas
« le candidat des manœuvres » de
quiconque.
Finalement,
les tentatives qui cherchent à écarter
le Général Aoun et le président Bachar
al-Assad sont pratiquement les mêmes
parce qu’elles ont les mêmes visées
stratégiques.
Entretemps,
le Liban est « en attente » jusqu’à ce
que les négociations internationales en
décident autrement. Seront-elles en
faveur de Michel Aoun au Liban, comme
elles sont devenues en faveur de Bachar
al-Assad en Syrie ?
Rosanna
Rammal
Journaliste libanaise
24/09/2015
Source :
Al-Binaa
http://www.al-binaa.com/?article=69985
Article
traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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dossier Liban
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