Monde
Donald Trump essaie de s'en tenir au
script – mais il est sur le point de
causer de gros dégâts au Moyen-Orient
Robert Fisk
Samedi 27 mai 2017
Source :
http://www.independent.co.uk/voices/donald-trump-saudi-arabia-riyadh-israel-palestine-sunni-shia-a7749921.html
Traduction :
http://sayed7asan.blogspot.fr/
À Riyad, Trump ne pouvait pas mentionner
l'origine de la plupart des pirates de
l'air du 11 septembre ou quelle culte ou
croyance sunnite était l'inspiration de
Daech, ni quel pays coupait les têtes
avec le même engouement que Daech.
(Réponse : l’Arabie Saoudite). Et quand
il est arrivé en Israël lundi, Trump a
été confronté à un nouveau protocole de
censure : ne mentionnez pas qui occupait
les propriétés de qui en Cisjordanie ou
quel pays volait scandaleusement et
incessamment des terres – légalement
détenues par des Arabes – pour les Juifs
et les Juifs seulement. (Réponse :
Israël).
Donc bingo, dans la plus grande alliance
du Moyen-Orient jamais créée dans
l'histoire, les Saoudiens, les autres
dictateurs arabes sunnites, le Président
américain fêlé et le cynique Premier
ministre israélien sont tous d'accord
sur l'identité du pays diabolique qu'ils
peuvent tous maudire d'une seule voix,
qui a inspiré la « terreur mondiale»,
instigateur de l'instabilité du
Moyen-Orient, la plus grande menace pour
la paix mondiale : l'Iran chiite.
Donc quelques
minutes après l'atterrissage à
l'aéroport de Tel-Aviv, dont une partie
des pistes se trouve de fait sur des
terres possédées légalement par des
Arabes palestiniens il y a 60 ans –, les
rédacteurs de discours de Trump (parce
que Trump ne peut certainement pas
écrire ça) ont encore une fois débité
leur haine de l'Iran, du « terrorisme »
de l'Iran, des complots de l'Iran, du
désir continu de l'Iran de construire
une bombe nucléaire. Et tout cela alors
que l'Iran vient de réélire un Président
sain d’esprit qui a de fait signé
l'accord nucléaire il y a deux ans, ce
qui a considérablement réduit la menace
stratégique que représente l'Iran pour
Israël, les Arabes et l'Amérique.
« Il ne faut jamais
permettre à l'Iran de posséder une arme
nucléaire », a déclaré le Commandant en
chef des États-Unis. L'Iran « doit
cesser son financement, sa formation et
son équipement mortels [sic] de
terroristes et de milices ». Un martien
qui aurait également atterri à Tel-Aviv
en même temps conclurait sans doute que
l'Iran était le créateur de Daech et
qu'Israël était déjà en train de
bombarder les cultistes cruels et
violents du califat islamique. Et les
martiens – sûrement plus intelligents
que le Président des États-Unis –
seraient donc vraiment abasourdis de
découvrir qu'Israël a bombardé les
Iraniens et les Syriens et leurs
milices, mais n'a jamais bombardé Daech
– pas une seule fois.
Pas étonnant que
Trump ait essayé de s'en tenir à son
script préparé. Sinon, il aurait pu
faire quelque chose de sain d'esprit.
Comme féliciter le nouveau Président de
l'Iran pour sa victoire électorale et
pour sa promesse de respecter l'accord
nucléaire ; comme exiger la fin de
l'occupation israélienne et de la
colonisation israélienne des terres
arabes ; comme dire aux dictateurs et
princes du monde arabe vieux et
croulants que la seule façon de se
débarrasser – et de débarrasser
l'Amérique – de la « terreur » est de
traiter leurs peuples avec dignité et de
préserver leurs droits de l'homme. Mais
non, c'est trop sensible, trop juste et
trop moral, et bien trop compliqué, pour
un homme qui, depuis longtemps, a perdu
pied avec la réalité et est entré dans
le monde de Twitter. Et il parlait donc
du « deal ultime » entre Israël et les
Palestiniens – comme si la paix n'était
qu'une marchandise à acheter ou à
vendre. Tout comme le marché qu'il
venait de conclure en Arabie Saoudite :
des armes contre du pétrole et des
dollars.
Mais ensuite, assis
à côté de Netanyahu, l'homme est sorti
du script. Au soulagement de tous, il
est revenu sur les horreurs de l'accord
nucléaire avec l'Iran, l’accord qui
était « incroyable », une chose «
terrible » dans laquelle s'étaient
fourrés les États-Unis. « Nous leur
avons donné une bouée de sauvetage – et
nous leur avons également donné la
possibilité de continuer la terreur ».
La menace de l'Iran, a-t-il dit à
Netanyahu, « a forcé les gens [sic] à
s'unir d'une manière très positive ».
C'était vraiment «
incroyable ». Trump, dans son innocence
étrange, croit que le désir du monde
musulman sunnite de détruire les l'Iran
chiite et ses alliés est la clé de la
paix israélo-arabe. Peut-être que c'est
ce qu'il voulait dire, s'il voulait dire
quoi que ce soit, quand il a déclaré que
sa visite marquait « une occasion rare
d'apporter la sécurité et la paix à
cette région, à son peuple, de vaincre
le terrorisme et de créer de l'harmonie
et de la paix futures » (ce passage
était dans le script, en passant, dans
ce qu'il a appelé « cette terre ancienne
et sacrée »). Il parlait d'Israël, mais
il a utilisé la même phrase pour
l'Arabie saoudite et le fera sans aucun
doute à propos de la Suisse, du Lesotho,
ou, pourquoi pas, de la Corée du Nord si
cela lui apportait un quelconque
bénéfice. Ou de l'Iran, d'ailleurs.
Qui sait si Trump
va pouvoir faire face aux questions de
la colonisation juive, du vol de terre
et du petit dictateur palestinien
lorsqu'il rencontrera Mahmoud Abbas
mardi. Ou des droits de l'homme. Ou de
la justice. Son discours au musée
d'Israël sera phénoménal s'il sort du
script. Mais les paris sont fermés sur
le contenu : l'unité des Arabes sunnites
dans la haine de l'Iran chiite (il
laissera gracieusement les termes «
sunnites » et « chiites » de côté pour
ne pas trahir son jeu), les relations
plus étroites entre les dictateurs du
Golfe et leurs princes avec
Israël-qui-accapare-les-terres, la
nécessité pour les Palestiniens de
mettre fin à la « terreur » contre leurs
occupants (le mot « occupant » doit
également être laissé de côté, bien
sûr), et l'amour éternel, sans fin et
sacré de l'Amérique pour Israël, quoi
qu'ils fassent et en toutes
circonstances, et quelles que soient les
conséquences.
Dimanche, CNN a
fait les titres avec le terme de «
réinitialisation » avec les Arabes.
Lundi, la BBC a titré une «
réinitialisation » avec Israël. Ce
qu'ils voulaient tous les deux dire,
mais n'osaient pas exprimer, est que
Trump pense qu'il peut amener les Arabes
et Israël à détruire le pouvoir de
l'Iran après les horribles années
morales d'Obama. Cela signifie « la
guerre », de préférence entre musulmans.
Le « deal ultime », en effet.
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