Opinion
Le fonctionnement
du mode de production capitaliste
Robert Bibeau
Robert
Bibeau
Mercredi 30 octobre 2013
Accumuler pour réinvestir ou réinvestir
pour accumuler ?
Il peut paraître superfétatoire
de polémiquer à propos de la finalité du
système capitaliste. Pourtant, cette
question demeure au cœur de la
contradiction fondamentale qui, tel un
cancer, ronge le mode de production
capitaliste décadent.
Se basant sur une lecture
superficielle des classiques un clan
d’exégètes soutient que la finalité du
capitalisme – y compris à son stade
suprême impérialiste – c’est de
thésauriser,
d’accumuler le plus de capital
imaginable. En d’autres termes, ce
qui ferait courir les milliardaires ce
serait l’accumulation entre leurs mains
de la plus grande fortune possible (Bill
Gates, 50 milliards de dollars US).
Selon ces coryphées pseudo socialistes,
l’application de cette loi entrainerait
la concentration des capitaux entre les
mains des privilégiés.
Nul ne peut disconvenir que
les 10% les plus riches de la planète
détiennent 86% des richesses
mondiales. Les 1% les plus fortunés
concentrent 46% du patrimoine global.
Environ 10 millions de
milliardaires dans le monde,
représentant à peine 00,15% (soit une
fraction de 1% de la population
mondiale) possèdent 42,700,000,000,000.$
(42,7 mille milliards de dollars US) des
richesses totales. Il y a effectivement
concentration de la richesse
mais y a-t-il valorisation et
enrichissement de ce capital et création
de plus-value? (1)
Nous venons d’examiné l’avoir des
particuliers, examinons maintenant les
statistiques concernant les plus grandes
entreprises privées. En France par
exemple on observe le même degré de
concentration et d’accumulation
monopolistique du capital productif : «
mille entreprises de plus de mille
salariés (3,4 millions de travailleurs)
produisent près de 50 % du PIB ; alors
qu’en bas de l’échelle industrielle, un
million d’entreprises de moins de dix
salariés (3,4 millions de travailleurs
également) ont une existence précaire. »
(2).
Il semblerait que le débat soit
clos et que le nœud gordien soit
tranché. La finalité du procès de
développement économique impérialiste
serait bien l’accumulation. Normalement,
la
contradiction fondamentale du système
capitaliste devrait voir s’affronter les
forces d’accumulation s’opposant aux
différentes forces empêchant
l’accumulation du capital. Cette
contradiction dialectique fondamentale
entraînerait la succession des crises
économiques systémiques que l’on connaît
présentement et, éventuellement,
l’effondrement du mode de production
impérialiste incapable de concentrer
davantage de capital.
Les faits économiques,
financiers, monétaires et bancaires
contredisent pourtant cette hypothèse.
Si la finalité du système impérialiste
est d’accumuler et
si l’accumulation et la concentration ne
faiblissent pas, alors nous ne devrions
subir aucune crise économique systémique
de l’impérialisme. Certes, nous
pourrions observer beaucoup de détresse
sociale, énormément de hargne et de
colère ouvrière, l’extension de la
pauvreté, mais nous ne devrions observer
aucune crise économique d’un régime
impérialiste poursuivant inexorablement
sa marche en avant en direction de sa
vénalité accumulative.
L’accumulation se poursuit et
pourtant la crise se répand
Pourtant, à l’instant où
l’accumulation et la concentration du
capital est la plus phénoménale de
l’histoire mondiale, jamais la crise du
système n’a été aussi profonde et
sévère, au point de menacer d’affecter
l’ensemble de l’échafaudage – boursier,
banquier, financier – branlant,
insécurisant, décadent.
Nombre d’économistes dont Tom
Thomas présentent l’hypothèse que le
système impérialiste d’accumulation
détruira prochainement de grandes
quantités de ressources et de moyens de
production : « Pour que le capital
puisse relever son taux de profit moyen
et reprendre son procès de valorisation
et d’accumulation, deux conditions
complémentaires doivent être réunies
au-delà du maintien à flot du système
financier :
première condition, détruire une grande
masse de capitaux, non seulement sous
leur formes financières mais aussi sous
leurs formes matérialisées pour en
réduire « l’excédent » et aussi pour
pouvoir reconstruire un système de
production qui permette – deuxième
condition –
d’augmenter le taux
d’exploitation (pl/Cv) alors que de
réduire la composition organique du
capital n’est, aujourd’hui, qu’une
possibilité secondaire» (3).
En un siècle (1913-2013) pas
moins de deux guerres mondiales
(1914-1918, 1939-1945) et quelques
guerres multinationales (1950-1953,
1954-1975, 1991-2001 et 2003-2011) (4),
en plus de dizaines de guerres locales
ont entrainé d’immenses destructions de
ressources, de forces productives et de
moyens de production, de destruction de
capitaux en définitive. Chacune de ces
catastrophes (pour les ouvriers
sacrifiés et les peuples immolés)
a relancé le processus de valorisation
et d’accumulation et stimulé le procès
de reproduction élargie du capital en
réduisant temporairement la composition
organique du capital (Cv/Cc) et en
inversant sporadiquement la tendance à
la baisse du taux de profit, deux
vecteurs qui contrecarrent la
reproduction élargie du capital. Marx
n’est donc pas mort !
La classe capitaliste monopoliste
est présentement incitée à s’aventurer
dans un nouvel holocauste ouvrier afin
de détruire une grande partie des
ressources stockées, des moyens de
production engrangés, des forces
productives inemployées, du capital
accumulé mais paralysé (non productif),
afin d’assurer la reprise du procès de
reproduction élargie du capital en
dopant temporairement les taux de
profits. Qu’ils le veuillent ou non les
impérialistes devront saccager une
grande partie de l’humanité s’ils
souhaitent remettre en marche leur mode
de production moribond. L’impérialisme
c’est la guerre disait un homme
célèbre.
Une meilleure distribution pour
une meilleure croissance ?
Un grand nombre de réformistes
pensent, à l’exemple de leurs
prédécesseurs utopistes et ainsi
que madame Christine Lagarde du FMI, que
le système social et économique
capitaliste est un excellent régime
économique – performant – mais souffrant
d’un grand tourment, qu’il est
parfaitement possible de corriger
disent-ils. La solution pour relancer
l’impérialisme en crise serait
« Plus de justice distributive pour plus
de croissance » ânonnent-ils tous en
chœur : « le Fonds monétaire
international (FMI) continuera de faire
pression en faveur de biens et de
services publics de qualité, la priorité
étant
la protection et l’augmentation des
dépenses sociales
visant à réduire la pauvreté et
l’exclusion, a assuré Christine
Lagarde. » (5).
Selon ces ploutocrates il revient
à l’État démocratique bourgeois,
supposément positionnée au-dessus de la
mêlée de la lutte des classes, d’assurer
une meilleure distribution des fruits de
l’accumulation capitaliste. Selon ces
marguillers capitalistiques,
l’État providence, le Robin des bois
des temps modernes, doit chaparder
quelques deniers
aux financiers pour en donner aux
déshérités et en distribuer davantage à
leurs plumitifs petits-bourgeois et
alors nous vivrons tous au Nirvana.
Moins d’accumulation et plus d’équité
voilà la panacée. Évidemment, si cette «
solution » fonctionnait on le saurait.
Ce postulat utopiste découle
logiquement de l’axiome précédent à
l’effet que la finalité du système
capitaliste serait
l’accumulation des capitaux plutôt que
leur réinvestissement pour un nouveau
cycle de reproduction élargie.
Pourtant, s’il y a présentement crise
systémique de l’impérialisme ce n’est
pas dû à
une déficience du processus
d’accumulation (qui se porte très bien),
mais bien plutôt aux contingences de la
reproduction élargie du capital.
Le capital ne sait plus produire de
plus-value en quantité suffisante voilà
la raison de la crise endémique et
systémique.
La crise économique n’est pas due
aux excès financiers d’une politique
néolibérale, mais bien à une baisse du
taux de profit engendrée par un
phénomène de
suraccumulation de provisions et de
marchandises et de sous-consommation de
ces marchandises stockées; aggravée par
une hyper-profusion de capital financier
sans valeur marchande (de la monnaie
bidon sans valeur).
À partir de 2008, au-delà du
sauvetage du système financier que les
États étaient dans l’obligation
d’entreprendre de toute urgence il nous
faut examiner comment les capitalistes
et leurs fonctionnaires étatiques
œuvrent à redresser le taux de profit
dans la situation concrète de
l’impérialisme obsolescent.
« Avec la crise, les lois du marché
agissent aveuglément. Le capital
constant est dévalorisé. Des entreprises
en difficulté peuvent être rachetées à
bas prix. Les prix des matières
premières s’écroulent. Les salaires sont
laminés sous la pression d’un chômage
massif. Il y a là des facteurs
favorables à un redressement du taux de
profit. Néanmoins, ils sont limités car,
en même temps que ces phénomènes se
produisent, la composition organique
(Cc/Cv) reste élevée puisque
l’importance du capital fixe reste
prépondérante, que la consommation
diminue en même temps que la quantité de
travail vivant utilisée. Une forte
destruction de capitaux marquée par des
dettes non remboursées, des faillites,
des fermetures d’usines est évidemment
beaucoup plus efficace pour relever le
taux de profit. »(6).
L’analogie
Ici on nous permettra une
analogie. Au cours du procès de
reproduction élargie de la vie en
société, il est indubitable que la
copulation entraînant le coït vaginal ou
phallique est gratifiante. La nature et
l’évolution en ont ainsi décidé de façon
à inciter l’hominidé à poser fréquemment
ce geste afin d’assurer la pérennité de
son espèce. Il ne fait aucun doute
cependant que le
Principe de plaisir (Reich,
1986) n’est pas la finalité – la
conclusion et la raison d’être de
l’activité sexuelle mais seulement une
gratification incitant – le Moi sujet –
à se reproduire.
La finalité est bien la reproduction
anthropologique de l’espèce, son
stimulant étant le «Principe de plaisir»
et sa conséquence l’accroissement des
populations.
Poser correctement le diagnostic
Quel est l’intérêt de cette
redécouverte de la finalité du mode de
production impérialiste ? Pour le Parti
Révolutionnaire Ouvrier (PRO) ce
principe primordial de l’économie
impérialiste est crucial car il indique
que ce ne sont pas tant les statistiques
à propos de l’accumulation et de la
concentration du capital que nous devons
observer et analyser avec soin afin de
comprendre l’enlisement et
l’effondrement imminent du mode de
production impérialiste déclinant, mais
bien plutôt les indices portant sur le
ralentissement et l’essoufflement du
procès de reproduction élargie de la
plus-value et des profits, et la
difficulté, non pas de l’accumulation
mais du réinvestissement productif du
capital.
Les actions politiques et de
résistance économique des partisans du
PRO ne doivent pas mener à pleurnicher
pour obtenir une redistribution
«équitable» du capital et des profits au
bénéfice des démunis mais s’orienter
vers la paralysie de l’appareil
productif. Moins de plus-value et moins
de profits signifient moins de capital
productif à réinjecter dans le processus
de reproduction élargie et en bout de
course la faillite inévitable et
l’effondrement inéluctable du système
impérialiste tout entier.
Bref, le mode de production
impérialiste
ne peut continuer à se développer de
par ces axiomes, ces postulats et ces
lois inhérentes de fonctionnement. Il
est futile de tenter de le ranimer ou de
le réformer. Ce système s’est engagé
depuis quelques années dans une spirale
catastrophique et nul ne peut l’en
réchapper. Il viendra un temps où il
faudra lui donner le coup de grâce et
achever la bête immonde, ce qui
constitue la mission du prolétariat.
Marx n’est pas mort.
(1)
http://www.marianne.net/gerardfiloche/Il-n-y-a-pas-de-classe-moyenne-ni-des-classes-moyennes_a33.html
(2) Tom Thomas (2009)
La crise. Laquelle ? Et après ? Page
75.
http://www.les7duquebec. com/7-au-front/la-politique-du-capital-dans-la-crise/.
Le Crash s’en vient :
http://publications-agora.fr/pack/ssw3b/?code=ESSWP803&a=3&o=38&s=74&u=59913&l=614&r=MC&g=0
(3)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Cor%C3%A9e
et
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerres_de_Yougoslavie
et
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Vi%C3%AAt_Nam
et
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d'Irak
(4)
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/378357/0-5-de-la-population-accapare-35-des-avoirs?utm_source=infolettre-2013-05-16&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne
(5) Thomas (2009)
La crise. Laquelle ? Et après ? Page
69.
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/la-politique-du-capital-dans-la-crise/
(6) La Fonction de
l'orgasme, L'Arche, 1986.
Orig. allemand Die Funktion des
Orgasmus, trad. américaine The
Function of the Orgasm, 1942, 1948,
réimp.
FSG, 1973
et aussi
http://www.robertbibeau.ca/fatima.html
Le sommaire de Robert Bibeau
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