Les 7 du Québec
Le nouvel empereur visite l’Europe
Robert Bibeau
Mercredi 27 mars 2018
Une manière
d’apprécier les conditions de vie
économiques d’un pays consiste à
observer le comportement de sa classe
politique. Depuis deux ans, le président
américain Donald Trump
fait l’objet de harcèlement judiciaire
et d’intrigues pour ébranler son
autorité. Les médias et l’opposition
Démocrate le dénigrent, et plusieurs de
ses collaborateurs ne se privent pas
pour médire sur son compte, dévoiler ses
malversations et alimenter la chronique,
bref, une interminable saga dont le
dépôt du rapport Muller ne
semble pas le libérer. Toutes les
énergies du locataire de la Maison
Blanche se consacrent à se protéger
de cette chasse aux sorcières. Par
ailleurs, chacun connait l’état délabré
de l’économie américaine (1,6% de
croissance nette en 2018),
surendettement généralisé, déficit
récurrent et les cambistes appréhendent
une dévaluation du dollar, monnaie de
réserve internationale. Pendant que
l’empereur déchu se réjouit d’avoir
survécu aux intrigues de ses courtisans,
son rival chinois parcours les terres de
ses vassaux pour y conclure alliances et
contrats juteux que ces pauvres gueux,
qui n’attendent plus rien de l’empire
décadent, s’empressent de signer –
parfois sans même invoquer le viatique
« droit de l’homme démocratique »,
fadaise dont Macron a
péniblement murmuré l’incantation devant
les Champs-Élysées – l’avenue des
éborgnés – avant de se coucher devant le
monceau de commandes offert au grand
capital français qui n’en demandait pas
tant. La rencontre de mardi 26 mars,
entre la chancelière Merkel
– grande argentière de l’Union –
Macron, ministre de la guerre de
l’Union – Junker, le
plénipotentiaire de l’Union, et leur
nouveau suzerain devraient indiquer les
modalités de la nouvelle alliance
impérialiste à négocier entre l’empire
du Milieu et l’empire européen. Il est à
parier que cette rencontre au sommet –
beaucoup moins médiatisée que le futile
sommet de Hanoï – aura d’immenses
conséquences internationales, davantage
du moins que le rapport Muller.
Il n’est pas
étonnant de constater que Xi
Jinping est largement soutenue
par les différentes factions du grand
capital chinois et de ce fait par la
classe politique chinoise. En Chine,
l’exercice du pouvoir est serein et la
prospérité économique (7% de croissance
en 2017) comble de félicité les divers
segments de la bourgeoisie exaltée.
Xi Jinping parcours le monde à la
recherche d’occasions d’affaires, de
nouveaux marchés à conquérir – de
technologies et de savoir-faire à
pirater – de ressources et de produits à
marchander (minerais, céréales,
oléagineuses, machines-outils, moyens de
transports, ports, aéroports, voies
ferrées, avions, réseaux électriques,
terres arabes et vignobles, réseaux de
communication, infrastructures
touristiques, tours à bureaux) et de
traités à parafer.
La Chine impériale
s’est lancée à la conquête du monde
capitaliste et au cours de cette épopée
historique – qui structurera
profondément l’économie du XXIe
siècle – la tournée européenne du chef
d’État-major du grand capital chinois
prend l’allure d’une cavalcade
triomphale. Prolétaires de la Terre
observer bien le prochain maitre du
sérail.
Le capital impérial
chinois propose un nouveau Plan
Marshall (2), destiné à la
planète toute entière et prénommé les « Nouvelles
routes de la soie » que notre
webmagazine a moult fois présentées.(3)
Ce sont 1000 milliards d’euros destinés
à construire des infrastructures
maritimes, portuaires, aéroportuaires,
routières et ferroviaires qui relieront
les centres mondiaux de production – de
transformation – et de consommation en
une seule économie globalisée sous
hégémonie du grand capital international
à prédominance chinoise. (4) Les routes
de la soie sont la réplique chinoise au
projet réducteur « America First »
des républicains américains. Dans le
projet des « Nouvelles routes de la
soie » l’accent est mis sur les
moyens de transport, car le
développement mondialisé, différencié et
à forte productivité des moyens de
production et des forces productives
sociales (main-d’œuvre salariée)
entrainent que la plus-value est plus
abondante et plus facile à réaliser
quand les marchandises sont déplacées
d’un site de transformation spécialisée
à un autre, jusqu’au marché de
consommation. C’est que les couts de
transport ont été grandement réduits
avec l’usage répandu du mazout de
mauvaise qualité, polluant et très
largement disponible. Voilà une
perspective qui devrait préoccuper les
fanatiques de l’« urgence
climatique-sauvons la planète », qui
seraient mieux avisés de s’insurger
plutôt que d’embêter les automobilistes
en gilets jaunes. (5)
Les efforts de
Macron pour battre le rappel des
capitales européennes sont fortement
compromis (6). Les capitales vont où se
trouve le capital et l’Italie a déjà
conclu une entente offrant d’accueillir
les investissements chinois dans les
ports de Venise, Trieste, Gênes et
Palerme. La Grèce a cédé Le Pirée il y a
quelques années et le Portugal puis
l’Espagne ont ouvert leurs portes aux
investissements chinois, tandis que la
Cité de Londres négocie
des accords avec la bourse de Shanghai.
Incidemment, le Brexit est
une entrave à cette entente, car le
capital chinois souhaite un accès à
l’ensemble du marché financier européen.
L’Allemagne vend pour 115 milliards
d’euros par année à la Chine et elle
achète tout autant. L’Allemande BASF a
réalisé l’an dernier pour 10 milliards
d’euros le plus gros investissement
industriel jamais vu en Chine. Ne
parlons pas des Pays-Bas dont les ports
sont la porte d’entrée de l’essentiel
des importations made in china, et où
des groupes chinois sont entrés dans le
capital à hauteur de 35% pour le
terminal Euromax de Rotterdam. La
France a accueilli 1,6 milliard d’euros
d’investissement chinois en 2017, contre
2,5 milliards pour l’Italie, et encore
davantage pour l’Allemagne. Bref,
l’Europe a déjà le bras tout entier
enfoncé dans la gorge du dragon et
l’Union ne peut que s’incliner. En
signant le protocole (BRI – Belt and
Road Initiative), l’Italie va rejoindre
un cadre juridique et financier établi
pour les quelque 80 pays déjà associés
aux « Nouvelles routes de la soie–BRI ».
(6)
Qui paye dirige
l’orchestre dit le dicton, désormais
c’est la Chine qui tient les cordons de
la bourse pleine de yuans destinés à
l’orchestre européen. Aucune illusion
toutefois, tout comme le Plan
Marshall de 1948 visait à inféoder
les vassaux européens à leur suzerain
américain, les Routes de la soie
de 2019 visent à aliéner le capital
européen à leur suzerain de Pékin. En
changeant de maitre, le serf ne change
pas de statut.
NOTES
- Les médias
chinois sont à la manœuvre
https://www.msn.com/fr-ca/actualites/monde/prudence-face-à-la-menace-médiatique-de-la-chine/ar-BBVb97W?ocid=spartandhp
- Plan Marshall
:
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Plan_marshall.htm
- Pourquoi
l’Europe a peur des routes de la
soie (février 2018)
http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/pourquoi-leurope-a-peur-des-routes-de-la-soie/
et aussi
https://information.tv5monde.com/info/que-sont-les-nouvelles-routes-de-la-soie-291725
- La Chine se
réorganise pour une guerre
commerciale permanente (mars 2019) :
http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-2-2/la-chine-est-reorganisee-pour-une-guerre-commerciale-permanente/
- Gilets jaunes
contre gilets verts
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/les-gilets-jaunes-contre-lurgence-climatique-et-la-transition-energetique/
-
https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/video-trois-questions-sur-la-visite-de-xi-jinping-en-france_3245309.html?fbclid=IwAR3pKWjdcO7EF5xo_EfXxUNe2j7W4eeMj–5r9Li0pAasWnr_uAtm_C__Zg#xtor=AL-79-[article_video]-[connexe
-
https://information.tv5monde.com/info/visite-de-xi-jinping-en-europe-il-n-y-aucun-signe-d-une-expansion-agressive-de-la-chine-291726
Reçu de Robert Bibeau pour
publication le 30 mars
2019
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