MADANIYA
Le centenaire de la proclamation du
Grand Liban : une démarche passéiste
nostalgique d’une grandeur passée
René Naba

Lundi 31 août 2020 «Quelque soit la
durée de la nuit, le soleil finira par
se lever…
Avec ou sans nous» – proverbe
béninois.
1 – Emmanuel
Macron à Gemayzeh, un retour du refoulé.
La France célèbre
le 1er septembre 2020 le premier
centenaire de la proclamation du «Grand
Liban», dans une démarche incantatoire,
passéiste, nostalgique d’une grandeur
flétrie d’un pays jadis à la tête d’un
des deux grands empires mondiaux,
relégué désormais au rang de 7eme
puissance économique mondiale. Et, sur
le plan local, réduit à sa portion
congrue au Liban du fait des ravages du
confessionnalisme qui a gangrené la vie
politique libanaise, de même que de sa
politique erratique en direction du
Monde arabe.
La visite de
solidarité d’Emmanuel Macron à Beyrouth,
le 6 août 2020, au lendemain de
l’explosion dévastatrice de la capitale
libanaise ne saurait gommer de la
mémoire du peuple libanais le
comportement hideux de son ancienne
«tendre mère» à son égard; à savoir la
mise sur pied du Tribunal Spécial sur le
Liban, (Tribunal Hariri), tribut de
Jacques Chirac à son pensionnaire
posthume le milliardaire
saoudo-américain, ainsi que l’hideuse
manipulation de Manuel Valls, lequel,
-courage fuyons- avant de prendre la
poudre d’escampette vers l’Espagne,
avait refusé de signer l’ordre
d’expulsion de Georges Ibrahim Abdallah,
bloquant la libération du militant
communiste libanais, laissant du même
coup la France s’empêtrer dans un
imbroglio juridique inextricable.
2- Le verdict du
tribunal Hariri, un magistral camouflet
pour la France.
Au passage le
verdict rendu le 18 Août 2020 par le
tribunal Hariri assurant qu’il
n’existait «pas d’indice d’une
implication de la Syrie et du Hezbollah»
dans l’assassinat de l’ancien premier
ministre libanais constitue un magistral
camouflet infligé à la France, dont
l’ambassadeur au Liban à l’époque des
faits, Bernard Emié, actuel directeur de
la DGSE, avait forgé la fumeuse théorie
de la «responsabilité implicite de la
Syrie» dans cet attentat.
Une théorie qui
s’est révélée comme étant la plus grande
imposture des annales de la justice
pénale internationale en ce que son
auteur a outrepassé ses fonctions
diplomatiques, sans le moindre mandat
juridictionnel international, pour la
théoriser par supputation, en l’absence
de moindre indice irréfragable.
Le forcing
diplomatique du pro-consul français au
Liban Bernard Emié en vue de la mise en
place d’un Tribunal Spécial sur le Liban
s’est faite hors approbation du
Président de la République et du
Parlement libanais, dont le
fonctionnement est assuré à titre
paritaire avec le Liban, en vertu d’une
imposture juridique- la théorie de la
«responsabilité induite de la Syrie et
du Hezbollah»- en vue de criminaliser la
Syrie et le Hezbollah, dans une démarche
qui s’est apparentée à une sorte de la
«reconnaissance du ventre» du président
français à son pensionnaire posthume,
son ami le milliardaire assassiné, chef
du clan saoudo-américain au
Moyen-Orient.
Une plaisanterie de
très mauvais goût de la part d’un pays
qui se prétend «grand ami du Liban» dont
la bousouflure intellectuelle a
néanmoins empoisonne la vie politique
libanaise pendant deux décennies. Drôle
d’ami.
La déambulation de
M. Macron à Gemayzeh, dans le secteur
chrétien de Beyrouth, dont l’artère
principale porte le nom anachronique du
Général Gouraud, marque
incontestablement un «retour du refoulé»
dans le subconscient français en ce
qu’elle visait à exalter la splendeur
nostalgique des temps du mandat français
au sein d’une population plongée dans
les affres d’un désespoir sans fin.
Une démarche d’une
démagogie consommée pour un président
qui a ordonné la répression de ses
propres «gilets jaunes» à coup d’une
arme sublétale, le LBD (Lanceur de
balles de défense» (LBD), incompatible
avec la connivence manifestée par le
président français avec les révoltés
libanais.
Dernier et non le
moindre des arguments: Au delà des
considérations humanitaires, la
précipitation d’Emmanuel Macron au Liban
a répondu de manière sous-jacente au
souci de la France de marquer son
territoire dans son ancienne chasse
gardée face à la Turquie, sur fond d’une
épreuve de force entre Ankara et Paris
en Méditerranée pour la prospection des
richesses énergétiques offshore, alors
que la France a déjà perdu la Syrie et
que la gangrène néo ottomane gagne le
nord Liban sunnite et que le président
Erdogan vise à établir une ligne
démarcation de sa zone d’influence
allant de Tripoli (Libye) à Tripoli
Liban).
Dans cette
perspective, l’amputation du district
d’Alexandrette de la Syrie et sa cession
à la Turquie, -l’ennemi de la France
lors de la 1 ère guerre mondiale et le
massacreur des Arméniens-, prend
rétrospectivement une saveur
particulière. Le face à face franco turc
contemporain prend une saveur d’autant
plus piquante lorsque l’on songe que
Paris et Ankara ont été les principaux
partenaires de la destruction de la
Syrie au début de la séquence dite du
«printemps arabe», en 2011. Ce parcours
chaotique, cahoteux, n’a suscité la
moindre interpellation de la
représentation nationale, ni le moindre
justificatif gouvernemental…une parfaite
illustration du fonctionnement de la
démocratie à la française. …. et de la
rationalité cartésienne.
Dans ce contexte,
nourrir l’idée d’une possible
restauration des Maronites dans la
plénitude de leur pouvoir, qu’ils ont
perdu de leurs faits et de leurs méfaits
dans la foulée de la fin de la 2eme
guerre inter libanaise (1975-1990),
relève d’une chimère mortifère.
Fossoyeur du camp
chrétien par son alliance souterraine
avec Israël, le leadership milicien
maronite est tout au plus confiné
désormais à un rôle de nuisance
nauséabonde, nonobstant ses connections
internationales et la capacité de
mobilisation de sa diaspora notamment en
France, aux Etats-Unis et en Amérique
latine.
Pour aller plus
loin sur ce thème :
3- Les objectifs
sous-jacents de «l’État du Grand Liban»
La proclamation de
l’État du Grand Liban le 1er septembre
1920 par le Général Henry Joseph Eugène
Gouraud, représentant de la puissance
mandataire française sur la Syrie,
–trois ans après la promesse Balfour (2
novembre 1917) conférant un «Foyer
National Juif» en Palestine– répondait
au souci des puissances coloniales
européennes de briser le continuum
stratégique du Monde arabe afin d’éviter
la constitution d’un «seuil critique»
sur le flanc méridional de l’Europe, qui
fera obstacle à l’expansion européenne
vers l’Asie.
Le «Foyer National
Juif» a été octroyé en Palestine.
L’«État du Grand Liban» a été aménagé
par son détachement de la Syrie, dont le
général Gouraud en avait la charge.
Sous prétexte de
coexistence inter confessionnelle, la
France visait, dans le prolongement du
«Foyer National Juif» en Palestine, à
constituer un «foyer chrétien au Liban»,
sous le leadership maronite, avec la
caution des sunnites.
4 – Un projet
désormais obsolète et anachronique.
Un tour de
prestidigitation qui se révélera
machiavélique avec
l’institutionnalisation du
confessionnalisme politique, –c’est à
dire la répartition des plus hautes
charges de l’état selon l’appartenance
religieuse et non selon le mérite ou la
compétence– à l’origine de la nécrose
des circuits décisionnaires du pays et
de deux guerres civiles, qui ont fait
près de 300.000 morts.
Machiavélique mais
obsolète et anachronique face au grand
bouleversement stratégique opéré dans la
zone, un demi siècle plus tard, avec la
montée en puissance de l’Iran, dans la
décennie 1980, en tant que fer de lance
du combat contre l’hégémonie
israélo-américaine au Moyen orient.
Par extension,
l’affirmation de la communauté chiite
libanaise unifiée sous le tandem
Hezbollah-Amal, jadis la plus méprisée
du Liban, de même que ses exploits
militaires face à Israël, face à des
partenaires libanais disparates et
déconsidérés, -une communauté maronite
exsangue de ses guerres fratricides; une
communauté sunnite dont le leadership
est littéralement inféodé à l’Arabie
saoudite, l’incubateur absolu du
terrorisme islamique; enfin, une
communauté druze tributaire d’un
saltimbanque hybride, Walid Joumblatt,
féodal mais paradoxalement,
progressiste, socialiste mais allié du
grand capital pétromonarchique-, va
frapper de caducité l’équation
française.
Dans l’ordre
symbolique, Beyrouth Sud, la banlieue
chiite de la capitale libanaise, se
substituera ainsi inexorablement à
Beyrouth Ouest comme fief de la
résistance à Israël, une fonction
exercée auparavant par le secteur
sunnite de la capitale, lors de
l’invasion israélienne du Liban, en
1982.
Au XXI me, la
France est non seulement la 7eme
puissance économique, mais pire, elle
est reléguée derrière le Japon et
l’Allemagne, les deux grands vaincus de
la II me Guerre Mondiale (1939-1945),
mais aussi derrière la Chine et l’Inde,
deux pays sous colonisation occidentale
à l’époque de la proclamation du Grand
Liban.
Pis, au niveau
linguistique, le français, socle de son
rayonnement culturel, est surclassé par
la langue arabe au niveau du nombre des
locuteurs dans par le monde (450
millions arabophones) contre 250
millions de francophones, de surcroît
majoritairement présents au Maghreb et
en Afrique occidentale, la population
bariolée objet d’une stigmatisation
électoraliste dans le débat public
français.
5- Des
turpitudes de la France envers le Monde
arabe
Au delà des
statistiques, la France paie au Liban la
politique la plus résolument hostile au
Monde arabe parmi les pays occidentaux;
un siècle de forfaitures et de
turpitudes, dont les faits les plus
saillants auront été l’amputation du
district d’Alexandrette de la Syrie et
son rattachement à la Turquie; la
carbonisation des Algériens de Sétif, le
8 mais 1945, le jour da la victoire
alliée dans la 2me guerre mondiale; la
fourniture de la technologie militaire
au centre atomique de Dimona (Israël);
la guerre de répression de
l’indépendance de l’Algérie (1954-1960);
l’agression tripartite de Suez, en 1956,
contre Gamal Abdel Nasser;
l’accompagnement des pulsions
bellicistes de Saddam Hussein dans sa
guerre contre l’Iran (1979-1989), au
point que la France s’est hissée au rang
de cobelligérante; la destruction de la
Libye (2011) et de la Syrie (2011-2020);
Enfin, l’affairisme
des présidents post gaullistes Jacques
Chirac avec le premier ministre libanais
Rafic Hariri et de Nicolas Sarkozy avec
l’Émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al
Thani.
La liste non
limitative est énumérée ci- joint.
- Cession du
district syrien d’Alexandrette à la
Turquie dans la foulée du génocide
arménien, alors que la Turquie était
l’alliée de l’Allemagne contre la
France durant cette guerre. Une
prime à l’agresseur en somme.
- Amputation du
«Grand Liban» de la Syrie, en
contradiction des instructions
d’Artisde Briand, ministre français
des Affaires étrangères à son consul
à Beyrouth, le négociateur Georges
Picot.
https://www.madaniya.info/2016/05/16/sykes-picot-un-siecle-calamiteux-pour-la-france/
- 1945 –
Carbonisation de plusieurs milliers
de personnes de la population de
Sétif et Guelma (Algérie), le 8 Mai
1945, le jour même la victoire
alliée lors de la II me Guerre
Mondiale, à laquelle les Arabes et
les Musulmans ont largement
contribué en substitution de la
capitulation honteuse de la France
et de sa collaboration avec le
Nazisme.
- 1954-1960 :
Guerre de répression de
l’Indépendance de l’Algérie
- 1955 –
Attribution de la technologie
nucléaire à Israël (Dimona), en
1955, en compensation du génocide
juif en France. Un transfert qui a
placé le Monde arabe sous la
dépendance du feu nucléaire
israélien.
- 1956 –
Agression tripartite de Suez en
1956, menée de concert avec Israël,
et le Royaume Uni, contre L’Égypte
pour châtier le président Gamal
Abdel Nasser d’avoir nationalisé le
Canal de Suez.
- 1979 – Co
belligérance de l’Irak dans sa
guerre contre l’Iran s’aliénant la
force montante chiite au profit des
pétrodollars des pétromonarchies,
les incubateurs absolus du
terrorisme islamique (Qatar- Arabie
saoudite).
- 1990
-Partenariat affairiste entre le
président français Jacques Chirac et
le premier ministre libanais Rafic
Hariri durant la décennie 1990 sur
ce lien, cf:
https://www.renenaba.com/la-france-et-le-liban-le-recit-dune-berezina-diplomatique/
- 2000 –
Caillassage du premier ministre
Lionel Jospin à Bir Zeit pour avoir
qualifié le Hezbollah de
«terroriste».
- 2005 – Forcing
diplomatique du pro-consul français
au Liban Bernard Emié en vue de la
mise en place d’un Tribunal Spécial
sur le Liban (tribunal Hariri),
- Ostracisation
de l’unique président chrétien du
Monde arabe, le président Emile
Lahoud, pour avoir servi de soupape
de surêté diplomatique au Hezbollah
Libanais face à Israël dans sa
guerre de destruction du Liban, en
juillet 2006.
- Partenariat
affairiste entre le premier
président philo-sioniste déclaré de
France, Nicolas Sarkozy avec l’Émir
du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al
Thani, faisant office en la matière
de «béquille financière de la
France, la caution arabe du plus pro
israélien des dirigeants français
dans les guerres de destruction de
la Libye et de Syrie.
https://www.madaniya.info/2017/06/01/france-monde-arabe-1967-2017-un-demi-siecle-d-inflechissements-successifs/
- Exfiltration,
sous la présidence de Nicolas
Sarkozy, du «faux témoin» Zouheir
Siddiq du procès Hariri, de France
vers le Golfe, via un faux passeport
d’Europe centrale.
- Offres de
service à la Tunisie et au Bahreïn
pour mettre à la disposition de ses
deux pays alliés de l’Otan, mais en
butte à un soulèvement populaire,
son expertise technique dans le
domaine de la répression des masses,
la «gestion démocratique des
foules», selon le jargon français.
- 2011 – Guerre
de destruction de la Libye puis de
la Syrie
- 2014 –
Financement de l’organisation
terroriste Daech via le cimentier
Holcim Lafarge, doublé de l’éloge
d’une autre organisation terroriste
«Jabhat An Nosra qui fait du bon
boulot en Syrie»…
Le signe d’une
dépravation morale absolue. Un acte
d’une aberration d’autant plus
dommageable que cette équipée était
dirigée contre un des rares pays du
Monde arabe avec le Liban à continuer à
ériger des Églises et voué avec l’aide
de la Russie à abriter la version
miniature de la Cathédrale Sainte Sophie
à Istanbul, transformée en mosquée par
le nouveau calife ottoman.
-Soutien
inconsidéré aux groupements terroristes
néo islamistes dans la guerre de
destruction de la Syrie, un siècle plus
tard, qui aboutit à la destruction du
Mémorial du génocide arménien à Deir Ez
Zor, (2011-2019), avec en corollaire, la
tentative de provoquer un nouveau
démembrement de la Syrie par la
constitution d’un état autonome kurde
dans le secteur de Raqqa
-Obstruction aux
négociations sur le nucléaire iranien,
pour le compte d’Israël, alors que la
France aura été un des grands pollueurs
atomiques de la planète avec le
transfert de la technologie nucléaire à
Israël, à l’Afrique du sud du temps de
l’Apartheid et au chah d’Iran.
La liste des
égarements français n’est pas
limitative.
Pis, la France
mettra un siècle à reconnaître le
génocide turc des Arméniens non pas tant
dans une démarche de justice réparative,
mais par dépit de la duplicité de la
Turquie dans la guerre de Syrie. Une
décision tardive, incomplète et quelque
peu opportuniste.
6 -La France
supplantée par la Russie dans son rôle
de protectrice des chrétiens d’Orient.
Avanie
supplémentaire, la France est désormais
supplantée par la Russie dans son rôle
de protection des minorités chrétiennes
d’Orient.
«C’est depuis Damas
que Vladimir Poutine a entamé sa
reconquête du statut de superpuissance
et d’interlocuteur incontournable…C’est
Damas qui détient la clé de maison
Russie…. La grande Syrie est partie
intégrante du grand ensemble orthodoxe
allant de l’Orient aux Balkans et aux
Russies.
«C’est cette
perception historique qui a amené la
Russie actuelle à reprendre au pays du
Cham (Bilad As Sham) le flambeau -que
les Français lui ont longtemps disputé-
de la «protection des chrétiens»,
assénera Michel Raimbaud, ancien
ambassadeur de France, aux hiérarques
néo-conservateurs du Quai d’Orsay dans
son ouvrage «Les guerres de Syrie»,
dépité de la dégradation de son pays du
rôle de «chef de file de la coalition
internationale de la guerre de Syrie» au
rôle d’«affinitaire».
7- Georges
Abdallah, une souillure morale
indélébile
Preuve irréfutable
de la déliquescence morale de la classe
politique libanaise et son
asservissement à l’oukaze occidental, le
maintien en détention de Georges Ibrahim
Abdallah et la remise en liberté du
tortionnaire de la prison de Khyam, Amer
Fakhoury, ancien supplétif libanais de
l’armée israélienne au sud Liban,
porteur de la double nationalité
israélienne et américaine.
Captive d’un double
oukaze de la part d’Israël et des Etats
Unis, la «Patrie de la Déclaration des
Droits de l’Homme» s’est livrée à un
déni de droit doublé d’un abus de droit
dans la gestion du cas de Georges
Abdallah, mythique héros du combat
palestinien injustement jugé,
injustement incarcéré, injustement
maintenu en détention au delà du délai
de sa peine purgée. Une souillure morale
indélébile.
Fait sans précédent
dans les annales diplomatiques
franco-libanaises, la France s’est
révélée malvenue au Liban à l’occasion
du soulèvement populaire qui a secoué ce
pays plusieurs semaines à partir
d’Octobre 2019
La France, qui
entretient des relations séculaires avec
le Liban, dont elle fut la puissance
mandataire au XX me siècle, s’était
proposée à ce titre d’offrir ses «bons
offices» pour dégager une sortie de
crise à la faveur du soulèvement
populaire d’octobre 2019.
Elle a, pour ce
faire, dépêché à Beyrouth, M. Christophe
Franaud, Directeur du département Moyen
Orient Afrique du Nord au Quai d’Orsay,
ancien ambassadeur au Lesotho.
Avec pour objectif
sous-jacent de renflouer son poulain
Saad Hariri, en plein naufrage
politique, qu’elle se proposait de
reconduire à la faveur d’une nouvelle
configuration dans ses fonctions de
premier ministre, malgré sa propre
faillite financière personnelle et ses
extravagances para matrimoniales.
Pour aller plus
loin sur ce sujet ci-joint un article de
l’Hebdomadaire Le Point «Saad Hariri
plus généreux avec les mannequins
qu’avec ses employés»
https://www.lepoint.fr/monde/saad-hariri-genereux-avec-un-mannequin-pas-avec-ses-employes-02-11-2019-2344823_24.php#
A la grande
surprise de nombreux observateurs,
l‘émissaire français a reçu un accueil
digne du ressentiment qu’éprouve une
grande majorité des Libanais à l’égard
de leur ancienne «tendre mère».
A l’appel du
« Mouvement de la jeunesse pour le
changement », des manifestants se sont
rassemblés mardi 12 novembre 2019 devant
le siège de l’ambassade de France à
Beyrouth pour protester contre « toute
ingérence étrangère », et renvoyant la
France à ses forfaitures ont réclamé la
libération de Georges Abdallah, figure
mythique du combat national libanais,
détenu en France alors qu’il a purgé sa
peine depuis dix ans: «Libérez Georges.
Non à l’Ingérence étrangère. Retournez
dans votre pays», lui ont ils lancé à la
face.
A propos de Georges
Abdallah, cf ce lien:
Au delà de
l’ignominieuse détention arbitraire de
Georges Abdallah, bon nombre de libanais
reprochent à la France, particulièrement
depuis la mandature du post gaulliste
Nicolas Sarkozy, sa partialité dans sa
politique en direction du Moyen Orient,
notamment envers Israël, l’abandon de la
«grande politique arabe de la France»
initiée par Charles De Gaulle.
Et, sous
l’impulsion du lobby militaro pétrolier,
son infléchissement vers une politique
pro sunnite, puis pro-wahhabite,
débouchant, dans un premier temps sur la
co belligérance de la France avec l’Irak
sunnite contre l’Iran chiite
(1979-1989), puis sa très forte alliance
avec les pétromonarchies du Golfe, son
soutien à la guerre d’agression des
roitelets du Golfe contre le Yémen, et à
leur bellicisme tout azimut qui a
déstabilisé les pays arabes, tant en
Libye, que la Syrie, et, par ricochet le
Liban.
Cet alignement
s’est accentué avec le post socialiste
François Hollande et l’ultra libéral
Emmanuel Macron, qui s’est traduit par
l’adoption d’une loi controversée
assimilant la critique du sionisme à de
l’antisémitisme.
Circonstance
aggravante, le député porteur de la
proposition de loi s’est inspiré du
discours d’Emmanuel Macron devant le
dîner annuel du CRIF, en 2019, en faveur
d’un tel amalgame.
Une loi mal perçue
au Liban, –un pays qui a fait l’objet de
deux invasions de la part d’Israël,
soumis régulièrement à ses coups de
boutoirs–, qui, de surcroît s’emploie à
prévenir l’annexion de sa zone maritime
contiguë recelant de riches gisements
pétroliers off-shore.
-La demande de
désarmement des milices chiites d’Irak
(Hached al Chaabi- La Mobilisation
Populaire) et du Hezbollah (Liban), sans
que cette requête ne s’adresse aux
milices kurdes de Syrie, les supplétifs
de la France dans la guerre d’usure de
Syrie, ni non plus aux Peshmergas
irakiens.
Le rôle de
sous-traitant des Etats-Unis dans la
traque des personnalités chiites qui
conduit la France à prendre en otage des
Libanais pour le compte de la justice
américaine.
Pour aller plus loin sur ce sujet, cf ce
lien
Du fait de Vichy et
de son passif colonial, la France a
perdu la sympathie d’une large fraction
des peuples arabes du fait de son philo
sionisme compensatoire. Le raccourci est
audacieux mais n’en correspond pas moins
à la triste réalité. «La Partie des
Droits de l’Homme et du code de
l’indigénat» a cherché à compenser
l’antisémitisme récurrent de la société
française par une arabophobie virulente
lors des guerres d’indépendance des pays
arabes (Suez, Algérie), puis par une
islamophobie rance, brandissant
l’épouvantail des «territoires perdus de
la République».
Pour expier son
crime de collaboration avec le régime
nazi et l’extermination de ses propres
concitoyens de confession juive, la
France a été conduite à donner
régulièrement des gages à Israël,
-exception faite de la parenthèse
gaullienne-, sans pour autant obtenir
absolution.
En témoignent
Dimona, l’expédition de Suez en tandem
avec Israël contre l’Egypte, le Tribunal
Hariri, la destruction de la Syrie, la
détention arbitraire de Georges Ibrahim
Abdallah, la tétanie du débat public en
France du fait juif avec son corollaire
l’adoption d’une loi assimilant la
critique du sionisme à de
l’antisémitisme ainsi que le rôle
prééminent du CRIF comme arbitre suprême
des élégances.
Pour aller plus
loin sur ce thème
8 – La
responsabilité de la France dans
l’endettement du Liban
Motif
supplémentaire de mécontentement des
Libanais, le désir effréné de la France
de repêcher coûte que coûte Saad Hariri,
leur nouveau «cheval de troie», en
subordonnant l’octroi de crédits
internationaux à son maintien à la tête
du gouvernement libanais, quand bien
même ce milliardaire en faillite est
grandement responsable, en tandem avec
son alter ego sunnite Fouad Siniora, et
de leur protégé maronite Riad Salamé,
l’inamobible gouverneur de la Banque du
Liban, du gouffre financier dans lequel
est plongé le Liban du fait de leur
gestion erratique. Autrement dit, de
cautionner une élite «accro à la
corruption», fortement impliquée dans
les rouages de l’économie de l’ombre.
A l’instar de la
France dont l’endettement public a
atteint 100,4% du produit intérieur brut
(PIB), en septembre 2019, –soit 2.415
milliards d’euros, en hausse de 39,6
milliards par rapport au trimestre
précédent–, la corruption liée à
l’endettement a atteint des proportions
gigantesques, avec de graves
conséquences pour l’État comme pour la
société.
La dette est la
principale source d’enrichissement
licite. Le Liban est devenu le
troisième pays le plus endetté au monde,
avec une dette publique estimée à
80 milliards de dollars en 2018,
soit
151 % du PIB.
La dette publique
apparaît ainsi comme moyen de corrompre
les administrations publiques, d’éviter
les impôts sur la richesse, d’épuiser
les finances publiques et de confisquer
la richesse des autres nations est une
pratique pluriséculaire.
La colonisation par
le biais de prêts était courante au XIX
siècle: Des paiements de dette
exorbitants entraînaient une réduction
de l’investissement public, des troubles
sociaux, un ralentissement du
développement et une vulnérabilité
accrue à l’ingérence étrangère.
Au début du XXI e
siècle, le gouvernement s’est tourné
vers les marchés internationaux et a
commencé à emprunter en dollars
(euro-obligations) sous le patronage
politique de Paris. C’est la deuxième
caractéristique dangereuse de la dette
publique du Liban: une bonne partie de
celle-ci est libellée en monnaie
étrangère. En cas de dévaluation de la
monnaie locale, le coût de la partie en
dollars montera en flèche.
Plus de 700.000
Libanais ont emprunté plus de 20
milliards de dollars, dont plus de la
moitié constituent des prêts immobiliers
à près de 130.000 familles incapables de
trouver des locations abordables. Cela a
créé une classe moyenne débitrice, en
plus d’un État endetté. L’alliance entre
le lobby bancaire et la banque centrale
n’a pas encore été rompue ni ses
fondements idéologiques libéraux
renversé.
Pour aller plus
loin sur ce thème, cf :
9 – De la
moralité publique de la France
Depuis la fin de la
II me guerre Mondiale et la condamnation
du Maréchal Philippe Pétain pour
collaboration avec l’Allemagne nazie, la
France compte un Président de la
République condamné par la justice pour
des «emplois fictifs» et un second
poursuivi par la justice pour une série
de procès….«avec les compliments du
guide» de Libye.
Premier président
français à être condamné par la justice,
le néo gaulliste Jacques Chirac a été
cité dans une dizaine d’affaires
judiciaires qui ont marqué sa carrière.
Mais l’ancien président de la République
n’a été condamné que pour l’une d’entre
elles. La plus emblématique peut-être:
celle des emplois fictifs de la mairie
de Paris.
Le post gaulliste,
Nicolas Sarkozy est, lui, sous la menace
de plusieurs procès. Renvoyé devant le
tribunal correctionnel dans deux
affaires: dans celle dite des écoutes
téléphoniques» où il est suspecté
d’avoir tenté d’obtenir, via son avocat,
des informations secrètes auprès d’un
magistrat à la Cour de cassation;
Et dans l’affaire
Bygmalion, pour financement illégal de
sa campagne électorale présidentielle de
2012. Il est enfin mis en examen et
placé sous contrôle judiciaire dans
l’enquête sur les soupçons de
financement libyen de sa campagne
électorale de 2007.
Au delà des deux
présidents, deux premiers ministres ont
fait l’objet de condamnation judiciaire:
Le «somnolent des forums
internationaux», Laurent Fabius, pour
l’affaire du sang contaminé, et le
«droit dans ses bottes» Alain Juppé,
pour les emplois fictifs de la Mairie de
Paris. Deux artisans du naufrage
français en Syrie qui siègent,
paradoxalement, au Conseil
Constitutionnel.
Le casier
judiciaire des sommités de la République
française tranche avec son affirmation
abusivement revendiquée de «Patrie des
Droits de l’Homme». Ce décalage devrait
l’inciter à mettre en sourdine ses
vociférations moralisantes à l’adresse
de la planète.
Au classement 2019
de l’Indice du développement humain
publié par le PNUD, le Liban y figure au
93 rang mondial, sur 189 pays pris en
compte, avec un score pour 2018, de
0.730. Un rappel s’impose cependant, en
2015, le Pays des Cèdres figurait au
76ème rang mondial et au 67ème rang
mondial en 2014.
Au niveau régional,
le Liban est certes devancé par les pays
pétroliers, mais aussi par l’Iran, pays
pourtant sous embargo depuis 40 ans, qui
se situe en 65eme position et par la
Tunisie, 91eme position
A l’indépendance du
Liban, le nombre des locuteurs
francophones, représentait 70 pour cent
de la population, contre 30 pour cent
d’anglophones.
De nos jours, la
tendance est radicalement inversée,
indice indiscutable de la régression de
l’influence française dans ce pays, le
Liban, qui fut jadis le point d’ancrage
de la France au Moyen Orient, avec la
Syrie.
10 – L’Hommage
au Général Gouraud, une incongruité.
De surcroït, la
célébration d’un événement dont l’auteur
est le Général Henry Joseph Eugène
Gouraud, –dont le nom d’ailleurs honore
encore une des rues du secteur chrétien
de Beyrouth–, constitue une marque
supplémentaire d’incongruité.
Honorer le
fossoyeur du mouvement indépendantiste
africain dans les colonies françaises au
Soudan français, actuel Mali, en
Mauritanie et au Tchad, de même qu’en
Syrie, -à la bataille de Maysaloun,
l’acte fondateur du nationalisme syrien,
sous le commandement du ministre syrien
de la défense, le kurde Youssef Al Azmeh-
constitue la marque d’un dévoiement
intellectuel. D’un naufrage moral.
Au vu de ce bilan,
la France aura été médiatiquement
pro-arabe, mais stratégiquement
pro-israélienne, et la fameuse
«politique arabe de la France» initiée
par le Général Charles de Gaulle avec
son cortège de «contrats du siècle» dans
le domaine de l’armement tant avec la
Libye qu’avec l’Irak n’aura duré que
l’espace d’une douzaine d’années
(1967-1979).
En témoigne la
succession de présidents philo-sionistes
du «sang mêlé» Nicolas Sarkozy au
socialo-motoriste François Hollande, au
balnéaire du Touquet qui amalgame
anti-sioniste et antisémitisme.
Dans cette
perspective, la célébration du 1er
centenaire de la proclamation de «l’État
du Grand Liban» apparaît comme le chant
de cygne d’une puissance jadis radieuse
dont le Liban lui renvoie sur sa face
hideuse, ses stigmates indélébiles.
En cette
célébration du premier centenaire de la
proclamation de l’«État du grand Liban»,
la France apparaît au Liban comme un
phénomène d’hystérésis, un astre,
brillant certes, mais un astre mort,
brillant uniquement dans l’imaginaire de
ses anciens supplétifs … au titre du
fantasme.
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