Opinion
Plainte palestinienne devant la Cour
Pénale Internationale (CPI), un acte de
souveraineté et d’autorité
René Naba
D’après la
police, ce sont des raids israéliens qui
ont détruit cette mosquée de Gaza Ville
© REUTERS / Suhaib Salem
Vendredi 25 juillet 2014
Paris – La
Palestine a fait acte de souveraineté et
d’autorité en saisissant vendredi 25
juillet la Cour Pénale Internationale
des «crimes de guerre» israéliens à
gaza, fait sans précédent dans les
annales du conflit israélo-palestinien.
La plainte a été
déposée par le mandataire des
Palestiniens, Me Gilles Devers, avocat
au barreau de Lyon. Dans une démarche
consensuelle visant à dépasser les
clivages politiques, entre les deux
principales formations palestiniennes,
le Fatah et le Hamas, la requête a été
co-signée par le ministre de la justice
de l’autorité palestinienne, Saleem Al
Saqqa, qui a son siège à Ramallah
(Cisjordanie) et par le procureur
général de Gaza,
I – L’argumentaire
palestinien
Dans une conférence
de presse tenue conjointement au siège
de la Maison des Avocats à Paris, Me
Gilles Devers et M. Christophe,
chirurgien, Maître d’œuvre de nombreuses
missions médicales à Gaza, ont apporté
les précisions suivantes:
«Fondée sur
l’article 15.1 du statut, la plainte
déposée auprès de Madame Fatou BENSOUDA,
procureur près la Cour Pénale
Internationale, vise, dans le contexte
de l’opération militaire appelé «Bordure
protectrice» (Juin –Juillet 2014) «les
infractions suivantes, qui sont toutes
des crimes de guerre: Homicide
involontaire, Attaques portées contre
des civils, Attaques causant incidemment
des pertes en vies humaines, des
blessures et des dommages excessifs,
Destruction et appropriation de
biens,-Crime de colonisation, Crime
d’apartheid, Violation des règles du
procès équitable.
«S’agissant de la
recevabilité, la plainte vise la
déclaration de compétence du 21 janvier
2009 du ministre de la Justice de
PALESTINE (article 12.3 du statut).
Cette déclaration reste parfaitement
valable, surtout que, depuis, la
PALESTINE a été reconnue comme Etat,
observateur non-membre de l’ONU. La
qualité la PALESTINE comme Etat n’est
pas contestable.
«L’Etat de
PALESTINE, du fait de l’occupation
miliaire, du blocus et de l’agression
armée en cours, n’est pas en mesure
d’exercer son pouvoir judiciaire. Aussi,
Monsieur Saleem AL-SAQQA, Ministre de la
Justice de Palestine, et Monsieur Ismail
JABR, Procureur Général, ont décidé de
transférer cette fonction à la Cour
Pénale Internationale, la seule instance
en mesure d’enquêter et de rendre
justice au peuple palestinien.
«Israël, puissance
occupante, conduit une opération
militaire qui, dans son principe comme
dans ses modalités, viole les bases du
droit international. Chaque jour est
marquée par la commission de nouveaux
crimes, et la population civile
représente plus de 80% des victimes. Les
enfants, les femmes, les hôpitaux, les
écoles de l’ONU: les soldats israéliens
ne respectent rien. C’est une attaque
miliaire contre la population
palestinienne. Cette action en justice
montre clairement, au monde entier, quel
est l’agresseur et quelle est la
victime. Les victimes sont
Palestiniennes, mais la violation des
lois concerne le monde entier, et la
plus large unité doit se former autour
du peuple Palestinien».
II – Le contexte
juridique et politique de la plainte
palestinienne.
Par cet acte de
souveraineté et d’autorité, la Palestine
parait avoir franchi un nouveau pas dans
la consolidation de sa position
juridique sur le plan international en
ce que cette démarche vise à placer la
communauté internationale devant ses
responsabilités face au déni de droit
permanent d’Israël à faire obstruction à
la création d’un état palestinien
indépendant et à contrecarrer la
stratégie israélienne visant à enterrer
le projet de création d’un état
palestinien, en lui substituant un
bantoustan à Gaza.
En brandissant
cette menace, couplée par la détention
du Hamas d’un soldat ou d’une dépouille
israélienne, son objectif sous–jacent
pourrait faire pression sur Israël et
monter les enchères dans la perspective
d’éventuelles négociations d’une trêve.
III –
Hezbollah-Hamas
Au 18me jour du
conflit, commencé le 8 juillet, le bilan
s’établissait comme suit qui a fait 784
morts du côté palestinien, 70 pour cent
des civils, 100.000 déplacés à Gaza et
33 militaires israéliens tués, dont le
chef de la brigade d’élite Golani, le
Colonel Ghassane Alyane (41 ans), un
druze arabe originaire de Chafa Oumrou.
L’offensive
israélienne contre Gaza a donné lieu à
la première prise de contact au plus
haut niveau entre le Hezbollah et le
Hamas, depuis l’exil du chef politique
du Hamas, Khaled Mecha’al à Doha,
consécutif à sa prise de distance avec
son ancien pays hôte la Syrie et son
alignement sectaire sur les
pétromonarchies sunnites. Le chef du
Hezbollah, Hassan Nasrallah,
qui n’a jamais émis la moindre critique
publique contre le Hamas durant cette
période a pris l’initiative d’appeler
personnellement l’exilé de Doha pour
rompre la glace et lui réaffirmer son
soutien. Le dirigeant libanais a appelé
également Ramadan Shallah, chef du
djihad islamique, promu désormais au
rang d’interlocuteur privilégié de
l’Iran, de la Syrie et du Hezbollah
depuis la défection du Hamas.
La balistique
palestinienne de Gaza de même que les
drones, tant en ce qui concerne le Hamas
que le Jihad islamique, a été équipée
principalement par ce qu’il est convenu
«l’axe de la résistance» le trio
Iran-Syrie-Hezbollah.
En contrepoint,
l’Arabie saoudite, qui a criminalisé en
mars 2014 les Frères Musulmans après
quarante ans de connivence, a observé un
strict mutisme sur cette opération. Un
silence qui a pu être interprété comme
un encouragement à Israël dans la mesure
où le Hama ne constitue, aux yeux des
saoudiens, que la branche palestinienne
de la confrérie et non comme une partie
prenante du peuple palestinien menant
une guerre de survie dans une enclave
asphyxiée par blocus depuis 2005, soit
depuis près de dix ans.
IV – De la
rationalité cartésienne à
l’irrationalité hollando fabiusienne.
La France qui passe
à tort ou à raison d’avoir encouragé
l’agression israélienne par la
mansuétude manifestée par le président
socialiste François Hollande à son
compère du Likoud israélien Benyamin
Netanyahu baigne dans la contradiction.
Elle soutient les Frères Musulmans de
Syrie dans leur guerre contre le
président Bachar Al Assad, mais frappe
d’ostracisme le Hamas, la branche
palestinienne de la confrérie. Elle
tolère sur son sol la Ligue de Défense
Juive (LDJ), pourtant interdite aux
Etats Unis.
Elle maintient en
détention, en dépit d’une décision de
justice, un prisonnier libanais pro
palestinien, Georges Ibrahim Abdallah et
considère, au mépris de la vérité
historique que les syriens sont les
sudètes du XXI me siècle et non la
Palestine. Au prétexte d’un argument
fallacieux: Ne pas transposer le conflit
israélo palestinien en France.
Le pays de la
rationalité cartésienne dérive vers
l’irrationalité hollando-fabusienne.
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