MADANIYA
Liban-Mémoires de guerre 3/3
René Naba
Mardi 17 avril 2018
Serge
Soghanalian (1929-2011), parfait
représentant du monde interlope des
marchands de mort
Sa profession est
marchand d’armes, autant dire un
marchand de mort et sa vie a inspiré un
légendaire film d’Hollywood, «Lord of
War» (2005), dont le rôle principal a
été joué par Nicolas Cage.
Natif
d’Alexandrette, issue d’une famille
d’origine arménienne, il quittera sa
ville natale pour le Liban en 1939 lors
du rattachement de ce district syrien à
la Turquie par la France, à l’époque
puissance mandataire de la Syrie.
Serge Soghanalian,
de son vrai non Sarkis Garabet
Soghanalian, appartient au monde
interlope des marchands de mort. Au
cercle ultra restreint de marchand
d’armes.
A l’instar de son
collègue russe Viktor Anatoleivitch
BOUT, qui a été immortalisé par le film
«Le cauchemar de Darwin», un
documentaire paru en 2005 sur le troc
entre l’Europe et l’Afrique, des armes
prélevées sur les stocks de l’Europe de
l’EST contre des cargaisons de poissons,
particulièrement la perche du Nil
pêchées dans le Lac victoria, très
prisée par les consommateurs européens,
réduisant la population locale à se
nourrir de carcasses de poissons.
Un des plus gros
marchand d’armes de l’époque
contemporaine, Serge Soghanalian a été
le pourvoyeur de Saddam Hussein, dans la
décennie 1970-1980 dans sa guerre contre
l’Iran; En Amérique latine, il a été le
fournisseur des Contras dans la contre
révolution au régime sandiniste du
Nicaragua; de l’Argentine durant la
guerre des Malouines, en 1982, et de
l’Equateur; en Afrique, enfin, à Joseph
Désiré Mobutu (Zaire Congo Kinshasa), au
Polisario et la Mauritanie.
Il aura néanmoins
maille à partir avec la justice
américaine pou trafic d’armes.
Sa peine purgée, il ouvre des bureaux de
représentation en Jordanie et en France,
dans la décennie 1980, où il mettra à
profit son séjour parisien pour
s’impliquer dans la fourniture de pièces
d’artillerie lourde à l’Irak, en
substitution au gouvernement socialiste
empêtré par l’affaire des otages
français au Liban.
Sur ce lien, la
spirale des otages français au Liban
http://www.renenaba.com/la-spirale-des-otages/
Emprisonné une
nouvelle fois pour fraude bancaire, il
sera relâché un an plus tard, pour
«service rendu»…. aux services
américains, en remerciement de sa
participation à une transaction
militaire ayant abouti à l’éviction du
président péruvien d’origine japonaise
Alberto Fujimori (1990-2000).
Les premières
livraisons d’armes au Liban: Boutros El
Khoury et Nassif Habbour.
Au Liban, lors de
son séjour, Serge Soghanalian avait
exercé divers métiers notamment celui de
moniteur de ski, avant de rejoindre
l’armée française pour servir dans les
blindés, pour finir par s’installer
définitivement aux États Unis, une fois
la 2me Guerre mondiale terminée.
Quasi inconnu dans
son pays d’accueil, malgré son séjour
passé, l’homme surgira brusquement en
1973 sur le marché des armes au Liban,
après une absence de près de trente ans,
à une période charnière de l’histoire du
pays, alors que l’armée libanaise mise
en échec lors des affrontements de
printemps avec les Palestiniens, était
conduite à signer l’Accord de Melkart
(Mai 1973) et qu’en sous main le
président Soleimane Frangieh donnait
l’ordre à ses services d’équiper les
milices chrétiennes en prévision de
nouveaux round.
Depuis sa résidence
aux États Unis, Virginia Garden en
Floride, Serge Saghalonian organise sa
première livraison d’armes au Liban en
1973. Cinq avions-cargo C-130 chargés
d’armes de tous calibres, de toutes
natures, sont acheminés vers le Liban
pour être livrés aux milices via le 2eme
bureau de l’armée, commandé alors par le
Colonel Johnny Abdo.
Sur la faillite
sécuritaire de Johnny Abdo
http://www.renenaba.com/wissam-al-hassan-la-dague-du-dispositif-securitaire-saoudien-au-proche-orient/
Le premier lot a
été financé par Boutros El Khoury,
richissime homme d’affaires libanais,
originaire du Nord-Liban, la région du
président Frangieh. Le second lot par
Nassif Habbour.
Les armes
affluaient de partout. Au su et vu des
services américains. Avec la caution de
la CIA, assurera-t-il, au point que des
parachutages de matériel militaire aux
milices chrétiennes avaient même été
envisagés, alors que les camps
d’entraînement était spécialement
aménagés aux milices chrétiennes avec
l’aide de l’armée libanaise.
Khalil Al Khalil
intermédiaire entre l’Iran et les
milices chrétiennes.
De partout: De
Jordanie, d’Israël, voire même de
l’Iran. L’intermédiaire entre l’Iran et
les milices chrétiennes n’était autre
que Khalil Al Khalil, ambassadeur du
Liban auprès du Chah d’Iran et fils de
Nazem Al Khalil, Vice-président du Parti
National Libéral de Camille Chamoun, et
dirigeant chiite du Sud Liban.
La famille Al
Khalil est apparentée par alliance
matrimoniale avec la Famille Ahmad
Chalabi, le «judas irakien» qui a servi
de lièvre à l’invasion américaine de
l’Irak, en 2003.
Le Roi Hussein
de Jordanie, «parrain absolu» des
milices chrétiennes.
Bourreau des
Palestiniens en Jordanie, lors de la
séquence du «Septembre Noir», en 1970,
le monarque hachémite était le «parrain
absolu» des milices chrétiennes, dont il
voulait aider le combat afin de mater
définitivement les Palestiniens pour
s’assurer l’exclusivité de la
représentation de la cause
palestinienne, de même que la gauche
libanaise afin d’éviter une fermentation
idéologique de la population tant
jordanienne que libanaise, au delà des
pétromonarchies arabes.
Principal
ravitailleur en armes des milices
chrétiennes, au même titre qu’Israël,
dont il coordonnait ses efforts avec
l’État hébreu, le monarque hachémite a
été aussi le principal avocat de la
cause des milices chrétiennes auprès de
l’administration américaine, le
principal avocat pour une intervention
syrienne au Liban en vue de stabiliser
la situation au profit de ses alliés
miliciens.
Sur le rôle de la
dynastie hachémite dans la stratégie
atlantiste
-
http://www.renenaba.com/hassan-et-hussein-le-modernisme-au-service-de-larchaisme/
-
http://www.renenaba.com/la-jordanie-et-le-maroc-deux-voltigeurs-de-pointe-de-la-diplomatie-occidentale/
-
http://www.madaniya.info/2015/05/25/media-et-terrorisme-la-jordanie-passante-du-sans-souci-du-printemps-arabe/
L’arsenal
israélien livré aux milices chrétiennes
La Jordanie
fournira 400 tonnes d’armes aux milices
chrétiennes.
Israël, un formidable arsenal, se
décomposant comme suit:
- 15 transports
de troupes
- 33 canons 120
mm et 15.880 obus du même calibre
- 10 tonnes de
TNT (dynamite)
- 200 mines et
16 détecteurs de mine
- 15 système de
transmission
- 100 bazookas
73 mm avec 6000 projectiles du même
calibre
- 4 batteries de
lance missiles Katiouchas (orgues de
Staline)
- 160 RPG
(Rocket Propelled Grenade / lance
roquette) avec 1000 projectiles anti
chars.
- 30 mortiers 52
mm avec 600 projectiles du même
calibre
- 44 mortiers 82
mm avec 1.800 projectiles du même
calibre
- 6 mortiers 900
avec 160 projectiles du même calibre
Épilogue
Le leadership
maronite a été le fossoyeur de la cause
des Chrétiens du Liban, par sa cécité
politique, son mépris de son
environnement, son sentiment inné et
injustifié de sa supériorité. Un pêché
d’orgueil en somme.
1 – Les
Phalangistes
Les Phalanges
libanaises symbolisent mieux que tout
cette tendance.
Fer de lance du
combat milicien au début de la guerre,
par sa discipline, sa structuration et
sa préparation, il porte une lourde
responsabilité dans le déclenchement de
la guerre et dans la conduite des
hostilités.
Jugé sectaire,
voire fascisant, les phalangistes ont
payé un lourd tribut à la guerre du fait
de sa politique xénophobe erratique. Si
ce parti a réussi à propulser deux de
ses membres, les deux fils du fondateur,
Bachir et Amine Gemayel, à la Présidence
de la République, il a eu à déplorer
l’assassinat de deux membres du clan
Gemayel.
Bachir Gemayel a
été assassiné en 1982, à la veille de sa
prise de fonction à la présidence de la
République Libanaise. Son cousin
germain, Pierre, député libanais a été
assassiné un quart de siècle plus tard,
dans des conditions mystérieuses à une
époque de grande déstabilisation
régionale consécutive à l’assassinat de
l’ancien premier ministre libanais Rafic
Hariri et du retrait syrien du Liban.
2 – Le Parti
National Libéral
Chef charismatique
des Maronites au point de leur impulsé
une sorte de lévitation politique,
Camille Chamoun figure dans l’esprit de
ses compatriotes en tant que vague
souvenir. Son Parti le «Parti National
Libéral» (PNL) et sa milice «les Tigres»
ont été décimés par la guerre fratricide
qui a opposé les milices rivales inter
chrétiennes en 1978 (assaut des
phalangistes contre les tigres dans le
massacre de Fakra, et par la
décapitation de la famille du fils cadet
du président Chamoun et son successeur
désigné, Dany Chamoun massacré par les
troupes de Samir Geagea.
Seule survivante de
la famille Dany Chamoun, Tracy Chamoun,
tente désespérément de redonner souffle
à l’héritage politique familial, à
redonner une âme à un projet politique
novateur, en dehors des querelles de
clans, des guerre picrocholines qui
sonnèrent le glas du leadership maronite
sur le Liban.
3 – Le Bloc
National
Dirigé désormais
par Carlos Eddé, héritier du Clan Eddé,
un personnage sans relief, sans
envergure, à l’élocution défectueuse en
arabe, inaudible, invisible, sans saveur
ni odeur, le Bloc National est un astre
mort.
4- Samir Geagea
Sans héritier mâle,
ni femelle, Samir Geagea subit de plein
fouet les lois implacables de la
biologie dans une société de féodalité
clanique. Sans héritier ni héritage
politique à léguer; un don inespéré pour
le Liban de la part d’un des plus grands
criminels de la guerre libanaise.
Tous les clients
libanais de l’industrie d’armement
américain, clients de Serge Soghanalian,
Bachir Gémayel et Dany Chamou sont morts
de mort violente, le phalangiste au
marche pied du pouvoir, le «tigre» par
son propre camp. Même topo pour les
clients étrangers de l’industrie
américaine d’armement, clients du
marchand d’armes américano arménien:
Saddam Hussein (Irak) et Mouammar
Kadhafi (Libye), anéantis par les
Américains, alors que Joseph Mobutu, en
phase terminale de cancer, était refoulé
du territoire français au terme de 40
ans de transfusion monétaire résultant
du pillage du Zaire au bénéfice de la
France.
Quant à la
féodalité chiite, qui avait rallié la
bannière milicienne chrétienne par
opportunisme politique, les clans Sabri
Hamadé (Baalbeck-Centre liban), Kamel Al
Assad (sud Liban), et Kazem Al Khalil,
région de Tyr sud Liban, elle a été
balayée par les vents de l’histoire,
faisant place net au nouveau pivot de la
vie politique libanaise le Hezbollah
Libanais, l’un des plus prestigieux
mouvements de libération nationale du
tiers monde, au même titre que les «Bardubos»
cubains le Vietminh ou les Moujahidine
algériens.
La version arabe
concernant Serge Soghanalian sur ce lien
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