Opinion
La connivence israélo-kurde, un secret
de polichinelle
René naba
Samedi 11 octobre 2014
Publié en partenariat avec le site
madaniya.info
I. Les deux secrets de polichinelle au
Moyen-Orient
Paris – Deux
secrets de polichinelle sont cultivés
religieusement au Moyen orient, comme
autant d’illustrations de merveilleux
contes de fées : Le secret atomique
israélien et le secret de la
collaboration clandestine israélo-kurde.
Sur le nucléaire israélien, passons sur
la fable : « Israël unique démocratie du
Moyen orient, sentinelle du Monde libre
face à la barbarie arabo musulmane ne
saurait, en premier, introduire l’arme
atomique dans la zone », tient lieu de
viatique en dépit des supplices de
Mordechai Vanunu, qui a eu l’audace de
briser le tabou, en dépit des fuites
répétées dans la presse spécialisée
occidentale.
Le motus est complet. Jalousement gardé
par les cornacs d’Israël en Europe,
particulièrement en France, un des
grands pollueurs nucléaire de la
planète, l’équipementier du régime
d’apartheid d’Afrique du Sud et
d’Israël, l’associé de l’Iran impérial
dans le consortium Eurodif désormais
paradoxalement, en pointe dans le combat
pour la dénucléarisation de l’Iran. En
qualité d’état musulman ? De pays
révolutionnaire ? Ou tout simplement de
chiite ? Nul ne s’est hasardé à percer
cette duplicité française et sa
passivité face aux raids destructeurs
israéliens contre les installations
nucléaires arabes d’Osirak (Irak), en
1981, à Al Kibar, en Syrie, en 2008, en
passant par les réacteurs de Cadarache,
avec l’aide des Sayanim dans le sud de
la France.
Sur la connivence clandestine
israélo-kurde, l’affaire est plus
sournoise en ce qu’elle pose de manière
sous-jacente la tortueuse relation
triangulaire d’Israël avec les Kurdes
d’Irak, d’une part, la Turquie, d’autre
part, quand bien même cette dernière
fait face, elle, à un irrédentisme kurde
sur son propre territoire.
II. Le Clan
Barzani
Président du
Kurdistan d’Irak, depuis juin 2005,
seule région du pays à jouir d’un statut
de région fédérale, et chef du Parti
démocratique du Kurdistan (PDK), Massoud
Barzani est un acteur régional
incontournable, par son rôle de
médiateur entre les États de la région
et les mouvements d’oppositions kurdes.
Un rôle appelé à grandir à la suite de
l’offensive surprise des djihadistes
sunnites dans sa zone et de la
centralité grandissante du facteur kurde
dans la politique régionale.
Le PDK est un parti identifié à
l’histoire de sa famille, en particulier
à l’histoire de son père, Mollah
Moustapha Barzani, figure importante de
l’histoire et de l’imaginaire
nationaliste kurde. La tradition
combattante des Barzani trouve sa source
dans la longue histoire d’une famille de
religieux dont le destin est
indissociable de celui des Kurdes depuis
le début du XXe siècle.
Malgré les contestations auxquelles le
PDK a pu se trouver confronter à la fin
de l’hiver 2010 dans le sillage des
printemps arabes, la domination des
Barzani sur le Kurdistan d’Irak est sans
contestation en raison du verrouillage
dont le clan a procédé dans cette zone
kurdophone pétrolifère du nord d’Irak.
Outre Massoud, le clan Barzani contrôle
l’armée et les services de
renseignements, via son fils Mansour,
chargé des contacts avec l’armée
israélienne, de même que le secteur
économique, via Nechirvan, né en 1966,
neveu de Massoud et fils d’Idris.
Premier ministre de la région autonome
kurde de 2006 à 2009, très présent dans
les affaires, Nechirvan jouit d’une
certaine popularité en ce que l’opinion
publique voit en lui un des responsables
du développement économique du Kurdistan
irakien.
Tout l’enjeu pour les Barzani sera de
concilier, dans un Moyen-Orient en
mutation, le caractère dynastique du
leadership kurde d’Irak et la pratique
autoritaire inhérente à ce genre de
pouvoir face aux frustrations sociales
grandissantes de la population de la
région autonome kurde.
III. Le
leadership des Kurdes d’Irak, un
supplétif des menées anti-arabes
Pour brutale
qu’elle puisse apparaitre cette
affirmation, et quelque peu
désobligeante, elle correspond néanmoins
à la réalité : le leadership kurde
d’Irak, particulièrement le clan
Barzani, apparaît comme le supplétif
émérite des menées anti arabes du
dernier demi-siècle, que cela soit sous
le chah d’Iran, contre Saddam Hussein,
malgré l’accord d’autonomie signé entre
Bagdad et le Mollah Moustapha Barzani,
l’accord du 11 mars 1971 qui concédait
davantage de droit culturels et sociaux
aux kurdes d’Irak qu’aux Kurdes de
Turquie ; ou que cela soit lors de
l’invasion américaine de l’Irak, en
2003, où les Peshmergas, sous l’autorité
de son fils Massoud Barzani, ont servi
de pisteurs aux Américains avant de leur
servir de délateur à la cache du
l’ancien dirigeant irakien ; ou enfin
dans le conflit de Syrie.
Malencontreuse maladresse ou signe
tangible d’une volonté délibérée, la
photo prise le 10 Juin 2012 dans le
Kurdistan d’une rencontre d’un officier
supérieur israélien avec le Général
Mansour Barzani, fils du chef de la
région autonome de l’Irak kurdophone,
Massoud Barzani, le jour même de
l’élection d’un Kurde à la tête de
l’opposition off-shore syrienne, a
révélé au grand jour la connivence
souterraine entre Israël et les
dirigeants kurdes du nord de l’Irak,
s’apparentant sinon à une provocation, à
tout le moins à un pied de nez à son
environnement.
La délégation
militaire israélienne était composée
d’un membre de l’état-major israélien et
du responsable de la coordination des
relations kurdo-israéliennes.
S’agissait-il d’une anticipation d’une
coopération future officielle dans la
perspective de l’effondrement du régime
syrien ? D’une erreur imputable à un
excès de confiance résultant d’une
mauvaise appréciation des rapports de
forces ? L’élection du Abdel Basset
Sida, âgé de 56 ans, à la présidence du
Conseil national Syrien avait été
interprété comme répondant à une double
démarche destinée à élargir à la
minorité kurde sunnite de la population
syrienne les assises de l’opposition,
et, à restaurer son image ternie, alors
que la contestation armée contre le
pouvoir baasiste marquait le pas
dix-huit mois après son déclenchement du
fait de ses divisions et de son
impuissance.
S’il était légitime de songer à fédérer
les diverses composantes
ethnico-religieuses de la société
syrienne, il était non moins
indispensable de veiller à ne pas faire
office de paravent à une entreprise de
démolition d’un pays, le dernier du
champ de bataille face à Israël. A
l’instar de ses prédécesseurs, Sida
était peu connu au sein de l’opposition
et quasiment inconnu dans les rangs des
formations combattantes kurdes. Son
choix paraissait destiné à impliquer les
Kurdes, des sunnites, contre le pouvoir
alaouite, schismatique, dans une
démarche occidentale visant à les
instrumentaliser, sans leur accorder
satisfaction sur leur revendication à
l’indépendance. Sans état de service
significatif au sein de l’opposition
syrienne ni en faveur de la cause kurde,
Sida était voué à un rôle fantoche.
Les Kurdes sont pourtant consubstantiels
à l’Histoire du Moyen Orient et
s’honorent de revendiquer de prestigieux
précurseurs, tels Saladin (Salah Eddine
al Ayoubi) ou Salman al Halaby,
l’assassin du général Kleber au Caire,
le successeur de Bonaparte lors de
l’expédition d’Égypte. A l’époque
contemporaine, Khaled Barnache, robuste
Secrétaire général du Parti Communiste
Syrien, a laissé son empreinte dans la
vie politique syrienne pendant près d’un
demi-siècle, d’une manière plus
manifeste que Kadri Jamil, vice premier
ministre sous la mandature de Bachar El
Assad, ou de Taha Mohieddine Maarouf,
vice- Président de la République
irakienne sous le mandat de Saddam
Hussein.
Peuple d’origine indo-européenne à
l’instar des Iraniens, les deux ont des
célébrations communes, telles le Nourouz,
la fête du Nouvel an, correspondant à la
fête du printemps du calendrier
justinien.
Si les Kurdes
d’Iran sont plus ou moins intégrés au
jeu politique national, à l’instar de
ceux de Syrie, où des Kurdes siègent
tant au gouvernement qu’au parlement
syrien, tout comme au sein de
l’opposition off-shore (Abdel Basset
Sida), voire même au sein de
l’opposition démocratique, non inféodée
au bloc islamo-atlantiste ; que les
Kurdes de Turquie mènent un combat
frontal contre le pouvoir central, via
le PKK, – dont le chef Abdallah Oçalan
enlevé avec la complicité des américains
est incarcéré depuis en Turquie -, le
clan Barzani d’Irak, lui, n’a jamais
ménagé ses soutiens aux puissances non
arabes de la zone. Avec une constante,
la coopération souterraine avec Israël,
alors que les Kurdes partagent le même
sort de minorité persécutée avec les
Palestiniens.
IV. Le
déploiement israélien dans le Kurdistan
irakien
Israël est, en
effet, le premier investisseur au
Kurdistan irakien. En août 2003,
l’Institut israélien pour l’exportation
a organisé, à Tel-Aviv, une conférence
pour conseiller aux hommes d’affaires
d’intervenir comme sous-traitants de
sociétés jordaniennes ou turques ayant
l’aval du Conseil de gouvernement
irakien. Très rapidement sont apparus en
Irak des produits sous de faux labels
d’origine. En 2008, le site Internet
Roads to Iraq décomptait 210 entreprises
israéliennes intervenant masquées sur le
marché irakien. Leur nombre s’est accru
en 2009 après la suppression, par le
gouvernement de Nouri al-Maliki, du
document de boycott d’Israël exigé des
entreprises étrangères commerçant en
Irak, véritable aubaine pour les agents
recruteurs du Mossad.
Le Liban est le 2eme investisseur avec
13 milliards de dollars. Si une forte
présence libanaise est aussi signalée
dans le sud de l’Irak, dans la région
pétrolifère de Bassorah, le Kurdistan
demeure toutefois le lieu de jonction
privilégié des Israéliens et des
Libanais, où des dizaines de sociétés
mixtes ont été enregistrées aux
États-Unis camouflées par des
dénominations occidentales le transit
libanais s’opère via Doubaï. Bon nombre
d’anciens officiers de l’armée libanaise
à la retraite,et de combattants des
milices chrétiennes libanaises,
démobilisés et désœuvrés, ont rallié,
soit le corps expéditionnaire américain
en Irak, au titre d’interprète, ou les
compagnies militaires privées, à
l’exemple de Blablater soit au titre de
combattants ou de formateurs. Des
recrues libanaises appréciées en ce
qu’elles répondaient pleinement aux
besoins de la guerre : Des arabophones,
mais arabophobes, de surcroît des
anciens supplétifs des Israéliens au
Liban… Une combinaison idéale.
En 3ème position se situe la Turquie en
raison de l’irrédentisme kurde, sous la
houlette du PKK, qu’il lui importe de
ménager et de contenir. www.charlesayoub.com/more/55225
Dans la foulée de l’offensive des
djihadistes sunnites, Massoud Barazani
s’est empressé de donner un cours public
et irréversible à sa collaboration avec
Israël en prenant deux mesures jugées «
illégales et provocatrices » par Bagdad.
L’exportation de pétrole irakien,
extrait du nord kurdophone sans
l’autorisation du gouvernement central à
Bagdad, et, sa vente à Israël via le
port turc de Ceyhan. La première
livraison de pétrole kurde est arrivée
d’ailleurs au port d’Ashkelon, dans le
sud d’Israël, fin juin 2014, deux
semaines après l’offensive de Da’ech
vers le nord de l’Irak, concrétisation
de soixante ans de relations
clandestines.
En s’emparant du Kurdistan, l’ISIS a
fait indirectement le jeu de Barzani et
des Israéliens en ce que « la
dislocation de l’Irak est dans l’intérêt
d’Israël… Les autorités israéliennes
veulent exploiter le Kurdistan irakien
comme un fer de lance pour diviser et
affaiblir l’Irak et l’empêcher de jouer
un rôle national et islamique en
soutenant ses frères en Palestine », a
estimé l’influent éditorialiste arabe
Abdel Bari Atwane sur son site « Al Rai
al Yom ».
Plate forme
d’observation israélo-américaine en
direction de l’Iran, le Kurdistan
irakien a été le lieu d’une coopération
triangulaire entre Kurdes, Israéliens et
Américains durant l’invasion américain
de l’Irak.
La coopération israélo-américaine s’est
ainsi développée sur le terrain
extra-judiciaire avec la liquidation de
310 scientifiques irakiens entre avril
2003 et octobre 2004 de même qu’en
Israël où, tirant les leçons des
batailles de Falloujah, l’armée
américaine a construit, dans le Néguev,
un centre d’entraînement pour les
Marines en partance pour l’Irak et
l’Afghanistan. Ce camp, appelé Baladia
City, situé près de la base secrète de
Tze’elim, a été la réplique grandeur
nature d’une ville proche-orientale,
avec des soldats israéliens parlant
arabe jouant les civils et les
combattants ennemis. D’après Marines
Corps Time, elle ressemblait à Bint
Jbeil, haut lieu de la résistance du
Hezbollah à l’armée israélienne en 2006.
Sur la liquidation des scientifiques
iraniens opérant dans le domaine
nucléaire : CF. « Les services secrets
israéliens » Eric Dénécé et David ElKaim
(Editions Tallandier Avril 2014).
L’ancien chef de la sécurité israélienne
Avi Akhtar a déclaré dans une conférence
à Tel-Aviv récemment que la division de
l’Irak était dans l’intérêt israélien,
et que les objectifs stratégiques
d’Israël étaient de ne pas permettre à
ce pays de retrouver son rôle arabe et
régional du passé, de le diviser et de
créer un État kurde sur les puits de
pétrole de Kirkouk. Apparemment ce plan
israélien s’impose progressivement et le
gouvernement kurde en Irak le met en
œuvre sur le terrain.
Des instructeurs israéliens avec du
matériel israélien opèrent au Kurdistan
irakien, concrétisant une relation
ancienne remontant à 1958. Dans le cadre
d’une alliance avec le Shah d’Iran,
Israël avait alors armé et entraîne les
kurdes irakiens pour les aider dans leur
lutte contre le gouvernement de Bagdad.
Le soutien, limité à l’origine, devait
se transformer, en 1963, en une aide
massive acheminée par l’intermédiaire de
l’Iran et en envoi de conseillers
techniques militaires. Les Kurdes se
sont montrés reconnaissants en 1967,
durant la 3eme guerre israélo-arabe, se
soulevant en pleine confrontation
israélo-arabe pour empêcher l’armée
irakienne de participer activement à la
guerre contre Israël. En remerciement,
l’État juif avait équipé les kurdes avec
tout le matériel russe récupéré après la
guerre, sur les armées égyptienne et
syrienne.
Le niveau de coopération a augmenté de
façon significative après la chute de
Saddam Hussein, par le biais
d’entreprises israéliennes qui ont
pénétré le Kurdistan irakien, et par les
informations récurrentes des journaux
irakiens sur des commandos d’élite
israéliens entraînant les peshmergas
kurdes. Cependant, des liens officiels
n’ont jamais été mis en place.
L’une des raisons de ce décalage réside
dans les relations des Kurdes irakiens
avec l’Iran, un acteur régional
important qui ne voit pas le
rapprochement entre les Kurdes irakiens
et Israël d’un bon œil. Israël n’a
jamais mis en danger ses relations avec
la Turquie par une relation trop étroite
avec les Kurdes ou un soutien à leur
lutte pour l’indépendance. Cependant,
maintenant que les circonstances
géopolitiques ont changé de manière
significative, les deux nations
pourraient reconsidérer et réévaluer le
cadre de leurs relations.
V. La connexion
avec Téhéran
Cependant, Israël
n’est ni l’allié le plus proche ni le
plus important du futur État kurde de
quelque nature qu’il soit. Sur le plan
économique, le Kurdistan irakien dépend
de la Turquie – le pétrole kurde est
acheminé vers le port turc de Ceyhan (Jihan),
la Turquie étant à la fois le marché le
plus important pour la production kurde
et l’un des plus grand importateurs de
marchandises.
Néanmoins, l’Iran
est, lui aussi, important pour les
Kurdes d’Irak à la fois en tant que
voisin immédiat et comme pays comprenant
une population kurde non négligeable.
L’Iran, de l’aveu même de Massoud
Barzani, a été le premier pays à avoir
fourni des armes aux Peshmergas kurdes
pour contenir la progression des
djihadistes de l’EIIL à Irbil, « un
danger non seulement pour les chiites
mais aussi pour le Kurdistan, où
cohabitent plusieurs communautés
religieuses, un danger pour la Syrie,
l’Irak et le reste du Monde ». http://www.al-akhbar.com/node/214255
Au delà de la préservation du glacis
chiite en Irak, l’Iran a intérêt à
contenir les Kurdes en Irak pour éviter
toute ferveur nationaliste dans ses
propres zones à population kurde.
Face à l’aggravation de la situation en
Irak, surmontant leurs divisions, malgré
les tensions historiques entre Bagdad et
les forces kurdes, le gouvernement
irakien a d’ailleurs décidé le 4 Août
d’aider les peshmergas dans leur
contre-offensive contre les jihadistes.
Une rare coopération qui témoigne de la
précarité de la situation dans le nord
du pays, où des milliers de civils ont
dû fuir leurs foyers. Pour la première
fois dans les annales kurdes, les
Peshmergas ont en effet forcé la
décision de leur chef Massoud Barzani
pour rallier le combat commun des
Irakiens contre Da’ech, en vue de
réduire les critiques à l’égard de leur
opportunisme et de leur passivité devant
le désastre que constitue l’irruption
des promoteurs du califat sur la scène
irakienne.
VI. Une
Légitimation par la Bible : La fable des
« fils d’Abraham »
Israéliens et
kurdes irakiens ont voulu légitimer
cette relation par une onction biblique
en une nouvelle illustration de
l’instrumentalisation de la religion à
des fins politiques. Une publication du
nom d’« Israël-Kurde » a ainsi émis
l’idée que les Juifs et les Kurdes sont
des parents proches qui partagent un
ancêtre commun : le patriarche biblique
Abraham. Un point de vue qui se répand
en vue d’accréditer l’idée que le
patriarche Abraham était d’origine
kurde. Le journal paraissant dans la
ville d’Irbil au nord de l’Irak, était
publié en arabe et en kurde et incluait
de nombreux aperçus sur l’histoire et la
politique israéliennes.
VII. Bernard
Kouchner, un dénominateur commun aux
menées séparatistes du Monde arabe du
Kurdistan et au sud Soudan
Présent au Darfour
et au sud Soudan, comme au Kurdistan,
deux zones pétrolières, deux principaux
fournisseurs d’énergie de la Chine et de
la Russie, c’est-à-dire du camp non
atlantiste, Bernard Kouchner aura été le
dénominateur commun aux menées
séparatistes du Monde arabe, reliquat
d’un parcours chaotique qui le verra
personnifier à lui seul, au fil de sa
carrière, toutes les déclinaisons de
l’humanitaire, l’humanitaire authentique
au Biafra (1960), l’humanitaire
médiatique en Somalie (1990),
l’humanitaire affairiste au Gabon, en
2010.
Mais cet ancien médecin à vocation
humaniste a dû renoncer à l’humanitaire,
sous l’effet de ses dérives médiatiques,
telle l’affaire de l’Arche de Zoé, à
l’humanitarisme spectacle, sous les
contraintes de la realpolitik, à
l’affairisme indécent, enfin, sous
l’effet des révélations corrosives sur
ses connections avec les dictatures
africaines, passant sans coup férir des
boat people aux pages people des
magazine, en tandem avec sa compagne
Christine Ockrent, illustration
pathologie de l’endogamie de la classe
politico médiatique et du discrédit
consécutif de la presse en France.
Curieusement,
l’homme qui menaçait de ses foudres le
général Omar Al Bachir du Soudan, en
mars 2007, promettant la victoire aux
Darfouris, aura été mutique à deux
moments charnières de l’ingérence
humanitaire, l’assaut naval israélien
contre une flottille de pacifistes
européens, en pleine zone maritime
internationale, le 31 mai 2010, ainsi
que la nouvelle offensive israélienne
contre Gaza, en Juillet 2014, dans le
cadre de l’opération « Bordure
protectrice », illustration
symptomatique de ses dérives et de sa
démagogie. En un mot de sa
mystification. L’homme focalise, il est
vrai, la suspicion avec son rapport de
complaisance pour la firme pétrolière
Total en Birmanie, qu’il exonérera de
l’accusation du travail forcé des
mineurs.
Bernard Kouchner, que ses anciens
compagnons de route socialistes
qualifient charitablement d’« un
tiers-mondiste, deux tiers mondain »,
pour sa flamboyance et ses
extravagances, est en fait un grand
bourgeois parisien qui se vit, comme «
doublement juif parce qu’à moitié juif
», comme si l’identité était
quantifiable, l’engagement humanitaire
conditionné par sa rentabilité politique
et la solidarité humaine prédéterminée
par la discrimination des critères
religieux ou sociaux.
Ce faisant, il
rejoint en cela la tendance dominante de
l’intelligentsia parisienne qui conduit
en France chaque notabilité
intellectuelle à disposer de sa minorité
protégée, comme la marque de la bonne
conscience chronique de la mauvaise
conscience, comme une sorte de
compensation à son trop grand désintérêt
pour les Palestiniens, compensant son
hostilité aux revendications du noyau
central de l’Islam, la Palestine et le
Monde arabe, par un soutien à l’Islam
périphérique.
Il en est ainsi du
philosophe André Glucksmann pour les
Tchétchènes, quand bien même son nouvel
ami le président Nicolas Sarkozy, est
devenu le meilleur ami occidental du
président russe Vladimir Poutine ; il en
est de même de Bernard Henry Lévy, pour
le Darfour, quand bien même son
entreprise familiale est mentionnée dans
la déforestation de la forêt africaine.
ll en est aussi et surtout de Bernard
Kouchner, pour les Kurdes, ces
supplétifs des Américains dans
l’invasion américaine d’Irak, pour le
Darfour, le Biafra et la Birmanie.
L’humanitarisme n’est qu’apparence. Au
point qu’un journaliste anglais
Christopher Caldwell en déduira dans la
prestigieuse revue London Review of
Books que cette prédilection pour les
zones pétrolifères stratégiques de «
l’humanitarisme trans-frontière de
Bernard Kouchner asservit les intérêts
de la politique étrangère française à
ceux des États-Unis et que
l’humanitarisme militarisé du transfuge
néo sarkozyste n’est qu’une forme de néo
conservatisme larvé ».
Médecin à vocation
auto proclamée humanitariste, à
projection médiatique à tremplin
politique, l’homme aura asservi la cause
humanitaire en instrumentalisant les
médias pour la satisfaction d’une
ambition politique, sinistrant
durablement la cause humanitaire et
dévoyé l’ingérence humanitaire par son
philo-sionisme.
Au terme de quatre ans de « printemps
arabe », le Monde arabe, au-delà de la
tenaille israélo-turque, est désormais
enserré par deux plate formes
complémentaires israéliennes, l’un sur
son flanc oriental, le Kurdistan
irakien, l’autre sur flanc méridional,
le bassin du Nil, poumon de l’Égypte, le
sud Soudan. Par la grâce du tandem
Bernard Henry Lévy et Bernard Kouchner,
les plus sournois ennemis des intérêts à
long terme du Monde arabe, les deux
parrains de l’opposition syrienne
off-shore et libyenne.
Dès la proclamation du califat sur les
terres d’Irak et de Syrie, le 29 juin
2014, ce zélé affairiste s’est activé
pour se faire nommer émissaire spécial
français pour le Kurdistan afin
d’accompagner la création d’un état
kurde indépendant dans le nord de
l’Irak, à l’effet de maintenir une
présence française au Moyen Orient après
la déconfiture française en Syrie et en
Irak. Telle a été, du moins la substance
de sa plaidoirie lors d’un colloque tenu
en juillet en en présence des dirigeants
du Moujahhidine Khalq. Ce mouvement
d’opposition iranien, d’inspiration
marxiste, s’est converti depuis au
soutien aux djihadistes de Syrie et
d’Irak.
Telle serait
l’explication à l’empressement avec
lequel la France a volé au secours des
Kurdes, un tropisme manifeste des
socialistes, favorables à toutes les
minorités du Moyen orient, sauf les
Palestiniens du fait du philo sionisme
de ses dirigeants. L’aide française aux
Kurdes répondrait aussi au souci de
Paris de ne pas laisser le monopole de
l’aide à l’Iran, un pays qu’elle a
durement combattu depuis 35 ans, c’est à
dire depuis sa co-belligérance avec
Saddam Hussein dans sa guerre contre la
révolution islamique iranienne.
Pour avoir sollicité en connaissance de
cause la caution du désagrégateur du
Monde arabe, la caution de toutes ses
menées séparatistes, du Kurdistan au sud
Soudan, Moustapha Abdel Jalil (Libye),
les Frères Musulmans de Syrie, Bourhane
Ghalioune et Basma Kodmani, les deux
premiers meneurs de l’opposition
syrienne française, devront, devant
l’Histoire, répondre de leur félonie,
dont Haytham Manna, dans son rapport sur
« la fabrication de la sauvagerie »
stigmatise comme la « pathologie tribale
d’une fraction des élites syriennes
matérialisée par leur aptitude à faire
preuve de suivisme à l’égard du
colonialisme ».
Pour aller plus
loin
Bernard Kouchner ou
le requiem pour l’ingérence humanitaire
médiatique
Sur la non
viabilité d’un état Kurde indépendant :
Publié le 14 octobre avec l'aimable
autorisation de René Naba
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