MADANIYA
Mondialisation et Coronavirus 2/2 :
De
quoi la pandémie du coronavirus
sera-t-elle le nom ?
René Naba
Lundi 11 mai 2020 De quoi la
pandémie du coronavirus sera-t-elle le
nom ?
1- Une crise qui
va nous obliger à «changer nos
paradigmes économiques et sociaux»
L’Organisation
internationale du travail (OIT) a estimé
que la crise économique provoquée par
l’épidémie de coronavirus pourrait
détruire jusqu’à 24,7 millions d’emplois
dans le monde.
Le scénario
pessimiste serait ainsi supérieur au
nombre de chômeurs provoqué par la crise
de 2008-2009 (22 millions de personnes).
Le sous-emploi devrait lui s’accroître
de manière significative au fur et à
mesure que les conséquences économiques
de l’épidémie se traduiront par des
réductions des horaires de travail et
des salaires, a ajouté l’agence de
l’ONU.
« La baisse du
nombre d’emplois entraînera des pertes
massives en matière de revenus pour les
travailleurs. L’étude les estime dans
une fourchette allant de 860 milliards
de dollars à 3.400 milliards de dollars
d’ici la fin 2020. Cela se traduira par
une chute de la consommation des biens
et des services, qui impactera à son
tour les perspectives des entreprises et
des économies », a déclaré l’OIT.
De son côté,
l’ESCWA (Commission Economique et
Sociale pour l’Asie occidentale), basée
à Beyrouth, a estimé que les pertes du
fait du coronavirus, s’élèverait 1,7
millions d’emplois dans le Monde arabe/
Pour aller plus
loin sur ce thème pour le lectorat
arabophone, cf ce lien:
ESCWA-Coronavirus: Pertes de 1, 7
millions d’emplois dans le monde arabe
En superposition,
un confinement mondialisé, le premier
dans l’histoire de l’humanité, du tiers
de la population du globe, rien que pour
le premier mois de l’explosion de
l’épidémie en Occident.
Ci joint un tableau
de la progression du coronavirus dans
divers pays pour le premier mois de la
pandémie
Charles Michel
Un tableau si apocalyptique que Charles
Michel, le président du Conseil européen
des chefs d’Etat et de gouvernement, a
considéré que le caractère exceptionnel
de la crise du coronavirus, va obliger
l’Union européenne à changer de logiciel
économique pour faire face tant aux
conséquences sanitaires de la pandémie
qu’à la récession: «Cette crise va nous
obliger à changer nos paradigmes
économiques et sociaux», a-t-il estimé
Daniel Cohen
Quant à Daniel Cohen, Directeur du
département d’économie de l’Ecole
normale supérieure, considère que le
coronavirus va tout à la fois favoriser
une démondialisation des échanges et
accélérer une dématérialisation brutale
des économies de services des pays
riches.
André Bellon
André Bellon, ancien président PS de la
commission des Affaires étrangères de
l’Assemblée nationale, estimera, lui,
que l’épreuve du Coronavirus signe
l’échec de la «mondialisation
heureuse».….«Il y a quarante ans, un
virus idéologique se répandait sur le
monde. Un Alain Minc, héraut
autoproclamé, l’appelait«la
mondialisation heureuse», soutiendra M.
Bellon dans une retentissante tribune
parue dans le quotidien communiste
«l’Humanité»
Refusant toute
contestation, le bienheureux Minc
s’inquiétait de voir la France être le
mauvais élève de la modernité. Il
entraînait d’autant plus facilement
l’adhésion que les gouvernements de
l’époque, droite et gauche confondus,
sollicitaient ses conseils éclairés,
qu’il présidait le conseil de
surveillance du Monde et était
responsable du rapport sur «la France de
l’an 2000» commandé par le premier
ministre Édouard Balladur et faisait
partie de nombreux cercles d’influence
comme la Fondation Saint-Simon. Nombreux
ont été ses disciples pontifiants.
«Jacques Attali,
grand chantre d’un gouvernement
planétaire, se croit obligé, depuis
quelque temps, de se démarquer du
bonheur mondialisé en critiquant une
mondialisation financière qu’il a
beaucoup aidé à favoriser dans les
années 1980.
«L’idéologie
développée par les mondialistes,
largement relayée par les médias, a
conduit à considérer tout État comme
oppressif et toute idée de frontière
comme porteuse de xénophobie et de
racisme. Ah, ce fameux gouvernement
mondial, source de paix et de bonheur
entre les humains !», écrit notamment M.
Bellon.
«La pandémie de
coronavirus constitue un double
révélateur. Elle a d’abord mis en
lumière la ruine des services publics de
recherche qui auraient permis
d’anticiper une telle catastrophe. Des
programmes de lutte contre ce type de
virus existaient il y a vingt ans. Ils
ont été jugés inutiles parce que ne
répondant qu’à des défis qui, n’étant
pas immédiats, n’étaient pas
prioritaires. «Elle a montré la naïveté
et l’imprévoyance du mondialisme. Le
système mondialisé ne s’intéresse pas au
long terme».
L’intégralité de
cette croustillante tribune est sur ce
lien:
https://www.humanite.fr/lepreuve-du-coronavirus-lechec-de-la-mondialisation-heureuse-686511
Autrement dit, la
pandémie du Covid-19, ainsi que ses
répercussions multiformes, tant
économiques que sociales, politiques et
géopolitiques, révèlent aujourd’hui la
complète faillite du bloc atlantiste,
une faillite qui était inéluctable
depuis bien longtemps, mais dont elle va
inévitablement accélérer le terme final.
Les élites atlantistes, avec leur
cohorte de spécialistes et de
conseillers, ne peuvent ignorer tout
cela.
L’effondrement
historique des grandes places boursières
occidentales enregistrées à la mi mars
2020, sans précédent depuis le krach
d’octobre 1987, a conduit la FED à
injecter au moins 1.500 milliards de
dollars sur les marchés monétaires à
court terme, soit plus du double du
montant total du plan TARP injecté au
cours de la crise des subprimes
2- Le Covid 19:
tremplin de la Chine au rang de nouvelle
puissance planétaire.
«L’Europe a été
l’épicentre d’une pandémie majeure, les
Etats-Unis s’y sont préparés en ordre
dispersé et la Chine, qui a contrôlé
cette épidémie en quelques mois par des
mesures massives, envoie son aide au
reste du monde sous la forme de masques,
de respirateurs et de médecins. La
mobilisation décrétée pour combattre la
pandémie a déjà commencé à bouleverser
l’ordre du monde.
De même que 1914 a
précipité le déclin de l’Europe et
accéléré l’essor des Etats-Unis dans la
conduite des affaires du monde, il se
pourrait que le Covid-19 consacre la
Chine comme nouvelle puissance mondiale,
réalisant ainsi des prophéties d’experts
à laquelle, au fond, peu d’Européens
croyaient.
S’il est vrai,
comme on le dit, que «le XXI siècle sera
chinois comme le XXe siècle fut
américain et le XIXe siècle européen»,
il faut cependant prendre un recul
historique sur la singularité du moment
que nous vivons. Le basculement vers un
monde où la Chine contrôle les guerres
sanitaires auxquelles sont exposés les
autres continents ne date pas d’hier: il
date de la crise du Sras en 2003.
3 – Frédérick
Keck: Le SRAS, un «11 Septembre» pour
les populations asiatiques.
Le mot de la fin
revient toutefois à Frédérick Keck,
Directeur du Laboratoire d’Anthropologie
sociale au CNRS: «Au lendemain du 11
Septembre, le Monde titrait: «Nous
sommes tous américains.» Mais aucun
Européen n’a dit après la crise du Sras:
«Nous sommes tous Asiatiques». Le SRAS
n’est pas entré dans nos imaginaires
comme ce fut le cas pour les attaques du
World Trade Center», observe-t-il.
Ci joint le constat
de Frédéric Keck, cf:
https://www.liberation.fr/debats/2020/03/22/le-sras-11-septembre-asiatique_1782458
Fait significatif:
Dans ce qui apparaît comme une inversion
de tendance, les principaux chefs de
file du camp anti-occidental -la Chine
la Russie et Cuba- auront été les
principaux pourvoyeurs d’aide médicale
aux pays sinistrés par le Covid 19 aussi
bien d’Europe que du Monde arabe
(Italie, Espagne, Iran, Liban, Algérie
et Maroc), particulièrement Cuba en
substitution de la France dans les
Antilles.
Dans une
démonstration graphique de puissance
douce, la Chine a jusqu’à présent offert
des équipements pour lutter contre le
Covid-19 et une aide médicale à pas
moins de 89 nations – et ce n’est pas
fini. Cela couvre l’Afrique (en
particulier l’Afrique du Sud, la Namibie
et le Kenya, Alibaba annonçant qu’elle
enverra de l’aide à toutes les nations
africaines), l’Amérique Latine (Brésil,
Argentine, Venezuela, Pérou), l’arc de
l’Asie de l’Est à l’Asie du Sud-Ouest et
l’Europe.
Les principaux
bénéficiaires en Europe sont l’Italie,
la France, l’Espagne, la Belgique, les
Pays-Bas, la Serbie et la Pologne. Mais
l’Italie, surtout, est un cas très
particulier. La plupart des
contributions sont des dons. Les autres
sont des transactions, comme les
millions de masques vendus à la France
(et aux États-Unis).
A l’horizon de l’an
2035, dans quinze ans, -les prévisions
l’entrevoient-, la Chine pourrait
supplanter les Etats Unis comme première
puissance planétaire sur le plan
économique, avec par ricochet la fin de
la primauté du dollar comme monnaie de
référence des transactions
internationales.
Indice patent d’un
renversement de tendance, la Chine a
surclassé les Etats Unis dans le domaine
des brevets d’invention. En 2019, selon
l’Organisation Mondiale de la Propriété
Industrielle (OMPI)- WIPO (World
Intellectual property Organization),
59.000 demandes d’enregistrement de
brevets d’invention ont été déposées par
les entreprises chinoises contre 57,8
par les firmes américaines.
La preuve la plus
patente de cette tendance a été
l’attaque conjuguée des Etats Unis et du
Royaume Uni contre leurs rivaux, -la
Chine et la Russie- les accusant de
«désinformation sanitaire», sans la
moindre pondération dans leur critique,
comme pour leur ôter le bénéfice des
prestations sanitaires qu’ils ont
prodiguées au reste de la planète durant
cette pandémie.
En l’état actuel
des études “phylogénétiques”, qui
permettent de reconstruire l’évolution
temporelle de Covid-19 au sein des
populations humaines, il est prématuré
de faire porter le fardeau moral de
l’épidémie sur les épaules de la Chine.
Compte tenu des données scientifiques
actuelles, les sphères médiatiques et
politiques devraient faire preuve de
prudence sur cette question sensible, à
l’heure où les tensions diplomatiques
s’exacerbent, soutient Romain Ligneul,
chercheur post-doctorant en
neurosciences.
Pour aller plus
loin sur ce thème, cf ce lien
http://hemisphere-gauche.blogs.liberation.fr/2020/04/17/origines-de-la-pandemie-pourquoi-faut-il-sabstenir-daccabler-la-chine/
4 – Le
coronavirus: un rétropédalage en douceur
des Occidentaux du bourbier du Moyen
Orient.
Le coronavirus aura
constitué une aubaine pour un
rétropédalage en douceur des Occidentaux
du bourbier du Moyen Orient
La France et
l’Allemagne ont ainsi tiré argument de
la pandémie du coronavirus pour se
retirer militairement complètement
d’Irak. Les Anglais ont allégé leur
dispositif et les Américains se sont
déjà retirés de six bases militaires sur
la vingtaine dont ils disposaient. Un
sauve qui peut qui prend l’allure d’une
débandade d’autant plus humiliante que
l’Europe a eu besoin de la Russie et de
la Chine pour surmonter la crise
sanitaire.
Depuis le vote du
parlement irakien, en janvier 2020,
réclamant le retrait des bases
américaines d’Irak, consécutif à
l’assassinat du Général Qassem
Souleymani, chef de la «Jerusalem
Brigade des Gardiens de la Révolution»
d’Iran, le décompte du retrait des bases
américaines s’est élevé à 6 au total:
Boukamal, à la frontière syro-irakienne,
libérant ainsi le transit entre la
Syrie, l’Irak et l’Iran; Habbanieh,
province sunnite d’Al Anbar dans le
centre du pays et fief de la guérilla
anti américaine à Falloujah, Ramadi et
Tikrit, région natale de l’ancien
président irakien Saddam Hussein; Abou
Ghraib, à l’ouest de Bagdad, enfin Al
Taji, Mossoul et Kirkouk, au Nord de
l’Irak.
Face aux
Occidentaux, les Irakiens et leurs
alliés se sont sans doute inspirés dans
leurs actions de harcèlement des
Occidentaux de la prescription de
l’homme d’état britannique Winston
Churchill, selon laquelle «la seule
réponse à une défaite est la victoire».
La fin d’une
séquence qui pourrait conduire l’Empire
Américain à rejoindre ses prédécesseurs
dans la mémoire des peuples: De l’Empire
Romain à l’Empire Soviétique.
Et la
«Mondialisation heureuse» apparaîtra
alors rétrospectivement comme une
sinistre farce qui se sera retournée
contre ses propres concepteurs, dans un
view remake de «l’arroseur arrosé».
Quarante ans après son avènement, la
«mondialisation heureuse» s’est révélée
un leurre. Le capital financier
atlantiste au bord de l’apoplexie. La
pandémie du Covid 19 a donné le signal
du compte à rebours de la fin de la
«destinée manifeste» des Etats Unis.
AH les ravages de
l’européocentrisme comme si le village
planétaire devrait s’arrêter au nombril
des Occidentaux.
La Fondation
Saint Simon, principal vecteur
d’accompagnement des thèses européistes
en France.
La Fondation
Saint-Simon, un des principaux
promoteurs de la Mondialisation, a
longtemps fait office de vecteur
d’accompagnement des thèses
européistes.Fondée par François Furet en
1982, elle a réuni des hauts
fonctionnaires et des responsables
libéraux ainsi que des hommes d’affaires
jusqu’à sa dissolution en 1999.
La Fondation se
plaçait en opposition à tous les
courants de pensée « totalitariste » et
soutenait une démocratie accompagnée
d’un libre développement du marché. Elle
s’est illustrée par la publication
d’ouvrages à destination du grand public
(Vive la Crise en 1983 avec Yves
Montand). Elle insistait en particulier
sur le caractère indissociable de
l’économie du marché et de la
démocratie.
Sa composition
était la suivante :
- Président :
Roger Fauroux et François Furet
- Secrétaire
:Pierre Rosanvallon
- Trésorier:
Alain Minc
-
Administrateurs: Jean-Claude
Casanova, Jean Peyrelevade et Yves
Sabouret
Parmi les membres
figuraient des chefs d’entreprises tels
que Jean-Louis Beffa, Henry Hermand,
Antoine Riboud, Christian Blanc,
Jean-Luc Lagardère, Francis Mer; des
journalistes comme Jean Daniel, Laurent
Joffrin, Serge July, Christine Ockrent,
Anne Sinclair, Franz-Olivier Giesbert,
Jean-Marie Colombani, Michèle Cotta et
Jean-Pierre Elkabbach, le philosophe Luc
Ferry, le sociologue Alain Touraine et
le politicien Bernard Kouchner.
Sur les avatars des prescripteurs
d’opinion :
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