MADANIYA
Qatar, Le Livre Noir 2/4. Les Frères
Musulmans,
un mauvais choix sur un mauvais pari.
René Naba
Jeudi 9 novembre 2017
«Le concept de la Charia est un
terme général, jamais utilisé par le
prophète ni par ses premiers
successeurs. Il fera son apparition au
début du II me siècle de l’hégire».
-
Une Étude du Centre
Euro-arabe contre l’Extrémisme
-
Adaptation en version
française par www.madaniya.info
Plus
d’un mois avant que la crise entre
l’Arabie saoudite et le Qatar, n’éclate,
le 5 juin 2017, l’équipe de chercheurs
du «Centre euro-arabe contre
l’extrémisme» s’était penchée sur
l’analyse des facteurs ayant conduit à
l’émergence et à l’amplification de
l’extrémisme ainsi que sur les
gigantesques moyens mis en œuvre en vue
de neutraliser et de marginaliser le
Courant Démocratique Arabe à la faveur
de l’anarchie qui s’est instaurée en
Libye dans la foulée de l’intervention
de l’OTAN, de la militarisation du
mouvement populaire en Syrie et de la
prise de Sana’a par les Houthistes à la
faveur de la paralysie politique régnant
au Yémen.
-Le
peuple syrien s’est il révolté pour
instaurer un califat de type taliban?
-Existe-t-il vraiment un environnement
populaire propice à l’éclosion et au
développement de l’extrémisme dans le
Monde arabe?.
-Al Qaida et Daech auraient ils pu se
déployer aussi largement sans le soutien
direct et considérable des puissances
régionales et internationales?
Pour
répondre à cette question, le groupe de
travail du Centre Euro-arabe a entrepris
un travail d’enquête, de prospection, de
documentation et de compilation. L’étude
porte sur les cas de plusieurs
gouvernements complices et partenaires
de l’émergence de l’extrémisme et du
terrorisme dans la zone.
Le
Centre a décidé de consacrer son premier
dossier au Qatar en raison du rôle
prééminent de la principauté dans la
contre révolution arabe. Extraits.
Un conflit latent sur fond de procès
en légitimité de la gouvernance de la
lignée Hamad Ben Khalifa
Telle
une tumeur pernicieuse, le différend
était latent. S’il a éclaté au grand
jour, en juin 2017, il remontait en fait
à la fin de l’occupation du Koweït et de
l’Afghanistan, dans la décennie 1990. Il
s’est développé plus précisément avec le
coup de tonnerre constitué par le coup
d’état du Cheikh Hamad contre son propre
père Khalifa, en juin 1995.
Craignant l’effet de contagion, le
Royaume saoudien considérait que le coup
d’état d’un fils contre un père
constituait un précédent dangereux au
sein des sociétés des pays du Golfe en
ce que le coup d’état au sein d’une
famille régnante pouvait ouvrir la voie
à des coups d’état au sein des familles,
comme la forme locale des coups d’état
militaire dont ont pâti bon nombre de
pays arabes et du tiers monde.
Le
leadership du Qatar s’est appuyé sur des
non nationaux pour la mise en place de
son projet. Pour ce faire, il a mis sur
pied «L’Union des Oulémas
Musulmans» en tant que structure rivale
de la prestigieuse université d’Al Azhar
(Le Caire), sous la direction d’un
membre de la confrérie des Frères
Musulmans, l’égyptien Youssef Al
Qaradawi, par ailleurs Mufti du Qatar.
S’investissant à plein dans le domaine
de la communication via Al Jazeera, à la
suite du retrait de la BBC du service
arabe dont la chaîne anglaise en avait
été l’initiatrice, le Qatar a offert
l’hospitalité à quiconque souhaitait se
placer dans son giron: Frères Musulmans,
Salafistes, Djihadistes.
Il
établira de contacts avec Israël
parallèlement avec le Hamas, la branche
palestinienne des Frères Musulmans, dont
l’autorité s’exerce dans l’enclave de
Gaza, autorisant, dans le même temps,
l’aménagement d’une base américaine sur
son sol, la plus importante base
militaire américaine hors des États
Unis.
Al Jazeera
Pour ce
premier projet trans frontière arabe,
chronologiquement parlant, les deux
HAMAD (l’Émir Hamad Ben Khalifa et son
premier ministre Hamad Ben Jassem) se
sont engagés dans une politique
d’ouverture apportant toute garantie
tant aux États Unis qu’à Israël, tout en
offrant une tribune médiatique à des
voix discordantes ou protestataires
arabes, dont ils en étaient privés
auparavant. Mais, dans le même temps, Al
Jazeera sera la première chaîne arabe à
accueillir des commentateurs et
personnalités politiques israéliens.
Al Jazeera-Al Qaida
Le Qatar
est passé maître dans l’art de gérer les
contradictions: «Tout document qui
parvenait à Al Jazira d’Al Qaida est
aussitôt transmis à l’ambassade
américaine pour visionnage avant
diffusion. A réception de l’accord de
l’ambassade, la chaîne diffusait le
document». L’internet n’était pas
développé en ces temps là. La matière
parvenait à la chaîne via DHL Pakistan.
Al Jazeera sous l’ère Waddah Khanfar
Al
Jazeera sous l’ère de Waddah Khanfar a
été une chaîne sous l’influence de
Youssef Al Qaradawi et des Frérots. Les
Frères Musulmans avaient ordonné la
dissolution la section qatarie de la
confrérie, en 1999, arguant du fait que
les conditions d’une bonne gouvernance
islamique étaient réunies au Qatar; que
«La Loi de Dieu» s’y appliquait; que le
Qatar était une terre de bienfait. Dans
ces conditions, il leur suffisait de
tirer profit des bienfaits de son prince
au bénéfice de la confrérie.
(((NDLR
Lauréat 20011 de la revue «Foreign
Policy», au même titre que Rached
Ghannouhi et Bernard Henry Lévy, le
parcours de Waddah Khanfar résume à lui
seul la confusion mentale arabe et la
duplicité du Qatar. Ancien journaliste
de la chaine gouvernementale américaine
«Voice of America», ce palestinien natif
de Djénine, en Cisjordanie occupée,
était parent par alliance de l’ancien
premier ministre jordanien Wasfi Tall,
surnommé le «boucher d’Amman» pour sa
répression des Palestiniens lors du
septembre noir jordanien (1970), dont il
a épouse la nièce. Cet Islamiste notoire
était aussi un interlocuteur des
services de renseignements de l’US Army.
Une opacité typique du comportement du
Qatar.
Deux
reproches ont pesé sur sa gestion de
huit ans à la tête d’Al Jazira
(2003-2011): sa volonté d’imposer un
code vestimentaire ultra strict aux
présentatrices de la chaîne, en
conformité avec l’orthodoxie musulmane
la plus rigoureuse, ce qui a entraîné la
démission de cinq journalistes femmes,
ainsi que sa publication des documents
confidentiels sur les pourparlers
israélo palestiniens «The Palestine
Paper», discréditant les négociateurs
palestiniens; ce qui a conduit le chef
des négociateurs palestiniens, Saeb
Oureikate, à réclamer sa démission, de
même que l’Arabie saoudite effrayée par
la crainte que la large couverture des
soulèvements arabes par la chaîne du
Qatar n’ait des répercussions sur la
stabilité des pétromonarchies.
Propulsé
à la direction de la chaîne Al Jazeera
par son ami libyen, Mohammad Jibril. Il
sera remercié de la chaîne, en 2011, au
terme de l’épisode libyen, mais gratifié
de la distinction américaine. Maigre
consolation. L’homme a quitté la scène
publique, avec de substantielles
indemnités, sans bruits, emportant avec
lui ses secrets et sa part d’ombre, les
raisons de sa gloire et de sa disgrâce.
Il dirige désormais l’édition arabe du
Huffington Post ))).
Qatar-Tunisie: Le Qatar a carbonisé
le parcours historique militant de
Mouncef Marzouki, premier président post
dictature tunisienne.
An Nahda
s’est engagé dans la vie politique
tunisienne propulsé par un important
flux financier. Ce qui lui a permis
d’ouvrir des permanences aux quatre
coins du pays, dont certaines à
structure microscopique familiale,
dirigées par un homme, son épouse et ses
enfants.
Du Jour
au lendemain, les dirigeants d’An Nahda
ont troqué leur modeste logis pour des
appartements somptueux, achetant à tour
de bras des biens fonciers et des
établissements économiques à des
propriétaires désireux de s’en
débarrasser afin d’éviter les poursuites
judiciaires pour leur accointance avec
le régime de Ben Ali.
En
Tunisie, le Qatar a placé la politique
de la Troika sous son contrôle en
désignant Rafik Abdel Salam, «le
camarade Abdel Salam», un salarié d’Al
Jazeera, ministre des Affaires
étrangères tunisien, carbonisant au
passage le parcours historique du
militant Mouncef Marzouki, le
contraignant à accueillir à Tunis, la
«Conférence des Amis de la Tunisie».
Qatar-Hamas
Qatar a
fait pression sur Khaled Mecha’al pour
dégager le Hamas de Syrie, rendant la
branche palestinienne des Frères
Musulmans captive de la seule volonté du
Qatar, la subordonnant à la politique de
Doha à l’égard de la Syrie.
L’impulsivité et la précipitation du
Qatar a affaibli le Hamas, réduit
désormais à quêter un nouvel abri.
Qatar-Syrie: En tandem avec la
France, le pari sur les Frères
Musulmans, un mauvais pari sur un
mauvais partenaire.
Qatar
était impliqué dans le dossier syrien
«jusqu’à la moelle». Il a contribué à
dévier un mouvement animé par des
revendications populaires vers un
conflit entre le régime syrien et des
«djihadistes sans frontières», secondés
par des «frérots», otages jusqu’à
l’obsession d’une stratégie de conquête
de pouvoir.
En
concertation avec la Turquie, le Qatar a
mis au point un plan visant à changer le
régime en Syrie, en garantissant la mise
du Conseil National Syrien sous tutelle
des Frères Musulmans. Et, dans
l’hypothèse de l’échec de cette
structure, de favoriser la
militarisation du soulèvement populaire,
au départ un mouvement civil de
contestation, par la démultiplication
des formations combattantes et la
légitimation du Jihad mondial en Syrie.
Mais en
Syrie, le Qatar a fait un mauvais pari
sur un mauvais partenaire en ce que la
confrérie jouissait d’une faible
adhésion populaire contrairement à la
branche égyptienne. Nonobstant notre
position à l’égard de la nature
criminelle et répressive du régime
syrien, il nous importe de rappeler les
faits suivants:
-La
Syrie a refusé de souscrire aux requêtes
américaines concernant la fermeture des
bureaux de représentations du Hamas et
du Jihad Islamique Palestinien,
installés à Damas. Ce refus a été
signifié par Farouk Al Chareh, à
l’époque ministre syrien des Affaires
étrangères à son homologue américain
Colin Powel. Ce refus a servi de
déclencheur à la mise en route de la
procédure législative visant à
l’adoption de la «Syrian Accountability
Act» et à la détérioration conséquente
des relations ente la Syrie et les
États-Unis.
Il est
de notoriété publique que la Syrie avait
aménagé à l’intention du Hamas et
d’autres organisations populaires des
camps d’entraînement militaires et des
bureaux de représentation politique.
Le Qatar
s’est mis à se comporter comme une
grande puissance régionale, collaborant
avec l’OTAN pour provoquer la chute du
Colonel Mouammar Kadhafi, soutenant par
tout moyen les Frères Musulmans d’Égypte
pour succéder à Hosni Moubarak, mettant
à la disposition du parti An Nahda, la
branche tunisienne de la confrérie,
d’importants moyens financiers,
propulsant directement ses membres de la
prison au parlement.
Youssef Al Qaradawi
Cheikh
Youssef Al Qaradawi est le meilleur
exemple de cette symbiose entre Frères
Musulmans et extrémisme.
Le jour
de la chute de Mossoul aux mains de
Daech, le Mufti du Qatar a signé
clairement une déclaration, affirmant
notamment: «L’effondrement complet des
forces armées et des forces de sécurité
irakiennes de même que la police ne
résultent pas d’un vide. Ils sont le
produit d’une révolution populaire».
Puis réagissant au discours d’Abou Bakr
Al Baghdadi, se proclamant Calife
Ibrahim, Qaradawi s’est ressaisi,
estimant que les conditions du califat
n’étaient pas remplies.
Qaradawi
a émis des Fatwas rendant licite les
opérations suicide et l’intervention de
l’OTAN en Libye à une époque où pas un
groupement djihadiste n’avait encore
cautionné l’intervention d’une force
étrangère contre un pays musulman.
Il a
émis une Fatwa pour l’exécution de
Kadhafi; une 2 me pour le djihad en
Syrie; une 3 me pour le mariage de
confort (Zawaj al Mit’ha). Joignant le
geste à la parole, il tenta de nouer un
mariage de confort avec Asma Ben Qada
dès leur première rencontre. La dame de
nationalité algérienne rabroua le
religieux, lui enjoignant de respecter
les convenances. Il l’épousa alors dans
les formes et en divorcera.
L’Institut de bienfaisance «Eid Al
Thani» du Qatar, le repaire des Arabes
afghans.
L’Institut a longtemps fait office de
position de repli et abri sûr pour les
anciens d’Afghanistan, rejoints au début
du XXI me siècle par des Libanais fuyant
la justice des mouvements salafistes
«Taqfir wa Hijra» (Anathème et
Migration) de Dinnyeh (Nord-Liban).
Arabes Afghans et Libanais serviront
ainsi de courroie de transmission entre
les associations caritatives du Qatar et
leur pays d’origine.
L’instrumentalisation par les Frères
Musulmans et les Takfiristes de
l’humanitaire à des fins politiques et
militaires a atteint son paroxysme au
cours de la 2me décennie du XXI siècle.
Durant
la guerre d’Afghanistan (1980-1989),
aucune organisation de bienfaisance
islamique n’a consenti à œuvrer sous la
tutelle d’un groupement armé. Le grand
crime du Qatar, des Frères Musulmans et
d’Al Qaida a été de considérer les
organisations de bienfaisance comme le
meilleur courroie de transmission pour
les transferts des fonds et des armes
dans les zones de conflit, pour la mise
en œuvre de la corruption politique par
l’achat des consciences, l’achat des
voix électorales lors des consultations
populaires et la rémunération des «fiers
à bras» (Shabihha) dans les phases de
transition politique.
En 2005,
selon des témoignages recueillis par les
auteurs de ce rapport, confortés par une
étude d’un universitaire américain,
Robert G. Rabil, professeur des Études
du Moyen Orient à l’Université de
Floride, -dans son ouvrage intitulé
«Salafism In Lebanon, From apoliticism
to transnational Jihadism- Le salafisme
au Liban» (Georgetown University Press
2014), de nombreuses concertations ont
eu lieu entre l’Arabie saoudite, le
Koweït et le Qatar visant à soutenir le
mouvement salafiste djihadiste au Liban
dans le cadre du financement des
élections législatives libanaises de
2005, qui ont suivi l’assassinat de
l’ancien premier ministre libanais Rafic
Hariri.
Les
groupements salafistes du Qatar et du
Koweït ont mis à profit la campagne
électorale libanaise pour transférer
d’importantes sommes d’argent à leurs
confrères libanais via «l’Institut de
bienfaisance Eid Al Thani» du Qatar et
«l’Association pour la Renaissance du
Patrimoine islamique» du Koweït.
Liban: Al Mostaqbal et l’armement de
l’Armée Syrienne Libre (ASL) via le
député chiite libanais pro Hariri Okab
Sakr
La
grande majorité des membres du parti
libanais «Al Mostaqbal», le parti du
premier ministre Saad Hariri, réprouvait
le soutien multiforme accordé par les
pétromonarchies du Golfe aux groupements
extrémistes, à l’exception des quelques
députés du Nord du Liban réputés pour
entretenir des rapports d’intérêts
mutuels avec eux (relation de parenté,
connivence électoraliste, instrument de
pression etc..).
Saad
Hariri, lui même, considérait que le
soutien aux groupes extrémistes
affaiblirait le courant sunnite modéré,
et en contournant l’allégeance
historique de Rafic Hariri, le chef du
clan assassiné, à l’Arabie saoudite, y
portait atteinte. Conscients des
réticences du chef de file du clan
saoudien au Liban, les groupements
djihadistes n’ont pas hésité à
l’attaquer frontalement.
Saad
Hariri et son parti Al Mostaqbal ont
ainsi été conduits à fermer l’œil sur
les cargaison d’armes déversés au Liban
et à l’afflux d’importants capitaux du
Qatar et du Koweït dès le début de la
militarisation de la guerre en Syrie et
la Bataille de Bab Amro, février 2012,
dans le secteur périphérique de Homs en
Syrie.
La
section d’information des Forces de
Sécurité Intérieure libanaise (FSI),
commandée par le général Wissam Hassan,
homme lige de Saad Hariri, avait
recommandé que le transit des armes se
fasse par la Turquie en raison de la
précarité de la situation libanaise. En
dépit de ces réserves, il n’en demeure
pas moins qu’il a effectivement
participé au financement des achats
d’armes et à l’équipement de l’Armée
Syrienne Libre (ASL), via le députe
chiite libanais pro-Hariri Okab Saqr.
Selon un
rapport documenté de «l’Institut
Scandinave des Droits de l’Homme -SIHR»,
basé à Genève, portant sur «Les
mouvements salafistes en Syrie », sept
personnalités du Golfe se sont rendues
au Proche Orient porteurs d’importantes
sommes d’argent en vue de financer
l’achat d’armes et l’équipement des
protestataires pacifiques de Syrie,
avant de sombrer dans le trafic d’armes.
Voici la liste de ces
personnalités:
- Mohamad Ben Abdallah Al Hadba
- Abdel Rahim Ben Rachid Al Wahibi
- Mohamad Al Arifi
- Abdallah Ben Hamoud Al Toueijiry
- Ihsan al Outeiby
- Walid Tabatba’î
- Abdel Rahim Ben Omeir Al Neiamy
Dès le
début du siège de Bab Amro, en Février
2012, le contact s’est établi via Abou
Ahmad de la Brigade Al Farouk pour
ravitailler cette formation en armes et
en argent, en prenant pour couverture
politique la branche d’Al Qaida de
Tripoli (Nord-Liban).
Abdel
Aziz Al-Attyah, proche de Khaled Al
Attyah, ministre d’état pour les
Affaires étrangères qatari, a été chargé
du suivi de l’opération, en tandem avec
le directeur général de «l’Institut de
Bienfaisance Eid Al Thani» du Qatar et
ancien directeur financier d’Al Jazeera,
Ali Al Souweidy.
Abdel
Aziz a été intercepté par les autorités
libanaises, qui l’ont aussitôt remis à
l’ambassade du Qatar à Beyrouth, à la
suite de pressions du gouvernement de
Doha, menaçant d’expulser tous les
ressortissants libanais vivant dans la
principauté.
Les
contacts se sont poursuivis via la
filière des notables sunnites de Tripoli
connus pour leur sympathies salafistes
djihadistes, notamment Bilal Dakmaq, le
prédicateur islamiste Daï al Islam
Chahhal, père de Jaafar Chahhal, un
combattant de Jabhat An Nosra, arrêté en
2014 sous cette accusation.
Les racines confrériques de
l’extrémisme
Sayyid
Abul Ala Maududi (Pakistan) et Sayyed
Qotb (Égypte) font incontestablement
figure de pionniers dans la théorisation
du Jihad.
«L’inclinaison au totalitarisme au sein
des mouvements relevant de l’Islam
politique, dans ses deux versions
sunnites et chiites, est imputable au
premier chef au pakistanais Abu Al Ala’
Al Maududi, premier islamiste du XX me
siècle à prôner le retour au Jihad,
«Ce théologien fondamentaliste,
fondateur du parti pakistanais
Jamaat-e-islami, a envisagé la création
d’un État Islamique Uni, fondé sur
l’application rigoureuse de la loi
religieuse (Charia). Dans sa conception,
un tel état devait être hégémonique,
totalitaire sur les divers aspects de la
vie. La Gouvernance d’Allah (Al
Hakimiya) au Pakistan relevait de Dieu,
le gouvernement se devant d’être fidèle
à la Charia.
Une
transposition du schéma soviétique à
l’Islam.
«En fait
Maududi s’est inspiré du modèle
stalinien en vigueur en Union
Soviétique, substituant l’idéologie
islamique à l’idéologie marxiste, le
parti de Dieu (Hezbollah) au parti
communiste, de même que le califat en
guise de substitut au Secrétaire général
du PC.
«Le concept de la Charia est un terme
général, jamais utilisé par le prophète
ni par ses premiers successeurs. Il fera
son apparition au début du II me siècle
de l’hégire. Il ne saurait être comparé
au Talmud des Juifs, ni à la
Constitution de l’époque contemporaine.
Il reste sujet à débat.
«Les Frères Musulmans ont adopté la
conception totalitaire du stalinisme
pour l’appliquer à la religion
musulmane. Hassan Al Banna, fondateur de
la confrérie, répétait, tel un
perroquet, les prescriptions de Maududi,
affirmant que l’Islam est une soumission
à Dieu, une obéissance au gouverneur, un
livre saint, une épée. (CF.Hassan al
Banna, «Mémoires de la prédication et du
prédicateur», page 173.
L’apport doctrinal de Youssef
Qaradawi
Qaradawi
n’a apporté aucune novation doctrinale
dans son livre «La Religion et la
Politique» édité à Dublin en 2007 par le
Conseil Européen de la Jurisprudence, se
bornant à récupérer l’idéologie diffusée
par le tandem sunnite Maudaudi-Qotb, 80
ans après son lancement par le
Pakistanais, un demi siècle après sa
reprise par l’égyptien.
Le Mufti
du Qatar se pose comme le défenseur du
totalitarisme, niant les données de
l’évolution historique de l’idéologie,
mettant l’accent sur sa propre
signification de l’Islam: L’Islam n’est
que politique, le guide de la vie, une
loi, une soumission, une religion, une
politique, une prédication. La charia
s’impose à quiconque en charge d’une
responsabilité. Rien n’y échappe».
Une
position conforme à celle de tous les
fondamentalistes de toutes confessions
pour lesquels l’État en Islam est un
état idéologique qui se rattache à la
religion, dont la tâche première est la
consolidation de la religion.
Et les critiques de Mouncef Marzouki
à l’égard du Mufti du Qatar.
Mouncef
Marzouki (Tunisie) fera parvenir ses
critiques via un message poste à Al
Jazeera.net: «La science de Qaradawi est
en fait un ensemble des vérités assénées
par les prédicateurs et savants depuis
des siècles dans les mosquées des
provinces les les plus reculées, comme
depuis les plus hautes tribunes
médiatiques, de plus en plus nombreuses
ces temps-ci. De telles vérités n’ont
pas empêché notre nation de connaître la
décadence morale, ni la régression
intellectuelle, ni la sauvagerie
politique. Des données propagées avec un
talent oratoire par ce cheikh savant,
qui veut nous enseigner ce que l’on doit
savoir sur notre religion et notre
univers.
M.
Marzouki conclut son texte en des termes
empreints d’une grande ironie: Qaradawi
se pose, de ce fait, en boussole, un
guide. Un monde d’obéissance au tuteur,
ceux-là même qui nous ont conduit des
siècles durant sur le chemin de la
liberté, qui ont fait de nous «La
meilleure nation offerte au Monde
(kaiyrou ommaten ounjibat lil Nass».
Rached
Ghannouchi, le chef du parti tunisien An
Nahda, intervint alors auprès de son
compatriote tunisien pour lui demander
de retirer son texte.
L’ancien
opposant à la dictature de Zine El
Abdedine Ben Ali, soucieux de ne pas
rompre ni avec la branche tunisienne des
Frères Musulmans, ni avec leur parrain,
le Qatar, qui nourrissait par ailleurs
ses propres calculs politiques
obtempéra: Il sera le premier président
de la Tunisie post dictature, avec le
soutien d’An Nahda.
Un vieux
compagnon de lutte de M. Marzouki,
Haytham Manna, doyen de l’opposition
démocratique syrienne, pris alors la
relève de la critique de la pensée de
Qaradawi. De nouveau An Nahda a demandé
à l’opposant syrien de retirer son
texte, ce qu’il refusa. Rached
Ghannouchi dut voler au secours du Mufti
du Qatar, publiant un texte intitulé
«Nous sommes tous des Qaradawi».
Abdel
Razzak Eid, écrivain syrien, s’est
appliqué, lui, à déconstruire le
discours de Qaradawi, mettant en garde
contre la propagation des thèses
fondamentalistes via Al Jazeera, alors
que le poète Adonis dénonçait la liaison
entre le djihadisme tafkfiriste et
l’idéologie totalitariste qu’il prône.
Ces débats ont apporté la preuve que la
confrérie des FM n’avait aucun rapport
avec des termes tels que modération ou
centrisme. Les habits de Qaradawi
masquaient en fait un programme
d’arbitraire et ne se différenciant
guère de la mentalité prévalant au sein
des mouvements djihadistes takfiristes.
La duplicité des
Frères Musulmans
Les
Frères Musulmans se présentent comme un
projet médian, centriste ou moderne.
Mais depuis 1928, toutes ses critiques
révèlent un projet extrémiste, violent
que cela soit au sein de l’appareil
privé ou sa structure clandestine en
Égypte et en Syrie, via sa structure
militaire clandestine «At Taliha Al
Mouqatilla».
Son
discours emprunte à l’art de la
dissimulation, marqué du sceau de la
duplicité à travers duquel, la confrérie
a gagné la sympathie de l’Occident et
Musulmans y vivant. Il repose sur le
principe de se taire jusqu’à être
intégré».
Nasr
Hamed Abou Zeid, frappé d’apostasie en
Égypte pour avoir dénoncé les turpitudes
des FM, a visé juste, dénonçant
publiquement la confrérie comme étant la
plus importante formation du Monde à
pratiquer la dissimulation.
DAECH ou la
surenchère d’Abou Bakr Al Baghdadi, aka
Calife Ibrahim.
Abou
Bakr al Baghdadi a subverti le mouvement
des islamistes traditionnels. Cet homme
obscur réussira néanmoins à capitaliser
le ressentiment d’une population soumise
à fortes pressions tant de la part de
régimes autoritaires, que de la
surenchère permanente des
fondamentalistes et du courant salafiste,
dont la propagande imputait la tragédie
du Monde arabe et musulman à l’abandon
de la religion, au fait d’avoir combattu
le califat ottoman, une institution
musulmane, d’avoir été pris au piège des
valeurs occidentalistes, frappées du
sceau de l’ignorance, de s’être
appropriés enfin des notions telles que
modernisation et changement.
«L’État
Islamique» a ainsi bénéficié de
financement de la part de certains pays
du Golfe, bien qu’il n’en fût pas
tributaire. Mais l’ambition personnelle
de certains princes a constitué le motif
principal de ce financement car il
permettait aux donateurs de s’en servir
comme moyen de pression contre leur
propre gouvernement.
La
multiplicité des parrains étrangers, les
divergences sur les objectifs et les
méthodes ont souvent dégénéré en
affrontements armés au sein des
groupements djihadistes.
La
guerre de Syrie a favorisé l’afflux de
djihadistes de tous pays, y compris des
pays du Golfe, suscitant les craintes
que l’instabilité syrienne ne se
répercute sur le Golfe, notamment lors
de leur retour dans leur pays.
L’État
du Califat porte en lui les germes de sa
propre disparition: Une force haineuse
et agressive dans son essence, propulsée
par un besoin d’expansion sur le plan
interne et externe, un besoin
d’obéissance inconditionnelle des
personne sous son autorité, doublés d’un
mépris de nature raciste à leur égard et
d’une volonté de surenchère envers
l’ensemble des musulmans.
Pour aller plus loin
-
http://www.renenaba.com/qatar-un-rebut-de-luxe-pour-recyclage-haut-de-gamme/
-
http://www.renenaba.com/lhomme-de-lannee-2011/
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http://www.renenaba.com/le-qatar-une-metaphore-de-la-france-en-phase-de-collapsus/
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http://www.renenaba.com/la-fin-sans-gloire-du-deus-ex-machina-de-la-revolution-arabe/
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http://www.madaniya.info/2016/03/29/al-jazeera-la-fin-d-une-legende/
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http://www.madaniya.info/2017/06/08/arabie-saoudite-qatar-guerre-freres-ennemis-wahhabisme-guerre-de-defausse/
Reçu de René Naba pour publication
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