MADANIYA
Nucléaire-Monde arabe (2/4).
Le chantage saoudien
René Naba
Jeudi 8 octobre 2020
Le chantage saoudien sur le programme
nucléaire jordanien
Rapace, avide,
cupide, l’Arabie saoudite se tenait en
embuscade, s’apprêtant à saisir la
moindre occasion pour mettre la main sur
le programme nucléaire jordanien et le
détourner à son profit.
Un conflit de
légitimité oppose historiquement les
dynasties saoudienne et jordanienne. Les
Wahhabites ont chassé de La Mecque la
dynastie Hachémite, descendant de la
famille du prophète de l’Islam, au début
du XXme siècle, reprenant à leur profit
le titre de «gardien des lieux saints de
l’Islam».
En superposition à
ce conflit de légitimité, sur fond d’une
rivalité russo américaine sur le dossier
nucléaire jordanien, à l’arrière plan
d’une économie sinistrée et dépourvue de
ressources énergétiques, «d’un
antagonisme vivace entre les Jordaniens
de souche (les tribus bédouines) et les
Jordaniens d’origine palestinienne»,
l’Arabie se présentait comme «l’unique
bouée de sauvetage de la Jordanie»,
prête à souscrire pleinement aux
conditions d’un partenariat
jordano-saoudien, paritaire: financé par
l’Arabie saoudite pour la relance de
l’économie jordanienne», selon les
estimations de Bassem Awadallah, ancien
chef du cabinet royal jordanien,
désormais conseiller du Prince héritier
saoudien Mohamad Ben Salmane.
MBS posait comme
condition que le partenariat se fasse
sur une base paritaire stricte: 50 pour
cent à chacune des parties. 50 pour cent
pour les Jordaniens, en contrepartie de
la licence d’exploitation; 50 pour cent
pour les Saoudiens en contrepartie du
financement du projet.
Cerise sur le
gâteau, MBS posait une condition
supplémentaire, qui se révélera
dirimante: La Jordanien produira
l’Uranium, mais c’est l’Arabie saoudite
qui en assurera l’enrichissement sur un
site saoudien proche de la frontière
jordano-saoudienne. Autrement dit, les
Jordaniens se contenteront du rôle
passif de fournisseur de la matière
première, et les Saoudiens du rôle
valorisant de maitre d’œuvre de sa
transformation en combustible et en
énergie.
Faisant valoir «les
gigantesques investissements saoudiens
aux États-Unis», MBS demande à son
conseiller jordanien de convaincre ses
compatriotes de faire droit à ses
exigences en raison du fait qu’il est
«le seul en mesure de convaincre les
Américains de ne pas s’opposer au
programme nucléaire jordanien».
Pour le locuteur
arabophone, la totalité du récit de
cette séquence se trouve sur ce lien:
Le chantage de MBS: Je me porte fort de
convaincre les Américains
Note confidentielle
Note confidentielle
en date du 12 Chaabane 1437 de l’Hégire,
correspondant au 20 Mai 2016, portant
version améliorée de notre offre
précédente intitulée «La cité atomique
Roi Abdallah et le partenariat nucléaire
avec la Jordanie».
«Un accord a été
conclu entre l’Arabie saoudite et la
Jordanie dans le domaine de l’usage de
l’énergie atomique en date du 22 juin
2014. Il aménage la coopération entre
les deux pays sur le plan de la
recherche fondamentale et appliquée dans
le domaine de l’énergie atomique, de
même que le plan technologique, de la
production et du fonctionnement des
unités de production.
La Jordanie
rejettera l’offre saoudienne d’édifier
un site du côté saoudien de la frontière
sur un ton empreint d’une grande
finesse.
La réponse
jordanienne: Face au chantage saoudien
l’option russe.
«La Jordanie a
entrepris de nombreuses études
spécifiques concernant le détermination
du lieu d’implantation de son centre de
recherche nucléaire, écartant de sa
sélection l’unique zone riveraine de la
Mer Rouge, le Golfe d’Akaba. Elle a
porté son choix sur le district de
Zarqa, au nord est d’Amman, dans la
région d’Al Amra; une zone située,
spécifie la réponse, à l’intérieur du
territoire du Royaume, sans débouché sur
la mer. La Jordanie fera usage des
réserves d’eau recyclées disponibles
dans le secteur pour procéder au
refroidissement des réacteurs.
Se fondant sur les
études faisabilité, la Jordanie a décidé
de coopérer avec la Russie pour
l’installation des deux réacteurs prévus
dans ce projet, optant pour la technique
russe WCR.1000 pressurized water reactor.
La Commission
Jordanienne de l’Energie Atomique a
confié à la société jordanienne des
minerais la tâche de prospecter les
gisements d’uranium en Jordanie en
partenariat avec des sociétés
françaises. Les premiers résultats ont
révélé l’existence de 269 millions de
tonnes d’uranium dans le centre de la
Jordanie, dont 133 millions de tonnes
d’oxyde d’uranium.
Sur la base de ces
découvertes, la Jordanie a fait une
offre de partenariat à la Cité Atomique
du Roi Abdallah dans le domaine de la
production et de l’extraction du
minerai, situé dans le centre du pays,
donnant à l’Arabie saoudite la
possibilité de devenir un partenaire, en
qualité d’investisseur, dans la
prospection et la commercialisation du
«YELLOW CAKE», devant servir de
combustible aux réacteurs nucléaires.
Une unité
expérimentale de production du «YELLOW
CAKE» sera édifiée pour le développement
de la recherche. Le coût de ce projet
est évalué à 38,4 millions de dollars.
Le coût global du projet est, lui,
estimé à 400 millions de dollars.
Contre réponse
saoudienne: Partenariat technologique
russe, oui, mais quel investisseur?
De ce qui précède,
il s’en suit que la Jordanie aura, quoi
qu’il en soit, besoin de la contribution
d’investisseurs étrangers pour la mise
en valeur de leur projet en partenariat
avec la Russie.
L’investissement
saoudien permettra à l’Arabie d’acquérir
une expérience dans le domaine de la
technologie nucléaire. Une participation
saoudienne de l’ordre de 10 pour cent de
la totalité du coût du projet
représentera la somme d’un milliard de
dollars, que le royaume saoudien
consentira en ce que le partenariat
jordano-saoudien contribuera au
développement des capacités humaines et
technologiques des deux pays.
Les réserves
d’Uranium de l’Arabie saoudite et La
Cité Économique «Roi Abdallah»
L’Arabie saoudite
recèle 300.000 tonnes de minerai
d’uranium soit 5 pour cent des réserves
mondiales.
Citée dans la
correspondance jordano-saoudienne, la
«Cité Atomique du Roi Abdallah» est
située au cœur du projet «cité
économique du Roi Abdallah», plus connu
sous l’anglicisme KAEC King Abdullah
Economic City. Elle a été édifiée sur
les bords de la mer Rouge, à 100 Km au
nord de Djeddah, et dépend de la
province de La Mecque.
Initié par le Roi
Abdallah en 2005, le projet sera réalisé
en plusieurs étapes. Son coût est estimé
à 50 milliards de dollars. Le plan
directeur de la ville montre une
articulation de la ville entre zone
industrielle, zone résidentielle, port
et marina. La zone industrielle couvre
une aire de 63 millions de m². Cette
zone doit inclure des équipements pour
exploiter et construire des usines.
La zone
résidentielle couvre une aire de 51 km2
et inclut des bâtiments de taille basse,
moyenne et grande. La marina dispose
d’une zone construite de plus de 3,5 km2
comprenant des hôtels, des résidences,
un golf, un spa et des bains. Le port
s’étend sur 14 km2 et vise à être un
port de classe mondiale sur la côte
ouest de l’Arabie Saoudite. Il inclura
30 quais pour desservir les routes entre
l’Asie, l’Europe et l’Afrique.
Cauda : Le 3me
volet de ce dossier a pour titre : Le
rêve nucléaire saoudien de Sultan à
Salmane
Illustration
Le prince héritier
Mohamed Ben Salman et le roi Abdallah II
de Jordanie à l’ouverture du Future
Investment Initiative de Riyad, mardi 23
octobre 2018. © Amr Nabil/AP/SIPA
La partie 1/4
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