MADANIYA
Syrie: The game is over !
Une prophétie de Robert Ford
René Naba
Mardi 4 juillet 2017 Robert Ford:
«Les États-Unis peuvent difficilement
faire face à l’Iran en Syrie. Il est
probable qu’ils se retireront, comme ils
se sont retirés du Liban, en 1983, et de
l’Irak, il y a dix ans».
Les
rodomontades de Donald Trump sur la
Syrie paraissent relever de la
gesticulation diplomatique et la menace
d’un nouveau bombardement de ce pays au
prétexte d’un probable usage d’armes
chimiques par le pouvoir baasiste paraît
destiné à entraver le déploiement du
Hezbollah sur le Golan et à compenser le
revers psychologique majeur représenté
par la jonction des frontières
terrestres entre la Syrie et l’Irak,
malgré l’obstruction américaine.
Cauchemar absolu des Israéliens, la
présence dans le secteur du Golan de la
formation paramilitaire chiite
libanaise, à la stature pan-régionale
depuis ses retentissantes victoires de
Syrie, qui plus est à la jonction des
trois frontières
(Syrie-Jordanie-Israël), est vécue comme
une réelle menace par l’État Hébreu, au
point de réduire à néant ses efforts
visant à sécuriser sa frontière nord.
Par la destruction programmée des pays
arabes du «champ de bataille»: Liban,
Syrie, Irak, Palestine.
L’échec de la coalition atlantiste
sur le front sud de la Syrie.
La
coalition atlantiste pensait compenser
la perte d’Alep, fin décembre 2016, par
l’ouverture d’un nouveau front au sud de
la Syrie, dans la perspective de la
chute des deux places fortes
djihadistes, Mossoul (Irak) et Raqa-Deir
Ez Zor (Syrie). Mais la Syrie et ses
alliés paraissent être parvenus à
contre-carrer les plans des Occidentaux,
en dépit de la présence de Britanniques
auprès des forces jordaniennes et des
Israéliens auprès des djihadistes sur le
Golan. En dépit des raids israéliens
contre les positions gouvernementales
syriennes en soutien aux djihadistes en
mauvaise posture.
Près de
cinquante groupements djihadistes
opéraient sur le front sud de la Syrie,
davantage préoccupés à se faire la
guerre pour le leadership de la zone
qu’à combattre le pouvoir baasiste.
Supplantés au poteau par les
sympathisants d’Al Qaida, ce
bouleversement a réduit à néant le
projet américain d’introniser une
direction «djihadiste modérée» (sic) à
la tête de cette zone frontalière
syro-israélienne, en guise de
contrepoids à une éventuel ancrage du
Hezbollah.
La
guerre intestine des pétromonarchies du
Golfe, notamment entre l’Arabie saoudite
et le Qatar, -les deux principaux
bailleurs de fonds des djihadistes-, la
bouderie de la Turquie, davantage
préoccupée par la progression kurde dans
le nord de la Syrie, avec le soutien des
États Unis, ont contribué à ce revers.
Pour
aller plus loin sur ce sujet, à
l’intention du lecteur arabophone ce
lien,
La
précédente démonstration de force de
Donald Trump au prétexte chimique contre
la Syrie, le 8 avril 2017, avait pour
objectif principal de doter d’une
stature internationale le président
américain décrié depuis sa prise de
fonction pour ses mesures xénophobes et
populistes, notamment le «Muslim Ban» et
construction d’un mur de séparation avec
le Mexique. Et de lui donner l’occasion
de se débarrasser à peu de frais d’un
arsenal militaire désormais obsolète.
Emmanuel Macron dans le piège du
bourbier chimique?
Dans un
tel contexte aléatoire, l’engagement
d’Emmanuel Macron de bombarder la Syrie
dans l’hypothèse d’une nouvelle
émanation de gaz chimique se révèle
hasardeuse et problématique. Cette
profession de foi pourrait le placer en
porte à faux avec le nouveau cours qu’il
a imprimé à la politique syrienne de la
France. Et pis, à la merci de la moindre
provocation, plombant le Jupiter de
France dans le bourbier chimique syrien
au début de son mandat, «à l’insu de son
plein gré».
Robert
Ford, l’ancien gauleiter américain
auprès de l’opposition off shore
syrienne, vient de souffler un vent de
pessimisme sur les stratèges atlantistes
par un constat formel:
«The game is over ! La fin de partie a
été sifflée en Syrie. Barack Obama n’a
pas laissé de choix à son successeur
alors que Donald Trump est
particulièrement désireux de réduire
l’influence de l’Iran.
Telle
est en substance le constat dressé par
l’ancien ambassadeur américain en Syrie
dans les déclarations au quotidien
saoudien «Al Charq Al Awsat, dont le
site Ar Rai Al Yom en publie de larges
extraits sur ce lien pour le lectorat
arabophone :
«Les
États-Unis peuvent difficilement faire
face à l’Iran en Syrie. Il est probable
qu’ils se retireront, comme ils se sont
retirés du Liban, en 1983, il y a 35
ans, après les attentats contre l’
ambassade américaine à Beyrouth et le PC
des Marines dans le secteur de
l’aéroport de la capitale libanaise.
Comme ils se sont retirés de l’Irak, il
y a une dizaine d’années».
L’ex
diplomate américain affirme que l’Iran a
les moyens de s’attaquer aux États-Unis
en lui déclarant la guerre en Irak.
Robert Ford parle d’un «défi
diplomatique compliqué» de devoir
dissuader Bachar Al Assad d’utiliser des
armes chimiques et en même temps de
dissuader l’Iran de frapper les forces
américaines en Irak.
«Donald
Trump veut réduire l’influence
iranienne, c’est du moins ce que j’ai
entendu dire d’un de ses conseillers,
mais il est probable que le président
ignore que la fin de la partie a été
sifflée. Obama n’a pas laissé beaucoup
de choix à son successeur pour atteindre
ses objectifs».
«Les Kurdes commettent la plus grand
erreur de leur vie en plaçant leur
confiance dans les Américains».
Robert
Ford dresse un tableau sombre des
relations entre les Kurdes et les
Américains: «Washington s’en sert pour
libérer Raqqa (fief des djihadistes à
l’est de Syrie). Ce que les Américains
font aux Kurdes et un seulement un acte
hideux mais de grande immoralité.
«Les
Américains se sont longtemps servis des
Kurdes du temps de Saddam Hussein.
Pensez vous vraiment que les Américains
vont traiter l’UNION PATRIOTIQUE et aux
Unités de protection du peuple (YPG),
autrement dit les Kurdes de Syrie) d’une
manière différente de celle employée à
l’égard des Kurdes irakiens par Henry
Kissinger, secrétaire d’État de Richard
Nixon, dans la décennie 1970.
«Les
Kurdes commettent leur plus grand erreur
en plaçant leur confiance dans les
Américains», a t-il estimé.
La plus grande faute de ma vie:
Avoir longtemps pensé que les dirigeants
syriens réclameraient un sauf conduit
pour se réfugier en Algérie, en Russie
ou à Cuba.
Robert
Ford confesse que la «plus grande faute
de sa vie est le fait d’avoir été
convaincu jusqu’à fin 2013 que certains
dirigeants syriens réclameraient un sauf
conduit pour se réfugier en Algérie, en
Russie ou à Cuba», ouvrant la voie à un
«gouvernement de transition dirigé par
le général Ali Mamlouk, chef du Conseil
National de sécurité, ou Mohamad Dib
Zeytoun, chef des Services
renseignements, qui serait composé de
personnalités indépendantes et des
membres de l’opposition. Le tout placé
sous la présidence de Farouk Al Chareh»,
le vice président sunnite de la
République, mis à l’écart du pouvoir
depuis quatre ans.
L’intoxication du journal Libération
à propos du général Ali Mamlouk:
La mort
d’Ali Mamlouk avait été annoncée au
printemps 2015 par la presse britannique
dans une opération d’intoxication
destinée à démoraliser les troupes
gouvernementales syriennes à la veille
d’une offensive combinée des djihadistes
depuis le Golan et le Front sud, le
secteur Deraa, région frontière syro
jordanienne.
Cette
opération menée sous encadrement
d’officiers jordaniens et israéliens
avait tourné court par suite de la
défaillance djihadiste sur le terrain.
Des journalistes français généralement
présentés comme étant de grands
connaisseurs des affaires du
Moyen-Orient ont repris l’information
concernant Ali Mamlouk en mentionnant sa
destitution et brodant abondamment sur
les raisons de son éviction. De telles
élucubrations, sur fond de présupposés
idéologiques post coloniaux, expliquent
pour une large part le désastre
stratégique de la France en Syrie.
Sur ce
lien, l’éviction du général Ali Mamlouk
annoncé par des journalistes français
prétendument spécialistes du Monde
arabe: Jean Pierre Perrin et Hala
Kodmani:
Robert
Ford confesse une autre grave faute: «Je
n’ai jamais imaginé que l’Iran et le
Hezbollah engagent des milliers de
combattants en Syrie. Jamais imaginé que
le Hezbollah sacrifie sa réputation dans
le Monde arabe pour voler au secours de
Bachar Al-Assad. C’est là aussi une
grave faute de ma vie», a-t-il conclu.
Robert Ford, le Bremer de Syrie,
face à une cauchemardesque opposition
off shore syrienne
Robert
Ford, qui rêvait de transformer la Syrie
en un «Etat failli» sur le modèle de la
Libye multipliera les provocations et
les coups de force contre le pouvoir
baasiste, durant sa mission, au mépris
des usages diplomatiques.
Robert
Ford se voulait le Paul Bremer de Syrie,
du nom du premier proconsul américain en
Irak. Mais auprès d’une opposition
syrienne off-shore, polymorphe,
hydrique, sans âme, sans foi ni loi, cet
ancien adjoint de John Negroponte en
Irak, en sera son cerbère, la cornaquant
constamment, la tançant plus de besoin,
au point d’en faire la risée des
observateurs internationaux et le
désespoir de ses nombreux parrains (1).
La
dernière prestation de Robert Ford à
Istanbul, à la veille de l’ouverture le
22 janvier 2014 de la conférence de paix
sur la Syrie (Genève 2) valait son
pesant de pistaches d’Alep. L’hyper capé
de la diplomatie américaine passait en
revue ce jour-là les heureux préposés au
cirque médiatique de Genève qui devait
fixer pour l’éternité le lancement du
processus de paix sur la Syrie, dans la
pure tradition de la sélection du
bétail. Entrevoyant Bourhane Ghalioune,
il lui signifie le refus de son visa
pour la Suisse.
Interloqué, plus vraisemblablement saisi
de panique à l’idée d’être privé d’un
per diem, le premier chef de
l’opposition off-shore syrienne, à la
prestation calamiteuse, se confond alors
en supplique devant le garde chiourme
des opposants atlantistes au régime
Assad, pour l’autoriser à figurer sur la
photo inaugurale. Il sera fait droit à
sa requête après moultes supplications.
Le jeu
en valait la chandelle. Il se dit dans
les coulisses que le responsable d’un
bataillon avait droit à deux millions de
dollars de gratifications pour sa
prestation.
L’adjoint de John Negroponte en Irak, le
maître d’œuvre de l’opération «Contras»
au Nicaragua visant à la déstabilisation
du gouvernement sandiniste, a échoué en
Syrie, comme auparavant Paul Bremer en
Irak.
Toute
son expérience diplomatique (Irak,
Algérie, Bahreïn, Turquie), toute sa
culture polyglotte (allemand, turc,
français, arabe en sus de l’anglais)
auront été de peu de poids face à deux
poids lourds de la diplomatie syrienne
qui lui tiendront la dragée haute dans
les joutes oratoires des forums
internationaux: Walid Al Mouallem,
ministre des Affaire étrangères et
Bachar Al Jaafari, représentant de la
Syrie aux Nations Unies
Robert Ford a quitté le corps
diplomatique en 2014. Il est chercheur à
l’université de Yale et à l’Institut
pour le Moyen-Orient basé à Washington.
Pour aller plus loin
1- Clap de fin Pour Robert Ford et
Bandar Ben Sultan
http://www.renenaba.com/syrie-clap-de-fin-pour-robert-ford-et-bandar-ben-sultan/
2-Robert Ford le cerbère de
l’opposition off-shore:
http://libnanews.com/2013/12/20/robert-ford-ambassadeur-des-etats-unis-aupres-de-lopposition-syrienne-est-le-paul-bremer-de-syrie-selon-haytham-manna/
Reçu de l'auteur pour publication
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