Opinion
Syrie / Archéologie: Le compte à rebours
pour la France a commencé «à l’insu de
son plein gré»
René Naba
Photo:
D.R.
Mardi 3 juin 2014
La métaphore de la pierre
-
« De l’archéologie au Moyen Orient
et de son application en temps de
guerre en Syrie » (1).
-
«La tradition, c’est de nourrir les
flammes et non de vénérer les
cendres»-Gustave Mahler.
Paris- L’archéologie, c’est le passé.
C’est la mort? Non pas vraiment.
L’archéologie, c’est la vie. Le déroulé
de la vie. Une occasion de se livrer à
une introspection par une rétrospective.
Si l’archéologie se définit comme une
discipline qui a pour objet la
connaissance et l’étude de l’antiquité
et qu’elle renvoie systématiquement,
dans le langage courant, à la notion d’antiquité….
L’antiquité n’est pas, loin s’en
faut, un archaïsme. Dans son sens usuel,
il s’agit d’une science qui a pour objet
l’étude des civilisations humaines
passées à partir des monuments qui en
subsistent. Il relève donc du patrimoine
d’un pays et de son héritage. C’est un
élément précieux de connaissance de
notre passé et donc de notre présent.
L’archéologie, en fait, est à un pays ce
que la généalogie est à une famille, ce
que la géologie est à l’auscultation du
corps en ce qu’elle induit une lecture
fractale du pays par l’analyse des
diverses couches de sédimentation. Mais
si la géologie est un voyage dans les
entrailles du pays, l’archéologie porte
témoignage d’un pays, de son histoire,
de sa place dans l’histoire. Toutes ses
disciplines sont complémentaires en ce
que la pluridisciplinarité est
nécessaire pour la compréhension d’un
pays et concourt à la compréhension de
la géosphère culturelle et humaine du
pays, préalable à la définition d’une
stratégie en sa direction.
L’archéologie du discours
Le terme est emprunté à Michel Foucault
qui estime que «L’archéologie
n’entreprend pas de traiter comme
simultané ce qui se donne comme
successif». …A l’image des strates en
géologie. «Elle n’essaie pas de figer le
temps». «De substituer à son flux
d’événements, des corrélations qui
dessinent une figure immobile» et que
«Pour constituer une histoire
archéologique du discours, il faut se
délivrer du modèle linéaire de la parole
où tous les événements se succèdent les
uns aux autres, sauf effet de
coïncidence et de superposition».
L’individu n’est pas un moulin à
paroles. Les mots ont un sens et ne
constituent pas une enfilade de paroles
verbales. Les mots ne sont pas neutres,
ni innocents. Les mots tuent parfois.
Cela est encore plus vrai pour les
Etats, particulièrement en période de
guerre. Guerre psychologique autant que
guerre sémantique, la guerre médiatique
vise à soumettre l’auditeur récepteur à
la propre dialectique de l’émetteur, en
l’occurrence la puissance émettrice en
lui imposant son propre vocabulaire, et,
au-delà, sa propre conception du monde.
Dans ce contexte, le langage est un
marqueur d’identité culturelle de la
même manière que les empreintes
digitales, le code génétique, les
mesures anthropométriques sont des
marqueurs biologiques et physiques. Sous
une apparence trompeuse, des termes
généraux, lisses et impersonnels, le
langage est codifié et pacifié. Il
devient alors un redoutable instrument
de sélection et de discrimination.
Le langage est connoté. A l’instar du
Syllabus papal du XIX me siècle, qui
prohibait l’usage de certains termes
tels laïcité ou séparation Eglise Etats,
le seul langage licite à l’époque
contemporaine est le LQR «Lingua Quintae
Respublicae», le langage en vogue sous
la Vème République Française, homologué,
estampillé. Gare à quiconque recourt à
un langage personnalisé, forgé dans un
vocabulaire qui lui est propre. L’homme
risque l’ostracisme, aussitôt mis à
l’index, affublé d’une tare absolue,
irrémédiable: «ringard», «tricard», «complotiste»,
«négationniste» et dans le cas de la
France, un «anti français» dès lors que
la personne ne souscrit pas aveuglément
à la doxa officielle. Selon que vous
utilisez un terme ou l’autre vous serez
classé «moderne et dynamique» ou
«ringard».
Si la diffusion hertzienne est la moins
polluante des armes sur le plan de
l’écologie, elle est, en revanche, la
plus corrosive sur le plan de l’esprit.
Son effet est à long terme. Le phénomène
d’interférence opère un lent
conditionnement pour finir par subvertir
et façonner le mode de vie et
l’imaginaire créatif de la collectivité
humaine ciblée. Nulle trace d’un dégât
immédiat ou d’un dommage collatéral.
Point besoin d’une frappe chirurgicale
ou d’un choc frontal.
Dans la guerre médiatique règne le
domaine de l’imperceptible, de
l’insidieux, du captieux et du
subliminal. Qui se souvient encore de «Tall
Ar-Rabih» (La colline du printemps)?
Près d’un siècle d’émissions successives
et répétitives a dissipé ce nom
mélodieux, synonyme de douceur de vivre,
pour lui substituer dans la mémoire
collective une réalité nouvelle. “Tal
AR-Rabih” est désormais mondialement
connu, y compris au sein des nouvelles
générations arabes, par sa nouvelle
désignation hébraïque, Tel Aviv, la
grande métropole israélienne. Le travail
de sape est permanent et le combat
inégal. Il en est de même des
expressions connotées.
A-Génocide et Shoah:
L’imposition d’un terme est une marque
de supériorité de l’émetteur et de
subordination du récepteur.
L’extermination d’une population en
raison de ses origines s’appelle en
français «génocide». Il en est ainsi du
génocide arménien en Turquie, comme du
génocide des Tutsis au Rwanda. Lui
préférer l’expression hébraïque du terme
biblique de «Shoah» (holocauste) signe
son appartenance au camp
pro-israélien.Israël n’a jamais reconnu
le caractère de «génocide» aux massacres
des Arméniens en Turquie au début du XX
me siècle, sans doute pour marquer le
caractère unique des persécutions dont
les Juifs ont été victimes en Europe.
D’abord en Russie, les «pogroms» de la
fin du XIX me siècle, puis en Allemagne
et en France durant la Seconde Guerre
mondiale (1939-45).
B –Tsahal:
Il en est de même du terme Tsahal.
Etymologiquement armée de défense, alors
que l’armée israélienne est, selon, soit
une armée d’occupation au regard du
Droit International, ou une armée
offensive, une armée d’offense en
songeant aux guerres préemptives de
1948, 1956 et 1967, une armée offensante
en songeant à ses maltraitances à
l’encontre des Palestiniens, et au
traitement de la Cisjordanie, un vaste
camp de concentration à ciel ouvert avec
700 barrages militaires et près de
11.000 prisonniers palestiniens.
C-Jérusalem et Tel Aviv:
Désigner Israël par Jérusalem signe
l’alignement pro israélien du causeur en
ce qu’il revient à souscrire, pour
beaucoup explicitement, et, pour
beaucoup d’autres, soit par phénomène de
mode, soit par effet d’entrainement d’un
esprit grégaire, à l’annexion de la
totalité de la ville sainte à Israël, y
compris le secteur arabe et la Mosquée
Al Aqsa, 3eme haut lieu de l’Islam. Le
désigner par tel Aviv, signe son respect
à la légalité internationale et son
refus de l’annexion de la ville sainte
par les autorités d’occupation
israéliennes.
D-Apartheid:
Terme tabou absolu. Suggérer qu’Israël
du fait de sa politique discriminatoire
est un pays de ségrégation raciale, le
mettre en garde contre les effets
pervers d’une annexion complète de la
Palestine à l’effet de le transformer en
état d’Apartheid, pourrait valoir à son
auteur, quelle que soit son autorité,
quelle que soit son degré d’amitié avec
Israël, les foudres de la bien-pensance
avec à la clé la sempiternelle
accusation d’antisémitisme. John Kerry,
secrétaire d’état américain, en a fait
les frais dernièrement. Auparavant
l’ancien président Jimmy Carter, quand
bien même la mise en garde provient d’un
des pères fondateurs de l’Etat hébreu,
David Ben Gourion: «Lorsqu’il a fallu
choisir entre toute la terre sans Etat
juif et un Etat juif sans toute la
terre, c’est cette seconde option que
nous avons choisie». David Ben
Gourion précisait alors que la conquête
de la totalité de l’ancienne Palestine
mandataire aurait impliqué en effet que
la population juive devienne minoritaire
en cas d’élections.
Le terme apartheid a un effet terrifiant
sur la psychologie israélienne en ce
qu’il renvoie à l’Afrique du sud, son
partenaire de la période coloniale, dont
le régime d’apartheid a été vaincu par
le boycott, un cauchemar que l’état
hébreu et ses nombreux soutiens dans le
monde veulent à tout prix écarter de
leur imaginaire. Dans le même ordre
d’idée, le «Mur d’apartheid» doit être
banni du lexique international en ce
qu’il renvoie au Bantoustan palestinien.
La barrière de béton qui enferme Israël
dans un ghetto est désignée par les
communicants israéliens de «ligne de
démarcation», comme s’il s’agissait ‘une
ligne de délimitation d’un terrain de
jeu.
Nul ne doit douter qu’Israël, «l’unique
démocratie du Moyen Orient» est un pays
de blanches colombes, non de colons, que
son armée est guidée par le principe de
la «pureté des armes», quand bien même
il enfreint systématiquement le droit
humanitaire internationale; un pays dont
bon nombre de dirigeants use d‘un
bestiaire épouvantablement raciste à
l’égard des Arabes et Palestiniens -«des
cafards»-; un pays qui ne s’interdit pas
de stériliser les femmes Falachas, les
juives éthiopiennes. Pour préserver «la
pureté de la race»? Un pays qui n’a
enfin que compassion pour les
Palestiniens, à qui il fait
régulièrement des «offres généreuses» de
paix, à l’instar d’Ehud Barack, mais que
ceux-ci rejettent par ingratitude.
Autre rengaine, les termes antisémitisme
et antiracisme. Arabes et Juifs sont des
sémites, mais l’antisémitisme ne
concerne que les Juifs, pour se
distinguer des autres, alors que
l’antiracisme englobe Arabes, Noirs,
Musulmans, Asiatiques, Peaux-rouges,
etc. Le Président Jacques Chirac,
lui-même, en fustigeant «l’antisémitisme
et le racisme» dans son discours
d’adieu, le 27 mars 2006, a consacré
dans l’ordre subliminal un racisme
institutionnel.
La captation de l’imaginaire: Le
contrôle du contenant et du contenu
Le bloc occidental maitrise non
seulement le contenant (les vecteurs)
mais également le contenu (le langage)
de sorte que la liberté d’information,
un des fondements de la démocratie,
existe, mais uniquement pour ceux qui en
maitrisent les codes. La bataille de
Syrie en apporte quotidiennement la
preuve.
De l’importance de l’archéologie
Au-delà des considérations touristiques,
la restauration des sites antiques
constitue un impératif national pour les
pays de grandes civilisations. Egypte,
Grèce, Italie, Mésopotamie, Syrie. Et
l’UNESCO participe à la préservation des
sites antiques en les décrétant
«Patrimoine mondial de l’humanité». Les
peuples puisent dans le passé les
raisons d’espérer dans leur avenir… et
de ne pas désespérer de son présent,
sous réserve que ce recours ne fasse pas
l’objet d’une fixation génératrice d’un
immobilisme.
Les grandes célébrations participent de
cet objectif. La célébration de la prise
de la bastille le 14 juillet, l’ «Independance
Day» aux Etats Unis, le 4 juillet,
sous-tendent une volonté d’exalter la
fierté nationale et la cohésion de la
société, par la position du pays
vis-à-vis de son environnement
international.
La France a scandé son entrée vers le
III me millénaire par la célébration de
ses événements historiques. C’est le
trait constant de la dernière décennie
du XX me siècle. Jamais pays n’a paru
plus soucieux de magnifier son passé.
Toutes les déclinaisons du calendrier
ont défilé en commémoration: 1500 me
anniversaire de la proclamation de
l’Édit de Nantes (1598), qui a mis fin à
la guerre religieuse entre Catholiques
et Protestants; Millénaire du baptême de
Clovis (1996), qui marque le ralliement
de la France à la Chrétienté,
Bicentenaire de la Révolution Française
(1989); Cent cinquantième anniversaires
de l’abolition de l’esclavage (Mai
1998), Centenaire du manifeste
accusateur d’Émile Zola contre la
ségrégation politico‑religieuse
(«J’accuse», Janvier 1998),
Cinquantenaire de la libération de la
France, Quarantième anniversaire de la
Vème République; Enfin trentième
anniversaire de la révolte étudiante de
Mai 1968.
La France a-t-elle voulu ainsi compenser
son repli frileux sur elle‑même ou
puiser dans sa gloire passée l’espérance
de son avenir? La question se pose à en
juger par les politiques publiques
menées depuis un demi-siècle par la
classe dirigeante. Cette succession de
célébration correspond en archéologie à
une datation des périodes. De petits
cailloux du petit poucet qui permettent
les repères de la mémoire. Période
mérovingienne, carolingienne, la
renaissance, la révolution, le consulat
et l’empire, la restauration, la
République; autant de déclinaisons qui
constituent des variations de la France.
L’archéologie illustre dans la pierre la
théorie de la succession d’Etat et de la
continuité juridique de l’Etat. La
France assume ainsi son histoire.
Mais pour être salutaire, l’exercice se
doit de ne pas occulter les pages
honteuses de sa propre Histoire.
Pour que la démonstration soit complète,
il incombe que le devoir de mémoire ne
soit pas sélectif. Bien que les peuples
du tiers-monde n’aient jamais cultivé
une idéologie victimaire, et que leurs
ressortissants en France n’en aient
jamais fait usage dans leur combat pour
leur acceptation, la repentance devrait
englober les victimes muettes, les
alliés de la période coloniale, les
peuples colonisés d’Outre‑mer, lesquels,
paradoxalement, à deux reprises en un
siècle, ont fortement contribué à la
libération de leur colonisateur dans des
guerres qui leur étaient totalement
étrangères,‑‑les deux guerres mondiales
(1914‑18, 1939‑45), avant d’être
sérieusement réprimés à Sétif (Algérie),
au camp de Thiaroye (Sénégal) et à
Madagascar, sans doute à titre de
rétribution pour leur concours à
l’effort de guerre français.
Certes l’ingratitude est la loi des
peuples pour leur survie, mais la
grandeur d’une nation réside dans son
courage à revendiquer ses actes et à sa
capacité à assumer ses responsabilités.
Nonobstant le passé ségrégationniste de
son pays, le Président Bill Clinton a
assumé, en Avril 1998, l’héritage
américain, assurant lors de la première
tournée d’un président américain sur le
continent noir depuis 20 ans que
«l’Afrique a constitué le plus beau
cadeau fait aux États‑Unis». Une
position en contrechamp de celle de la
France. Sans djembés ni Mallettes ni
réflexions désobligeantes selon
lesquelles «l’Afrique n’est pas encore
entrée dans l’Histoire».
De l’archéologie au Moyen Orient
Berceau des trois grandes religions
monothéistes, le Moyen-Orient est un
lieu chargé d‘histoire, tant au niveau
religieux (Jérusalem, Bethleem,
Nazareth, La Mecque, Médine, Nadjaf,
Qom, Kerbala, Ur) que sur le plan
historique (Le Sphinx, les Pyramides,
les Colonnes de Baalbek, Petra, Palmyre,
le Krach des Chevaliers, la Mosquée des
Ommeyades, Babylone).
La bataille dans l’ordre symbolique
sous-tend un objectif plus ambitieux: La
réappropriation des lieux et la
légitimation de cette réappropriation.
Ce qui explique sa virulence. L’hébraïsation
des noms des localités arabes de la
Palestine du mandat britannique en est
témoin: Tel Aviv (Tall Ar Rabih, colline
du printemps/ Beersheba – Bi’ir As Sabeh,
le puits de l’Ours/ Néguev-An Naqab)
relèvent de cet objectif. De même que
l’incendie de La Mosquée Al Aqsa, en
1969, qui enflamma le Monde musulman et
donna, par ricochet, naissance à
l’Organisation de la Conférence
islamique, premier forum du monde
musulman de l’époque contemporaine,
groupant 55 pays et 1, 5 milliards de
fidèles. Toutefois cette légitime colère
aurait eu valeur d’exemple à l’effet de
capitaliser la sympathie de l’opinion
internationale, et la sphère arabo
musulmane gagné le respect du Monde, si
elle avait fait preuve de davantage de
cohérence. L’incendie d’Al Aqsa a été
neutralisé par la destruction des
Bouddhas de Bamyan et des stèles de
Tombouctou.
De la France en Syrie: Le compte à
rebours a commencé pour la France, « à
l’insu de son plein gré ».
Le fait est historique: La France a une
présence millénaire en Orient, remontant
à la période des Croisades, confirmée
par l’alliance entre François I et
Soliman le Magnifique, consolidée par de
prestigieuses réalisations de Jean de
Champollion (la découverte des
hiéroglyphes) et Ferdinand de Lesseps
(percement du canal de Suez), prolongée
par le Mandat français sur le levant
(Syrie Liban), vivifiée par une présence
culturelle active avec l’Institut
Français du Proche Orient, héritier de
l’Institut d’Archéologie de Damas, les
fouilles françaises en Syrie, et le
Cermoc à Beyrouth. Au point que la
France est créditée d’une expertise
reconnue au Liban et en Syrie, les deux
points d’ancrage traditionnel de son
influence dans la zone.
La Syrie regorgent de sites
archéologiques vestige d‘une grande
civilisation Palmyre, le Krak des
Chevaliers, le souk des Omeyyades, celui
d’Alep…souvent mis en valeur par des
Français. C’est en Syrie (à Deir Ez Zor)
qu’a été édifié le mémorial du génocide
arménien. C’est Damas qui abrite la
Mosquée des Omeyyades et le siège des
patriarcats des Eglises d‘Orient, à
l’exclusion de l’Eglise maronite,
située, elle, au Liban. C’est la Syrie
enfin qui a donné l’exemple du combat
nationaliste avec la mémorable posture
de Youssef Al Azmeh, ministre de la
défense, tué les armes à la main, face
aux envahisseurs français, dans la
bataille de Maysalloun, acte fondateur
du nationalisme syrien contemporain.
Or, paradoxalement, c’est avec la
caution silencieuse de la France que le
souk d’Alep a été incendié. Des actes de
vandalisme opérés dans les lieux de
culte, des conversions forcées au
wahhabisme à l’encontre des Musulmans
(conversion forcée de 18 villages
druzes); l’appareil productif syrien,
notamment de la région d‘Alep, démantelé
par les djihadistes et transféré en
Turquie en guise de compensation à
l’hospitalité turque pour le droit de
passage des djihadistes. Et surtout
Maaloula, bourgade chrétienne de la
banlieue de Damas, dont les habitants
parlent la langue araméenne, -la langue
du Christ- où 17 religieuses ont été
prises en otage.
Alors que partout dans le monde la
préservation du patrimoine constitue une
préoccupation, la sphère arabo
musulmane, du fait d’une interprétation
rigoriste des textes religieux,
s’applique à détruire les vestiges des
civilisations…. dans le silence complice
des pays occidentaux, indifférents aux
dégâts de leurs propres dérives. Il en
est ainsi de l’opposition syrienne
off-shore dont l’existence même
constitue un contresens historique, qui
traduit un déni de la réalité: un pur
mercenariat.
Toute opposition n’est pas légitime dès
lors que cette opposition est le fait
d’un mercenariat commandité par des
puissances régionales et extra
régionales en vue de faire office de
contre révolution, et de contrefeux à
leurs propres turpitudes. Et le devoir
d’un bi national est de servir de
passerelle, non de supplétif, l’arabe de
service en somme de son ancienne
puissance coloniale. Malsain de
justifier les dérives terroristes du
combat au prétexte de combattre une
minorité (les Alaouites en Syrie), tout
en justifiant ces mêmes dérives d‘un
pouvoir minoritaire sunnite combattant
la majorité chiite au Bahreïn.
Cent ans après Sykes-Picot qui aménagea
le partage du Moyen–Orient en zone
d’influence des deux grandes puissances
coloniales de l’époque, le Royaume Uni
et la France, les ordonnateurs de ce
démembrement ont cédé le pas à de
nouveaux venus de la scène
internationale et régionale (Etats Unis,
Russie, Chine, Iran, Israël, Turquie,
Arabie saoudite), perdant la maitrise
absolu du jeu. Si le Royaume Uni a
réussi à préserver ses positions,
particulièrement dans le golfe pétro
monarchique anglophone, la France, elle,
est réduite à sa portion congrue.
Cent ans après Sykes-Picot, que
reste-t-il du Mandat Français au Levant?
Une Syrie désarticulée du fait franco
turc, un Liban gangréné par le
confessionnalisme, du fait français… la
Rue Gouraud, dans la réduit chrétien de
Gemayzeh dans le périmètre d’Achrafieh,
(Est de Beyrouth), dernier résidu d’une
présence antique, soutenue par deux
béquilles, le clan Hariri au Liban et
l’attelage des binationaux de
l’opposition off-shore, pour la Syrie,
ainsi que les déchets du régime baasiste
rejetés vers Paris:
Les deux anciens vice–présidents de la
République syrienne, Rifa’at Al Assad,
propre oncle du président syrien et
bourreau de Hama, en 1982, et Abdel
Halim Khaddam, la caution baasiste de
l’affairisme syro libanais du temps de
la mandature de l’ancien premier
ministre libano-saoudien Rafic Hariri à
Beyrouth, ainsi que Moustapha Tlass,
ancien ministre de la défense et son
fils Manaf, ancien chef de la garde
présidentielle de son ancien camarade de
jeu, Bachar Al-Assad.
Le ravalement cosmétique du patrimoine
immobilier d’un pays, à l’instar de la
chirurgie esthétique d’une personne,
relève de l’artifice. L’écume des mers.
Tout comme les stratégies de
communication relèvent de l’enfumage.
Ils ne sauraient masquer la réalité.
Nombre d’hommes et de «Grands hommes» se
sont dissipés dans la poussière de
l’Histoire. La pierre pas. La pierre
authentique. La pierre ne ment pas.
Plutôt que de réclamer la vérité sur la
Syrie, il importe que la France emprunte
un langage de vérité pour se pénétrer de
sa vérité vraie et non de sa vérité
sublimée. Comme en Indochine, en Algérie
(Sétif), au Sénégal (Thiaroye), au
Cameroun, à Madagascar, à Alexandrette,
à Suez ou ailleurs.
«La France n’aime pas qu’on lui présente
la facture de son histoire. Elle préfère
se présenter comme l’oie blanche
innocente qu’elle n’a jamais été. Ce
n’est pas ainsi que perdure une grande
nation, mais en respectant ses valeurs.
Le dire, c’est servir son pays. Le nier
c’est l’offenser», Noel Mamère dixit.
Plutôt que de se préoccuper de savoir si
tel continent est entré ou non dans
l’histoire, il parait plus
impérativement judicieux de savoir si la
France n’est pas en train de sortir de
l’histoire.
L’archéologie ne pardonnera pas la
destruction programmée des vestiges de
la Syrie, par les hordes barbares, sous
parrainage occidental, particulièrement
français. Le fait de réduire à l’état de
pierre son environnement immédiat relève
d’une politique d’empoussièrement de
courte vue. Il est à craindre que les
vents contraires ne repoussent vers
l’ordonnateur de ce saccage la poussière
toxique de ce désastre.
Le compte à rebours a commencé pour la
France, « à l’insu de son plein gré ».
La sortie de scène d’un des témoins
majeurs de cette séquence, le cornac
français de l’opposition off-shore, Éric
Chevallier, est déjà programmée (3), à
l’instar de celle de Robert Ford et de
Bandar Ben Sultan, ses compères
américain et saoudien….
Trois ans après le déclenchement de la
guerre de Syrie, Basma a perdu le
sourire et Bourhane n’a jamais constitué
une preuve dirimante et irréfragable.
L’Histoire ne pardonne pas à ceux qui
l’insultent. L’Histoire est impitoyable
avec les perdants.
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