Opinion
2014 :
Faisons le vœu que surgisse un Mandela
arabe
René Naba
Sayyed
Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah
libanais, en entretien avec Djamila
Bouhired,
le 8 décembre 2013, en son fief dans la
banlieue sud de Beyrouth
Jeudi 2 janvier 2014
I- Nasrallah-Bouhired,
un dynamitage des codes religieux et
vestimentaires du wahhabisme régressif.
Pur hasard ou acte
délibéré? La rencontre entre Sayyed
Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah
libanais, dans son fief de Beyrouth,
avec Djamila Bouhired, le 8 décembre
2013, coïncidant curieusement avec
l’entretien israélo saoudien de Monaco,
a constitué, dans l’ordre subliminal, un
dynamitage des codes religieux et
vestimentaires régressifs de la dynastie
saoudienne.
L’hommage du vainqueur d’Israël à
l’icône de la guerre de libération
nationale algérienne a été perçu, dans
l’ordre symbolique, comme un bel exemple
du dépassement des clivages
ethnico-religieux au sein du Monde arabe
et de la solidarité combattante entre
les deux versants du Monde arabe, en ce
que la photo de Beyrouth mettait en
œuvre un dignitaire religieux et une
dame non voilée, un homme chiite et une
dame sunnite, sans la présence de son
tuteur. La réplique du Monde arabe
militant à l’obscurantisme wahhabite.
Un électrochoc à
destination d’un Monde arabe en état de
désorientation matérialisé par les
propos d’un des princes saoudiens les
plus en vue, Walid Ben Talal, actant
publiquement la connivence de fait entre
l’Arabie saoudite et Israël, qui
engloberait en outre «les Arabes et les
sunnites», dans leur combat contre la
branche rivale de l’Islam, l’Iran chiite
et ses alliés régionaux, la Syrie et le
Hezbollah libanais.
La manchette de Libération « Syrie, la
révolution trahie », en date du 19
décembre 2013, a retenti comme la fin de
la « stratégie du délire » de la France
et de ses intellectuels organiques. La
fin d’une illusion lyrique.
Préconiser dans ce
contexte la connivence avec Israël, mis
à l’index lors de l’hommage planétaire
en faveur de Nelson Mandela (2), qui
plus est avec la branche la plus
xénophobe du sionisme représentée par le
tandem Benyamin Netanyahu et Avigdor
Libermann, le terme ultime du processus
de glaciation idéologique du sionisme
fondateur d’Israël, ne parait pas devoir
constituer la proposition la plus animée
de pertinence.
Israël? Le
partenaire absolu de l’apartheid
sud-africain, matérialisé sous des
prétextes tarifaires par la mise à
l’index de Benyamin Netanyahu des
obsèques de Nelson Mandela, le
partenaire des Palestiniens et icône
planétaire des peuples en lutte pour
leur indépendance.
Pourquoi n’a-t-elle
pas, l’Arabie saoudite, sollicité les
bons offices de l’Afrique du sud, l’ami
de l’Iran doté de l’expertise nucléaire,
agrée par tous les états arabes qu’aucun
contentieux de surcroît n’oppose au
géant sud-africain, pour régler son
contentieux avec l’Iran, plutôt que de
se lancer dans une suicidaire
destruction guerre transrégionale dont
les Arabes seront les grands perdants?
II- Des pièges de
l’ingérence humanitaire
Au-delà de la
confusion mentale arabe, si bénéfique à
ses ennemis, si préjudiciable à sa
promotion, il importe de pointer le
discours disjonctif occidental si
corrosif pour une prise de conscience
nationale. Il en est ainsi de la notion
d’ingérence humanitaire, moteur des
expéditions punitives postcoloniales. Un
principe qui sert en fait d’alibi à des
équipées impériales. Un leurre que
recèle l’ambiguïté du terme du fait que
les grandes puissances sont souvent
perçues comme des pyromanes et non comme
des pompiers, en fait des pompiers
pyromanes.
Au terme d’un
demi-siècle d’intervention humanitaire,
force est de constater que l’ingérence a
toujours été une action dirigée depuis
le Nord vers les Pays du sud, tant il
paraît peu vraisemblable que les états
puissants soient la cible d’une action
d’ingérence. L’ingérence humanitaire,
sur le plan international, se substitue
d’ailleurs souvent à la défaillance
interne, dont elle constitue un cache
misère. Les Restos du Cœur, les
Compagnons d’Emmaüs, l’Armée du salut,
«une Chorba pour tous», pour ne parler
que de la France, constituent, ce que le
philosophe Vladimir Jankélévitch
qualifie de «bonne conscience chronique
de la mauvaise conscience», alors que la
«Patrie des Droits de l’Homme» traverse
la plus grave crise sociale et humaine
de l’après-guerre sur fond d‘un racisme
rance et d’une xénophobie virulente.
En cinq ans La
France compte à son actif cinq
interventions militaires sous couvert de
l’humanitaire: Côte d’Ivoire (2011),
Mali et République Centre Afrique (2013)
pour la protection des réserves des
minerais du pré-carré français; Libye et
en Syrie (2012) pour détourner le court
de la révolution arabe du Golfe pétro
monarchique et enfouir sous les bombes
la connivence ancienne de la France avec
Mouammar Kadhafi d’une part et Bachar Al
Assad d’autre part. Au total 40
interventions militaires françaises ont
été recensées en 53 ans d’indépendance
africaine, soit en moyenne une opération
tous les 18 mois. L’activisme français
dans ses anciennes colonies est
infiniment plus fébrile que celui du
Royaume Uni dans ses anciennes
possessions d‘outre-mer et se traduit
par un nombre record d’otages au sein du
Monde occidental du fait d’une politique
sinon belliciste à tout le moins
interventionniste.
Une décennie
calamiteuse s’achève marquée par la
destruction des deux anciennes capitales
de la conquête arabe, Bagdad, capitale
de l’ancien empire abbasside, en 2003,
Damas, en 2013, ancienne capitale de
l’empire Omeyyade, en 2013. Du fait de
l’alliance de la dynastie wahhabite avec
le bloc atlantiste. Sans le moindre
profit, ni pour les Arabes, ni pour les
Musulmans.
Il appartient aux Arabes, et non à
l’Otan, de livrer leur propre bataille
pour la Liberté et l’égalité. Pour la
dignité et le pluralisme. Aux Arabes de
s’opposer à toute dictature,
républicaine qu’elle soit ou
monarchique. De rompre avec la logique
de vassalité. De répudier la mentalité
de supplétif. De garder présent à
l’esprit le piège de Kaboul, le plus
grand détournement de combat de la
Palestine vers l’Afghanistan.
Faisons le vœu que
surgisse un Mandela arabe pour bannir
l’esprit de revanche et la soif de
revanche de nos mœurs politiques,
par un dépassement des clivages qui
tétanisent le Monde arabe par une
sublimation de ses différences.
Rigueur intellectuelle et exigence
morale, civisme et sens de la
responsabilité, tels sont les autres
vœux que ce site formule à l’ensemble
des Arabes, au-delà de leur clivage, à
leurs amis et alliés, afin
qu’individuellement et collectivement,
ils se prennent en charge par eux-mêmes.
De cesser d’être la risée du Monde pour
en forcer le respect, au terme d’un
printemps arabe erratique, alors qu’une
Conférence internationale de paix
s’apprête à se tenir à Genève, le 20
janvier 2012, en vue de jeter les bases
d’un règlement en Syrie.
En un mot de
prendre en main leur propre destin, de
veiller à ce que la Palestine ne soit la
grande oubliée du «printemps arabe».
Sauf à connaitre le sort funeste de
Boabdil, dernier Roi de Grenade,
capitulant, le 2 janvier 1492, devant
les armées d’Isabelle La Catholique et
de subir la terrible apostrophe de sa
mère. Sur le chemin de l’exil, au
lieu-dit « le dernier soupir du Maure »,
comme il se retournait vers la capitale
de son royaume perdu en pleurant, sa
mère lança alors à Boabdil: «pleure,
pleure comme une femme ce Royaume que tu
n’as su défendre, ni en tant que Roi, ni
en tant qu’homme ».
Bonne année studieuse et réparatrice.
Meilleurs vœux pour 2014. Merci de votre
confiance et de votre fidélité.
Notes
A – Pour la
démystification de l’excuse tarifaire de
l’absence de Benyamin Netanyahu aux
obsèques de Nelson Mandela, ci-joint un
lien qui explique la crise latente entre
Tel-Aviv et Pretoria: Lieberman appelle
les Juifs sud-africains à s’installer en
Israël
http://www.i24news.tv/fr/actu/israel/diplomatie-defense/131103-lieberman-appelle-les-juifs-sud-africains-a-s-installer-en-israel
Le ministre israélien des Affaires
étrangères estime que les pogroms
antijuifs en Afrique du Sud ne sont
qu’une question de temps. Avigdor
Lieberman, a lancé le 25 octobre 2013
sur sa page Facebook un appel aux Juifs
d’Afrique du sud leur demandant de
quitter ce pays pour s’installer en
Israël. L’Afrique du Sud a critiqué les
constructions israéliennes dans les
Territoires occupés palestiniens, en
marge du lancement d’une campagne pour
la libération en faveur de Marwane
Barghouti., lancée en octobre 2013
depuis Robben Island, le lieu de
détention de Nelson Mandela.
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