Vu du Droit
Pandémie et justice administrative : la
base se rebiffe
Régis de Castelnau

Dimanche 29 mars 2020
Nous avons vu que
jusqu’à présent le Conseil d’État avait
rejeté les différentes requêtes en
référé libertés qui lui ont été
soumises. Chacune d’entre elles
sollicitait que la haute juridiction
enjoigne au gouvernement de prendre un
certain nombre de mesures destinées à
combattre l’épidémie de Covid19. Nous avons publié
dans ces colonnes l’une d’entre elle en
invitant les citoyens intéressés à la
reproduire et à en saisir le Conseil
d’État. Elles devraient être examinées
dans les prochains jours. Chose
inhabituelle, le Conseil a désigné un «
rapporteur » probablement dans le but de
s’informer auprès du gouvernement de
l’exactitude et de la réalité des
décisions prises par celui-ci.
Le tribunal
administratif de Guadeloupe vient de
rendre une ordonnance en matière de
référé liberté, où il a pris la position
inverse de celle adoptée jusqu’à présent
par le Conseil d’État. En effet le
tribunal a donné injonctions au CHU et à
l’ARS de la Guadeloupe : « de passer
commande des doses nécessaires au
traitement de l’épidémie de Covid19 par
l’hydroxychloroquine et l’Azithromicine
comme défini par l’IHU Méditerranée
infection et de tests de dépistage du
Covid19, le tout en nombre suffisant
pour couvrir les besoins présents et à
venir de la population de l’archipel
guadeloupéen et dans le cadre défini par
le décret n°2020-314 du 25 mars 2020.
»
La procédure a été
intentée par le syndicat Union Général
des Travailleurs de Guadeloupe (UGTG)
compte tenu des conditions
particulièrement dramatiques que connaît
ce département d’outre-mer.
Nous publierons
demain un commentaire complet de cette
décision jurisprudentielle mais on peut
faire d’ores et déjà deux observations :
•
le tribunal administratif se place dans
le contexte juridique instauré par le
gouvernement (dont l’appréciation relève
du conseil d’État) mais en utilisant la
notion de « principe de précaution
» il enjoint les autorités locales
de santé de prendre les mesures afin de
préserver autant que faire se peut la
santé des habitants du département.
C’est-à-dire que constatant l’abstention
de ces autorités sanitaires à prendre
des mesures nécessitées par la
situation, il leur a ordonné de le
faire. La décision étant immédiatement
exécutoire.
•
Quant à l’application du « principe de
précaution » à l’espèce, le tribunal a
procédé à une utilisation « positive »
de celui-ci. De façon très schématique,
principe de précaution s’applique plutôt
à des situations où il convient de
s’abstenir de prendre des mesures qui
seraient de nature à présenter des
risques par la suite. Concernant en
particulier le traitement préconisé par
le professeur Raoult, la juridiction a
procédé à une évaluation des risques. En
effet concernant les effets de ce
médicament, trois conséquences sont
possibles. Tout d’abord soit le
médicament est efficace et auquel cas le
bénéfice est évident. Soit il n’est pas
efficace et auquel cas vu son très
faible coût cela n’aurait pas
d’importance. Soit il peut mettre en
danger les patients, auquel cas il
appartient au corps médical qui connaît
parfaitement et depuis longtemps les
contre-indications de ces médicaments de
ne pas l’utiliser. Puisqu’il paraît que
nous sommes « en guerre » on se
permettra une comparaison militaire
rapide. Les légions romaines en campagne
construisaient tous les soirs un fort
chargé de protéger leur bivouac contre
les attaques nocturnes.
Ces enceintes
fortifiées n’ont servi qu’une fois sur
mille…Mais la sécurité était à ce prix.






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