Vu du Droit
Violences de rue : quand le réel
s’impose
Régis de Castelnau

Jeudi 27 août 2020
L’affaire « Augustin » du prénom
de ce jeune garçon frappé pour avoir
voulu défendre des jeunes filles
harcelées a provoqué un débat furieux, à
l’occasion duquel les belles âmes ont
joué leur rôle habituel, sans mesurer la
nouveauté de la situation due à
l’irruption d’une violence incontrôlable
dans les centres-villes jusqu’alors à
peu près épargnés et dans tous les lieux
estivaux ou les Français souhaitaient
pouvoir récupérer un peu du confinement.
Le problème, c’est que l’affaire
Augustin, dans sa banalité a été
révélatrice, d’abord d’une rage
exaspérée de l’opinion publique face à
la réalité de cette explosion violente
et à l’incapacité volontaire ou pas de
l’État de jouer son rôle de protection
de la population. Ensuite, la technique
qui consiste fort classiquement à
disqualifier le messager pour faire
sortir du réel ce qu’il raconte, a été
porté à un paroxysme tellement grotesque
qu’il ne peut plus marcher. On va quand
même rappeler que l’agression physique
dont a été victime le jeune homme,
aboutissant une fracture de la mâchoire
et probablement l’obligation d’une
opération des vertèbres cervicales, est
intervenue alors qu’il prenait la
défense de jeunes filles lourdement
harcelées par cinq individus bardés dans
leur arrogance et leur sentiment
d’impunité. La « bobo-sphère », d’abord
un peu sonnée est ensuite montée à
l’assaut en faisant état des opinions
politiques d’un gamin de 17 ans.
Paraît-il royaliste, ce qui permet
instantanément de le transformer en
pétainiste, antisémite, fasciste et pour
finir évidemment nazi. Ce qui avait pour
conséquence de prétendre que l’agression
et le harcèlement n’avait pas eu lieu.
Ou en tout cas, n’était qu’une vague «
incivilité » comme le raconte l’actuelle
novlangue.
Marlène Schiappa et Jacques Toubon
nous avaient pourtant expliqué que le
harcèlement de rue était quasiment un
crime contre l’humanité. Et dans
l’affaire Clément Méric les belles âmes
avaient acclamé un verdict de
condamnation d’Esteban Morillo à 11
ans de réclusion criminelle,
alors que celui-ci n’avait porté qu’un
seul coup à la malheureuse victime. Fort
heureusement, le jeune Augustin n’a pas
heurté un trottoir en tombant, il en
sera quitte pour une alimentation à la
paille pendant quelque temps, mais le
féminisme et la non-violence des belles
âmes se révèlent une fois de plus
drôlement à géométrie variable.
RT m’a posé quelques questions. Je
reproduis l’entretien ci-dessous
Régis de
Castelnau
RT :
Rebondissant sur la récente agression du
jeune Augustin, amplement commentée dans
la presse, l’avocat Régis de Castelnau
s’exprime auprès de RT France sur
l’«ensauvagement» du pays et le
«sentiment d’insécurité» des Français.
RT France : On assiste depuis plusieurs
semaines à une succession de cas de
violences plus ou moins relayés dans les
médias. L’agression d’Augustin est-elle
un énième fait divers ?
Régis de
Castelnau : Ce que le président de
la République, suivi ensuite par son
nouveau ministre de l’Intérieur, a
qualifié d’incivilités, est la
conséquence d’un phénomène particulier
qui s’est produit cet été dans notre
pays. On connaissait déjà et depuis
longtemps, les banlieues abandonnées,
territoires perdus de la république et
laissés à la gestion commune de la
pègre, de l’islamisme et du clientélisme
politique le plus cynique. La lecture de
la presse vous confronte à une litanie
de soi-disant fait divers qui présentent
tous les mêmes caractéristiques :
émeutes, vols avec violences, agressions
en bande, trafic de drogue à ciel
ouvert, harcèlements sexistes etc. etc.
La nouveauté, c’est que les
centres-villes, ainsi que les lieux de
loisirs estivaux, et ce dans toute la
France, ont eux aussi été abandonnés à
une délinquance de rue particulièrement
violente. Toute la panoplie de ce qui
pourrit la vie des couches populaires
déjà secouées par le confinement est au
rendez-vous. Et en général, on est
confronté à une absence d’intervention
policière digne de ce nom, et lorsque
les voyous sont interpellés, la justice
fait preuve d’une absence de réaction
tout à fait stupéfiante.
Rappelons-nous cette agression au
marteau contre un père de famille,
ou celle de ce maire demandant de faire
moins de bruit et dont les auteurs
pourtant identifiés et arrêtés
immédiatement été relâchés dans la
nature avant même que les victimes aient
été entendues. Cette présentation est
malheureusement conforme au réel, dans
la mesure où tout ceci ne se déroule
plus seulement dans les « quartiers »
mais dans les centres-villes de tout le
pays, pourtant jusqu’à présent à peu
près protégés. L’agression du jeune
Augustin n’est donc pas un fait divers,
mais relève d’un phénomène de masse sur
les causes et les conséquences duquel il
conviendrait de travailler sérieusement.
Alors il est probable que cette partie
délinquante de la jeunesse s’est
retrouvée complètement disponible compte
tenu de la disparition des occupations
estivales et de la possibilité des
voyages à l’étranger. Il y a également
une autre caractéristique que l’on
retrouve dans chacune des agressions,
c’est l’incroyable sentiment d’impunité
qui habite les voyous, et une arrogance
liée à ce qui s’est produit avec
l’affaire Traoré et l’importation en
France des débats américains après la
mort de Georges Floyd.
La complaisance initiale d’Emmanuel
Macron, demandant à sa ministre de
la Justice et à son ministre de
l’Intérieur de prendre le parti de la
famille Traoré, les interventions d’un
certain nombre d’intellectuels
indigénistes considérant ces violences
comme quasiment justifiées par le passé
esclavagiste et colonial de la France.
Ce qui s’est produit dans notre pays
pendant ces longues semaines est un fait
politique extrêmement important, qui a
élargi la question de l’insécurité en
lui donnant des caractéristiques
ethniques qu’il est difficile de nier.
Ces questions vont constituer un enjeu
considérable dans les débats politiques
qui s’amorcent dans la perspective de la
prochaine présidentielle.
RT France :
Comment interpréter l’absence de
réactions (du moins dans l’immédiat) des
membres du gouvernement dans cette
affaire ?
Régis de
Castelnau : Cette absence de
réaction est liée justement à
l’ambiguïté de celle d’Emmanuel Macron
au moment de la manifestation du comité
Adama Traoré au sortir du confinement.
La complaisance qu’il a manifestée
validant en quelque sorte
le récit pourtant mensonger faisant d’Adama
Traoré un martyr de la violence
systémique et raciste de la police
française. Il a quand même demandé, en
pleine procédure judiciaire et en
violation de la séparation des pouvoirs,
à la garde des Sceaux de recevoir la
famille plaignante ! Et ensuite,
Christophe Castaner, dont il est
difficile de penser qu’il agissait de sa
propre initiative, a déclaré
officiellement que la loi républicaine
était d’application à géométrie
variable, et que les interdictions de
manifestation pour cause de pandémie et
par nécessité de protection de la
population, n’étaient pas applicables
dès lors qu’il s’agissait de défiler
pour Traoré ! Il y a probablement
d’autres raisons à la discrétion des
membres du gouvernement, avec tout
d’abord la terreur qui les habite d’être
critiqués par les belles âmes et les
peoples. Les opinions d’Omar Sy ou de
Virginie Despentes ont beaucoup plus
d’importance que celles des couches
populaires confrontées à cette violence.
Ensuite, chez eux aussi, bien placés
pour savoir l’incroyable affaiblissement
de l’Etat dans ses fonctions
régaliennes, la peur que ces
interventions répressives voulues par
les Français provoquent un embrasement
qui deviendrait incontrôlable. Cela en
dit long sur la situation que 30 ans de
gabegie ont permis d’installer.
RT France : La
droite a largement réagi à cette
agression, en usant notamment du slogan
«Justice pour Augustin», tandis que la
gauche s’est faite plus discrète. Y
a-t-il un risque de récupération
politique de cette affaire ?
Régis de
Castelnau : La « récupération
politique » est chose normale et
souhaitable dans un régime démocratique.
Les opinions doivent pouvoir se
confronter, et les différents courants
doivent pouvoir s’exprimer. Le présenter
comme un risque est une manœuvre habile
visant à éviter d’en parler pour masquer
le réel ou à disqualifier l’événement
pour lui retirer ses caractéristiques
qui permettent de le rattacher justement
à cet « ensauvagement » dénoncé par le
nouveau ministre de l’Intérieur sous les
clameurs indignées de la police du
langage, toujours soucieuse de prendre
la pose et d’exhiber ce signe extérieur
de richesse qu’est son antiracisme.
Exprimé en général depuis ses quartiers
où elle voit furtivement les
travailleurs issus de l’immigration dès
lors qu’ils viennent ramasser ses
poubelles, faire la plonge dans ses
restaurants, tenir les caisses de leur
Carrefour City ou garder leurs enfants.
On se moque des opinions politiques du
jeune Augustin, la seule question qui
est posée : a-t-il été passé à tabac à
cinq contre un dans un de ces
centres-villes abandonnés à la violence
? Je renvoie à Christophe Guilluy
décrivant ce phénomène de façon
savoureuse. Alors, dans l’affaire
Augustin, avec un peu de retard à
l’allumage, la bobosphère a essayé de
déconstruire la réalité en pointant la
personnalité et les opinions politiques
du jeune homme. Et ensuite en relevant
que des commentateurs qualifiés «
d’extrême droite » s’étaient indignés de
l’agression. Méthode tout à fait
classique, et d’une malhonnêteté
confondante que l’utilisation de cet «
ami imaginaire » de la « fachosphère »,
sorte de doudou confortable sur lequel
ces braves gens se précipitent pour
pratiquer un de leurs sports favoris :
le déni du réel. En mettant pour cela en
avant opinions politiques du jeune
Augustin, alors que la seule question
posée est : a-t-il été passé à tabac à
cinq contre un dans un de ces
centres-villes abandonnés à la violence,
parce qu’il intervenait verbalement pour
s’opposer à un harcèlement de rue ? Tout
le reste n’est que du bavardage.
RT France :
Assiste-t-on à un « ensauvagement » de
la société française, comme l’estiment
certains politiques et observateurs ; ou
s’agit-il d’un effet de loupe dû à
l’accroissement de la circulation de
l’information?
Régis de
Castelnau : Il me semble que ce que
l’on appelle « ensauvagement » est la
forme particulière qu’a prise la
délinquance violente cet été dans un
espace public élargi et sur l’ensemble
du territoire. La violence délinquante
n’est pas nouvelle, et toutes les
sociétés en connaissent. La question de
son augmentation, surtout en ce qui
concerne la délinquance qui affecte la
vie des couches populaires, permet un
débat sans fin. Statistiques contre
ressenti, ce qui permet de prétendre que
cette violence diminue, et que
l’insécurité n’existe pas et qu’il
s’agit simplement d’un « sentiment
d’insécurité ». Le problème, c’est que
dans une démocratie, ce qui compte c’est
justement le « sentiment d’insécurité ».
Et que cette prétention à traiter les
gens comme des demeurés incapables de
prendre en compte la réalité des
chiffres est finalement d’une arrogance
sociale assez stupéfiante. Il y a
environ 243 000 cambriolages par an en
France [de résidences principales,
chiffre du ministère de l’Intérieur pour
2016], et les professeurs de maintien
vous diront à la publication d’une
statistique identifiant une diminution
de 10 % par exemple, que c’est bien la
preuve de la baisse de l’insécurité. Le
problème c’est qu’il va falloir
l’expliquer aux 218 000 familles
restantes qui ont été cambriolées. On
leur souhaite bon courage. Je ne pense
pas que l’on puisse prétendre à un effet
de loupe des réseaux, qui dans
l’information ne font que rééquilibrer
l’attitude des médias qui, parfois pour
des raisons honorables ont tendance à
masquer et à minorer Je ne pense pas que
l’on puisse prétendre à un effet de
loupe des réseaux, qui dans
l’information ne font que rééquilibrer
l’attitude des médias qui, parfois pour
des raisons honorables, ont tendance à
masquer et à minorer. Ce qui est
incontestable en revanche c’est que les
réseaux sont un espace de débat qui
reflète les tensions qui travaillent
durement la société française. Et il ne
faut pas s’imaginer, comme le faisaient
les promoteurs de la loi Avia, que c’est
en cassant le thermomètre qu’on fera
reculer la maladie. Ce qui compte sur
cette question, c’est bien justement «le
sentiment d’insécurité» qu’il n’est pas
possible de traiter en qualifiant
d’imbéciles ceux qui le ressentent. Et
c’est lui qui aura des conséquences
politiques.
Et compte tenu de
ce qui s’est passé cette année, ce sera
un sujet majeur.
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