Vu du Droit
Protection des libertés fondamentales :
les magistrats confinés ?
Régis de Castelnau

Samedi 25 avril 2020
Un petit coucou à
nos amis magistrats, et à leurs
organisations syndicales grands
pourvoyeurs de leçons de morale et de
proclamations la main sur le cœur que
comment ils ne sont pas trop défenseurs
de l’État de droit et des libertés
publiques.
On avait pu
malheureusement constater avec la
répression contre les gilets jaunes, la
protection de la bande à Macron, et la
couverture des violences policières,
accompagnées par silence obstiné des
organisations syndicales qu’il y avait
quelques ratés dans le moteur. Enfin
quand on dit quelques ratés, cela
commençait à ressembler plutôt à une
panne générale.
Alors comme on est
bon garçon, on va se permettre de
signaler aux camarades magistrats qu’ils
ont la possibilité de redorer un petit
peu leur blason terni. Et qu’il serait
bien qu’ils saisissent les occasions
lorsqu’elles se présentent.
« Macronavirus »
: retour du crime de lèse-majesté ?
Première occasion,
l’affaire de la banderole de Toulouse.
De simples particuliers utilisant leur
liberté fondamentale d’expression
avaient placardé une petite banderole
brocardant Macron avec la reprise d’un
terme d’une couverture
de Charlie hebdo du mois de janvier
que personne n’avait relevé. Ils ont eu
droit à un traitement particulier. Tout
d’abord les pandores se sont présentés à
leur domicile pour leur demander
d’enlever le calicot (!). Première
question, de quel droit ? Bon, la police
sur le terrain entretient parfois dans
le feu de l’action des rapports
élastiques avec le respect scrupuleux
des principes fondamentaux. Le problème
c’est que le lendemain matin,
nécessairement SUR ORDRE DU PROCUREUR
LOCAL, les mêmes forces de l’ordre sont
venues arrêter la personne qui avait
posé la banderole pour la mettre en
garde à vue ! Pour une infraction «
D’OFFENSE au chef de l’État » qui
n’existe plus depuis 2013 dans le droit
français, abrogée à la suite d’un
arrêt cuisant de la Cour Européenne des
Droits de l’Homme. Notre procureur le
sait parfaitement, alors pour mener sa
petite opération d’intimidation, il a
parlé d’une infraction D’OUTRAGE
évidemment inapplicable, puisque
l’outrage doit être effectué contre un
agent public, dans le cadre de
L’EXERCICE DE SES FONCTIONS. Ladite
banderole n’a pas été brandie sous le
nez d’Emmanuel Macron à l’occasion d’une
cérémonie officielle par exemple.
Détournement grossier manifestement dans
le but permettre avec cette violation de
la loi, une mise en garde à vue
complètement arbitraire. Et qui
constitue malheureusement pour son
auteur « un acte attentatoire à la
liberté individuelle » infraction
gravissime si elle est commise par un
fonctionnaire public, ce qu’est le
procureur concerné.
Citons l’article
432-4 du code pénal : « Le fait,
par une personne dépositaire de
l’autorité publique ou chargée d’une
mission de service public, agissant dans
l’exercice ou à l’occasion de l’exercice
de ses fonctions ou de sa mission,
d’ordonner ou d’accomplir arbitrairement
un acte attentatoire à la liberté
individuelle est puni de sept ans
d’emprisonnement et de 100 000 euros
d’amende. »
Nul doute qu’un de
ses collègues du parquet va
immédiatement demander l’ouverture d’une
information judiciaire, et la
désignation d’un juge d’instruction pour
assurer la poursuite des auteurs de ce
délit. Nous attendons d’une seconde à
l’autre les communiqués du Syndicat de
la Magistrature et de l’Union Syndicale
des Magistrats protestant contre cette
atteinte aux libertés. Et bien sûr la
chancellerie va saisir le Conseil
Supérieur de la Magistrature d’une
procédure disciplinaire concernant le
parquetier créatif.
Comment dites-vous
? Pas de chance, ils ont confinement.
Bon, eh bien ce sera pour une autre
fois.
Le confinement,
c’est où on veut quand on veut. Merci
Monsieur le directeur.
Tiens, comme on est
là pour rendre service, voilà une autre
occasion de faire respecter la loi.
Les textes
instaurant le confinement sont
incontestablement ce que l’on appelle
des règles particulières de sécurité
prévues par la loi et le règlement. On
retrouve cette notion dans plusieurs
articles du code pénal notamment en
matière d’homicides et blessures
involontaires mais surtout de mise en
danger délibéré de la vie d’autrui,
délit prévu et réprimé par
l’article 223-1 du code pénal : «
le fait d’exposer directement autrui à
un risque immédiat de mort ou de
blessure de nature à entraîner une
mutilation ou une infirmité permanente,
par la violation manifestement délibérée
d’une obligation particulière de
sécurité ou de prudence imposée par la
loi ou le règlement ». Donc,
l’infraction est constituée, même si
elle n’a pas eu de conséquences
dommageables sur la vie ou la santé des
personnes exposées.
Voilà que l’on
apprend que dans le Calvados, le
directeur départemental de la sécurité
publique a diffusé dans ses services une
note instructive : « il n’y a pas
lieu d’intervenir dans les quartiers à
forte concentration de population
suivant le ramadan, pour relever un
tapage, contrôler un regroupement de
personnes rassemblées après le coucher
du soleil pour s’alimenter ». Bigre,
donc pas d’égalité devant la loi, et les
contraintes de celle-ci sont à géométrie
variable suivant la religion pratiquée.
Voilà un haut fonctionnaire qui semble
être soucieux du renforcement du RN.
Mais
malheureusement, le problème est
beaucoup plus grave, puisque le
directeur demande aux services de police
de ne pas faire respecter le confinement
qui est pourtant UNE OBLIGATION
PARTICULIÈRE DE SÉCURITÉ. Et ce faisant,
il expose les citoyens au risque
possiblement mortel d’être infecté par
le Covid 19, puisque le confinement est
précisément destiné à les en protéger.
L’infraction est
évidemment constituée, et devrait donc,
compte tenu du de la gravité des faits,
faire l’objet de poursuites judiciaires.
Et que l’on ne vienne pas nous dire que
Castaner a rectifié le tir. On va
rappeler que la tentative de commettre
un délit est réprimé dans les mêmes
termes que la commission de l’infraction
elle-même. Or le recadrage du haut
fonctionnaire qui a mis fin à
l’infraction est le fait d’un tiers
extérieur sans lequel le délit se serait
poursuivi. En application des règles
classiques la tentative est consommée.
On va ajouter que
ce fonctionnaire fantaisiste mettait
également les forces de police dans une
situation impossible. L’ordre était
manifestement illégal et elles ne
pouvaient l’exécuter sans encourir elles
aussi l’incrimination. Or comment
imaginer qu’elles pouvaient
techniquement intervenir sans être
mandatées par leur autorité supérieure ?
On imagine bien que la fuite des
fantaisies illégales du DDSP provient de
leurs rangs.
À ce stade, bravo
l’artiste !
Nul doute là aussi
que le parquet du tribunal de Caen va
immédiatement ouvrir une enquête
préliminaire ou même demander
l’ouverture d’une information judiciaire
pour que les auteurs de cette infraction
soient poursuivis. Dura lex sed lex.
Quant au ministère de l’intérieur, il va
bien sûr relever le directeur
départemental de la sécurité publique,
cette dernière ne pouvant rester entre
les mains de quelqu’un qui ne l’assure
que sur la base de critères religieux.
Comment dites-vous
? Ce n’est pas possible, au parquet de
Caen, ils ont confinement ! Quant à
Castaner, il faut être sérieux…
Dommage, par
conséquent le respect de la loi ce sera
pour une autre fois.
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