Vu du Droit
Olivier Dussopt, Tewfik Derbal :
le Code
pénal confiné ?
Régis de Castelnau

Samedi 23 mai 2020 Olivier Dussopt
coche beaucoup de cases.
D’abord, c’est un
homme politique socialiste qui fut
d’abord à la fois député et maire
d’Annonay. À ce dernier titre il est
devenu président de l’Association des
Petites Villes de France (APVF). Grand
soutien de Manuel Valls, comme beaucoup
de socialistes à l’automne 2017 il
change de casquette pour un bol de soupe
et devient ministricule dans le
gouvernement Philippe.
C’est une sacrée
recrue, parce que voilà un homme
véritablement honnête et droit, un preux
militant de la probité et de la
transparence en politique. Et il ne
l’avait pas envoyé dire à François
Fillon lorsque celui-ci a été l’objet du
raid judiciaire que l’on sait. Et vlan,
dans les dents du mari de Pénélope.
Il faut entendre ces mâles propos et
les déguster comme
autant de gourmandises.
Parce que cet
ardent pourfendeur des méchants qui
osent prendre des libertés avec la
morale publique, vient de se faire
rattraper par une petite affaire assez
laide.
De quoi s’agit-il ?
Ce modèle
d’exigence dès lors qu’il s’agit des
autres, vient de se faire poisser, avec
les mains jusqu’aux coudes dans le pot
de confiture. On apprend qu’il a accepté
et gardé des cadeaux faits par un des
trois grands majors de l’eau français,
la SAUR ex-filiale de Bouygues. Cette
société intervient régulièrement sur
Annonay, la commune dont Dussopt était
encore récemment maire. Les contrats
passés par cette collectivité sont des
contrats publics. Leur
élaboration et leur signature obéissent
à des règles particulières pour
contrôler leur conformité avec l’intérêt
général, seule motivation possible du
choix d’un opérateur privé. Il s’agit
essentiellement des procédures prévues
au Code des marchés publics, et celles
de la passation des délégations de
service public ou des Partenariats
Publics Privés. Le choix de
l’intervenant privé ne peut se faire que
sur la base de critères définis à
l’avance et après bien sûr, des
procédures de mise en concurrence.
Et voilà donc que
l’on nous dit que notre chevalier blanc
s’est fait offrir personnellement par le
fournisseur de sa ville de deux
lithographies de Gérard Garouste
considéré comme
l’une des figures majeures de la
peinture française, et dont
Marianne estime la valeur à 2000 €.
Premier problème, il ne s’agit pas de
petits cadeaux commerciaux du genre de
caisses de vin ou de champagne ou de
boîtes de chocolat envoyé en mairie au
moment des fêtes de fin d’année, mais de
cadeaux personnels au maire. Celui-ci
parfaitement conscient du problème posé
a d’abord prétendu que l’auteur du
cadeau était un ami « habitant sa
circonscription ». Pour face au
démenti de celui-ci le qualifiant de «
client » battre piteusement en retraite
et annoncer « qu’il allait restituer
les cadeaux dans les plus brefs délais
»… La morale publique largement
revendiquée par l’intéressé en prend un
vieux coup.
Le deuxième
problème est qu’avec cette tartuferie,
il n’est pas impossible qu’avec la
morale, le code pénal aussi ait été
malmené parce que ce genre d’acrobaties
pourrait encourir l’application de
l’article 433-1 du code pénal
relatif à la corruption et au trafic
d’influence.
« Est puni de
dix ans d’emprisonnement et d’une amende
de 1 000 000 €, dont le montant peut
être porté au double du produit tiré de
l’infraction, le fait, par quiconque, de
proposer sans droit, à tout moment,
directement ou indirectement, des
offres, des promesses, des dons, des
présents ou des avantages quelconques à
une personne dépositaire de l’autorité
publique, chargée d’une mission de
service public ou investie d’un mandat
électif public, pour elle-même ou pour
autrui :
1° Soit pour
qu’elle accomplisse ou s’abstienne
d’accomplir, ou parce qu’elle a accompli
ou s’est abstenue d’accomplir, un acte
de sa fonction, de sa mission ou de son
mandat, ou facilité par sa fonction, sa
mission ou son mandat ;
2° Soit pour
qu’elle abuse, ou parce qu’elle a abusé,
de son influence réelle ou supposée en
vue de faire obtenir d’une autorité ou
d’une administration publique des
distinctions, des emplois, des marchés
ou toute autre décision favorable.
Est puni des
mêmes peines le fait de céder à une
personne dépositaire de l’autorité
publique, chargée d’une mission de
service public ou investie d’un mandat
électif public qui sollicite sans droit,
à tout moment, directement ou
indirectement, des offres, des
promesses, des dons, des présents ou des
avantages quelconques, pour elle-même ou
pour autrui, pour accomplir ou avoir
accompli, pour s’abstenir ou s’être
abstenue d’accomplir un acte mentionné
au 1° ou pour abuser ou avoir abusé de
son influence dans les conditions
mentionnées au 2°. »
Comprenons-nous
bien, il ne s’agit en aucun cas de
prétendre qu’Olivier Dussopt s’est
laissé corrompre par la SAUR
fournisseur de la commune qu’il
dirigeait et dont, loi sur
l’interdiction du cumul oblige, il a
laissé « la gestion » à l’une de ses
proches. Nous n’en savons rien pour
l’instant, mais cette information et sa
défense confuse et mensongère alimentent
le soupçon. Et si Olivier Dussopt, qui
avait par ailleurs omis, malgré
l’obligation, de déclarer ses cadeaux au
déontologue de l’Assemblée, a décidé de
se débarrasser prestement de ces
encombrantes lithographies, cela
n’arrange pas les choses. Et même si on
ne veut pas obligatoirement la mort du
pécheur, tout ceci commence à faire
désordre et délivre un fumet pénible.
Mais finalement le
scandale n’est pas là. D’abord comme
d’habitude il ne sera pas question de la
moindre démission dans cette république
verrouillée. Dans n’importe quel autre
pays européen, un ministre surpris dans
une telle situation se serait vu
immédiatement indiquer la porte. Ensuite
et comme d’habitude toujours on est
confronté au pesant silence de ceux dont
la mission est de veiller au respect de
la loi. Le PNF n’a pas bougé, le parquet
de Paris non plus, ceux de Nîmes ou de
Privas également concernés sont tout
aussi muets.
Silence obstiné des
mêmes institutions d’ailleurs, lorsque
l’on a appris,
qu’un ancien collaborateur macroniste de
Véran nouveau ministre de la santé,
puis attaché parlementaire d’un député
LREM, avait tenté de profiter de la
pénurie des masques pour faire commerce
de son influence auprès du ministre. La
méthode était simple, pendant que les
propositions de fabricants français
faites à l’État tombaient dans le vide,
le zigoto se faisait fort d’obtenir des
commandes de l’État pour une société,
qui lui aurait versé ensuite des
commissions ! Olivier Véran n’y est
probablement pour rien, mais il aurait
est quand même intéressant d’écouter ce
que cet entremetteur avait à dire et en
particulier qu’est-ce qui lui avait
permis de penser que le trafic
d’influence c’était open bar.
On va rappeler que
pour François Fillon sur lequel Dussopt
s’est gaiement essuyé les pieds,
l’article du Canard enchaîné le mettant
en cause était paru un mercredi matin,
et qu’en fin de matinée du même jour
commençait le grand rodéo.
Ah oui mais non, là
ce n’est pas pareil vous mélangez tout !
Le sommaire de Régis de Castelnau
Le dossier
Politique
Le dossier
Covid-19
Les dernières mises à jour

|