Vu du Droit
Après les aveux d’Éliane Houlette : le
bal des hypocrites
Régis de Castelnau

Lundi 22 juin 2020 Le spasme qui a
saisi le monde politique
après les déclarations de l’ancienne
patronne du PNF devant la commission
parlementaire d’enquête est finalement
très amusant.
Tout le monde
savait que le raid judiciaire contre
Fillon était une opération savamment
préparée, et exécutée avec zèle par des
magistrats parfaitement d’accord pour la
mettre en œuvre. Depuis trois ans, en
dehors de quelques aboiements,
dont ceux de votre serviteur,
quelques contritions discrètes (Davet et
Lhomme, Marc Endeweld), tout le monde a
fait semblant. Il n’est que de voir
l’absence de réaction dans la presse,
face aux réquisitions, surprenantes de
sévéritédu PNF à l’audience du
procès Fillon. Comme d’ailleurs à toute
l’attitude du parquet pendant son
déroulement, alors que sautait aux yeux
l’évidence du seul objectif, justifier
la violence procédurale du printemps
2017, pour parer à l’accusation
d’instrumentalisation de la justice à
des fins politiques. Dont on sait bien
sûr qu’elle est parfaitement fondée.
Alors livrons-nous
à un petit passage en revue des
différentes réactions.
Le réveil des LR
Les LR se
réveillent d’un long sommeil sur cette
question, alors qu’ils étaient
parfaitement au courant depuis le
premier jour de l’existence de
l’opération visant à disqualifier leur
candidat et à permettre l’élection de
Macron. Un mélange de lâcheté, d’envies
d’aller à la soupe et d’aversion pour
François Fillon, ont abouti à
l’instauration d’un pieux silence. Dont
ils sortent aujourd’hui, sentant Macron
affaibli et soucieux de redorer leur
blason comme ils l’ont fait en
s’opposant victorieusement quoique
tardivement à la loi scélérate Avia
(tant mieux, et merci à eux quand même).
Alors, bardés de fausse ingénuité, ils
font semblant de découvrir la lune avec
les déclarations d’Éliane Houlette, et
enfoncent vaillamment des portes
ouvertes.
Jean-Luc
Mélenchon a compris
Pendant la campagne
de l’élection présidentielle de 2017
Jean-Luc Mélenchon n’écoutait pas les
conseils de prudence dans le maniement
des informations données par la presse à
l’aide des fuites ciblées de l’enquête,
puis de l’instruction.
Ses partisans et lui n’hésitaient pas à
s’en servir à l’encontre de leur
concurrent LR. C’est aujourd’hui une
autre chanson, car entre-temps, le
patron de LFI a goûté à
l’instrumentalisation politique de la
justice en se faisant appliquer le même
genre de traitement. Et douloureusement
surpris, a trouvé cela passablement
désagréable, et donc changement de
discours et prise en compte du réel.
Le voilà qui nous dit : « Il y a
eu un effet de meute. Il est clair que
sa liquidation politique a servi
l’ascension de monsieur Macron. C’est de
la grossière manipulation ».
Carrément ?
Socialistes et
éditocrates, Joffrin porte-parole
Il est nécessaire
de faire un lot commun dans la
description du comportement des
socialistes et des journalistes soutiens
indéfectibles d’Emmanuel Macron. D’abord
parce que ce sont les mêmes et ensuite
parce que ce sont eux qui ont été à la
manœuvre. Les uns organisant et
soutenant la manipulation, les autres la
relayant dans un invraisemblable
bombardement médiatique. Ils auraient du
mal à prétendre que c’était pour
soutenir Benoît Hamont candidat officiel
du PS ! Non non, c’était bien Macron
qu’ils voulaient. Le problème, c’est que
les Français en ont fait l’expérience
depuis, et allez savoir pourquoi, ils
ont quand même l’impression d’une
superbe erreur de casting. Alors,
beaucoup rasent les murs,
mais pas Laurent Joffrin comme
d’habitude qui s’y colle dès qu’il
faut afficher son ignorance et déployer
sa mauvaise foi. Et comme d’habitude
toujours, on n’est pas déçu. Il défend
bec et ongles la fable et révèle en
creux sa conception de la démocratie. «
On parle «d’instrumentalisation», de
«forfaiture», de «cabinet noir» et on
regonfle le mythe d’une «élection volée»
qui aurait privé un Fillon blanc comme
neige de son ticket d’entrée à l’Elysée.
» Mais dites donc Monsieur Joffrin, vous
savez bien que ce n’est pas le principe
même d’une procédure à l’encontre de
François Fillon qui pose un problème,
mais la façon dont elle s’est
initialement déroulée. Dont vous ne
dites pas un mot. Le caractère
exceptionnellement fulgurant à ce
moment-là, à un rythme que je n’ai
JAMAIS VU en 48 ans de carrière, à
partir, non d’un réquisitoire, d’une
plainte, ou d’un signalement article 40
mais d’un article de journal
opportunément publié à quelques semaines
du scrutin, tout ça ne vous dérange en
rien ? La violation des règles de la loi
sur le secret de l’enquête, probablement
par des gens liés à celle-ci, pour que
des pièces de la procédure habilement
sélectionnées paraissent dans la presse
avant même qu’elles soient « côtées »
dans le dossier judiciaire, pour vous
tout va bien ? Aucun problème quand la
loi devient à géométrie variable, et que
des fonctionnaires violent leurs
obligations légales et par conséquent
leur serment sous votre nez. Ces
délinquants-là seraient donc « blancs
comme neige » ?
Et puis on voit en
creux l’argument, tant de fois entendu,
d’une culpabilité affirmée concernant
François Fillon qui aurait justifiée
qu’on l’écarte de la course à la
présidence dont il était le favori.
Jolie conception de la séparation des
pouvoirs que cette présentation des
choses qui trouve normal qu’en
déclenchant une procédure judiciaire
ultrarapide et en la mettant en scène
dans un grand tintamarre médiatique
illégalement organisé, ce soient les
procureurs qui désormais choisissent qui
peut se présenter à l’élection la plus
importante de la république. Dans une
démocratie normale, c’est le juge du
fond après un débat contradictoire
dans le respect des règles qui peut
décider d’infliger la peine
complémentaire d’inéligibilité. En
revanche, Laurent Joffrin ne voit aucun
inconvénient à ce que l’affaire Arif qui
jetait un drôle d’éclairage sur les
conditions financières de la campagne de
hollande en 2012, dorme paisiblement du
sommeil de l’injuste depuis plus de six
ans, celle de Ferrand depuis trois ans.
Benalla bien sûr, El Guerraj et toutes
les autres quand, d’enlisements en
classements sans suite, on épargne
soigneusement la macronie. Il n’a aucun
souci quand la procédure jumelle contre
le ministre socialiste de l’intérieur de
Hollande Bruno Le Roux à qui l’on
reprochait les mêmes faits qu’à Fillon,
est silencieusement encalminée depuis
plus de trois ans.
La défense de
Fillon et «
les magistrats en
campagne »
Un des avocats de
François Fillon, vient nous dire
aujourd’hui que pendant l’information
judiciaire, il avait eu l’impression
d’être devant,
non un magistrat instructeur, mais
devant un militant. On veut bien le
croire, mais on va peut-être quand même
s’interroger sur cette prise de
conscience tardive. Car en effet,
c’était le même magistrat qui avait
instruit la procédure diligentée à
l’encontre de Nicolas Sarkozy pour le
règlement par l’UMP en 2012 de l’amende
fixée par le Conseil constitutionnel
pour le dépassement des comptes de
campagne. À ce moment-là l’instruction
complètement à charge et les mises en
examen multiples du « magistrat militant
» n’avaient pas beaucoup gêné François
Fillon alors à la tête de l’UMP, qui
avait été les solliciter de Jean-Pierre
Jouyet alors secrétaire général de
l’Élysée sous François Hollande. Dites
Monsieur Fillon, un « magistrat en
campagne », un coup c’est bien, un
coup c’est mal, c’est ça ?
Macron veut
qu’on vérifie…
Emmanuel Macron
quant à lui fait très fort. Il a annoncé
à grand son de trompe
qu’il avait saisi le Conseil Supérieur
de la Magistrature pour vérifier «
l’indépendance de l’enquête ». On
a bien entendu, Emmanuel Macron ne parle
pas « d’impartialité » mais «
d’indépendance ». Pardi, la
procédure a bien été « indépendante
» parce qu’il n’y avait nul besoin de
pressions sur Éliane Houlette pour
qu’elle lance soigneusement le premier
étage judiciaire du missile anti-Fillon.
Le juge d’instruction Serge Tournaire du
pôle financier allumera le second, et ce
sera suffisant pour sortir Fillon de la
course et ouvrir un boulevard à Macron.
Et nul besoin non plus, d’ordres de la
chancellerie ou de l’Élysée pour que
Catherine Champrenault apporte tous ses
soins à l’opération. La duplicité de
cette annonce présidentielle fait
sourire. C’est comme si après
l’assassinat de Jules César aux ides de
mars 44 avant J.-C., Brutus avait
demandé au Sénat romain de « vérifier
» son innocence dans le complot et
le meurtre de son père adoptif.
Des magistrats
un peu gênés
Il y a enfin des
magistrats, dont beaucoup sont bien
embêtés, qui rappellent les grands
principes, se réfugient dans le déni, ou
bien essayent une fois de plus de faire
avancer la mauvaise cause de
l’indépendance du parquet. Et puis, ceux
qui accusent les copains histoire de se
défausser de leur responsabilité dans la
manipulation du printemps 2017. Dont, on
ne sait jamais, il faudra peut-être un
jour rendre des comptes.
Et c’est dans ce
contexte que cette séquence se produit,
lancée par ce qui ressemble aussi à un
règlement de compte entre deux
magistrates engagées et semble-t-il en
rivalité. On rappellera quand même par
méchanceté pure, qu’elles ont été toutes
deux choisies et nommées par François
Hollande. Les méchantes langues
gratifient même Catherine Champrenault
d’une grande proximité avec François
Hollande et Ségolène Royal.
L’instrumentalisation politique de la
justice pour disqualifier le favori de
l’élection présidentielle de 2017 est
une évidence depuis trois ans.
L’épisode
consécutif aux déclarations de Madame
Houlette ne fait que confirmer ce que
l’on savait déjà. Mais dévoile la nature
du consensus qui avait tenu à jeter un
voile pudique sur la manipulation
antidémocratique qui avait permis à
Emmanuel Macron d’arriver au pouvoir.
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