Vu du Droit
Covid19, l’État Macron criminel, suite
Régis de Castelnau

Vendredi 20 mars 2020
Le site Atlantico m’a demandé de
développer un peu les éléments que
j’avais présentés brièvement dans mon
article précédent à la suite des aveux
lamentables d’Agnès Buzyn.
Je reproduis ici
mon interview que l’on peut également
retrouver directement sur le site d’Atlantico.
Je profite de
l’occasion pour inviter à la lecture
de l’article de Michel Onfray qui
transforme Agnès Buzyn en petit bois.
Elle ne méritait pas autre chose
peut-être même pire.
Atlantico.fr
: Agnès Buzyn a confié dans un article
du Monde, publié ce mardi, qu’elle avait
pris conscience de la gravité de la
crise sanitaire qui se profilait dès le
mois de janvier dernier. Se faisant,
elle dit avoir averti Emmanuel Macron,
Edouard Philippe et Jérôme Salon, le
directeur général de la Santé. Dès lors,
et parce que le gouvernement a
grandement tardé à réagir, comment
peut-on qualifier, en termes juridiques,
la faute qui a été commise ?
Régis de
Castelnau : C’est une question
fondamentale que pose l’intervention
d’Agnès Buzyn dans les colonnes du
Monde, intervention en forme d’aveu, de
tentative de justification, et de souci
de se défausser. On va quand même
rappeler que Madame Buzyn était ministre
de la Santé et qu’elle a abandonné son
poste pour mener une campagne électorale
dérisoire alors même qu’elle reconnaît
que lorsqu’elle est partie, elle avait
une claire connaissance de la
catastrophe qui arrivait. Le fait
qu’elle le reconnaisse à ce moment en
impliquant les plus hautes autorités de
l’État est également une mauvaise
action. Depuis le début de l’aventure
Macron, nous avons vu une parole
publique déjà bien malade se
disqualifier de plus en plus. Ce coup de
pied de l’âne donné au président de la
république, au premier ministre et au
directeur général de la santé au moment
où justement ils ont en charge
l’organisation du combat contre le virus
est une nouvelle mauvaise action Madame
Buzyn. Qu’elle se débrouille avec son
honneur terni, nos réserves de
compassion vont vers tout ceux qui sont
frappés et en particulier ceux qui sont
les victimes de ses carences et de son
incompétence.
Cela étant, les
aveux de l’ancienne ministre de la Santé
posent immédiatement un problème
juridique et judiciaire. Dans un pays où
normalement les pouvoirs sont séparés,
l’appréciation de la responsabilité
l’exécutif dans sa conduite de la
politique de la nation relève du
Parlement. Si la représentation
nationale considère qu’il est défaillant
il peut le renverser. Mais, le problème
se pose sur cette question de la
pandémie également en termes de contrôle
juridique et judiciaire de ses actes.
Il y a deux
précédents bien connus que sont
l’affaire de l’amiante et l’affaire du
sang contaminé. Ou parallèlement à la
critique politique qui avait pu être
faite du comportement des autorités
publiques, se sont déroulées des
procédures judiciaires mettant en cause
les décideurs.
Les faits
qu’invoque Agnès Buzyn dans ses
déclarations, s’ils sont établis
encourent l’application des articles
221–6 et 121–3 du Code pénal relatif aux
homicides et coups et blessures
involontaires. Le problème se pose dans
les termes suivants : lorsqu’est commise
une faute entraînant un dommage
corporel, en droit français, s’applique
la théorie juridique de « l’équivalence
des conditions ». Cela veut dire que
pourront être poursuivi non seulement
les auteurs DIRECTS de la faute à
l’origine du dommage, mais également
tous les auteurs INDIRECTS ayant commis
une faute de nature à avoir contribué ou
aggravé ce dommage. Cette théorie
appliquée d’abord par la jurisprudence
depuis le XIXe siècle a été ensuite
reprise directement dans la loi. Elle
s’oppose à celle qualifiée de «
causalité adéquate » où l’on ne
poursuivrait que les auteurs directs.
Dans l’affaire de
l’amiante, il est établi que la
dangerosité de ce produit était
scientifiquement acquise en 1976. Le
fait pour les pouvoirs publics de ne pas
avoir pris les mesures de protection
pour ceux qui étaient exposés
constituait une faute administrative
mais également une faute pénale. De la
même façon, lorsque l’on a su que les
transfusions sanguines pouvaient
provoquer la contagion du sida, le fait
de n’avoir pas réglementé cette
institution en imposant le chauffage
préalable du sang était une faute pénale
qui a été réprimée devant les
juridictions judiciaires pour les
fonctionnaires et la Cour de Justice de
la république pour les ministres.
Les déclarations
d’Agnès Buzyn donnent à penser que
l’exécutif n’a pas pris les mesures de
prévention qu’imposaient la connaissance
de la catastrophe qui venait. Ce faisant
ils ont aggravé les risques de
contracter le virus avec toutes les
conséquences.
Alors qu’il
semblerait que ni Emmanuel Macron, ni
Edouard Philippe, ni Jérôme Salomon
n’aient appliqué les « diligences
normales qu’exigeaient leurs
responsabilités », peut-on imaginer des
poursuites judiciaires à leur encontre ?
Celles-ci apparaissent-elles comme
absolument nécessaires et inévitables ?
L’appréciation de
la responsabilité des « auteurs
indirects » nécessite effectivement
d’apprécier l’existence de trois
conditions pour retenir leur
responsabilité :
• tout d’abord
cette notion de « diligences normales »
permet d’apprécier quels étaient les
pouvoirs et les compétences pour agir
des décideurs impliqués. S’agissant
d’Emmanuel Macron, d’Édouard Philippe,
de Jérôme Salomon, et ne l’oublions pas
de Madame Buzyn, ceux-ci avaient tous
les pouvoirs pour prendre les mesures
adéquates et les imposer. C’est même,
une de leurs missions essentielles que
de protéger la population.
• La deuxième
condition est de savoir si en
s’abstenant, comme le prétend l’ancienne
ministre de la santé, de prendre les
mesures exigées par des règles
particulières de sécurité ou de prudence
déjà prévues par la loi et le règlement.
Pour reprendre l’exemple du sang
contaminé, avoir continué à pratiquer
les transfusions sanguines alors même
qu’elles étaient interdites par les
textes sans chauffage préalable du sang,
constituait cette violation.
• Enfin, la
troisième condition est de savoir si les
décideurs, sans avoir violé des règles
particulières de sécurité ou de
prudence, mais ne prenant pas les
mesures qu’imposaient une situation
qu’ils connaissaient, ont exposé autrui
à un risque de mort ou de blessures
qu’ils ne pouvaient ignorer.
Même si ce n’est
bien sûr pas le moment, compte tenu des
déclarations d’Agnès Buzyn, et des
errements manifestes dans la gestion de
cette crise, il est impossible que la
justice ne soit pas saisie de cet
aspect. Rappelons simplement que la
responsabilité pénale des décideurs
publics que vous citez (et celle bien
d’autres évidemment) sera engagée si
l’absence des mesures qui leur
incombaient a aggravé la catastrophe.
Cela veut dire que tout ceux qui ont
perdu un proche dont la mort aurait pu
être évitée seront en droit de saisir la
justice pénale…
Imaginez quand on
apprendra que des présidents de bureaux
de vote et des assesseurs, qui ont
courageusement assuré la mission absurde
que leur confiait le gouvernement pour
les municipales, sont décédés des suites
du covid19…
Quelles
pourraient être les conséquences, outre
les conséquences strictement
judiciaires, d’un tel manquement ?
Alors bien
évidemment, il y aura le déshonneur
politique, mais l’on sait que l’on peut
s’en remettre. Sur le plan judiciaire
les peines pourront être lourdes, et ce
d’autant que la demande populaire sera
forte.
Il y a également un
autre problème. Au-delà de la
responsabilité personnelle pénale des
décideurs publics, il y a celle de
l’État. S’il est établi que celui-ci a
commis des fautes lourdes dans la
gestion de la crise il en devra
réparation auprès des victimes.
Nous n’en sommes
pas là, et je pense que le problème pour
l’instant relève plus de l’inconscience
d’une partie de la population. Je pense
en particulier aux habitants des
quartiers défavorisés, où beaucoup
d’entre eux considèrent qu’ils n’ont pas
à se soumettre aux ordres de l’autorité.
Mais je pense aussi à l’incroyable
cynisme inconscient des bourgeois grands
et petits des métropoles qui les ont
quittées pour disséminer le virus autour
de leur résidence de vacances. Sur cette
question aussi il serait souhaitable que
les autorités publiques interviennent.
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