Vu du Droit
Quand l’ex-patronne du PNF reconnaît
implicitement l’existence du raid
judiciaire anti-Fillon
Régis de Castelnau
Vendredi 17 juin 2020
Depuis la sortie du
confinement, notre pays vit des heures
assez extraordinaires. On ne va pas
dresser la liste de toutes les
péripéties qui témoignent d’un
affaissement sans précédent de l’État.
Histoire de gagner du temps, on ne
retiendra que : l’affaire Traoré où l’on
transforme un petit mafieux des
quartiers en héros sans tache, une Garde
des Sceaux qui viole gaiement la
séparation des pouvoirs à la demande du
chef de l’État, un ministre de
l’intérieur qui annonce que finalement,
la loi qu’il est chargé de faire
respecter est à géométrie variable, et
que certaines parties du peuple en sont
dispensées, et qui souhaite organiser
une cérémonie dans la cour de la
préfecture de Paris où les policiers se
mettraient à genoux (Didier Lallement
compris ?), une ville moyenne de
province transformée en champ de
bataille ethnique entre voyous
tchétchènes et marocains armés jusqu’aux
dents, qui se réconcilieront à la
mosquée, un président de la république
qui propose de l’argent à des présidents
de Régions pour qu’ils acceptent de
soutenir une manipulation concernant le
déroulement d’un scrutin républicain, un
refus de l’État au prétexte « du secret
des affaires » de communiquer des
informations sur sa gestion des masques
sanitaires qui a probablement provoqué
de très nombreux décès, et maintenant,
l’ancienne chef du Parquet National
Financier, qui qui fait des révélations
en forme d’aveu sur les conditions dans
lesquelles s’est déroulé le raid
judiciaire destiné à écarter le favori
de l’élection présidentielle de 2017 au
profit d’Emmanuel Macron. N’en jetez
plus… Alors quelques
remarques sur cette dernière information
quand même assez ébouriffante.
Un article du Point nous décrit les
états d’âme de Madame Éliane Houlette
qui avec une certaine ingénuité avoue
tout de go que le pouvoir politique est
intervenu directement et indirectement à
tous moment dans la procédure déclenchée
contre François Fillon au mois de
février 2017.
Citons le texte de
Marc Leplongeon : « Et l’ancienne
procureure de livrer son expérience
personnelle dans l’affaire Fillon. Si
Éliane Houlette a affirmé que la
pression des journalistes était
difficile à gérer – « Mais bon, ça, on
peut s’en dégager, moi je n’avais pas de
contacts avec eux et je ne lisais plus
les journaux » –, c’est surtout la «
pression du parquet général » qui l’a
marquée. Les demandes incessantes pour
qu’elle fasse remonter les informations
le plus vite possible sur les derniers
actes d’investigation, des demandes qui
lui étaient parfois adressées pour « les
actes de la veille », et qu’elle devait
synthétiser « avant 11 heures le
lendemain […] Les demandes de
précisions, de chronologie générale –
tout ça à deux ou trois jours
d’intervalle –, les demandes d’éléments
sur les auditions, les demandes de notes
des conseils des mis en cause… Les
rapports que j’ai adressés, je les ai
relus avant cette audition [devant la
commission de l’Assemblée nationale,
NDLR]. Il y a des rapports qui étaient
circonstanciés, qui faisaient dix pages,
précis, clairs, voilà », soutient la
magistrate. Qui ajoute : « On ne peut
que se poser des questions [sur ce qui
est fait de ces informations, NDLR].
C’est un contrôle très étroit… »
Autorisons nous
quelques quelques observations en
commençant par dire que Madame Houlette
fait preuve d’une joviale hypocrisie.
Elle a dirigé cette institution
d’exception depuis sa création ex nihilo
par le pouvoir socialiste après
l’affaire Cahuzac. Et au vu de son
activité, on peut dire aujourd’hui que
le PNF était d’abord là pour servir
contre les adversaires politique de
François Hollande puis d’Emmanuel
Macron. La magistrate commence par nous
dire qu’elle ne lit plus les journaux ce
qui est assez savoureux. Parce que
rappelons quand même que le Canard
enchaîné lançant l’affaire Fillon est
publié le matin du mercredi 25 janvier
2017 . Quelques heures plus tard, le
même jour, le PNF annonce l’ouverture «
d’une enquête préliminaire ». Ce
qui déclenche l’action publique, ce
n’est donc pas une plainte, ou un
signalement article 40 du code de
procédure pénale, c’est un article du
journal satirique… que la patronne du
parquet prétend ne pas lire. Et puis
soyons sérieux, qui peut croire que
Madame Houlette n’a pas pris
connaissance aussi des journaux
(alimentés par qui ?) publiant
tranquillement quelques jours plus tard
les actes de sa procédure. D’ailleurs,
François Fillon a déposé plainte pour
cette violation de la loi sur le secret
de l’enquête. S’autorisera-t-on à
demander à l’actuel procureur de Paris
où en est l’instruction de cette plainte
? Ceux qui prétendent que rien n’a bougé
ne sont que de bien mauvaises langues.
Les mêmes mauvaises langues toujours
venimeuses prétendent même qu’on sait
très bien d’où sont venus les fuites.
Des menteries, on vous dit.
C’est d’ailleurs
bien ce qui semble être le problème de
Madame le procureur. Il y a eu des
violations graves de la loi pénale pour
permettre d’alimenter la campagne visant
à disqualifier François Fillon, et c’est
sur le PNF que pèsent les plus lourds
soupçons. Mais on sent qu’aujourd’hui
avec la faiblesse politique et
l’illégitimité persistante d’Emmanuel
Macron la réponse à la question : « qui
l’a fait roi ? » pourrait redevenir
lancinante. On ne sait jamais comment
tout cela finira par tourner, alors
autant être prévoyant et tenter de se
débarrasser de ces soupçons en pointant
les collègues du parquet général dont on
laisse entendre que ce sont eux qui
auraient alimenté le pouvoir politique
de François Hollande. Lequel aurait
transmis directement ou indirectement à
la presse les infos utiles. Et notamment
aux célèbres Davet et Lhomme les Plics &
Plocs investigateurs du Monde et
confidents officiels du président de
l’époque qui les rencontrait assidûment.
Personne évidemment
ne peut, n’est ce pas, prêter foi à de
pareilles calomnies…
Éliane houlette
pose ensuite le problème de l’ouverture
de l’information judiciaire confiée à un
juge d’instruction du pôle financier,
Serge Tournaire spécialisé dans les
poursuites contre Nicolas Sarkozy.
Reprenons pour comprendre, la lecture de
l’article du Point :
« Éliane
Houlette évoque également une réunion
lors de laquelle on lui aurait demandé
d’ouvrir une information judiciaire
contre François Fillon, alors que les
investigations avaient jusque-là lieu
dans le cadre d’une enquête
préliminaire. Selon nos informations,
cette réunion s’est tenue le 15 février
2017 à Paris. « J’ai été convoquée au
parquet général – j’y suis allée avec
trois de mes collègues, d’ailleurs –
parce que le choix procédural que
j’avais adopté ne convenait pas. On
m’engageait [sic] à changer de voie
procédurale, c’est-à-dire à ouvrir une
information judiciaire. J’ai reçu une
dépêche du procureur général en ce sens
», a-t-elle dit devant la représentation
nationale. [….] Si Éliane Houlette
assure avoir d’abord résisté – « Ce sera
quand je l’aurai décidé et quand j’aurai
des éléments pour le faire » –, elle
avoue avoir finalement été elle-même
rapidement convaincue qu’il fallait
ouvrir une information judiciaire, ce
qu’elle fera le 24 février 2017 »
Que voilà une noble
attitude ! Traduction : je n’étais pas
d’accord pour ouvrir une information
judiciaire mais finalement je l’ai fait
quand même. Eh oui, en février 2017,
alors que François Fillon était encore
en tête dans les sondages, il était
nécessaire à moins de trois mois du
scrutin présidentiel de faire quelque
chose. Et François Fillon avait
stupidement annoncé que s’il était mis
en examen il ne se présenterait pas,
après avoir d’ailleurs asséné avant la
primaire en direction de son concurrent
Nicolas Sarkozy : « imagine-t-on le
général de Gaulle mis en examen ». Il
fallait saisir une perche aussi
aimablement tendue : « ouvrons une
information judiciaire, confions là à un
magistrat instructeur de confiance, et
le tour sera joué ! » Aussitôt dit
aussitôt fait, les mises en examen de
François Fillon et de sa famille ont été
prononcées en urgence. Beaucoup plus
rapidement en tout cas que dans
l’affaire Karachi qui vient de trouver
son épilogue judiciaire après 25 ans…
Comme l’avait dit dans un communiqué
commun, le Premier président de la Cour
de cassation et le Procureur général, en
matière de conduite des procédures,
c’est chacun son rythme…Celui de
l’affaire Fillon c’était du sprint !
Ainsi Madame
Houlette accuse le parquet général
d’avoir fait pression pour l’ouverture
de cette information, mais comme elle y
aurait cédé et que ce n’est pas très
glorieux elle habille ça en disant «
avoir été elle-même rapidement
convaincue qu’il fallait ouvrir une
information judiciaire ».
Le plus
extraordinaire c’est que l’ancienne
patronne du PNF dit à peu près le
contraire de ce qu’elle avait affirmé
dans une interview à Marianne lors
de son départ le 20 juin 2019, titrée :
« Je n’ai jamais subi aucune pression
». Ah bon ?
Ce revirement
poursuit semble-t-il deux objectifs. Le
premier, celui de faire avancer cette
revendication ancienne et irrecevable de
l’indépendance des parquets autorités de
poursuite. Un procureur se doit d’être
objectif dans le traitement de ces
dossiers, mais il défend une cause,
celle de l’accusation et avocat de la
République, doit être partial. Il est
donc normal qu’il soit hiérarchiquement
soumis à un pouvoir exécutif (encore
faut-il que celui-ci soit démocratique).
Un parquet indépendant, c’est la porte
ouverte à l’arbitraire. Au contraire le
juge du siège, celui qui juge, doit être
indépendant, pour être impartial. À ce
stade, le retour de ce mantra n’est pas
très intéressant.
Ce qui l’est
beaucoup plus c’est cette tentative de
parer aux accusations qui pèsent
lourdement depuis le printemps 2017 sur
ce qui a été un raid judiciaire mené
dans l’urgence pour disqualifier le
favori de la présidentielle et amener
Emmanuel Macron au deuxième tour, sûr de
sa victoire contre Marine Le Pen.
Pour l’avoir dit, et je pense démontré
très tôt j’ai eu ma part
d’accusations de complotisme.
Aujourd’hui, les déclarations d’Éliane
Houlette apparaissent bigrement comme
une tentative pour éviter les
accusations d’avoir joué un rôle actif
dans l’opération. Le fonctionnement
global du PNF sous sa direction, dont le
pouvoir socialiste et Emmanuel Macron
n’ont vraiment pas eu à se plaindre peut
quand même laisser très dubitatif. Mais
ces déclarations ont aussi une autre
conséquence c’est de constituer en creux
un drôle d’aveu de la manipulation. À
laquelle il apparaît, si on la suit, que
les magistrats du plus haut niveau ont
participé.
L’arrivée
d’Emmanuel Macron au pouvoir est le
fruit d’une opération de grand style
concoctée par la haute fonction publique
d’État et appuyée par les grands
intérêts, leur argent et leurs médias.
On savait depuis les européennes de 2014
que Marine Le Pen serait au deuxième
tour en 2017. Le dernier coup de pouce
pour y faire accéder Emmanuel Macron fut
la disqualification de François Fillon
par une opération judiciaire.
Globalement une forme de coup d’État.
Dont nous payons les conséquences tous
les jours.
Éliane houlette
vient de le reconnaître implicitement.
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