Vu du Droit
La loi Avia est évidemment une atteinte
gravissime
à la liberté d’expression
Régis de Castelnau - Anne-Sophie Chazaud

Vendredi 15 mai 2020 Interview
croisée donnée à Atlantico avec
Anne-Sophie Chazaud à propos de la loi
Avia et des conditions de son adoption.
Atlantico.fr
: La loi Avia intervient dans un
contexte où les débats d’opinion
semblent de plus en plus tendus,
antagonistes, violents, avec notamment
une génération rompue aux échanges vifs
sur les réseaux sociaux. Pourquoi
cependant cette loi n’est-elle pas
adaptée au contexte actuel ?
Anne-Sophie
Chazaud : S’il est vrai que les
réseaux sociaux sont un lieu où
s’échangent parfois des propos agressifs
voire violents et s’il semble exister un
relatif consensus pour dénoncer ces
excès, la volonté de mettre cet espace
de libre parole en coupe réglée et sous
contrôle inquisitorial ne fait
absolument pas l’unanimité.
Les grandes
plateformes internet peuvent
effectivement servir de déversoir sans
filtre aux propos les plus débridés.
Chacun de nous en a fait l’expérience :
il n’est qu’à lire parfois certains
commentaires que peuvent laisser des
internautes sous les articles publiés en
ligne, sur les publications Youtube, ou
encore les noms d’oiseaux qui peuvent
s’échanger sur Twitter ou Facebook, avec
parfois l’onction de l’anonymat et
l’active agitation des trolls (où la
Macronie n’est pas en reste), pour
admettre qu’on peut à l’occasion avoir
le sentiment de visiter des égouts peu
ragoutants où s’épand l’absence de
capacité à argumenter selon les règles
du respect, de la courtoisie, de
l’humanisme et du débat contradictoire.
Pourtant, résumer
les réseaux sociaux à cette vision
caricaturale (dont, du reste, il est
facile de se protéger soit en ne les
lisant pas, soit en pratiquant des
blocages, soit enfin en portant en
justice les cas caractérisés de
cyber-harcèlement) est une manière bien
pratique pour le pouvoir et la pensée
dominante de jeter le bébé de la liberté
d’expression avec le bain de ses
inévitables excès.
Rappelons que les
réseaux sociaux sont aussi ce lieu
merveilleux de liberté, unique, grâce
auquel la pensée non consensuelle peut
circuler en dehors des vérités
officielles et se confronter au
dissensus. Ils sont une véritable agora
contemporaine où s’exerce le débat
public. Cette liberté a démontré son
impérieuse utilité en matière
démocratique par exemple lors de
l’affaire Benalla, lors de la répression
violente des mouvements de Gilets
Jaunes, permettant de mettre en lumière
sans conteste de nombreuses violences
policières dont le peuple français a été
l’objet ou encore lors des
manifestations hostiles à la réforme des
retraites. Sans les réseaux sociaux, la
fausse information officielle et
propagandiste de la fausse attaque de
l’hôpital de la Pitié Salpêtrière,
opportunément exploitée par le
gouvernement, n’aurait pas pu être
démontrée, étant entendu que de nombreux
médias mainstream étaient prompts à
relayer sans scrupules le discours
officiel. Sans les réseaux sociaux, les
manigances et l’impéritie des pouvoirs
publics français concernant la gestion
calamiteuse de la crise sanitaire du
Covid-19 n’auraient pas pu être mises en
lumière. Songeons notamment à la
tragi-comédie des masques, de l’absence
de tests, des manipulations d’opinion
autour de la question des traitements.
Sans les réseaux sociaux, les
innombrables scandales de verbalisations
zélées lors du confinement n’auraient
pas pu éclater au grand jour, comme
l’affaire honteuse de cette femme mise à
l’amende pour avoir communiqué avec son
mari, résident en Ehpad, au travers
d’une vitre à l’aide de quelques mots
griffonnés tendrement sur une ardoise,
ou encore cet homme empêché par la
gendarmerie de se rendre au chevet de
son père mourant. Les exemples furent
innombrables.
Les réseaux sociaux
sont à l’heure actuelle un véritable
contre-pouvoir et c’est bien ce qui
dérange. Prendre le prétexte des excès
qui s’y déroulent est donc le moyen
commode d’un pouvoir liberticide et
autoritaire pour mettre le couvercle sur
cette libre agora au moment même où la
société française, au bord de
l’implosion, en a le plus besoin. Mettre
le couvercle sur une marmite n’a jamais
fait ses preuves en matière de
thermodynamique, non plus qu’au plan de
l’intelligence politique. Il est arrivé
que cela se termine à la Bastille…
Régis de
Castelnau : Une première observation
s’impose, la conflictualité est
inhérente au politique et elle s’exprime
et se résout dans l’espace public. Le
propre d’un cadre normatif dans un
système démocratique est justement de
permettre le débat et l’affrontement des
opinions, le juge de paix étant
l’élection. De ce point de vue, il ne
faut pas se tromper, les débats et les
échanges de la période actuelle sont
plutôt moins violents que par le passé.
J’invite sur ce point à la lecture des
débats parlementaires ou de la presse
pendant la première guerre mondiale
pourtant époque « d’union sacrée »,
c’est assez impressionnant. Le problème
que pourrait poser l’exercice de la
liberté d’expression aujourd’hui est
celui de l’existence des réseaux
numériques réalisant une véritable
révolution en donnant une parole en
temps réel au plus grand nombre ce qui
est quand même qu’on le veuille ou non
un progrès démocratique. Cette parole
charrie comme toujours le pire et le
meilleur, et il est quand même
inquiétant que le pouvoir d’État
réagisse comme il le fait avec cette
succession de lois liberticides. Le
texte « proposé » par Madame Avia
n’étant qu’un avatar d’une entreprise
d’encadrement mise en œuvre depuis
l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir
et visant à limiter drastiquement la
liberté d’expression avec deux objectifs
: contrôler l’information, et empêcher
la parole dissidente. Il est quand même
curieux d’être contraint de rappeler que
la démocratie est fondée sur l’égalité
de n’importe qui avec n’importe qui. Et
que l’accès à l’expression et au débat
du plus grand nombre ne devrait pas être
considéré comme un danger. Lorsque la
IIIe République fut suffisamment solide,
et afin de garantir le respect de la
déclaration de l’Homme et du citoyen fut
adoptée une loi de protection de la
liberté d’expression. Parmi ses
principes figurait celui que cette
liberté fondamentale pouvait être
limitée si nécessaire par la loi, mais
dès lors que les restrictions étaient
strictement proportionnées à l’objectif
d’intérêt général poursuivi et que le
contrôle de ce nécessaire équilibre
n’appartenait qu’au Juge. La loi sur la
presse de 1881 fonctionne depuis presque
140 ans et jusqu’à présent on pouvait
considérer que la liberté d’expression
existait dans notre pays.
Malheureusement, depuis le mandat de
François Hollande et maintenant
d’Emmanuel Macron, la France a
dégringolé dans les classements
internationaux de la liberté de la
presse, « la patrie des droits de
l’homme » se trouvant aujourd’hui à la
34e place sur 180 pays… l’inadaptation
de la loi Avia au « contexte actuel »
est d’abord due à son caractère
liberticide.
Laetitia Avia se
retrouve elle-même accusée d’avoir tenu
des propos discriminatoires à l’encontre
de certains de ses anciens
collaborateurs, propos qui pourraient
parfaitement correspondre à
l’appellation de « contenus haineux »
que sa loi souhaite interdire. Comment
une loi pourrait-elle appréhender le
flou de ces notions ? Est-ce souhaitable
?
Anne-Sophie
Chazaud : Les propos reprochés à
Laetitia Avia, comme le rapporte
Mediapart, qu’elle aurait tenus envers
nombre de ses ex-collaborateurs,
empreints de connotations racistes,
méprisantes, de l’esprit de
discrimination, de sexisme, mais aussi
les pratiques de travail peu
respectueuses qu’elle aurait fait
régner, démontrent à l’évidence
l’éternelle tartufferie des moralistes.
Car la loi Avia cherche à réfréner la
liberté d’expression sous les motifs les
plus vertueux et au prétexte des luttes
sociétales minoritaristes et
victimaires. Se retrouver mis en
accusation, du côté des bourreaux, pris
la main dans le pot de confiture,
lorsqu’on s’époumone dans de curieuses
diatribes à vouloir contrôler la saine
morale et la parole d’autrui (songeons à
sa grotesque harangue à la tribune de
l’Assemblée contre les « trolls, les
haters et les têtes d’œuf » (sic), est
toujours assez savoureux.
Selon le principe
de l’arroseur arrosé, Laetitia Avia fait
par ailleurs l’expérience de l’inanité
des dispositifs liberticides visant à
interdire les « contenus haineux ». Car,
en l’occurrence, et au-delà de l’absence
de savoir-vivre, d’éducation et de
respect d’autrui, les propos qui lui
sont reprochés correspondent à des
expressions « vulgaires » certes mais
qui appartiennent parfois au langage
courant. Si l’on ne peut qu’en regretter
la bêtise, vouloir à tout prix légiférer
sur ce champ relève de l’ineptie
intrusive. Invoquer l’aspect privé de
ces commentaires peu amènes est du reste
impossible puisque, dans sa grande
passion liberticide, le pouvoir
macronien s’est empressé en août 2017 de
prendre un décret permettant la
pénalisation de propos discriminatoires
et d’injures tenus dans un cadre non
public. L’extension du domaine de la
pénalisation de l’expression se retourne
donc contre son créateur, ce qui en la
circonstance est plutôt amusant.
La propension du
macronisme à vouloir régenter la parole,
y compris la parole « vulgaire » est
assez caractéristique de ce côté «
maîtresse d’école » typique de la pensée
post-socialiste, puritaine, vertueuse et
elle-même dénuée de scrupules. On se
souvient de la mascarade de la ministre
des sports Roxana Maracineanu tentant de
faire interdire les chansons paillardes
dans les stades de football au motif de
leur prétendue homophobie (laquelle
ministre moralisatrice était restée bien
silencieuse lorsqu’il se serait agi de
dénoncer le traitement réservé aux
homosexuels en terre islamiste du Qatar
lors des préparatifs de le Coupe du
monde de football… Mais il semblerait
que là où il y a de vrais enjeux et de
vrais risques, il y ait subitement moins
de passion inquisitoriale et moins de
courage anti-haine)…
Le fait que le
Parti Socialiste qui avait d’abord
soutenu le texte en première lecture,
avec les zélateurs de l’extrême-centre
–lequel fonctionne comme un trou noir
antidémocratique en ce qu’il cherche à
abolir la conflictualité propre au
politique-, se soit cette fois assez
lâchement abstenu, souligne la
continuité naturelle existant entre le
gauchisme culturel moribond,
profondément liberticide et anti-libéral
(au sens moral du terme) et le
macronisme qui n’en est que le dernier
avatar, l’ultime rejeton de l’ancien
monde et qui est, rappelons-le,
majoritairement issu de ses rangs.
La réaction saine
des autres partis d’opposition, de la
France Insoumise au Rassemblement
national en passant par Les
Républicains, toutes tendances
confondues, au secours de la liberté
d’expression, est toutefois rassurante
quant à l’avenir de cette loi qui sera
portée devant le Conseil constitutionnel
et qui ne manquera pas de rencontrer de
nombreuses oppositions lorsqu’il s’agira
de la faire appliquer.
Lorsque l’on
sort des propos de leur contexte, il est
très difficile de comprendre leur nature
et l’ambiguïté est de mise. Dans
l’article de Mediapart, au sujet du
comportement inopportun de Laetitia Avia
avec ses collaborateurs, il n’y a pas
assez d’éléments pour se faire une idée
exacte des propos de la députée.
Pourquoi l’ambiguïté de certains propos
rend l’utilisation de la loi
problématique ?
Régis de
Castelnau : La séquence « arroseur
arrosée » qui frappe Laetitia Avia
au-delà de son côté savoureux, pose très
exactement le problème de l’application
du texte qu’elle a fait adopter. Des
propos prononcés dans un cadre
semble-t-il familier, sur l’ambiance
duquel on ne dispose d’aucune
information, sont présentés comme autant
de « dérapages » homophobes et racistes.
Il est impossible de savoir si ce
qu’elle a dit ou écrit était du premier
ou du second degré. Et les témoignages
de son entourage sur son caractère et
ces comportements ne peuvent pas nous
renseigner, permettant seulement de
savoir ce qui était déjà une évidence
que ladite personne était un modèle de
brutalité et d’arrogance. Quant à son
discours à la tribune de l’Assemblée,
avec sa petite litanie d’insultes
elles-même haineuses démontrent à quel
point cette soi-disant « lutte contre la
haine » n’est qu’un prétexte. Alors ce
ne sont pas l’ambiguïté de certains
propos qui rend l’application de la loi
problématique, c’est le fait que cette
loi soit radicalement
inconstitutionnelle.
Le texte de 1881
posait un certain nombre de principes et
en particulier l’intervention du juge
impartial pour définir les limites
légales de la liberté d’expression.
Celle-ci est totale et ne peut faire
l’objet d’un contrôle judiciaire qu’a
posteriori. C’est la raison pour
laquelle par exemple l’interdiction a
priori des spectacles de l’humoriste
Dieudonné n’est pas possible. Le fait
qu’il ait déjà été condamné ne permet
pas de l’empêcher de parler par
anticipation. 140 ans de jurisprudence
ont permis utilement au juge d’adapter
l’application du texte aux évolutions
des modes de communication. La
révolution numérique a été parfaitement
intégrée et l’ordre juridique n’avait
nul besoin d’être bouleversé.
Le texte adopté
hier comporte un certain nombre
d’horreurs et la première d’entre elles
est celle relative au fait que c’est
l’autorité administrative qui désormais
décide de ce que l’on peut dire ou ne
pas dire sur les réseaux. La police peut
sommer n’importe quel site, quelle que
soit sa taille, de supprimer dans les 24
heures des textes qu’elle juge contraire
à la loi. La défaillance dans la
suppression peut être sanctionnée, non
pas par un juge mais par le CSA qui est
une « Haute autorité administrative
indépendante », c’est-à-dire une
officine complètement contrôlée par le
pouvoir exécutif. Le montant des amendes
peut être vertigineux et dépasser le
million d’euros ! Il est clair que les
grandes plates-formes comme Facebook et
Twitter, non seulement vont poursuivre
leur censure a priori qui existe déjà,
mais par précaution déférer à toutes les
demandes de suppression émanant du
pouvoir d’État. Le système
d’intimidation ainsi adopté n’est pas
destiné à « lutter contre la haine »
mais bien à réprimer la liberté
d’expression sur les réseaux. Et ce
d’autant, que le pouvoir actuel nous a
fait une très jolie démonstration à
propos de l’expression de la haine dans
la fameuse affaire « Mila ». On se
rappelle cette jeune fille de 16 ans
victime d’une agression raciste sexiste
sur les réseaux et répondant vivement en
critiquant vertement une religion, ce
qui est une liberté fondamentale. Pour
faire l’objet ensuite d’un incroyable
déferlement d’insultes et de menaces de
mort qui se sont comptés par dizaines de
milliers. Le premier réflexe du parquet
mandaté par Madame Belloubet fut de
lancer une enquête préliminaire contre
la jeune fille ! Piteuse reculade devant
le tollé, mais depuis il ne s’est
absolument rien passé sur le plan
judiciaire. Les dizaines de milliers
d’infractions n’ont eu aucune réponse.
Pas une mise en cause, pas une garde à
vue, pas de mise en examen et bien sûr
pas de condamnation.
Et ce n’est pas
l’annonce de la création d’un parquet
spécialisé ainsi que d’une juridiction
également spécialisée qui vont changer
quoi que ce soit en réintroduisant le
juge dans le processus. La précédente
création du Parquet National Financier a
été une belle démonstration de
l’instrumentalisation de la justice à
des fins politiques dont l’actuel
pouvoir est un pratiquant assidu.
L’accusation de
haine contenue dans cette loi peut-elle
servir à éliminer, sous un prétexte
facile, les adversaires ? En quoi ce
dispositif de censure partagé entre les
pouvoirs publics et les grandes
plateformes d’internet est-il dangereux
?
Anne-Sophe
Chazaud : L’argument de la « haine
», utilisé ad nauseam par les moralistes
contemporains, vise à psychiatriser la
parole non consensuelle, à la
disqualifier et, in fine, à la
criminaliser. Il correspond à cette
obsession victimaire décrite avec
drôlerie par Philippe Muray comme étant
une « cage aux phobes » propre à la
post-modernité gémissante, prompte à
dénicher de l’offense à tous les coins
de rue et sous tous les travers de
langage.
Cet outil à la fois
rhétorique et juridique, visant à
étouffer la conflictualité, la
dialectique, le contradictoire, tout en
décrétant une censure a priori, exempte
de toute décision judiciaire, laquelle
était de toutes façons déjà
préjudiciable à la liberté d’expression,
ne fait que souligner un peu plus
l’obsession liberticide de cet exécutif.
Une ribambelle de
dispositifs se sont succédé, dans un
pays déjà sujet à l’inflation
législative, visant à museler
l’expression ; la loi présentée comme
anti fake-news, permettant
l’intervention du juge des référés en
matière politique représente une
véritable abomination antidémocratique.
Elle n’a pourtant pas trouvé beaucoup
d’opposants sur les bancs de
l’Hémicycle. L’esprit propagandiste qui
dirigeait l’esprit de cette loi a
pourtant été mis en lumière lors des
récentes manipulations d’opinion et
d’intrusion dans la liberté
d’information auxquelles s’est prêté
l’exécutif avec sa tentative de
déploiement d’un site de « Desinfox »
afin de contrôler la bonne parole sur la
gestion de la crise sanitaire. La
loi présentée comme « anti-casseurs » et
qui avait surtout pour objectif de
casser la liberté d’expression propre au
droit de manifester, en tentant de
justifier l’injustifiable arrestation
arbitraire et préventive des opposants
sociaux et politiques par le pouvoir,
n’a pareillement pas suscité beaucoup de
réactions hostiles, proposée même par
Les Républicains. La loi Avia ne fait
que compléter ce système répressif
antidémocratique, lequel démontre la
nature autoritaire et illibérale du
pouvoir macronien. Rappelons également
que si chacun semble considérer comme
acquis les bienfaits de la fin de
l’anonymat sur les réseaux sociaux,
celui-là permet pourtant à de nombreux
lanceurs d’alerte de diffuser certaines
informations. Mais protéger les lanceurs
d’alerte n’est pas non plus une grande
priorité de cet exécutif qui s’est
empressé avec un zèle remarquable de
faire appliquer en droit national la
directive européenne sur le secret des
affaires en mode « procédure-bâillon ».
L’entente entre les
pouvoirs publics et les géants
d’internet, sociétés privées étrangères
auxquelles on va donc confier le soin de
régenter la liberté d’expression des
citoyens français, sera parfaite,
puisqu’il existe une véritable porosité
idéologique entre ces différents
pouvoirs qui défendent la même vision du
monde et les mêmes intérêts.
La censure portera
par exemple sur les contenus « religieux
», ce qui ne facilitera évidemment pas
la lutte contre l’islam politique, que
l’on sait très actif par le biais
victimaire sur les réseaux sociaux. Le
concept fumeux d’islamophobie avait
d’ailleurs été employé par Laetitia Avia
lors de l’exposé des motifs de cette
loi, alors même que la critique voire la
détestation d’une religion (distincte de
la haine publique énoncée contre des
individus) constitue une liberté
fondamentale. La nomination cette
semaine au nouveau Conseil de
surveillance (en vérité conseil de
l’Inquisition) de Facebook (et instagram)
d’une yéménite fréro-salafiste ou encore
d’une membre de la fondation de Georges
Soros, particulièrement actif dans
l’encouragement de la crise migratoire
et la destabilisation subséquente des
Etats européens, laisse à penser que la
censure permettra un verrouillage
supplémentaire de l’opinion publique sur
ces questions qui, pourtant,
appartiennent au peuple et sur lequel
seul lui devrait avoir à trancher. Le
modèle communautariste,
multiculturaliste qui fonde l’idéologie
post-socialiste macroniste est commun à
l’exécutif actuel et aux géants
d’Internet. Il est vraisemblable que
c’est donc peu à peu ailleurs, sur
d’autres canaux (retour du fanzine
papier ?) ou par d’autres biais
numériques (plateformes cryptées et
moins visibles ?) que les citoyens
français pourront exercer de nouveau
leur pleine liberté d’expression, ce qui
s’apparente à la mise en place d’une
forme de dissidence en régime
autoritaire.
Notons enfin que la
notion de « haine » permet de condamner
la critique de nature politique et
sociale. On se souvient d’Emmanuel
Macron fustigeant, lors du mouvement des
Gilets Jaunes, la « foule haineuse ».
Cette sémantique appliquée au champ
politique n’est pas anodine et permet
d’entrevoir un verrouillage de
l’opposition politique et sociale par un
pouvoir aux abois.
On en comprend donc
tous les dangers multifactoriels.
L’accusation
peut devenir une arme pour se
débarrasser de son adversaire d’un jour,
comme lors d’un divorce. N’est-ce pas le
signe qu’une telle loi est de mauvaise
facture ?
Régis de
Castelnau : Répétons que « la lutte
contre la haine » n’est que le prétexte
pour mettre les réseaux au pas. Et
n’oublions pas que le pouvoir d’Emmanuel
Macron est dès le départ un pouvoir
minoritaire. Cette minorité est
parfaitement assumée, mais a pour
conséquence nécessaire pour se maintenir
d’une dérive autoritaire qui a pris des
proportions plus qu’inquiétantes.
L’usage de la police et de la justice
contre les gilets jaunes et les autres
mouvements sociaux, les grands médias
complètement enrégimentés et la
destruction méthodique de la liberté
d’expression sont les armes utilisées
par Emmanuel Macron pour mettre en œuvre
sa feuille de route. L’affaire Mila et
l’attitude personnelle révélée de
Laetitia Avia démontrent la totale
hypocrisie de cette séquence.
Il est
indispensable de s’opposer, par toutes
les voies de droit possible, à cette
mise en cause de la liberté fondamentale
d’expression. À l’Assemblée, la droite
républicaine s’est ressaisie, la France
insoumise a fait son devoir, et on
notera la « glorieuse » et guère
surprenante abstention du groupe
socialiste… Il faudra s’en souvenir.
Le sommaire de Régis de Castelnau
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