Vu du Droit
L’État Macron et la Pandémie Covid19 :
malfaisants ou malfaiteurs ?
Régis de Castelnau

Vendredi 10 avril 2020 Depuis les aveux
accablants d’Agnès Buzyn dans le Monde,
et
le premier article que nous avions
publié sur le sujet, la question du
passage des dirigeants publics devant le
juge pénal après la crise est devenue un
sujet de débat dans la grande presse et
les réseaux se sont faits l’écho. Nous
avons dit ici le caractère inéluctable
de cette reddition judiciaire des
comptes, en application des principes et
des règles du droit pénal français. On
répétera ici qu’il appartiendra aux
juridictions régulières de se prononcer
pour les culpabilités, mais qu’elles
seront inéluctablement saisies par les
victimes de la catastrophe. D’ores et
déjà apparaissent un certain nombre de
manquements gravissimes et établis
susceptibles de recevoir des
qualifications pénales. Il y en a
d’autres et en particulier, toujours sur
la question des masques, la nécessaire
clarté sur ce qui s’est passé et la
responsabilité des uns et des autres
devront être établies par le juge pénal.
Aujourd’hui, nous poursuivons le travail
d’identification des suites pénales.
Nous avons
interviewé Philippe Prigent avocat à la
cour de Paris à propos de l’infraction
de sabotage, particulièrement grave
puisqu’elle relève de la catégorie des
crimes justiciables de la cour
d’assises.

Vu Du Droit :
Nous avions très tôt posé sur ce site,
la question des conséquences juridiques
et judiciaires de la pandémie Covid19.
Depuis les aveux éclatant de Madame
Agnès Buzyn dans le Monde, et la
multiplication postérieure des
informations sur les carences de la
direction de l’État, la question de la
responsabilité pénale des décideurs
publics en charge de cette direction est
devenue un sujet de débat. Vous
considérez que les qualifications
retenues que ce soit dans les plaintes
d’ores et déjà déposées ou dans les
articles de presse sont insuffisantes. À
quoi pensez-vous ?
Philippe Prigent
: comme l’ont exposé sur ce site ou
ailleurs de nombreux intervenants, les
ministres et de nombreux hauts
fonctionnaires semblent avoir engagé
leur responsabilité pénale pour toute
une série d’infractions : homicides et
coups et blessures involontaires, mise
en danger délibérée de la vie d’autrui,
détournement de biens publics, voire
prise illégale d’intérêts (Madame Agnès
Buzyn ministre de la santé dans ses
rapports avec l’Inserm dirigé par son
mari). C’est mieux que rien, évidemment,
mais est-ce à la hauteur de la
responsabilité de ceux qui ont été à ce
point défaillant et qui continuent à
l’être ?
Des peines de cinq
ans d’emprisonnement dont une partie en
semi-liberté par aménagement de peine et
potentiellement plus faibles en raison
de la « bonne conduite » des
fautifs paraissent bien maigres par
comparaison avec des dizaines de
milliers de décès et les souffrances
terribles que les cas graves survivants
auront subi en réanimation. Même
socialement, une condamnation pour
« homicide involontaire » ne capture
pas la réalité du forfait.
Trois
qualifications plus sévères sont
envisageables.
La première est le
sabotage.
L’article 411-9 du Code pénal
dispose : « Le fait de détruire,
détériorer ou détourner tout document,
matériel, construction, équipement,
installation, appareil, dispositif
technique ou système de traitement
automatisé d’informations ou d’y
apporter des malfaçons, lorsque ce fait
est de nature à porter atteinte aux
intérêts fondamentaux de la nation, est
puni de quinze ans de détention
criminelle et de 225 000 euros d’amende.
Lorsqu’il est
commis dans le but de servir les
intérêts d’une puissance étrangère,
d’une entreprise ou organisation
étrangère ou sous contrôle étranger, le
même fait est puni de vingt ans de
détention criminelle et de 300 000 euros
d’amende ».
Ce texte s’applique
même en temps de paix au sens juridique
ou lorsque le coupable ne voulait pas
porter atteinte à la défense nationale.
Contrairement par exemple au crime de
trahison au profit d’une puissante
étrangère. Comme le montre la différence
entre les deux alinéas, il y a sabotage
même si l’accusé n’a pas agi dans le but
de servir une entité étrangère ;
travailler pour l’étranger n’est qu’une
circonstance aggravante, prévue par le
second alinéa.
Pour condamner un
saboteur, il faut mais il suffit qu’il
ait détruit ou détourné ou apporté des
malfaçons à tout matériel, équipement,
appareil ou dispositif technique et que
ce fait ait été de nature à porter
atteinte aux intérêts fondamentaux de la
nation. Toute destruction ou
détournement de tout équipement est
punissable dès lors que cette
destruction ou ce détournement pourrait
porter atteinte aux intérêts
fondamentaux de la France.
Conformément au
droit commun, les complices par aide et
assistance ou par instigation sont punis
comme les saboteurs eux-mêmes.
Face à la pandémie,
Emmanuel Macron, ses ministres et ses
hauts fonctionnaires ont fait détruire
ou détourner de nombreux appareils
pourtant indispensables à la sécurité
nationale. La destruction du stock de
masques est le cas le plus éclatant mais
pas le seul car le stock de chloroquine
semble avoir aussi disparu dans
d’étranges circonstances.
Juridiquement, peu
importe que les intéressés aient ignoré
que ces stocks seraient indispensables
ou que la chloroquine soit utile ou non
car le crime est consommé dès lors que
la destruction était « de nature »
à nuire aux intérêts fondamentaux de la
nation. Or comme l’avait exposé Mme
Bachelot dès 2010 et c’était une
évidence, détruire un stock de masques
ou de médicament peut nuire à l’intérêt
national fondamental qu’est la lutte
contre les épidémies.
La destruction du
stock est d’autant plus scandaleuse
qu’elle s’est poursuivie tout au long
des mois de janvier et de février de
cette année au profit notamment
d’acteurs privés qui auraient dû être
réquisitionnés. Cette destruction se
poursuit d’ailleurs encore aujourd’hui
car le Gouvernement continue à ordonner
la destruction des rares masques FFP2
après usage unique – or ces masques
pourraient être réutilisés.
La simple
imprudence consistant à détruire du
matériel précieux sans savoir s’il est
réutilisable est déjà du sabotage, que
dire de la destruction
quand la réutilisation est certaine !
Le dernier avantage
de la qualification criminelle est que
tous les hauts fonctionnaires auteurs ou
complices à l’exception des ministres
relèveraient de la cour d’assises,
c’est-à-dire d’un jury de citoyens
auxquels ils devront exposer en quoi
leur conduite n’était pas un sabotage.
Vu Du Droit :
Vous considérez qu’il ne faut pas
s’arrêter en si bon chemin mais que le
code pénal recèle d’autres
incriminations intéressantes.…
Philippe Prigent
: Il y a en effet une seconde
qualification envisageable qui est la
provocation au sabotage, punie de sept
ans d’emprisonnement, même quand elle
n’a pas été suivie d’effet (article
411-11 du Code pénal). Bien sûr,
elle s’ajoute au crime lui-même, mais
elle permet de condamner aussi ceux qui
prétendraient avoir seulement encouragé
à la destruction des stocks sans y
participer.
La troisième
qualification est l’association de
malfaiteurs (article
450-1 du Code pénal), qui réprime la
participation à tout groupement même
informel en vue de commettre un ou
plusieurs délits passibles d’au moins
cinq ans d’emprisonnement, dès lors que
les fautifs ont accompli ne serait-ce
qu’un acte matériel de préparation d’un
délit (notion bien plus large que la
complicité).
La qualification
d’associations de malfaiteurs
(malfaisants en la circonstance)
semblebien s’appliquer à certaines de
ces équipes qui entourent le président
Macron depuis son élection et dans le
fonctionnement de « bande » saute aux
yeux à ce gouvernement et à ses proches
serviteurs, cette qualification permet
de condamner aussi ceux qui n’ont été
complices d’aucun sabotage ou homicide
volontaire mais ont participé un tant
soit peu au groupement en vue en sachant
ce qui se tramait.
Vu Du Droit :
Certains lecteurs se demandent peut-être
si la peur de la sanction pénale ne
risque pas d’effrayer les décideurs
politiques. Qu’en pensez-vous ?
Philippe Prigent
: Probablement, mais cette peur du
gendarme est à la base de tout système
répressif.
Les sanctions
sévères prévues par le droit pénal ne
figurent pas dans le Code par hasard,
elles sont des garde-fous destinés à
inciter les dirigeants à la prudence en
cas de doute, quitte à braver les
reproches d’avoir acheté un peu de trop
de masques ou de médicaments. Le droit
pénal ne juge pas l’action politique en
générale ; il punit seulement les fautes
gravissimes même d’imprudence au
détriment de l’intérêt de la Nation et
de ses concitoyens.
C’est bien ce qui
semble s’être produit à l’occasion de
cette crise.
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