Vu du Droit
Amendement sénatorial du 4 mai :
s’agit-il d’une loi d’amnistie ?
Régis de Castelnau
Mardi 5 mai 2020 Grand hourvari
autour de la proposition de la
commission des lois adoptée par le Sénat
hier et intégrée au projet de loi sur la
prorogation de l’état d’urgence. Elle
est présentée partout comme une « loi
d’amnistie » permettant aux ministres,
élus et hauts fonctionnaires d’échapper
aux conséquences pénales de leur gestion
calamiteuse et fautive de la crise de la
pandémie Covid 19.
Que nous dit ce
texte :
«– Nul ne peut
voir sa responsabilité pénale engagée du
fait d’avoir, pendant la durée de l’état
d’urgence sanitaire déclaré à l’article
4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020
d’urgence pour faire face à l’épidémie
de covid-19, soit exposé autrui à un
risque de contamination par le
coronavirus SARS-CoV-2, soit causé ou
contribué à causer une telle
contamination, à moins que les faits
n’aient été commis :
1°
Intentionnellement ;
2° Par
imprudence ou négligence dans l’exercice
des pouvoirs de police administrative
prévus au chapitre Ier bis du titre III
du livre Ier de la troisième partie du
code de la santé publique ;
3° Ou en
violation manifestement délibérée d’une
mesure de police administrative prise en
application du même chapitre ou d’une
obligation particulière de prudence ou
de sécurité prévue par la loi ou le
règlement.
Dans le cas
prévu au 2° du présent II, les troisième
et quatrième alinéas de l’article 121-3
du code pénal sont applicables. »
CE N’EST EN AUCUN
CAS UNE LOI D’AMNISTIE.
Une loi d’amnistie
concerne le passé et ne peut pas
exonérer par AVANCE des faits qui ne se
sont pas encore produits. Dans
l’Histoire à commencer par la guerre du
Péloponnèse (voir Thucydide) il y a
toujours eu des lois d’amnistie
destinées non pas à EXCUSER des fautes
commises dans le passé mais à ABSOUDRE
de leurs conséquences. Il y a donc des
amnisties pour des faits. C’est-à-dire
qu’on absout des fautes commises pendant
une période déterminée. Comme pour la
commune (lire Victor Hugo), la deuxième
guerre mondiale (amnistie de 1953), la
guerre d’Algérie (amnistie de 1968) etc
etc.
Et il y a aussi
des amnisties au quantum, où on fait
disparaître des peines en deçà d’un
certain seuil. Comme par exemple
auparavant les amnisties des amendes et
des petites peines à l’occasion de
l’élection présidentielle.
La meilleure
définition d’une amnistie est donnée par
la grande encyclopédie Larousse de 1900
:
« l’amnistie est
dans les nécessités de tous les
gouvernements. Il y a des temps où une
société inflexible aurait de graves
inconvénients et ferait même courir des
dangers à l’État. Il se produit dans le
pays un tel besoin de pacification que
le pouvoir a intérêt à écouter la voix
de la clémence et à conclure un traité
de paix civile ».
Il semblerait quand
même que nous n’en soyons pas encore là,
et de toute façon la crise de la
pandémie est loin d’être terminée…
Ensuite, on ne voit
pas comment on peut considérer qu’un
texte anticonstitutionnel d’ailleurs,
qui exonère PAR AVANCE (!) les auteurs
de fautes pénales puissent être
applicable. C’est une hérésie au regard
même des principes de la justice pénale.
Le code du même nom décrit des faits qui
peuvent recevoir une qualification
pénale et leurs auteurs subir une peine
décidée par un juge. La seule façon de
les exonérer par avance et d’abroger
l’incrimination, de la supprimer.
Enfin la rédaction
de ce texte est absurde. Une exonération
est effectivement prévue, et
immédiatement accompagnée des
exceptions. Les auteurs indirects des
dommages tels que la contamination
seront exonérés d’une responsabilité
pénale SAUF S’ILS ONT COMMIS… toute une
série de fautes qui sont décrites dans
le texte et qui ne sont que la reprise
de celles existant ACTUELLEMENT dans le
code pénal.
Ce que raconte
Belloubet n’a aucune importance, ce qui
compte ce sont les textes votés par le
Parlement. Pour l’instant, la manœuvre
n’a pas encore réussi, et il n’y a pas
d’auto amnistie préventive avec ce
texte. Si celui-ci reste en l’état,
ministres et hauts fonctionnaires
pourront être poursuivis pour les fautes
qu’ils ont commises et qui ont aggravé
les dommages subis.
Il faut ajouter
également que cela vaut pour la période
antérieure au 23 mars. C’est-à-dire que
l’on pourra demander des comptes non
seulement la bande à Macron, mais aux
équipes précédentes et leurs politiques
d’austérité à l’origine de l’ampleur de
la catastrophe de la pandémie pour notre
pays.
Alors il y a deux
thèses pour la proposition de Philippe
Bas qui est plutôt celle de Retailleau,
d’ailleurs. Soit il a voulu faire une
opération électoraliste auprès des
grands électeurs dans la perspective des
sénatoriales, soit il a voulu couper
l’herbe sous le pied à l’opération LREM.
Mais ce qui est sûr c’est que Macron et
sa bande n’ont pas renoncé à cette idée
du coup d’éponge. Et c’est la raison
pour laquelle il faut être extrêmement
vigilant pour voir ce qui va se passer
devant l’Assemblée nationale qui a le
dernier mot. Soit LREM reconduit ce
texte et dans ce cas il faut continuer à
se préparer pour les futures procédures
pénales. Les corrompus, les
inconséquents, incapables, défaillants,
amateurs devront rendre des comptes
devant le juge. Soit, ceux-là profitent
de la confusion pour retenter le coup et
faire adopter un texte qui serait
abrogatoire des incriminations actuelles
et les protégerait pour l’avenir mais
surtout pour le passé comme loi pénale
plus douce.
Il faut surveiller
ces gens comme le lait sur le feu.
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