Vu du Droit
Affiches censurées :
quand Anne Hidalgo donne ses ordres
Régis de Castelnau

Samedi 4 janvier 2020
La régie publicitaire des emplacements
dédiés à l’affichage des gares de la SNCF
s’est immédiatement soumise aux ordres
illégaux et liberticides d’Anne Hidalgo,
qui confond le poste de maire de Paris
avec celui du chef de la censure du
NKVD.
Atlantico m’a demandé mon avis.
Pulsions de
censure
Affiches
censurées dans le métro : ces belles
âmes qui pensent que la démocratie
consiste à nier les conflits quand
l’enjeu est de tenter de les résoudre
Des affiches
anti-PMA ont été retirées de plusieurs
gares en raison de leur caractère
militant. Or, ce n’est pas la première
fois que la liberté d’expression est
attaquée et ces agissements semblent
prendre de plus en plus d’ampleur, qui
plus est par des militants de la gauche.
Atlantico.fr :
La gauche a-t-elle un problème avec la
démocratie ? La négation de certains
sujets ou conflits n’est-elle pas le
propre des dictatures ?
Régis de
Castelnau : Il faut d’abord rappeler
les faits. L’association Alliance Vita a
commandé auprès de la régie publicitaire
qui s’occupe de l’affichage dans les
gares et les locaux de la SNCF ouverts
au public, une campagne d’affichage
comportant trois images. On ne peut pas
les qualifier directement d’anti-PMA ou
d’anti-avortement, le message sur ces
points étant très indirect. Je suis
d’autant plus à l’aise pour le dire que
je suis personnellement défavorable aux
positions de cette association. Il
semble par conséquent qu’elles ne
violaient pas l’obligation de neutralité
du service public des transports assuré
par la SNCF. À la suite d’un tweet
extrêmement violent de Madame Hidalgo
maire de Paris en campagne électorale et
« demandant le retrait immédiat » de ces
affiches, la régie publicitaire a
obtempéré servilement en prétendant que
l’affichage était militant, ce qui
prêterait à sourire lorsque l’on voit ce
qui est habituellement placardé dans les
gares et les stations de métro. Le plus
inquiétant dans cette opération de
censure, c’est que le camp du bien
trouve cela tout à fait normal. Avec un
argument massue : « on ne peut pas être
contre l’avortement ou la PMA puisque le
Parlement a délibéré. » On reste
confondu devant la trivialité de cette
argumentation, qui interdit toute
expression à ceux qui ne sont pas
d’accord avec vous. La France est une
république, et cette forme est consacrée
dans la constitution, mais il ne
viendrait à l’idée de personne de
vouloir interdire aux royalistes qui
souhaitent un royaume de s’exprimer.
Il est parfaitement
exact que cette passion morbide pour la
censure, qui s’exprime de toutes sortes
de façons vient de celui qu’on appelle
improprement le camp de la « gauche ».
Il s’agit plutôt de ces couches moyennes
de ces petits-bourgeois libéraux
progressistes qui toisent et méprisent
le peuple et qui pénétrés de la
supériorité sociale et intellectuelle
qu’ils s’attribuent considèrent qu’ils
détiennent la vérité. Et donc qu’ils
peuvent exiger que ceux qui ne pensent
pas comme eux, les « déplorables » comme
disait Hillary Clinton soient interdits
de parole.
Dans l’actualité, n’est plus qu’une
litanie de lynchages médiatiques, de
campagnes d’intimidation, de
manifestations parfois violentes pour
interdire l’antenne à des journalistes,
empêcher telle philosophe de faire une
conférence à l’université, d’autodafés
de livres, d’interdiction de projection
de films jusqu’à des appels au meurtre
où récemment des néo féministes
demandaient à propos de Polanski que
l’on sépare l’homme de l’artiste mais à
la hache, ou qu’on le brûle avec du
kérosène…
Et il y a aussi les
lois liberticides qui se succèdent en
cadence au Parlement sur les fake news,
anti-casseurs, contre la haine, contre
le sexisme, etc. etc. Ces textes sont en
général portés par ces anciens
socialistes qui ont rejoint Emmanuel
Macron et sont la colonne vertébrale de
son appareil de répression avec
Christophe Castaner et Nicole Belloubet
en tête de gondole.
Ces dérives sont
très inquiétantes et lorsque l’on voit
ce qui se passe dans notre pays avec les
atteintes à la liberté de manifestation
et maintenant à la liberté d’expression,
il devient difficile d’aller donner des
leçons à la Russie ou à la Chine. Et ce
d’autant que l’appareil judiciaire, et
il l’a notamment montré à l’occasion de
la crise des gilets jaunes en mettant en
œuvre une répression sans précédent, ne
voit aucun inconvénient à se mettre
complètement au service de ce qui
devient un système de démocratie
illibérale. À titre d’exemple il s’est
quand même trouvé un tribunal pour
condamner un manifestant pour avoir crié
« Castaner assassin » dans un cortège…
malheureusement, il y a de tels exemples
par dizaines.
Existe-t-il une
raison concernant ces agissements ?
Est-ce dû à une vision manichéenne du
monde ?
Régis de
Castelnau : Comme je l’ai dit plus
haut, ce refus compulsif de la liberté
d’expression vient de la gauche. Qui a
été dans le passé de tous les grands
combats pour celle-ci, mais les a
aujourd’hui abandonnés et milite pour
l’instauration d’une censure. Il y a mon
avis plusieurs raisons à ce changement
radical.
• Tout d’abord
armée de son gauchisme culturel la
petite bourgeoisie de gauche, organisée
politiquement auparavant au sein du PS,
a rallié le néolibéralisme dont elle est
devenue le principal outil pour
l’imposer au peuple français qui n’en
veut pas. Le courant qui entoure
Emmanuel Macron est massivement composé
d’anciens socialistes. Il y a là une
approche fonctionnelle, la démocratie
représentative respectueuse des libertés
étant un obstacle à la mise en œuvre de
ce programme. N’oublions pas que le
pouvoir d’Emmanuel Macron est
minoritaire (16 % des inscrits au
premier tour de la présidentielle et 11
% des inscrits aux européennes) et que
par conséquent il a besoin de
restreindre les libertés publiques pour
pérenniser son pouvoir et mettre en
œuvre son programme.
• Ensuite, il y a
ce sentiment d’être le camp du bien,
c’est-à-dire de faire partie d’une
catégorie de la population qui a mieux
compris le monde que les masses
incultes. Et que ce statut lui donne des
droits et des privilèges. Le niveau de
corruption des couches supérieures de ce
bloc est de ce point de vue assez
sidérant. Il est corrélé à un sentiment
d’impunité de même nature que cette
passion pour la censure : nous sommes
au-dessus du vulgaire, donc nous avons
tous les droits et en particulier celui
de faire taire ceux qui ne pensent pas
comme nous. Je ne dirais pas qu’il
s’agit d’une vision manichéenne, mais
plutôt d’une conviction que la règle
commune ne s’applique pas à eux.
• Le pire est quand
même l’espèce d’ingénuité et la bonne
conscience avec laquelle ils adoptent
ces comportements. Lorsque vous venez
dire par exemple à Monsieur Gaspard
Gantzer condisciple d’Emmanuel Macron à
l’ENA et soutien acharné de la censure
exercée à l’encontre des affiches
d‘Alliance Vita, qu’il est un ennemi de
la liberté d’expression, il est
stupéfait. « Je suis de gauche, comment
osez-vous ? ». J’ai une petite anecdote
relative à la France insoumise. J’ai
participé à la réalisation du
documentaire sur le law fare dont a été
victime ce parti avec les perquisitions
à grand spectacle qui avaient mis
Jean-Luc Mélenchon en colère. La
manipulation politique du Parquet
National Financier était une évidence,
et d’ailleurs ce documentaire exposait
en détail les mécanismes dont Mélenchon
et ses amis avaient été les victimes.
Cela n’empêcha pas quelques jours plus
tard quatre parlementaires du groupe LFI
à l’assemblée de saisir le parquet de
Paris d’un « signalement » à l’encontre
d’Alain Finkielkraut pour sa sortie «
second degré » sur un plateau de
télévision face à Caroline de Haas. Ce
courrier était un modèle de flagornerie
obséquieuse pour ceux qui justement
étaient à l’origine des manipulations
politiques dont avait été victime
Mélenchon. Nos quatre vaillants
délateurs, appelant à la censure et à la
condamnation de l’académicien, n’y ont
vu évidemment aucune contradiction.
Ce genre
d’incidents ne sert-il pas à masquer les
problèmes réels qui se posent ?
Régis de
Castelnau : Je ne crois pas, qu’il
s’agisse de diversion.
Ce sont des
questions essentielles et la
multiplication de ces atteintes aux
libertés publiques fondamentales fait
partie d’un système politique. Celui mis
en place par Emmanuel Macron ne peut pas
supporter une réelle liberté
d’expression. Alors on laisse
s’installer, voir on organise une
culture de la censure. Ce sont toutes
ces polémiques successives, toutes ces
campagnes, toutes ces lois, toutes ces
décisions judiciaires qui finissent par
installer un climat de censure
acceptable. Les grands médias sont entre
les mains des grands groupes
économiques, le service public
radiotélévisé est aux ordres,
aujourd’hui le véritable contre-pouvoir
provient du numérique et des réseaux.
Cela explique pourquoi ces lieux
d’expression et de débat font l’objet de
ces attaques récurrentes.
Il est essentiel de
tenir bon et de défendre la liberté,
notre d’expression, contre toutes ces
tentatives qui la mettent en danger.
Même si l’on n’est pas d’accord avec
eux, l’épisode des affiches d’Alliance
Vita nécessite d’être ferme et de
défendre les principes.
Le sommaire de Régis de Castelnau
Le dossier politique
Les dernières mises à jour

|