Vu du Droit
Municipales 2020 : Macron n’aime pas la
démocratie
Régis de Castelnau
Mardi 2 juin 2020 Il
faudra faire les comptes
Emmanuel Macron a
donc décidé de valider le premier tour
des élections municipales et de fixer le
second au 28 juin prochain. Montrant
ainsi, une fois de plus le peu de cas
qu’il fait du fonctionnement régulier et
démocratique des institutions.
C’est une chose
entendue, le pouvoir sous la
responsabilité d’Emmanuel Macron a été
en dessous de tout dans la gestion de ce
qui était totalement prévisible dès le
mois de janvier, c’est-à-dire une crise
sanitaire majeure. Après avoir
méthodiquement démoli le système de
santé français, ils ont été incapables
de prévoir et ont donné l’image d’une
gestion administrative faite de gabegie,
d’incurie et d’amateurisme. Et pour
corser le tout, dans une crise
planétaire géante, la voix de la France
était celle de Sibeth Ndiaye multipliant
impairs et mensonges !
Il faudra
impérativement faire les comptes de
cette tragédie qui n’a pas encore
produit tous ses effets. Et quoiqu’en
disent les soutiens d’Emmanuel Macron,
ces comptes devront être politiques,
mais aussi pénaux pour ceux qui ont
commis des fautes avérées relevant du
code. Dans un État de droit, cela
fonctionne comme ça et ceux qui ont la
charge de l’intérêt public ne sont pas
pour autant des citoyens à part. On
aurait pu espérer que le rappel de leurs
responsabilités aux gens qui gouvernent
les aurait amenés à plus de
circonspection et d’efficacité dans
l’élaboration et l’application de leurs
décisions. Malheureusement, chassez le
naturel il revient au galop. Tel Olivier
Véran s’exposant à un ridicule
planétaire en prenant fait et cause pour
une étude manifestement truquée pour
asseoir une décision brutale, inepte et
inutile. Ou la nomination de Pierre
Moscovici caricature du monde d’avant à
la tête de la Cour des Comptes. Hélas il
y a pire, comme cette décision de fixer
le second tour des municipales au 28
juin prochain.
Un premier tour
électoral maintenu malgré les évidences
Alors on va encore
une fois rappeler que dans une
démocratie représentative, la SINCÉRITÉ
du scrutin est quelque chose de
fondamental. Il est clair que celle-ci a
été complètement altérée par la
situation que traverse notre pays, et
que la légitimité démocratique des
listes élues le 15 mars est égale à
zéro. Rappelons que Gerald Darmanin a
été élu au premier tour à Tourcoing avec
10 % des inscrits !
Les règles qui
président au déroulement des élections
sont extrêmement précises et
minutieuses. Leur respect destiné à
garantir la sincérité de l’expression du
peuple est absolument fondamental. Et si
elles ont été violées, les scrutins
concernés peuvent et doivent être
annulés par le juge administratif sous
le contrôle du Conseil d’État. En
matière d’élection afin d’en assurer la
sincérité, la forme est inséparable du
fond. Or qu’avons-nous constaté pour le
premier tour du 15 mars dernier ?
La campagne a été
complètement faussée par la crise
sanitaire. La communication, et la
propagande qui doivent être libres, ont
été perturbées par la menace pandémique
et les incertitudes qui pesaient
lourdement sur la tenue même du scrutin.
L’annonce de son maintien a été
effectuée 48 heures avant, dans le même
temps où le président de la république
annonçait la mesure extrême du
confinement de la population française.
Rappelons que les écoles ont fermé le 13
mars, et tous les établissements de
restauration le 14, veille du scrutin !
Celui-ci a été marqué par une abstention
complètement inhabituelle pour cette
élection, évidemment due à la peur du
virus et au refus de s’exposer. Dans ces
conditions, les listes élues au premier
tour sont frappées d’une illégitimité
démocratique difficilement discutable.
Compte tenu du confinement, il n’a pas
été possible d’installer comme, c’est la
règle le jeudi suivant l’élection, les
nouveaux conseils. Ce sont donc ceux
élus en 2014 qui ont assuré la mission
pendant toute la durée du confinement !
Le gouvernement
s’est immédiatement trouvé confronté à
l’impossibilité d’organiser normalement
le deuxième tour. Or le scrutin
municipal s’il se déroule en deux tours
séparés de huit jours est un scrutin
unique. Pour des raisons juridiques (les
textes fondamentaux) et politiques (la
dynamique de la campagne), les deux
tours sont inséparables. Et ce qui est
extraordinaire, c’est qu’Emmanuel Macron
a pris la décision de maintenir le
premier tour en sachant l’impossibilité
du second puisque la décision de
confinement était déjà prise le rendant
impossible ! Un tel niveau
d’inconséquence, voire de duplicité est
quand même assez stupéfiant. Un scrutin
démocratique est un tout, s’organise en
application de la loi, et n’est pas
saucissonnable en fonction des
desideratas d’un homme fut-il le chef de
l’État.
L’illégalité du
premier tour provoque celle du second
Il y a encore plus
grave, les caractéristiques juridiques
de cette décision de maintien du premier
tour entachent nécessairement
d’illégalité le second. En effet, à la
conséquence de l’absence de sincérité,
s’ajoute le problème de l’infraction
pénale constituée par ce maintien. En
matière d’homicide et blessures
involontaires, le code pénal prévoit
deux conditions pour que la
responsabilité des auteurs indirects
puisse être établie. Tout d’abord
l’existence de ce que
l’article 121-3 du code appelle «
une faute caractérisée » et que
celle-ci ait eu pour conséquence le
dommage corporel. Que dit ce texte de la
faute caractérisée : «Dans le cas
prévu par l’alinéa qui précède, les
personnes physiques qui n’ont pas causé
directement le dommage, mais qui ont
créé ou contribué à créer la situation
qui a permis la réalisation du dommage
ou qui n’ont pas pris les mesures
permettant de l’éviter, sont
responsables pénalement s’il est établi
qu’elles ont, soit violé de façon
manifestement délibérée une obligation
particulière de prudence ou de sécurité
prévue par la loi ou le règlement, soit
commis une faute caractérisée et qui
exposait autrui à un risque d’une
particulière gravité qu’elles ne
pouvaient ignorer. » Qui pourrait
prétendre qu’Emmanuel Macron Édouard
Philippe et Christophe Castaner ne
savaient pas que le déroulement du
scrutin exposerait organisateurs locaux
et électeurs à un risque d’une
particulière gravité, puisque son
existence avérée venait d’imposer le
confinement ?
Quant au dommage,
c’est celui des personnes, présidents et
assesseurs des bureaux et électeurs, et
les électeurs
contaminées par le Covid19 à cette
occasion, avec toutes les conséquences.
En nier l’existence serait une
insolence.
Dans ces
conditions, on voit mal comment les
juridictions administratives saisies des
contentieux du deuxième tour du 28 juin,
pourraient ne pas constater l’illégalité
de la décision de maintien du 15 mars
pour son caractère pénal. Et en déduire
l’illégalité du deuxième tour
inséparable du premier et qui par
conséquent devra être annulé. En effet
il est de jurisprudence constante
que la loi pénale appartient au bloc de
légalité que l’administration doit
respecter et l’autorité administrative
ne peut adopter une décision qui
constituerait l’élément matériel d’une
infraction pénale.
Le deuxième tour du
28 juin est lui-même illégal
Il se trouvera
sûrement des éditocrates pour trouver
des excuses à l’équipe au pouvoir dans
le maintien du premier tour.
L’aggravation brutale de la pandémie,
les soi-disant demandes de l’opposition,
la revendication de l’ignorance des
effets du virus ne manqueront pas de
nous être opposée. Malheureusement,
perseverare diabolicum, la décision
d’organiser le deuxième tour le 28 juin
prochain, démontre à nouveau un total
mépris du mécanisme électoral et de son
importance dans une république
démocratique.
Nous sommes en
procédure minutieuse de déconfinement,
énormément de contraintes sont toujours
en vigueur, port du masque obligatoire
dans certaines circonstances,
interdiction de rassemblement de plus de
10 personnes, transports en commun pas
encore revenu à la normale normales,
distances de sécurité, gestes barrières
et il faudrait organiser pour les
candidats une campagne électorale
démocratique ? C’est simplement une
plaisanterie. Quant au scrutin lui-même,
alors qu’on sait que le virus circulera
toujours, on se doute que l’appréhension
entraînera une abstention probablement
encore plus massive. Et par ailleurs on
nous dit que présidents et assesseurs
des bureaux ainsi que les électeurs
devront porter un masque, empêchant la
vérification de leur identité !
Tout ceci est
complètement incompatible avec
l’organisation d’un scrutin régulier.
La décision
gouvernementale viole ainsi
l’article 25 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
ratifiés par la France et par conséquent
applicable chez nous. Celui-ci impose
que les citoyens des pays signataires
puissent participer à des élections
assurant que tout citoyen ait une chance
d’être choisi librement s’il s’est porté
candidat et que les électeurs puissent
choisir librement tel ou tel candidat.
Concernant le premier impératif, les
conditions sanitaires réglementées sous
peine de sanctions empêcheront
naturellement de mener une campagne
normale, faites de contacts, de
réunions, de rencontres, et de meetings.
Tout ce qui à l’évidence ne peut se
faire par télétravail… À cela s’ajoute
un énorme déséquilibre, puisque depuis
trois mois, et légitimement, les
autorités gouvernementales dont certains
membres sont directement candidats ont
disposé d’un temps de parole et
d’exposition considérable dans les
médias provoquant nécessairement un
déséquilibre. Quant à la liberté de
choix, la perception du risque sanitaire
découragera nombre d’électeurs d’aller
voter. Probablement encore plus qu’au
premier, même si le Gouvernement assure
que la situation sanitaire est bonne et
que le « conseil scientifique » partage
cet optimisme. Toutes les études ont
démontré l’énorme défiance des Français,
vis-à-vis du pouvoir dont la parole
publique est complètement disqualifiée.
Prétendre qu’ils seraient rassurés par
les interventions de Sibeth Ndiaye
serait faire preuve d’une joviale
subjectivité. Alors, fondées ou non, ces
craintes vont dissuader une part très
significative des électeurs de se rendre
aux urnes pour ne pas affronter le
risque. Faussant ainsi le résultat qui
ne deviendra pas le fruit de la volonté
de tous les électeurs mais de celle des
immunisés, des plus intrépides et des
jeunes moins exposés.
Il y a également l’article 3 du 1er
protocole additionnel à la CEDH Droit à
des élections libres qui consacrent
le droit de faire campagne.
Principe confirmé dans la décision de la
CEDH :
Parti communiste c. État russe en 2012.
Organiser à nouveau
un scrutin dans les règles démocratiques
Organiser ainsi ce
deuxième tour complètement séparé du
premier d’abord par le temps et ensuite
par l’épreuve, n’est pas politiquement
sérieux. Beaucoup plus grave, c’est
inconstitutionnel, illégal et
antidémocratique et permet de constater
une fois de plus les rapports
particuliers qu’entretient système
d’Emmanuel Macron avec le respect des
normes démocratiques. Cette décision
surprise, alors qu’on nous annonçait une
reprise de la totalité des opérations
électorales pour les communes non dotées
au premier tour à l’automne, obéit à des
impératifs vulgairement politiciens
évidents.
Il s’agit de faire
disparaître une défaite électorale
cuisante de LREM, dans les bruits de
l’orchestre du déconfinement, et alors
que les Français se remettent de leur
enfermement et appréhendent ce qui les
attend sur le plan économique.
Il est également
possible sinon probable qu’on en
profitera pour procéder à un remaniement
en renvoyant Édouard Philippe à sa
mairie du Havre et Édouard Darmanin à
celles de Tourcoing. En présentant aux
Français soucieux de passer un été
tranquille un nouveau gouvernement,
composé d’une poignée de médiocres
amateurs de soupe, et dûment qualifié «
d’union nationale ».
La seule solution
démocratique et décente impose de
refaire complètement le scrutin des
municipales 2020.
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