Chronique de
Palestine
Israël panique à l’idée que la Cour
Internationale
de Justice finisse un jour par faire son
travail
Ramzy Baroud
Juillet/août 2014 - Israël bombarde sans
relelâche le camp de concentration de
Gaza,
faisant des milliers de victimes - Photo
: Archives
Lundi 27 janvier 2020
Finalement, Fatou Bensouda, la
procureure générale de de la Cour Pénale
Internationale a rendu publique la
conclusion attendue depuis si longtemps
« que tous les critères définis dans le
Statut de Rome pour l’ouverture d’une
enquête (NDA : sur des crimes de guerre
présumés dans les Territoires
Palestiniens Occupés) sont remplis ».
La conclusion de
Bensouda était en préparation depuis
longtemps, bien trop longtemps. L’examen
préliminaire sur les crimes de guerre
israéliens a commencé
il y a déjà cinq ans, en 2015.
Depuis, de nombreux crimes de même
facture ont été commis alors que la
communauté internationale se complaisait
dans son inertie morale. La
déclaration de la CPI publiée le 20
décembre affirme « qu’il n’existe aucune
raison sérieuse de penser que
l’ouverture d’une enquête desservirait
les intérêts de la justice ».
Mais les “intérêts
de la justice” peuvent-ils correctement
être servis avec un gouvernement des
États-Unis d’Amérique qui brandit un
énorme bâton fait de pressions
diplomatiques, politiques et financières
afin d’assurer qu’Israël se sorte
totalement indemne de cette dernière
épreuve judiciaire ?
On ne peut pas
contester que Maichael Lynk , le
Rapporteur Spécial des Nations Unies sur
la situation des Droits de l’Homme dans
les Territoires Palestiniens Occupés a
parfaitement raison de dire qu’une
enquête pénale officielle sur les crimes
de guerre en Palestine constitue « un
pas très important vers la recherche de
reddition de comptes ».
Il a raison aussi
de dire, dans son appréciation publiée
dans le site web du Bureau
Haut-Commissaire des Nations Unies aux
Droits de l’Homme que « le fait de
rendre des comptes tout au long des 52
années d’occupation a jusqu’à présent
été de façon générale absente. »
Il faut reculer
encore plus loin dans le temps la
chronologie de l’impunité d’Israël pour
ses crimes. Elle remonte à deux
décennies avant l’occupation de
Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de
Gaza. Il le faut, car on ne peut pas se
résoudre à simplement oublier le
nettoyage ethnique en Palestine en
47-48, les nombreux massacres et
assassinats qui furent commis durant ces
années cruciales et les années qui
suivirent, comme on ne peut pas accepter
l’idée qu’Israël soit absoute pour les
violations répétées du droit
international et humanitaire entre 1948
et 1967, violations pour lesquelles elle
n’a jamais eu à rendre de compte.
En tout état de
cause, l’Autorité Palestinienne et tous
les partis politiques en Palestine
doivent saisir cette opportunité unique
pour amener Israël à rendre des comptes.
Dès que la CPI
rendit publique sa déclaration, des
rapports apparurent dans la presse à
propos d’un
vent de panique en Israël. Le
Times of Israël rapporta
l’information qu’une
réunion fut tenue peu après, avec
pour objet de trouver la réponse
adéquate, y compris celle d’interdire
aux
enquêteurs l’entrée en Israël.
Une pratique
sinistre bien connue. En de multiples
occasions dans le passé, Israël a soit
interdit l’entrée aux enquêteurs et
observateurs internationaux soit refusé
de coopérer avec eux. Quand les Nations
Unies décidèrent en 2002 de mener une
enquête sur des crimes de guerre
présumés dans le camp palestinien de
Jénine, le gouvernement israélien réagit
très vite et, malheureusement, réussit
tout simplement à
bloquer cette enquête.
Une pratique
répétée tant de fois et qui souvent
diabolise les individus auxquels a été
confiée la mission d’examiner à la
lumière du Droit international le
comportement illégal d’Israël. Des juges
respectés et des experts en droit
international tels que Richard Goldstone,
Richard Falk et John Dugard ont été
violemment attaqués par les officiels
israéliens et à leur suite, par le
gouvernement et les médias
us.-américain.
Israël a réussi à
se sortir indemne de dizaines de
résolutions des Nations Unies ainsi que
d’innombrables rapports et accusations
par les Nations Unies et ses agences à
cause principalement du soutien aveugle
et inconditionnel que lui apportent les
USA, un soutien qui a protégé les
criminels de guerre israéliens et leur a
évité de répondre de leurs actes en
Palestine.
“Il ne faut pas
oublier », a déclaré l’auteur Norman
Finkelstein dans une
interview récente avec le journal en
ligne Mondoweiss, que « Hillary Clinton
(qui était alors secrétaire d’État)
s’était vantée d’avoir personnellement
tué le rapport Goldstone. »
Le
rapport Goldstone fut publié au
lendemain de l’Opération Cast
Lead, la guerre menée par Israël
contre Gaza en 2009. La
campagne d’intimidation et de pression
contre la personne même de Goldstone a
forcé ce juge respectable à
se rétracter sur ses accusations de
crimes de guerre et de ciblage délibéré
des civils commis par Israël.
Alors que Clinton
apporta sa contribution en sabotant le
Rapport Goldstone, le président Obama ,
d’après Finkelstein, « fit tout ce qu’il
pouvait pour empêcher que le droit
international s’applique contre
l’implantation de colonies et autres
crimes israéliens dans les territoires
occupés ».
Plus grave encore,
le 14 septembre 2016, Obama accorda au
premier ministre israélien Benjamin
Netanyahu, accusé lui-même de multiples
crimes de guerre contre les
Palestiniens,
la plus grosse aide us-américaine
dans l’histoire moderne :
38 milliards de dollars sur dix ans.
Nous avons là à un
schéma bien connu où les USA rendent
possibles les crimes d’Israël tout en
protégeant celui-ci de toute tentative
de l’amener à rendre des comptes devant
la communauté internationale. Toutes les
administrations, qu’elles soient
républicaines ou démocrates, ont obéi à
ce sinistre schéma qui assure à Israël
l’impunité pour ses crimes.
Un des cas les plus
révélateurs s’est passé en 2001, quand
28 survivants palestiniens et libanais
du massacre de Chatila tentèrent de
poursuivre devant un tribunal belge le
dirigeant israélien Ariel Sharon pour
crimes de guerre. Des pressions
américaines intolérables, appuyées par
une campagne éhontée d’intimidation et
exercées sur le gouvernement et le
système judiciaire belges conduisirent
tout simplement à l’annulation
du procès.
ire encore, afin
d’interdire aux victimes d’Israël toute
chance d’obtenir justice sur le
territoire belge, la Belgique abrogea la
loi ouvrant cette voie, à la grande
satisfaction d’Israël et des États-Unis.
Cette fois-ci,
l’envergure de l’enquête de la CPI hisse
l’action judiciaire contre Israël à un
niveau plus élevé que jamais. Un
territoire jamais exploré auparavant,
aussi bien pour Israël et les États-Unis
que pour la Palestine, la CPI et la
communauté internationale dans son
ensemble. Il ne fait aucun doute qu’un
effort concerté israélo-américain visant
à contrecarrer, voire à tout simplement
invalider l’enquête de la CPI, est déjà
en cours.
Il est clair que
les Palestiniens ne pourront pas obtenir
justice face aux agressions
israéliennes, rendues d’autant plus
fréquentes et féroces par le soutien
us-américain, si leurs efforts ne
s’appuient pas sur une entente régionale
et internationale pouvant aboutir à une
décision claire et ferme et prise par
toutes les parties concernées, d’amener
Israël à payer une fois pour toutes pour
son occupation militaire, ses lois
racistes d’apartheid, son siège prolongé
de Gaza et les nombreux massacres qu’il
a commis.
Sans une telle
volonté internationale, l’enquête de la
CPI risque de devenir un autre
lamentable cas de déni de justice, une
chose que toute entité dans le monde
aspirant à la justice – que ce soit un
individu, une organisation ou un État –
ne peut accepter.
* Ramzy Baroud est journaliste,
auteur et rédacteur en chef de
Palestine Chronicle. Son prochain
livre est «The
Last Earth: A Palestine Story» (Pluto
Press). Baroud a un doctorat en études
de la Palestine de l’Université d’Exeter
et est chercheur associé au Centre
Orfalea d’études mondiales et
internationales, Université de
Californie. Visitez son site web:
www.ramzybaroud.net.
8 janvier 2020 –
RamzyBaroud.net – Traduction :
Chronique de Palestine – Najib Aloui
Les dernières mises à jour
|