Opinion
Le voyage de Kerry en Asie et
l'intensification des préparatifs de
guerre contre la Chine
Peter Symonds

Photo:
D.R.
Mardi 18 février 2014
La visite à Beijing
du ministre américain des Affaires
étrangères John Kerry vendredi dernier,
est la dernière étape en date du « pivot
vers l'Asie » provocateur du
gouvernement Obama, dont le but est de
saper l'influence chinoise et de
renforcer les forces militaires et les
alliances américaines en préparation de
la guerre. Ayant délibérément attisé de
dangereux points chauds en Asie au cours
des quatre dernières années, les
États-Unis tentent de profiter de leur
avantage, quelles qu'en soient les
conséquences.
À Beijing, Kerry a
cherché à imposer son autorité sur la
direction chinoise sur une série de
questions sensibles. Sur la situation
explosive dans la péninsule coréenne, il
a insisté pour que la Chine utilise «
tous les outils à sa disposition », y
compris des sanctions économiques qui
auraient un effet paralysant, pour
forcer son allié nord-coréen à se plier
aux exigences américaines de
dénucléarisation. En relation avec la
situation tendue en Mer de Chine
orientale et en Mer de Chine
méridionale, il a appelé Beijing à
adopter « un régime plus calme, plus
appuyé sur le droit, moins conflictuel
», faisant implicitement porter à la
Chine la responsabilité des tensions que
les États-Unis on délibérément ravivées.
Pour faire bonne
mesure, Kerry a également insisté auprès
des dirigeants chinois pour qu'ils
soutiennent leur opération de changement
de régime en Syrie et qu'ils suivent la
ligne américaine concernant l'Iran aux
Nations unies, et a exprimé des
inquiétudes sur les « droits de l'Homme
» en Chine, « en particulier en ce qui
concerne les régions tibétaine et
ouïghour ». Cette dernière référence
était calculée pour jouer sur les
craintes légitimes des Chinois quant à
l'exploitation par les États-Unis des
mouvements séparatistes dans ces régions
de Chine afin de fracturer le pays.
Kerry a paré ses
exigences provocatrices des atours du
langage de la « paix », de la «
démocratie » et de la « sécurité ».
L'intervention américaine dans les
conflits maritimes de longue date entre
la Chine et ses voisins a lieu sous la
bannière de la « liberté de navigation.
» Le refrain américain habituel est que
Beijing doit se conformer à l'ordre
mondial actuel « qui s’appuie sur des
règles », c'est-à-dire, un ordre dominé
par l'impérialisme américain, où les «
règles » sont fixées par Washington.
Tout cela est répercuté sans un mot de
critique par des médias complètement
soumis.
Les États-Unis au
contraire opèrent dans le monde entier
en toute impunité et avec un mépris
absolu des règles sur lesquelles ils
donnent des leçons aux autres. Le
président Obama, reprenant la politique
du président Bush, a accordé aux
États-Unis le droit de mener des guerres
« préventives », c'est-à-dire, des
guerres d'agression pour faire avancer
les intérêts et les ambitions mondiales
de Washington. L'invasion américaine de
l'Afghanistan en 2001 fut suivie des
guerres d'Irak et de Libye ainsi que de
multiples provocations, sanctions et
menaces militaires contre une série de
pays, dont l'Iran et la Corée du Nord.
Déclencher une guerre d'agression est
une infraction fondamentale au droit
international et ce fut l'accusation
principale soulevée lors du procès de
Nuremberg contre les dirigeants nazis
après la Seconde Guerre mondiale.
Les criminels
installés à la Maison blanche traitent
les « droits de l'Homme », ainsi que les
normes internationales et le droit
international, avec un mépris absolu.
Dans le cadre bidon de leur « guerre
contre le terrorisme », les États-Unis
poursuivent un programme de meurtres et
d'assassinats sans restriction par des
frappes de drones, y compris contre des
citoyens américains. Les déportations de
prisonniers vers des Etats tiers, la
torture et la détention pour une durée
indéterminée sans procès sont toujours
de mise. Sur le sol des États-Unis, les
droits constitutionnels fondamentaux
sont battus en brèche. Le lanceur
d'alerte Edward Snowden a révélé les
vastes opérations d'espionnage de la
National Security Agency contre
toute la population américaine et les
peuples du monde entier, ainsi qu'une
guerre électronique et des programmes de
piratage informatique des États-Unis qui
visent aussi bien leurs ennemis que
leurs alliés officiels.
Quelle serait la
réaction américaine à des actions
similaires de la part de la Chine ou
d'un autre pays ? Que se passerait-il si
des navires étrangers patrouillaient
régulièrement au large des côtes
américaines sous le prétexte de la «
liberté de navigation », ou si un rival
établissait une base militaire, sans
parler d'une série de bases et
d'alliances, quelque part en Amérique
latine, ou s'il critiquait les abus des
États-Unis contre les « droits de
l'Homme », ou soutenait les
revendications de Cuba sur la Baie de
Guantanamo ? Poser la question, c'est y
répondre. Chacun de ces actes
déclencherait une réaction belliqueuse,
y compris la menace de guerre.
Les actions du
gouvernement Obama au cours de ces
quatre dernières années ont transformé
toute la région indo-pacifique en une
poudrière très instable.
-
· En encourageant le Japon et les
Philippines, en particulier, à
insister sur leurs revendications,
les États-Unis ont transformé de
vieux conflits maritimes assez peu
intenses en Mer de Chine orientale
et en Mer de Chine méridionale en
des points chauds internationaux de
premier plan. Les États-Unis ont
indiqué leur intention, juste avant
le voyage de Kerry, de raviver
encore plus les tensions en Mer de
Chine méridionale en abandonnant
leur posture de « neutralité » sur
ces questions territoriales et en
prenant ouvertement position contre
la Chine.
-
· Sur la péninsule coréenne, le
gouvernement Obama a refusé de
prendre part à toute négociation
internationale sur les programmes
nucléaires de la Corée du Nord à
moins que Pyongyang ne se plie à
toutes les exigences américaines.
Plus d'une fois, les États-Unis ont
imprudemment joué avec le feu et
failli provoquer une catastrophe en
réagissant au moindre incident par
une démonstration de force massive.
En mars/avril dernier, en réaction à
la rhétorique belliqueuse mais
creuse de la Corée du Nord, le
Pentagone a envoyé des bombardiers
B-52 et B-2 pouvant contenir des
armes nucléaires, ainsi que des
navires de guerre, en Corée du Sud,
et annoncé une rénovation majeure de
ses systèmes anti-missiles en Asie
du Nord-Est.
-
· le gouvernement Obama a développé
le dispositif militaire des
États-Unis dans toute la région,
avec des plans pour transférer 60
pour cent de tous les moyens aériens
et maritimes dans la région
indo-pacifique en 2020. Les
États-Unis ont renforcé leurs
alliances, en particulier avec le
Japon et l'Australie. Ils sont en
train de restructurer ou d'établir
des arrangements pour des bases au
Japon, en Corée du Sud, en
Australie, à Singapour et aux
Philippines, et renforcent leurs
liens stratégiques avec pratiquement
tous les pays de la région. Les
laboratoires d'idées américains
proches de l'élite militaire
discutent publiquement des plans,
des préparatifs et des stratégies
pour une guerre contre la Chine.
Loin d'être une
force pour la « paix » et la « sécurité
», l'impérialisme américain est
aujourd'hui le facteur le plus
déstabilisant de la politique mondiale.
Cinq ans après l'effondrement financier
mondial de 2008-09, les États-Unis
cherchent à surmonter leur crise
économique toujours en cours en imposant
de nouveaux fardeaux à la classe
ouvrière dans le pays et à leurs rivaux
à l'étranger. Le gouvernement Obama
exploite la supériorité militaire
américaine pour s'assurer d'une
hégémonie continue des États-Unis en
Asie, qui est devenue le principal
fournisseur de main d'oeuvre bon marché
du monde, avec la Chine en son centre.
Cet ordre mondial « qui s’appuie sur des
règles » cherche à réduire la Chine au
rang de semi-colonie soumise.
En s'opposant aux
préparatifs de guerre des Etats-Unis
contre la Chine, on ne peut accorder
aucun soutien à la direction chinoise,
qui est profondément hostile à la classe
ouvrière et qui cherche avant tout à
parvenir à un accord avec Washington. Au
cours des trente dernières années, le
Parti communiste chinois a grandement
affaibli toute capacité de résistance
aux agressions américaines en
démantelant les relations de propriété
nationalisées et en intégrant la Chine
dans le capitalisme mondial comme une
vaste plate-forme à bon marché. Le PCC
est surtout organiquement hostile à
toute mobilisation indépendante de la
classe ouvrière chinoise et
internationale, l'unique force sociale
qui soit capable de mettre fin au danger
d'une guerre catastrophique par
l'abolition de sa cause principale: le
système capitaliste en faillite et son
organisation en Etats-nations,
totalement dépassée.
(Article original
paru le 17 février 2014)
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Publié le 18 février 2014 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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