Liban
Liban : Quoi d’autres après la
démission de Saad Hariri ?
Ghaleb Kandil

Jeudi 31 octobre 2019
Les discussions des salons et des
forums politiques invitent soit à
négocier de nouveau avec le Premier
ministre Saad Hariri, lequel a présenté
sa démission, soit à rechercher une
autre personne capable de diriger un
nouveau gouvernement, suite à ce premier
pas célébré en tant que fruit de la
« révolution » populaire sur les places
bondées de monde.
Dans la liesse de la victoire se sont
mélangées toutes les opinions
contradictoires, les photos souvenir
mêlant au cœur du soulèvement
revendicateur les dirigeants et
militants des partis et groupes de
gauche fascinés par leurs images et
stupéfaits de voir leurs symboles
regagner les épaules des manifestants et
partisans ; les piliers du
néolibéralisme au sein du régime
libanais, au premier rang desquels
l’architecte de la
catastrophe économique et financière, le
président Fouad Siniora ; les bâtisseurs
mémorables des cantons les plus laids
durant la guerre civile avec, à leur
tête, MM.
Walid Joumblatt et Samir Geagea, pour
lesquels cette démission est, en
elle-même, une « précieuse pêche » pour
chambouler l’équilibre politique du
gouvernement, duquel ils n’ont cessé de
se plaindre et contre lequel ils n’ont
cessé d’élever le ton de leurs discours,
en parfait accord avec les pressions
américano-saoudiennes, depuis l’élection
du président Michel Aoun.
C'est ainsi
que nous avons vu, sur les écrans des
chaînes d’information continue, ceux qui
ont érigé les barrières de l’oppression,
de la prédation ou de l’incitation
sectaire, se tenir aux côtés des rêveurs
d'un changement total et radical sur la
base de nombreuses recettes réparties
entre nombre de groupements en colère,
séduits par la promesse d’une
alternative au gouvernement en place ;
alternative encore ambigüe dans les
discours des « révolutionnaires ».
Une ambiguïté
qui ne semble pas spontanée, vu
l'émergence concomitante des manœuvres,
désormais démasquées, des académies des
Jésuites et des Anglo-saxons cherchant à
exploiter la spontanéité du
mécontentement et de la colère
populaire. Une colère exacerbée par
certains médias pas plus innocents, ni
moins conscients des objectifs et
agendas notoirement découverts ces
dernières années ; mais au contraire,
spécialisés dans la promotion de
nouvelles fausses et tendancieuses,
depuis qu'ils ont accueilli les cheikhs
d'Al-Qaïda et de Daech, en tant que
« révolutionnaires », dans leurs
reportages suspects payés d’avance pour
des années.
Le recours à
des formateurs étrangers et arabes ayant
contribué aux révolutions dudit
printemps et autres révolutions colorées
dans le monde, afin de former les
"révolutionnaires" de la rue libanaise
aux méthodes de mobilisation des foules
en colère, a été découvert il y a
quelques mois. C'est là une référence
suffisante pour s’interroger sur le
secret du jeu des États-Unis dans tout
ce qui se passe. D’autant plus que
l’opération d’investissement de leur
cadeau au peuple libanais s’est
clairement révélée dans un agenda
politique répondant à un objectif connu
et déclaré depuis des mois par les
départements de planification
américains.
Et cet
objectif est de punir le gouvernement
libanais pour sa prise de position
indépendante, formulée par le président
Michel Aoun, lorsqu’il a usé de
l’expression « droit de réponse » suite
à l'agression de l’ennemi sioniste ayant
visé la banlieue sud, après son échec du
fait de la dissuasion imposée par la
Résistance libanaise. Et aussi, pour les
orientations qu’il a données lors de la
réunion du Conseil supérieur de la
défense, suite auxquelles l'armée
libanaise s’est mise à contrer les
drones sionistes aux côtés des héros de
la Résistance. Ce qui est révélateur de
ce qui se cache derrière les attaques
dirigées contre le président et le
ministre Gebran Bassil dans la rue et
les salles de négociation
gouvernementale, avant la démission du
Premier ministre.
Les mesures
salvatrices du Liban appellent à une
rupture totale avec les arrangements
consentis à l'hégémonie américaine, à
ses conditions et à ses gardiens ;
arrangements ayant dicté le comportement
de l’ensemble des partenaires au sein
des autorités nationales face à une
crise que les tenants du néolibéralisme,
eux-mêmes, décrivent de « catastrophe de
l'effondrement ».
L’effondrement de leur propre modèle
adopté depuis les années quatre-vingt-
dix, lequel repose sur le partage de la
rente, l’écrasement des secteurs de
production et l’imposition d’une formule
économique de consommation régie par les
impératifs de l’hégémonie occidentalo-américaine ;
hégémonie d’autant plus renforcée par
leur choix de la rupture avec l’Est,
tournant ainsi le dos à ses précieuses
opportunités représentant le socle de
sauvetage de la catastrophe économique
et financière.
Il faut
cesser toute glorification de la
corbeille CEDRE [Conférence Economique
pour le Développement par les
Réformes et les Entreprises,
[1][2]] dans un esprit d'ouverture aux
alternatives utiles et possibles à l'Est
et aux têtes de chapitre que nous
proposons comme projet de travail à une
équipe gouvernementale de sauvetage :
Premièrement : Lancer
les
négociations avec la Chine pour
rejoindre son projet « One
Belt, One Road » et traiter
le problème de la bulle des endettements
par un accord sur des emprunts à long
terme, avec la garantie d’y satisfaire
de la part du secteur public libanais
des revenus du partenariat dans
de grands projets tels les chemins de
fer, les usines et les centrales
électriques, les raffineries de pétrole,
le réseau de communication numérique et
ses services, ainsi que les routes
internationales et d’autres projets
proposés pour engagement et
investissement dans le panier CEDRE.
Deuxièmement : Négocier
avec la Syrie, l'Iraq, l'Iran et la
Russie sur de possibles partenariats
commerciaux et productifs dans tous les
domaines, afin de stimuler et de
soutenir les secteurs productifs et de
développer leurs avantages
concurrentiels en mettant à profit
l'abondance de cadres qualifiés et les
qualités naturelles et géographiques du
Liban, lesquelles autorisent une
planification du rebond de
l'agriculture, de l'industrie et du
tourisme. Et discuter, avec les
gouvernements des Pays du Golfe et
d'Europe occidentale, de la correction
de leur modèle de partenariat afin de le
libérer des conditions politiques et
d’imposer une équivalence des intérêts.
Troisièmement :
Réexaminer la totalité de la dette
publique, en réviser les chiffres, les
échéances, les intérêts composés
exorbitants et restructurer le tout en
négociant avec les banques locales, avec
la promulgation d'une nouvelle loi qui
donnerait aux capitaux locaux des
opportunités de partenariat dans des
projets productifs, dans le cadre du
plan d'orientation vers l’Est.
Quatrièmement : Charger
une équipe de juristes et de financiers
de l’examen rétroactif des accords de
privatisation et de partages, conclus
depuis les années quatre-vingt-dix
jusqu'à présent, dans le cadre d'une
opération nationale générale de
récupération des fonds publics, ainsi
que de la révision du dossier SOLIDERE [SOciété
privée LIbanaise DE Reconstruction]
et de toutes ses exemptions, avec
récupération des droits des personnes
dont les biens ont été offerts à
d’autres par les gouvernements
successifs.
Cinquièmement : Établir
des règles juridiques et exécutives
strictes de contrôle des dépenses
publiques, de manière à mettre fin à
toutes les commissions liées à des
transactions monnayées ou à des partages
indus sous couvertures politique et
juridique.
Sixièmement : Fixer les
règles de développement de l’industrie,
de l’agriculture, du tourisme et
accroître leurs avantages
concurrentiels, tout en accélérant les
mécanismes de retour des prêts au
logement subventionné et en développant
des projets de logements répondant aux
besoins des pauvres et de ceux qui ont
été écrasés.
Ce qui est
demandé à la majorité parlementaire est
de s’entendre sur ces orientations et de
chercher à nommer la personne capable de
les porter à la tête d’une équipe
gouvernementale de sauvetage. Et c’est
cela le défi !
Ghaleb
Kandil
30/10/2019
Source : [New
Orient News]
Traduit
par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1][Le
Liban obtient une aide internationale
substantielle]
[2]La
communauté internationale mobilise
11 milliards de dollars pour le Liban]
Monsieur Ghaleb
Kandil est le Directeur du Centre
New Orient News et membre du Conseil
national de l’audiovisuel au Liban (CNA)
chargé des relations arabes et
internationales.
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