Syrie
Syrie : Que cache le raid de la
coalition US sur
le convoi de Daech évacué du Liban ?
Sayed Hassan Nasrallah et Nasser
Kandil
Jeudi 31 août 2017
Ce soir, 30 août, nous apprenons
par l’AFP (Beyrouth) [1] que la
coalition dirigée par Washington,
qualifiée d’« anti-jihadiste » et
d’« anti-État-islamique » (EI ou Daech)
a mené un raid aérien sur un convoi
transportant des terroristes de Daech
évacués du Liban, sur une route menant à
la ville syrienne d’Al-Boukamal. Son
porte-parole, le colonel Riyan Dillon,
ayant affirmé :
« Pour
empêcher le convoi de se diriger plus à
l'est, nous avons créé un cratère et
détruit un petit pont (…) L'EI est une
menace mondiale; déplacer des
terroristes d'un endroit à un autre
(...) n'est pas une solution durable (…)
(La coalition) savait qu'il y avait des
civils (…) Nous prenons cela en
considération (...) si nous parvenons à
les (jihadistes) frapper sans toucher
aux civils, nous le ferons (…) La
coalition surveille le mouvement du
convoi en temps réel. En accord avec les
lois régissant les conflits armés, la
coalition agira contre l'EI au moment et
dans le lieu où elle le pourra ».
Et
l'émissaire du président américain
auprès de la coalition, Brett McGurk,
ayant tweeté :
«
Les terroristes de l'EI doivent être
tués sur le champ de bataille et non pas
être (évacués) à bord de bus à travers
la Syrie jusqu'à la frontière irakienne,
sans le consentement de l'Irak (…) Notre
coalition fera en sorte que ces
terroristes ne puissent jamais entrer en
Irak ou s'échapper de ce qui reste de
leur califat chancelant ».
En effet,
selon RT arabic [2] le Premier
ministre irakien Haïdar al-Abadi aurait
déclaré, lors d’une conférence de presse
tenue la veille de ce raid :
« Bagdad
refuse le transfert d’un grand nombre
d’éléments de Daech de la frontière
syro-libanaise vers des régions
frontalières avec l’Irak (…) Il n’y a
pas de justification aux négociations
avec les terroristes (…) Bagdad ne
cherche pas à confiner Daech mais
à l’éliminer (…) Les terroristes n’ont
d’autres choix que la reddition ou la
mort (…) Nous aurions aimé être
consultés (…) Nous invitons le
gouvernement syrien à ouvrir une enquête
sur cette affaire ».
Le lecteur
pourra découvrir dans l’article de l’AFP
les autres mécontents et les raisons de
leur mécontentement ; comme si les
Américains ne guerroyaient pas en Syrie
sans le consentement du gouvernement
syrien ; comme si des hordes de
terroristes n’avaient pas franchi par
milliers les frontières syro-irakiennes
en direction de la Syrie avec le soutien
et sous le regard complaisant de la
coalition prétendument anti-Daech et
toujours pas vraiment anti-Al-Nosra;
comme si des civils n’étaient pas tombés
et ne continuaient pas à tomber quasi
quotidiennement sous le feu d cette
coalition ; comme si la coalition US
n’avait pas détruit petits et grands
ponts en Syrie ; comme si lorsque
l’objectif d’une bataille était atteint,
les tueries devaient se prolonger…
Un tollé
opportuniste ayant amené le Secrétaire
général du Hezbollah, Sayed Hassan
Nasrallah, à rédiger un Communiqué à
l’intention du peuple irakien ce 30
août, la vraie raison du raid étant
probablement donnée dans la brève du
jour de M. Nasser Kandil [Ndt].
Communiqué
de Sayed Hassan Nasrallah du 30 août
J'ai été
informé, aujourd’hui, des déclarations
d'un certain nombre de frères irakiens
responsables à propos des modalités de
la récente négociation concernant la
région du Qalamoun, et j’ai lu certains
commentaires émanant de différentes
personnalités irakiennes sur ce même
sujet. En toute fraternité et amitié,
j’aimerais y répondre comme suit :
1.
L'accord impliquait le transfert d’un
certain nombre d’éléments armés de Daech
et de leurs familles d’un territoire
syrien à un autre territoire syrien,
c'est-à-dire du Qalamoun ouest syrien à
Deir ez-Zor, ville syrienne. La majorité
des combattants concernés par ce
transfert sont Syriens, très peu d’entre
eux étant restés en territoire libanais.
2.
Le nombre de ceux qui ont été transférés
n’est pas considérable : 310 miliciens
armés, vaincus, qui se sont rendus et
qui ont perdu la volonté de se battre,
ne modifieront en rien l’équation de la
bataille au gouvernorat de Deir ez-Zor
où se trouvent, comme il se dit, des
dizaines de milliers de combattants.
3.
Leur destination est la ligne de front
dans le désert syrien [Al-badiya] où,
comme chacun le sait, l'Armée syrienne
et ses alliés mènent de rudes combats
depuis des mois, le Hezbollah ayant été
et demeurant le fer de lance des
attaques contre le groupe Daech, au prix
d’un grand nombre de martyrs. Par
conséquent, nous transférons ces
individus armés, défaits, d’un front où
nous combattons à un autre où nous
combattons.
4.
Au Liban, existait une question humaine
nationale et fédératrice concernant les
soldats libanais enlevés par Daech
depuis des années, et le consensus
libanais exigeait de connaître leur sort
afin de les libérer s'ils étaient en vie
ou de récupérer leurs dépouilles s'ils
étaient des martyrs. Finalement, le seul
et unique moyen de régler cette question
était de négocier avec ces groupes
armés, mais Daech refusait de révéler
leur sort. Après une très dure bataille
des deux côtés de la frontière syro-
libanaise et une fois que Daech a, en
grande partie, perdu de sa force et de
la surface territoriale qu’il
contrôlait, il s’est incliné. Le recours
à la solution militaire aurait été
possible et facile, mais aurait
compromis le règlement de cette
question.
5.
Je voudrais rappeler à nos chers frères
que, depuis le début de la guerre, le
Hezbollah combat de toutes ses forces,
et sur plusieurs fronts, les
organisations terroristes, takfiristes,
aux côtés de l'Armée syrienne ; laquelle
a toujours cherché à anéantir leurs
forces, sans jamais recourir à la
stratégie du confinement. Notre
objectif, à tous, est de vaincre les
takfiristes ; mais, concernant les
tactiques du combat, le commandement de
chaque champ de bataille est mieux à
même de savoir comment concrétiser la
victoire.
6.
Le Hezbollah n'a pas hésité à combattre
Daech partout où il a été appelé et là
où son devoir l’exigeait, vous le savez
bien. Comme vous savez qu’il n’est pas
celui dont les intentions, les
motivations, le courage et la
crédibilité pourraient prêter aux
doutes, et particulièrement dans cette
bataille. Tout comme il n’est pas
correct de pointer des doigts
accusateurs sur le gouvernement syrien,
car cet accord est un accord du
Hezbollah accepté par le gouvernement
syrien, dont l’Armée se bat toujours
contre Daech sur nombre de fronts : de
l'est de Hama, à l'est de Homs, au sud
de Raqqa, à l'ouest de Deir ez-Zor, dans
le désert syrien, au prix d’un grand
nombre de martyrs.
7.
Nous sommes fiers de notre participation
auprès de nos frères des factions de la
résistance héroïque irakienne ;
lesquelles se sont précipitées en Syrie,
dès les premiers jours de la guerre,
témoignant d’une vision claire alors que
d’autres discutaient encore du sexe des
anges. Nous nous sommes battus côte à
côte, notre sang s’étant mêlé au leur
sur plusieurs champs de bataille. Ces
héros irakiens se battent encore dans
les mêmes tranchées et modifient les
équations. En plus d’en être fiers, nous
apprécions leur présence permanente et
leurs immenses sacrifices dans la
défense de la nation et de ses causes
sacrées. Nous les en remercions. Pour
conclure, je félicite tous les Irakiens
pour leurs grandes victoires, de Mossoul
à Tal-Afar ; des victoires faites de
leur sang béni, de l’héroïsme de leurs
Forces armées et du Hachd al-chaabi. Et
je leur dis : notre combat est un ;
notre destin est un ; notre victoire sur
les takfiristes, les terroristes, leurs
alliés et leurs souteneurs parmi les
forces régionales ou internationales
sera historique ; et que rien,
absolument rien, ne pourra ébranler
notre fraternité.
Brève de
Nasser Kandil du 30 août
Le Premier
ministre irakien, Haïdar al-Abadi, a
défendu le Hachd al-chaabi, malgré
toutes les tentatives cherchant à
l’éloigner de la bataille. Il a tenu bon
face aux pressions américaines, aux
objections kurdes, aux menaces turques,
aux réactions locales, sans jamais
reculer. Il a refusé le plan ouvrant les
portes à Daech afin qu’il se retire de
Mossoul vers Al-Anbar et Deir ez-Zor. Il
a agi de même à Tal-Afar. Autant de
décisions contraires aux conseils et aux
pressions des Américains.
Or, le
retrait de 300 combattants armés de
Daech du Qalamoun vers l’est syrien près
des frontières syro-irakiennes, là où se
trouvent 10 000 autres de ses
combattants à Al-Mayadeen et à Deir
ez-Zor comme le disent les Américains,
ne modifie en rien les équilibres des
forces en présence et n’influe
absolument pas sur la sécurité en Irak
ou sur l’avenir de la bataille contre
Daech.
Dans ces
conditions qu’est-ce qui motiverait la
colère d’Al-Abadi, alors que seuls les
Américains sont visiblement gênés par ce
retrait qu’ils ont cru dirigé du
Qalamoun vers Deir ez-Zor, non vers Al-Boukamal ?
Un examen
minutieux, tenant compte des modalités
secrètes du retrait et de leurs
intentions déclarées ou implicites,
indique que les Américains avaient fini
par accepter l’idée que Deir ez-Zor soit
le champ d’une future bataille de
l’Armée syrienne contre Daech et, par
conséquent, ne voyaient pas
d’inconvénients à ce que ses éléments
armés y soient rassemblés avant d’être
exterminés.
Mais avant
cela et avant que l'Armée irakienne et
le Hachd al-chaabi n’atteignent Al-Qa’im
du côté irakien, ils voulaient tenir Al-Boukamal
via les groupes armés qu’ils commandent,
d’autant plus que les lignes
d’approvisionnement entre Deir ez-Zor et
Al-Boukamal sont trop difficiles pour
que Daech puisse s’en sortir. Ainsi, ils
espéraient enfin tenir une ligne rouge à
la frontière syro-irakienne, atout
précieux en prévision des négociations à
venir.
C’est ainsi
que le retrait vers Al-Boukamal a
perturbé les calculs des Américains, une
ville qui devra nécessairement être
libérée par les forces de l’Armée
syrienne et de la Résistance. En
revanche, ils ont probablement réussi à
faire croire aux Irakiens que l’arrivée
de ces quelques daechiens
supplémentaires, près de leur frontière,
menaçait leur future opération à
Al-Qa’im, et Al-Abadi a déclaré son
désaccord.
Al-Abadi est
excusable. Il demeure un allié de la
Résistance. De plus amples explications
lui parviendront et mettront fin aux
malentendus. La victoire de la
Résistance et de ses alliés, ainsi que
la solidité de ses alliances, ne seront
pas affectées par les attaques
américaines. La victoire est écrite.
30/08/2017
Sources :
[1] Syrie: un
raid de la coalition bloque un convoi de
jihadistes évacués du Liban
http://www.lalibre.be/dernieres-depeches/afp/syrie-un-raid-de-la-coalition-bloque-un-convoi-de-jihadistes-evacues-du-liban-59a6f297cd70d65d25b17cf7
[2] Al-Abadi
refuse l’accord entre Hezbollah et Daech
https://arabic.rt.com/middle_east/896369-%D8%A7%D9%84%D8%
[3]
بيان صادر
عن الأمين العام لحزب الله سماحة السيد
حسن نصر الله للشعب العراقي
http://almanar.com.lb/2542131
[4] Pourquoi
un tel tollé / Al-Abadi est exécusable
https://www.facebook.com/dimanassifofficial/posts/1639978522692484
http://www.al-binaa.com/archives/article/173282
Traduction
de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|