Syrie
Syrie : « sable et mort » ou
pétrole et gaz ?
Bouthaïna Chaabane
Mercredi 30 janvier 2019
À l'occasion de la nomination
d'Elliott Abrams [1] au poste d’envoyé
spécial pour le Venezuela, je souhaite
revenir sur un entretien de 2005 au
ministère des Affaires étrangères des
États-Unis où je m’étais rendue, en tant
que ministre des Émigrés, à la rencontre
de William Burns [2].
Présent à
cette réunion, Abrams se mit à me parler
des actions hostiles de la République
arabe syrienne contre les forces
d'invasion américaines en Irak,
décrivant la somme d’ennuis auxquels
elles se trouvaient confrontées à cause
de la détermination syrienne à les en
expulser ; notamment, en laissant passer
ceux qui combattaient ces forces
d’occupation par son territoire. Je
répondis que ce qu’il disait n'avait
rien à voir avec la réalité, que ses
sources lui avaient probablement
rapporté des informations très éloignées
des faits sur le terrain, et que j’étais
là pour lui apprendre certaines vérités
sur ce qui se passe dans notre région,
vu que nous y vivons et que nous sommes
les mieux placés pour en rendre compte.
À l’époque,
sa réponse me parut étrange. Il me dit :
« Mais qu’importe la vérité de ce qui se
passe dans le monde entier ? L’important
est le concept et l’image qui touchent
l’esprit des gens. Qu’ils soient
proches ou éloignés de la vérité est
secondaire et ne change rien à ce qui
est ». Je me souviens encore de mon
ressenti à cet instant précis où je
concentrais mon propre esprit sur la
façon de dialoguer avec une personne qui
ne se souciait que de l’image qu’elle
fabriquait et transmettait à autrui,
sans jamais se soucier de la vérité. Je
me souviens aussi que ma réunion avec
William Burns s’est achevée dans le hall
menant à l'ascenseur.
Depuis, je
n’ai cessé de comparer les agressions
menées par Israël, ses alliés américains
et, malheureusement, ses alliés arabes
contre nos pays et nos peuples,
aux multiples concepts divulgués en
Occident. C’est ainsi que, jour après
jour, j’ai en effet acquis la conviction
que le monde colonialiste, mené par le
sionisme international via son hégémonie
financière et médiatique sur l’ensemble
des régimes occidentaux, y compris les
États-Unis, concentre ses efforts sur la
fabrication d’une « image » qu’il
propage sans accorder la moindre
importance au fait qu’elle soit
partiellement ou totalement éloignée de
la réalité.
D’où leur
guerre criminelle dans toute sa
dimension terroriste aux niveaux
militaire, médiatique et économique
contre nos pays, prétendument au nom de
la liberté, de la démocratie, des droits
de l’homme, de la protection des civils
et autres images fabriquées selon les
concepts d’Abrams et de ses semblables
néo-sionistes.
Une guerre
dont le but manifestement essentiel
depuis l’invasion de l’Irak, la
destruction de la Libye, les manœuvres
en cours pour détruire la Syrie et le
Yémen, est le changement des régimes
en place, afin de les subordonner au
maître sioniste ayant mis les États-Unis
et les autres régimes occidentaux au
service de ses objectifs consistant à
contrôler ou à piller les richesses
naturelles des peuples et à
installer des types de gouvernance
garantissant la suprématie d’Israël,
même dans les cas où cela nuit à leurs
propres intérêts.
Par
conséquent, la plupart des guerres et
des coups d’État ou équivalents,
actuellement en cours dans différents
pays, sont fondés sur une règle simple
et facile à comprendre : derrière une
façade américaine, la seule souveraineté
qui compte en ce monde appartient au
maître sioniste. Lui seul aurait le
droit de modifier les orientations
politiques des uns et des autres dans le
sens de ses propres intérêts, comme si
Dieu lui avait donné la Terre en
héritage et le droit d’en disposer comme
il l’entend.
À partir de
là, nous pouvons clairement comprendre
pourquoi les coalisés combattent
certains dirigeants et épargnent
d’autres, le critère dominant étant
l’obéissance : celui qui s’incline peut
continuer à diriger le pays tant qu’il
leur donnera satisfaction ; celui qui
veut la souveraineté pour son pays et
son peuple sur ses options et ses
richesses nationales, il sera facile de
fabriquer des « concepts » et
des « images » justifiant une guerre
contre lui, contre son pays et son
peuple.
L’exemple
concret de ce qui précède se trouve dans
les multiples agressions du peuple
syrien, agressions principalement menées
par Israël dissimulé derrière une façade
américaine. Un exemple parfaitement
comparable aux agissements des
États-Unis au Venezuela, dans le but de
contrôler les plus grandes réserves de
pétrole au monde et les richesses
fabuleuses d’un pays qu’ils considèrent
comme leur arrière-cour.
Mais, si la
Syrie qualifiée par Donald Trump de pays
de « sable et de mort » [3] - ce
qu’elle n’est absolument pas- a
nécessité une telle mobilisation pour la
diviser et occuper certaines de ses
régions, le Venezuela est certainement
plus important, non seulement en raison
de ses énormes richesses suscitant
toutes les convoitises, mais aussi parce
que le contrôle éventuel de ses
orientations politiques garantirait leur
influence sur l'Amérique du Sud d’abord,
sur le reste des pays ensuite.
La Syrie et
le Venezuela sont donc deux exemples
démontrant que les États-Unis et
l’Occident en général, n’ont foi ni en
la souveraineté des États, ni en l’ordre
mondial issu de la Deuxième Guerre
Mondiale, ni en les conventions
internationales adoptées depuis.
Désormais, ils œuvrent ouvertement, nuit
et jour, à priver les États de leur
libre choix, en attendant de les priver
de leurs ressources naturelles et de les
transformer en suivistes soumis au
diktat occidental assurant la couverture
de l’entité sioniste.
Bouthaïna
Chaabane
La fille de la Terre
28/01/2019
Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source : Al-Watan (Syrie)
http://alwatan.sy/archives/184644
Notes :
[1][Venezuela :
Elliott Abrams, un faucon américain face
à Maduro]
[2][Note
de Karim Bouzida sur le sous-secrétaire
d’Etat William Burns]
[3][Donald
Trump describes Syria as 'sand and death']
Madame Bouthaïna Chaabane est
conseillère en politique et
communication du Président Bachar al-Assad
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Le
dossier Amérique latine
Le
dossier Syrie
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