Syrie
Résolution 2268 :
Intervention du
Docteur Bachar al-Jaafari
Délégué permanent de la Syrie
auprès des Nations Unies [Texte
intégral]
Lundi 29 février 2016
Lorsque sans se contenter de lire
ce qui est consigné dans les communiqués
de presse [1][2], on
écoute ce qu’a réellement déclaré
l’ambassadrice des États-Unis aux
Nations Unies, Mme Samantha Power, dans
la minute qui a suivi l’adoption à
l’unanimité de la Résolution 2268 [3]
appuyant l’accord américano-russe sur la
« cessation des hostilités » en Syrie,
il devient clair qu’il n’y a toujours
pas d’entente entre les deux blocs sur
l’avenir de la Syrie.
Et si l’on
cherche une inflexion significative de
lucidité et de bonne foi du côté
français, maintenant qu’un de nos médias
officiels nous a expliqué le « grand
aveuglement » [4] de nos
politiciens, il devient encore plus
clair que notre nouveau ministre des
Affaires étrangères est aussi aveugle
que son prédécesseur, puisqu’il a
déclaré le lendemain :
« L’application de cet accord
constituera un test de la disposition du
régime syrien, de la Russie, de l’Iran
et des milices qu’il arme, à rechercher
une solution négociée au conflit syrien
[…].La France
veillera, avec la plus stricte
vigilance, au respect des engagements
issus des communiqués de Vienne et de
Munich et des résolutions 2254 et 2268
du conseil de sécurité. Ce n’est que
dans ces conditions que les négociations
inter-syriennes sur les modalités d’une
transition politique pourront reprendre
sur des bases crédibles à Genève, sous
l’égide de l’envoyé spécial des Nations
unies, et selon les termes prévus par la
résolution 2254 du conseil de sécurité.
Au-delà, la France continuera d’apporter
son appui à l’opposition syrienne,
représentée par le haut conseil de
négociation de Riyad, qui s’est engagé
pour une Syrie démocratique, pluraliste
et respectueuse de sa diversité, et, au
plan politique, à soutenir ses
revendications légitimes en matière de
transition » [5].
La résolution
2268 serait un test de la disposition du
bloc adverse à rechercher une solution
négociée au conflit syrien, non une
chance de se débarrasser de serviteurs
terroristes instrumentalisés pour briser
la Syrie, mais qui commencent à
sérieusement menacer le monde
occidental, sans parler du moyen
d’éviter une guerre régionale qui risque
de s’étendre jusqu’aux confins de
l’Europe et de l’Asie ?
L’« Iran et
les milices qu’il arme », comprenez la
Résistance libanaise et notamment le
Hezbollah contre lequel l’Arabie
saoudite est en train de déchaîner,
après la Syrie et le Yémen, sa troisième
tempête haineuse sur le Liban, ce pays
ami dont on prétend vouloir sauvegarder
la stabilité.
M. Ayrault
rappelle les récents communiqués et les
récentes résolutions du Conseil de
sécurité, mais oublie curieusement la
résolution contraignante 2253, adoptée à
l’unanimité la veille de l’adoption de
la résolution 2254 ; laquelle résolution
2253 interdit tout soutien aux
organisations terroristes, telle « Ahrar
al-Cham », partie prenante de la
prétendue opposition syrienne
représentée par le haut conseil de
négociation de Riyad, dont les
représentants s’engagent tous les jours,
sur les ondes, pour une Syrie
anti-démocratique, islamiste et
allergique à toute diversité…
De quoi mieux
comprendre la réponse du Dr Bachar
al-Jaafari aux déclarations de certains
délégués permanents auprès des Nations
Unies [NdT].
Monsieur le
Président,
Comme vous le
savez, le gouvernement syrien ne s’est
épargné aucun effort pour arriver à un
règlement politique depuis le début de
la crise. Il l’a prouvé à maintes
reprises et n’a cessé de poursuivre
cette approche.
Partant de
son souci d’arrêter l’effusion du sang
syrien… le sang de nos enfants… nos
enfants à nous… de ramener la sécurité
et la stabilité, exécutant ainsi la
volonté du peuple syrien, il a
officiellement accepté de suspendre les
« opérations de combats » sur la base de
la poursuite des efforts militaires de
la lutte anti-terroriste, contre Daech,
le Front al-Nosra et les autres
organisations terroristes qui leur sont
subordonnées ainsi qu’à l’organisation
Al-Qaïda, conformément à la déclaration
commune américano-russe.
Le
gouvernement syrien considère que le
contenu de cette déclaration est un plan
important de règlements politiques et
confirme, à partir de cette tribune, sa
disposition à contribuer à l’application
de l’arrêt des combats.
Monsieur le
Président,
Pour garantir
le succès de la mise en œuvre de ce plan
à la date prévue, le gouvernement syrien
poursuit sa coordination avec la partie
russe pour définir les zones et les
groupes armés concernés par l’accord,
tant que son effet durera.
À cet égard,
nous insistons de nouveau sur
l’importance du contrôle des frontières
et de l’arrêt du soutien apporté par
certains États aux groupes armés afin
d’interdire à ces organisations de
renforcer leurs capacités ou de modifier
leurs positions ; ceci pour éviter ce
qui pourrait saper cet accord.
Tout comme
nous insistons sur le fait que nos
Forces armées conservent le droit de
répliquer à toute violation commise par
ces organisations terroristes contre
elles ou contre les citoyens syriens.
Monsieur le
Président,
La délégation
de la République arabe syrienne a
participé aux récents pourparlers de
Genève avec tout le sérieux requis et en
toute bonne foi, pour parvenir à un
règlement politique de la crise en mon
pays, la Syrie.
Aujourd’hui,
je répète que le gouvernement syrien est
prêt à participer efficacement à tout
effort sincère ayant pour but d’arriver
à un règlement politique aux termes
duquel les Syriens décident seuls de
leur avenir et de leurs choix, par le
dialogue entre Syriens, sous direction
syrienne, sans ingérence extérieure et
selon des modalités garantissant la
souveraineté, l'indépendance, l'unité et
l'intégrité territoriale de la Syrie,
telles que mentionnées dans le deuxième
paragraphe de l’introduction à la
résolution 2268 adoptée à l’instant.
Monsieur le
Président,
En
conséquence de ce qui précède, la balle
est de nouveau dans la cour des autres
parties, lesquelles devront prouver
leurs bonnes intentions et leur
véritable engagement à faciliter le
règlement politique de la crise en
Syrie, sans imposer des conditions
préalables au peuple syrien et sans
interférer dans ses affaires
intérieures, en cessant de soutenir ou
de couvrir le terrorisme et en mettant
fin aux pratiques de certains pays qui
empêchent le règlement politique.
Quant aux
Syriens, Monsieur le Président, ils sont
invités à travailler au renforcement de
la réconciliation nationale et à la
mobilisation de tous les efforts afin de
vaincre le terrorisme, de reconstruire
le pays, une nouvelle Syrie une et
indivisible aussi bien au niveau de son
peuple que de sa géographie, et de
préserver sa souveraineté et son
indépendance nationale.
Pour
terminer, Monsieur le Président, notre
collègue déléguée des États-Unis a
indiqué, dans sa déclaration, qu’à sa
connaissance le Front al-Nosra était
absent de Daraya, ville située dans la
banlieue de Damas. Ce discours est
totalement faux parce que le Front al-Nosra
est bien présent à Daraya. D’ailleurs,
voici encore une liste de centaines de
noms de terroristes tués en Syrie au
cours de l’année 2015. La plupart
d’entre eux appartiennent au Front al-Nosra
et à Daech, certains ayant été tués à
Daraya.
Le plus
important, Mesdames et Messieurs, est
que le vrai nom du Front al-Nosra est
« Organisation d’Al-Qaïda dans les Pays
du Levant », nom bien connu de vos
experts travaillant au sein des organes
subsidiaires chargés de la lutte contre
le terrorisme. Par conséquent, nous
parlons bien de l’Organisation Al-Qaïda.
Qui est le
chef du Front al-Nosra ? C’est Al-Joulani,
anciennement bras droit d’Al-Baghdadi,
le chef de Daech [EIIL ou EI], dont il
s’est séparé pour créer le « Front al-Nosra
en Syrie ». Nous parlons toujours de
l’Organisation Al-Qaïda.
Al-Joulani a
déclaré son allégeance à Al-Zawahiri, le
chef d’Al-Qaïda. Le Front al-Nosra est
donc effectivement lié à Al-Qaïda.
Al-Zawahiri a
désigné l’un de ses fidèles muftis
saoudiens auprès de Jabhat al-Nosra à
Idlib en Syrie, pour couper les têtes et
bouffer les foies et les cœurs. Le nom
de ce mufti saoudien est Abdullah
Mouhaisni et figure sur la liste du
Conseil de sécurité des entités et
individus soutenant le terrorisme.
Tel est le
Front al-Nosra que certains omettent de
citer dans leurs déclarations, avec sans
doute l’idée qu’ils pourraient
éventuellement les soustraire à la lutte
antiterroriste en Syrie.
Ceci dit, le
Front al-Nosra fait partie de « Ahrar
al-Cham », cette autre organisation
terroriste inventée par les Services de
renseignements turcs et qui sévit au
nord de la Syrie, près de la frontière
turco-syrienne.
Monsieur le
Président,
Dès
aujourd’hui et à peine la résolution
2268 adoptée, certains cherchent déjà à
outrepasser ses dispositions en évoquant
des sujets sans aucun rapport avec son
contenu. C’est pourquoi j’aimerais, à
partir de cette tribune, inviter les
délégués de pays membres qui ont parlé
de mon pays d’une manière inappropriée,
et en violation de la résolution 2268, à
commencer par se conformer, eux-mêmes, à
ses dispositions à l’intérieur de cette
salle, avant que nous exigions leur
respect à l'extérieur.
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies
26/02/2016
Source :
Vidéo / Al-Fadaiya [Syrie]
https://www.facebook.com/seyasi/videos/991964300879587/
Transcription
et traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1] Security Council Unanimously
Endorses Syria Cessation of Hostilities
Accord, Unanimously Adopting Resolution
2268 (2016)
http://reliefweb.int/report/syrian-arab-republic/security-council-unanimously-endorses-syria-cessation-hostilities-accord
[2] Le
Conseil de sécurité appuie l’accord sur
la cessation des hostilités en Syrie, à
quelques heures de son entrée en vigueur
http://www.un.org/press/fr/2016/cs12261.doc.htm
[3] Vidéo / Syria - Security Council,
7634th meeting [Intervention de Samantha
Powers vers 27’30”]
http://webtv.un.org/watch/syria-security-council-7634th-meeting/4776235812001
[4]
Un oeil sur la
planète - Syrie : le grand aveuglement -
18 février 2016
https://www.youtube.com/watch?v=Kh8FnLJFTMA
[5] Syrie -
Déclaration de Jean-Marc Ayrault -
Adoption de la résolution 2268 du
conseil de sécurité des Nations unies
(26 février 2016)
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/syrie/la-france-et-la-syrie/actualites-2016/article/syrie-declaration-de-jean-marc-ayrault-adoption-de-la-resolution-2268-du
Le
dossier Syrie
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Les dernières mises à jour
|