Liban
Liban / Une deuxième explosion qui
cible
les buts manqués par la première…
Nasser Kandil

Jeudi 27 août 2020
Nul
besoin d’une grande intelligence pour
constater l’existence d’une campagne
politique à l’intérieur du Liban dont le
programme ainsi que les objectifs ont
profité de l’explosion du port de
Beyrouth [le 4 août 2020] et de
l'ampleur de la catastrophe qu’elle a
engendrée.
Une
campagne qui a proposé tantôt la
neutralité du pays, tantôt le
désarmement de la Résistance, avant de
considérer que la voie du salut passait
par l’acceptation des conditions
requises par l’Occident et les Pays
arabes du Golfe, au premier rang
desquelles : le désarmement de la
Résistance libanaise sous-entendant la
sécurité d'Israël ; la liquidation de la
question palestinienne reposant sur la
priorité de la « normalisation » avec
cette même entité occupante ; l’oubli de
toute solution garantissant le retour
des réfugiés.
Et
ce, en faisant mine d’ignorer ce que
signifierait le renoncement aux armes de
la Résistance comme source de force pour
le Liban et le fait que la
naturalisation des réfugiés deviendrait
inévitable.
Ce
programme associé à l’explosion du port
de Beyrouth est différent de celui
adopté suite à l’explosion ayant mené à
l'assassinat du Premier ministre Rafiq
Hariri [le14 février 2005]. Lequel
programme reposait sur la priorité du
retrait de la Syrie du Liban, ce qui
s’est concrétisé [le 16 avril 2005]
conformément aux exigences de la
résolution 1559 du Conseil de sécurité
de l’ONU [adoptée le
2 septembre 2004 à l'initiative
conjointe de la France et des
États-Unis ; NdT].
Quant à
la Résistance libanaise, il fallait lui
laisser croire qu’elle n’était pas
particulièrement visée en attendant la
guerre israélienne qui se préparait [la
guerre de 2006], ses instigateurs
pariant qu’elle réglerait définitivement
le problème de son désarmement. Deux
objectifs qui n’ont plus lieu d’être
aujourd’hui, le premier étant hors
sujet, le second étant hors d’atteinte.
Mais cette
canalisation de la colère suscitée par
la « deuxième explosion » ayant détruit
le port de Beyrouth vers la Résistance
et ses armes n'est pas l’intitulé
exclusif des interventions politiques,
médiatiques ou cléricales internes. En
effet, l'intervention occidentale
initiée par le président français
Emmanuel Macron, lequel a préconisé un
gouvernement d'union nationale ouvert à
la Résistance, s’est soldée par nombre
de reculades destinées à laisser du
temps aux pressions exercées sur cette
même Résistance. Et ceci à l’ombre d'une
campagne médiatique externe reproduisant
la scène de la « première explosion »
ayant assassiné le Premier ministre
Hariri.
Ainsi, le
magazine allemand « Der Spiegel »,
lequel a promu l'enquête falsifiée sur
l’assassinat de feu Rafiq Hariri, avec
l’évidente bénédiction des services du
renseignement et des sources de
scénarios préfabriqués, remplit
aujourd’hui la même mission sous le même
titre : nécessité d’une enquête
internationale sur l’explosion du port
de Beyrouth et accusation de la
Résistance libanaise pour avoir
prétendument importé la cargaison de
nitrate d'ammonium.
Par
conséquent, vu la présence d’un système
médiatique libanais financé par les
États arabes du Golfe, rien n’empêche la
transformation d’un tel scénario en
projet de fabrication d’une opinion
publique, au service duquel seront créés
de faux témoignages et de faux récits.
L'expérience de l'enquête sur
l’assassinat de Rafiq Hariri, avec son
cortège de mensonges et de
falsifications, est toujours d’actualité
et il est indéniable qu’elle passait par
les médias avant même que les enquêteurs
[du Tribunal Spécial pour le Liban ou
TSL] ne se prononcent sur l’affaire.
Quant à
Israël, il ne nie pas avoir organisé
pour l’occasion une guerre psychologique
d’une grande ampleur. En effet, le
quotidien « Israel Today » a déclaré, en
substance, qu’une cellule d'opérations
gérée par le renseignement israélien est
chargée de diriger un réseau médiatique
étendu à l'intérieur et à l'extérieur du
pays, afin de saisir l'opportunité
offerte par l’explosion du port de
Beyrouth en menant une guerre
psychologique, susceptible de créer un
équilibre avec les retombées
psychologiques des victoires de la
Résistance dans la guerre qui les
oppose.
À
la lumière de toutes ces données
internes et externes, les questions
soulevées dès le premier jour se
renforcent ; à savoir : l’explosion du
port de Beyrouth est-elle le résultat
d'une coïncidence qu’il suffit
d’expliquer par la corruption et la
négligence, ou bien est-elle un épisode
reporté de la guerre de juillet 2006 ?
Une guerre que l'entité occupante n'ose
pas mener de front et, par conséquent,
adopte des techniques et des méthodes
avancées pour les guerres du
renseignement, afin de réussir là où la
première explosion de 2005 et la guerre
de 2006 ont échoué.
Au-delà des
tentatives de diabolisation et de
condamnation de la Résistance urbi et
orbi, cette dernière hypothèse est
motivée par une simple question
concernant le lien entre l’explosion du
port de Beyrouth et la normalisation des
relations entre les Émirats arabes unis
et Israël [annoncée le 13 août par
Donald Trump ; NdT].
 Une
normalisation qui tourne autour de la
transformation du port de Haïfa en
premier port de la Méditerranée, vu
qu’il serait devenu la seule porte
d’importations de l’Europe vers le Golfe
et, éventuellement, un port de transit
de la Chine vers l’Europe en association
avec le port de Dubaï. Ce qui est
impossible sans la suppression du port
de Beyrouth de la carte économique
pendant un temps suffisant pour
justifier le recours à l’entrepôt
commercial du Golfe, représenté par les
Émirats, en tant que port alternatif ?
Nasser
Kandil
25/08/ 2020
Traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source :
Al-Binaa (Liban)
https://www.al-binaa.com/archives/263318
Nasser Kandil est un
homme politique libanais, ancien député,
et Rédacteur en chef du quotidien
libanais « Al-Binaa »
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