Liban
Face à la tempête : Gaz contre
nourriture
Que compte faire le Hezbollah face
au blocus américain qui se prépare ?
(4/4)
Nidal Hamade

Mardi 19 novembre 2019
Actuellement en visite au Liban
dans le cadre d’un colloque sur les
États fragiles, un expert du Fonds
Monétaire International [FMI] rappelle
la crise financière étouffante vécue par
la Syrie en 1986 ; la Banque centrale
syrienne ne disposant plus de monnaies
difficiles. Il affirme qu’à l’époque, la
Banque mondiale avait proposé un prêt à
feu le président Hafez al-Assad, lequel
l’a refusé, pour la bonne raison qu’à
l’époque le point fort de la politique
syrienne reposait sur une stratégie de
sécurité alimentaire. La Syrie était, en
effet, autosuffisante du point de vue
alimentaire, exportait du blé et du
bétail, en plus de produire toutes les
denrées dont le pays avait besoin.
L’expert ajoute qu’à la même époque, du
pétrole avait été découvert à Deir
ez-Zor, ses revenus ayant rendu inutile
l’emprunt auprès du FMI.
Contrairement
à la Syrie, la nourriture semble être le
plus gros problème auquel sera confronté
le Liban au cas où les pressions
américaines continueront à harasser les
libanais par le biais de leur économie.
Le pays ne dispose d’aucune sécurité
alimentaire et importe pratiquement
toute sa nourriture de l’étranger. Pour
mesurer l’ampleur du danger et de la
catastrophe qui nous guettent si les
pressions se maintiennent et que nous ne
réagissons pas, il suffit de passer en
revue une brève liste de ce que nous
importons.
Le Liban
importe le blé, l’orge et toutes sortes
de céréales, de fruits, de légumes, de
bétail, de viandes et de médicaments,
payant le tout en monnaie forte devenue
réellement difficile à trouver dans le
pays. Et c’est dans le cadre de cette
pénurie en dollars et en devises fortes
que l’Amérique se prépare à agir contre
nous par son opération de pression
financière empêchant l’importation de
matières premières. Le Hezbollah l’a
bien compris.
Le
discours du Secrétaire général du
Hezbollah parlant de la Chine, de la
Russie, de l'Iran et de l’intérêt du
Liban à modifier les alliances de son
État profond ne fait qu’exprimer son
souci de voir l’État ne pas réussir à
assurer aux Libanais cette sécurité
alimentaire. Et, par conséquent, exprime
la nécessité de trouver des solutions de
remplacement capables de faire face à la
deuxième phase du plan.
Une
deuxième phase selon un modèle de « gaz
contre nourriture», comme ce fut le cas
pour l'Irak dans la phase « pétrole
contre nourriture » dans les années
quatre-vingt-dix. Or, toutes
les infrastructures économiques et
alimentaires du Liban sont prédisposées
à l’application d’un tel modèle, les
États-Unis n’ayant même pas besoin, ici,
d’une résolution du Conseil de sécurité,
vu que le Liban est en faillite et se
trouve dans l’impossibilité de payer, en
devises fortes, ce dont il a besoin.
Depuis les années quatre-vingt-dix, la
politique économique de M. Rafic Hariri
a systématiquement détruit l'agriculture
libanaise et conduit le pays à importer
l'essentiel de sa nourriture. Même
la contamination des
rivières est due à la stratégie ayant
mené à l’élimination du secteur agricole
et, par conséquent, à l’insécurité
alimentaire. Stratégie doublée d’une
politique d’endettement, non moins
dangereuse, auprès de la Banque mondiale
et d’institutions monétaires étrangères
à des taux d’intérêt élevés dans le
cadre de ce que l’on appelle
l’ingénierie financière, laquelle n’a
servi, en réalité, qu’à la plus grosse
opération de vol et d’arnaque qu’ait
connue un État de ce monde.
Le Hezbollah
travaille discrètement et depuis un
certain temps sur ce problème, à
commencer par celui des médicaments
qu’il importe d’Iran en les payant en
Livres libanaises et dont la qualité
répond aux critères internationaux. Ses
partisans peuvent se les procurer dans
ses entrepôts à prix réduit. Un modèle
qu’il pense appliquer à la nourriture,
au carburant et à tout ce qui participe
aux besoins élémentaires de la vie
quotidienne et à la sécurité
alimentaire, via les pays alliés
mentionnés dans le dernier discours de
Sayed Hassan Nasrallah [*].
En effet, La
Chine et la Russie sont prêtes à
investir et à financer dans le pays. Et
l’Iran est disposé à faire de même, sur
un long terme et en monnaie locale, afin
d’amener le Liban à un niveau suffisant
d’indépendance quant à sa consommation
électrique, tout comme il est disposé à
nous consentir des facilités de paiement
dans les secteurs des carburants et de
la construction.
Quant au
Hezbollah qui est militairement déployé
au passage frontalier d’Abou Kamal, à la
frontière syro-irakienne, il est prêt à
faire en sorte qu’il serve à
l'exportation des récoltes libanaises,
de légumes et de fruits, vers le grand
marché irakien. Par ailleurs, il est
facile pour le Liban de satisfaire ses
besoins en blé, céréales et bétail en
les achetant à la Syrie, à des prix
inférieurs aux prix internationaux et en
Livres libanaises.
 Cette
stratégie du Hezbollah se justifie par
le fait qu’au matin du 17 octobre
dernier, les Libanais de toutes les
couleurs se sont retrouvés dans un pays
sans institutions, tout au long d’un
mois de débordements dans les rues.
Le Hezbollah
est parfaitement conscient de
l’implication des États-Unis dans le
mouvement de protestation qui secoue le
pays, mouvement qu’ils exploiteront au
maximum pour s’en prendre aux armes de
la Résistance. Il travaille en partant
du principe que, dans l’esprit des
Américains, la durée de ce mouvement est
illimitée et que lui faire face
nécessitera la prise de décisions
difficiles au moment opportun.
Il est
également conscient que l'usage des
armes au cours de cette crise n’est
utile qu’aux frontières. C’est pourquoi
il s’emploie à construire des lignes de
défense du pays, aidé en cela par les
indications et les informations publiées
dans cette série de quatre articles.
Cependant, il
est certain que ce qui n’a pas été
dévoilé est plus vicieux et encore plus
dangereux…
Nidal
Hamade
Journaliste
libanais (Paris)
16/11/2019
Traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source :
Al-Binaa
https://www.al-binaa.com/archives/article/223280
[*] [S.
Nasrallah charge le rôle des USA au
Liban : les corrompus sont leurs alliés…
ils veulent couper la seule main qui
défend le pays]
Extrait :
« J’appelle le prochain
gouvernement à aller en Chine et à
ouvrir le Liban aux sociétés chinoises…
Vous allez voir que les Usa l’en
empêcheront… Aujourd’hui, l’une des
raisons de la colère des USA contre le
Premier ministre irakien Adel Abdel
Mehdi est qu’il a tenté d’ouvrir une
nouvelle perspective économique et
commerciale avec la Chine…Nous pouvons
ouvrir la porte aux sociétés chinoises.
Celles-ci se trouvent d’ailleurs en
Syrie, parce que le gouvernement syrien
n’a pas peur de traiter avec la Chine
car il est en dehors de l’emprise
américaine… Il faut savoir que cette
affaire n’a rien à voir avec le
Hezbollah. Si l’un des cabinets
ministériels était pour le Hezbollah, il
aurait tissé des liens avec la Chine
depuis longtemps et nous aurions dit aux
Américains de nous laisser
tranquilles… »
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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